Décision du 19 septembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01509

Notez ce point juridique

19/09/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/01509

N° Portalis DBVI-V-B7F-OCNJ

AMR / RC

Décision déférée du 04 Mars 2021 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE (18/02883)

MME GAUMET

S.A. MMA IARD

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

S.A.R.L. LA FINANCIERE DU MIDI

C/

[D] [Z]

S.A.S.U. [R] ET ASSOCIES MANDATAIRE JUDICIAIRES

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTES

S.A. MMA IARD

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés du Mans sous le numéro 440 048 882, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre JOURDON de la SCP BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés du Mans sous le numéro 775 652 123, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre JOURDON de la SCP BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.R.L. LA FINANCIERE DU MIDI

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse sous le numéro 494 263 221, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre JOURDON de la SCP BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [D] [Z]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me Dominica DE BELSUNCE, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S.U. [R] ET ASSOCIES MANDATAIRE JUDICIAIRES

Es-qualités de « Mandataire ad’hoc » de la « SARL BRUNO PEREZ FINANCE ET CONSEIL (BPFC) »

[Adresse 2]

[Localité 4]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A.M ROBERT, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. ROUGER, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. ROUGER, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

Exposé du litige

******

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

En 2008 et 2009, M. [D] [Z] a, par l’intermédiaire de la Sarl Bruno Perez Finance et Conseil (la Sarl BPFC) puis de la Sarl La Financière Du Midi, donné mandat à la société Dom-Tom Défiscalisation de rechercher un investissement de type ‘Girardin industriel’ éligible au dispositif de défiscalisation réservé aux entreprises exerçant leur activité dans les départements et territoires d’outre- mer.

La société Dom-Tom Défiscalisation lui a proposé une opération de défiscalisation qui consistait à acquérir de la société Lynx Industries, par l’intermédiaire de sociétés en participation (SEP), des matériaux photovoltaïques en vue de les louer pendant 5 ans au minimum, dans des conditions fixées par les articles 199 undecies A/B et 217 undecies et duodecies du code général des impôts.

Il a, dans ce cadre, libéré des apports au profit de la société Dom-Tom Défiscalisation :

– à hauteur de 21 700 €, le 27 octobre 2008,

– à hauteur de 23 400 €, le 30 avril 2009.

Les 12 novembre 2008 et 8 septembre 2009, la société Dom-Tom Défiscalisation lui a adressé les attestations d’investissement pour les années fiscales 2009 et 2010.

Le 27 octobre 2011, la Direction Générale des Finances Publiques a informé M. [Z] qu’elle allait procéder au rappel des réductions d’impôts dont il avait bénéficié, à hauteur de 48 977 € pour les revenus de l’année 2008 et de 50 156 € pour les revenus de l’année 2009, soit au total la somme de 99 133 €, au motif que les investissements allégués ne répondaient pas aux conditions légales prévues à l’article 199 undecies B du code général des impôts.

M. [Z] a contesté la position de l’administration fiscale devant le tribunal administratif de

Toulouse qui, par jugement en date du 12 juillet 2016, a rejeté sa requête.

Le 24 février 2017, le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. [U] [W], alias [G] [O] [V], président de Lynx Finances Group, notamment pour des faits d’escroqueries commis entre décembre 2004 et mai 2010 en employant des man’uvres frauduleuses consistant à faire inscrire, par l’intermédiaire de conseils en investissement et de conseils en gestion de patrimoine, un produit de défiscalisation dans les énergies renouvelables des Antilles françaises sous le couvert d’une société dénommée Dom-Tom Défiscalisation, entreprise apparente, dont il était le dirigeant de fait puis de droit pour les déterminer ainsi, à leur préjudice, à remettre des fonds pour une somme totale de 56.142.251 €.

Par exploit du 26 octobre 2016, M. [Z] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre les sociétés BPFC et La Financière du Midi, en leur qualité de conseils en investissements financiers (CIF) et les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, en qualité d’assureurs responsabilité civile professionnelle de la société La Financière du Midi, aux fins d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices, financier et moral, subis en raison du manquement de ces sociétés à leurs devoirs de conseil et d’information.

Suivant jugement du 17 novembre 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au profit de la société BPFC et a désigné maître [R] en qualité de mandataire liquidateur.

Par exploit du 21 juin 2017, M. [Z] a fait citer ce dernier ès qualités devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Le 20 novembre 2017, la jonction des instances a été ordonnée.

Par ordonnance en date du 16 mars 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré ledit tribunal incompétent territorialement et a renvoyé l’affaire devant le tribunal de grande instance de Toulouse.

Les opérations de liquidation de la Sarl Bpfc ont été clôturées pour insuffisance d’actif le 22 novembre 2018.

Suivant ordonnance du 5 juillet 2019, le président du tribunal de commerce de Toulouse a désigné la Sas [R] et Associés Mandataires Judiciaires prise en la personne de maître [L] [R] en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de représenter la Sarl BPFC dans le cadre de la présente procédure.

Suivant acte d’huissier de justice en date du 2 août 2019, M. [Z] a appelé dans la cause M. [L] [R] en qualité de mandataire ad hoc de la Sarl BPFC.

Les affaires ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 2 septembre 2019.

Par jugement réputé contradictoire du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– condamné in solidum la Sarl La Financière Du Midi, la Sa Mma Iard et Mma Assurances Mutuelles, toutes deux venant aux droits de la Sa Covea Risks, à payer à M. [D] [Z] la somme de 45 204,10 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016,

– dit que la Sa Mma Iard et la société d’assurance mutuelle à cotisations fixes Mma Iard Assurances Mutuelles, toutes deux venant aux droits de le Sa Covea Risks, sont bien fondées à opposer à la Sarl La Financière Du Midi la franchise contractuelle de 15 000 euros,

– fixé au passif de la Sarl Bruno Perez Finance Et Conseil, représentée par Maître [R], son mandataire ad hoc, une créance au profit de M. [D] [Z] d’un montant de 39 259,40 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016,

– débouté M. [D] [Z] de ses autres demandes de dommages et intérêts ;

– débouté M. [D] [Z] de ses demandes formées à l’encontre la Sa Mma Iard et de la société d’assurance mutuelle à cotisations fixes Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités d’assureurs de la Sarl Bruno Perez Finance Et Conseil,

– condamné in solidum la Sarl La Financière Du Midi, la Sa Mma Iard et la société d’assurance mutuelle à cotisations fixes Mma Iard Assurances Mutuelles, aux dépens de l’instance,

– condamné in solidum la Sarl La Financière Du Midi, la Sa Mma Iard et la société d’assurance mutuelle à cotisations fixes Mma Iard Assurances Mutuelles, à payer à M. [D] [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties des autres demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que les sociétés Bpfc et La Financière du Midi n’avaient pas agi en qualité de conseils en investissements financiers et n’étaient donc pas soumises aux obligations particulières mises à la charge de ces derniers notamment en vertu du règlement général de l’autorité des marchés financiers qui leur impose de soumettre à leurs clients, avant de formuler un conseil, une lettre de mission comprenant un certain nombre d’indications énumérées dans le règlement.

Il a estimé que ces sociétés avaient agi en qualité de conseils en gestion de patrimoine et avaient à ce titre engagé leur responsabilité civile sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil pour manquement à leur devoir de conseil et leur obligation de prudence.

Le tribunal a considéré que ces fautes étaient en lien de causalité direct avec le préjudice subi par M. [Z], constitué par la perte de chance de pouvoir bénéficier des avantages fiscaux litigieux, qu’il a évaluée à 70%, et par le paiement d’intérêts de retard et de majorations.

Il a en revanche estimé que les sommes investies, qui n’avaient pas vocation à être remboursées à M. [Z], ne constituaient pas un préjudice et que le préjudice moral éventuellement subi par ce dernier était imputable aux faits d’escroqueries commis notamment par M. [W] et il dont il n’est pas établi que les conseillers en gestion de patrimoine aient eu connaissance.

Par déclaration du 31 mars 2021, la Sa Mma Iard, la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles et la Sarl La Financière du Midi ont relevé appel de ce jugement, en intimant M. [Z] et la Sasu [R] et Associés Mandataires Judiciaires ès qualités, en ce qu’il a :

– jugé que la responsabilité de la Sarl La Financière Du Midi est engagée du fait de manquements à ses obligations d’information et de conseil,

– condamné in solidum la Sarl La Financière Du Midi, Sa Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, toutes deux venant aux droits de la Sa Covea Risks, à payer à M. [Z] la somme de 45 204,10 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016,

– condamné in solidum la Sarl La Financière Du Midi, Sa Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles, toutes deux venant aux droits de la Sa Covea Risks, à payer à M. [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Moyens

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 954 alinéa 5 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. En vertu de l’article 472 du code de procédure civile la cour doit statuer sur le fond et ne peut faire droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Au regard des termes de la déclaration d’appel et du dispositif des dernières conclusions de M. [Z], les dispositions du jugement ayant fixé au passif de la Sarl Bruno Perez Finance et Conseil, représentée par Maître [R], son mandataire ad hoc, une créance au profit de M. [D] [Z] d’un montant de 39 259,40 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016, débouté M. [D] [Z] de ses autres demandes de dommages et intérêts (à l’égard de la Sarl Bruno Parez Finance et Conseil) et débouté M. [D] [Z] de ses demandes formées à l’encontre la Sa Mma Iard et de la société d’assurance mutuelle à cotisations fixes Mma Iard Assurances Mutuelles ès qualités d’assureurs de la Sarl Bruno Perez Finance Et Conseil n’ont fait l’objet ni d’un appel, ni d’un appel incident, de sorte que la cour n’est pas saisie de ces dispositions.

La responsabilité de la Sarl La Financière du Midi

M. [Z] recherche la responsabilité de cette société, tant en sa qualité de conseil en investissement financier, activité réglementée soumise aux dispositions du code monétaire et financier, qu’en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine, pour manquement à ses obligations de prudence, de conseil et d’information.

Les conseillers en investissements doivent notamment soumettre à leurs clients, avant de formuler un conseil, une lettre de mission comprenant un certain nombre d’indications énumérées dans le règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers, ce que n’a pas fait la Sarl La Financière du Midi.

Cet élément n’a en soi aucun impact sur l’appréciation de la responsabilité contractuelle de cette dernière puisque l’activité, certes non réglementée, de conseil en gestion de patrimoine est soumise, en vertu des dispositions de l’article 1147 devenu 1231-1 du code civil, à certaines obligations, notamment de prudence, d’information et de conseil.

En l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en considérant que la Sarl La Financière du Midi a engagé sa responsabilité civile contractuelle pour manquements à ses obligations de prudence, d’information et de conseil en relevant notamment que :

– son attention aurait dû être attirée par le montage proposé qui démontre qu’il s’agit d’une intégration verticale entièrement pilotée par la société Lynx, celle-ci acquérant des matériels de production photovoltaïque, vendus à des Sep gérées par la société Dom-Tom Défiscalisation dont l’associé unique est le gérant de Lynx, financées à hauteur de 60 % par un crédit fournisseur de la société Lynx, la présentation de l’opération comme permettant aux investisseurs d’obtenir des rendements largement supérieurs à ceux habituellement réalisés mais aussi aux intermédiaires de bénéficier d’une rémunération particulièrement attractive et le fait que la société DomTom défiscalisation s’était placée sous le dispositif Girardin industriel dit ‘de plein droit’ c’est-à-dire sans agrément préalable délivré par les services fiscaux en plafonnant l’investissement par projet à 300 000 €, le caractère atypique de ce montage ayant été relevé par le tribunal correctionnel de Paris dans son jugement du 24 février 2017 ;

– les documents dont elle se prévaut émanent directement ou indirectement des acteurs de l’opération de défiscalisation litigieuse et ne présentent aucune garantie d’indépendance et d’impartialité de sorte que les prétendues vérifications opérées par elle reposent en réalité sur des consultations de cabinets d’avocats qui sont impropres à attester de la fiabilité et du sérieux de l’opération et sur des notes du ministère de l’économie qui n’ont pas la portée qu’elle veut leur accorder, M. [E], Contrôleur Général Economique et financier indiquant dans une lettre adressée le 2 avril 2009 à « M. [V] » qu’il lui confirme que «l’administration fiscale n’a jamais été alertée ou saisie sur la régularité fiscale du produit proposé par Dtd garanti par Lynx Industries » et que « les allégations de ses concurrents n’engagent qu’eux-mêmes » ;

– elle aurait pu et dû exiger des sociétés Dtd et Lynx Industries de justifier des investissements réalisés avec les apports de leurs précédents clients puisqu’il résulte du jugement du tribunal correctionnel de Paris que les conseillers en gestion de patrimoine avaient commencé à proposer et vendre le produit Dtd ‘solaires’ aux contribuables à compter du dernier trimestre 2007, l’enquête menée par l’administration fiscale ayant permis d’établir que seule une part infime des souscriptions collectées a servi à l’acquisition et l’importation d’investissements et qu’aucun investissement n’a fait l’objet d’une installation opérationnelle.

Il doit être relevé en outre que le dossier de présentation remis à M. [Z] n’appelle pas précisément l’attention sur les risques éventuels de l’opération liés à l’appréciation a posteriori de la déductibilité des investissements par l’administration fiscale, conduisant à une éventuelle remise en cause de l’opération, mais au contraire mentionnent que « …..l’objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu’elle monte en SEP est le risque zéro pour les investisseurs qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la Loi Paul-Girardin Industrielle…. ».

Or, il résulte d’une jurisprudence constante et abondante du Conseil d’Etat au cours des années 2006 à 2011 que « la réalisation des investissements » visée à l’article 199 undecies B du code général de impôts correspond au début de leur exploitation effective qui suppose leur mise en capacité opérationnelle, soit pour des installations photovoltaïques leur raccordement, de sorte que les immobilisations non réalisées au 31 décembre d’une année ne peuvent donner lieu à réduction d’impôt au titre de cette année.

Cette position, ancienne, de l’administration, consacrée par décret du 27 juillet 2015, ne pouvait être ignorée par la Sarl La Financière du Midi en sa qualité de professionnelle chargée de rechercher un investissement permettant la défiscalisation.

La Financière du Midi produit une « Attestation de garantie de risque fiscal » non datée signée de M. [G] [O] [V] (alias [I] [W]) et à l’en-tête de Lynx Industries mais la mention d’une telle garantie, qui est par essence destinée à supprimer tout risque fiscal, ne peut être considérée comme une information claire et explicite du souscripteur sur le contenu de la règle fiscale applicable, c’est à dire sur l’ensemble des conditions exigées par la loi dite Girardin industriel et, notamment, sur l’aléa résultant de la condition de raccordement effectif au 31 décembre de l’année considérée.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la Sarl La Financière du Midi a manqué à ses obligations de prudence, de conseil et d’information, le jugement étant confirmé sur ce point.

Le préjudice

M. [Z] demande réparation intégrale de son préjudice constitué de la somme investie, du gain fiscal perdu, des majorations et intérêts de retard .

Il fait valoir que dès l’origine du contrat il ne pouvait espérer aucune exécution de celui-ci de sorte qu’il existe un lien direct entre la perte et les manquements, précisant qu’il n’aurait pas contracté s’il avait reçu une information et un conseil pertinents et clairs, que la faute de la Sarl La Financière du Midi a eu pour conséquence de le priver des informations nécessaires qui l’auraient amené à ne pas contracter ou à échapper, par une décision plus judicieuse, au risque qui s’est réalisé, qu’il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre et n’aurait pas perdu son capital puisque si La Financière du Midi avait correctement effectué son travail, elle aurait recherché, sélectionné et proposé d’autres investissements auprès d’autres opérateurs existant sur le marché, ce qui lui aurait permis d’obtenir la même réduction d’impôt.

Les appelantes soutiennent qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la faute et l’impossibilité pour l’investisseur de bénéficier de la réduction fiscale, laquelle n’a pour seule origine que l’escroquerie élaborée par M. [W].

Sur le préjudice, elles font valoir notamment que :

– M. [Z] ne justifie ni d’avoir acquitté la somme correspondant au redressement ni d’avoir versé la somme investie,

– il ne démontre pas qu’une solution fiscale alternative aurait existé, qu’il aurait consenti à l’adopter et qu’elle lui aurait certainement permis de bénéficier d’un avantage au moins équivalent à celui qu’il n’a pu obtenir,

– les intérêts réclamés par l’administration fiscale ne constituent pas un préjudice actuel et certain dans la mesure où ces sommes ont été compensées par l’avantage tiré, par le contribuable, de la conservation du montant de l’impôt dû jusqu’à son versement à l’administration fiscale,

– tout investissement dans le cadre d’un programme de défiscalisation est effectué en contre-partie d’un apport financier dont l’investisseur aurait de toute façon supporté le coût.

Il résulte des dispositions de l’article 1147 ancien devenu 1231-1 du code civil que le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf s’il est établi que dûment informé ou dûment conseillé il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt ou aurait acquitté un impôt moindre.

Comme développé plus haut, il est établi que la société La Financière du Midi a manqué à ses obligations de prudence, de conseil et d’information, cette faute étant distincte de celle du monteur de l’instrument de défiscalisation et de l’escroquerie commise notamment par M. [W]. En effet si la société La Financière du Midi s’était correctement renseignée sur le montage et le produit proposés par la société Dom-Tom Défiscalisation ainsi que sur la doctrine administrative afférente à la défiscalisation de type Girardin Industriel qu’elle ne pouvait ignorer et donc si elle avait correctement informé M. [Z] d’une part sur le contenu de la règle fiscale applicable, c’est à dire sur l’ensemble des conditions exigées par la loi dite Girardin industriel et, notamment, sur l’aléa résultant de la condition de raccordement effectif au 31 décembre de l’année considérée et d’autre part sur les risques présentés par l’opération telle que proposée par la société Dom-Tom Défiscalisation, M. [Z] aurait pu refuser de contracter et, comme il le relève lui-même, opter pour d’autres opérateurs de défiscalisation existant sur le marché, de sorte que, eu égard au risque inhérent à tout placement, il a perdu une chance de ne pas payer l’impôt rectifié outre les intérêts et les pénalités, perte de chance qui, au regard de la nature et de l’importance économique des informations omises, peut être évaluée à 70%.

Le versement par M. [Z] de l’investissement à hauteur de la somme de 23400 € est établi par le document intitulé « Engagement de libération d’apport » qu’il a signé le 30 avril 2009 et la délivrance par la société Dom-Tom Défiscalisation de l’attestation fiscale correspondante et le redressement fiscal dont il a fait l’objet est établi par la proposition de rectification qui lui a été adressée par lettre recommandée par l’administration fiscale le 27 octobre 2011 ainsi que par l’avis des sommes à payer qui lui a été adressé le 7 octobre 2016 suite au rejet de sa réclamation par le tribunal administratif.

Il ressort cependant des termes du « Dossier de présentation » de l’opération, émis par la société Dtd et remis à M. [Z], (page 7) que « Sur le plan de la trésorerie, afin de souscrire aux parts des Sep, les associés réalisent un apport en numéraire, par principe non-récupérable (‘). Cet apport est affecté au règlement des fournisseurs, des frais d’ingénierie et permet de faire face aux frais et charges de la Sep durant toute son existence ». La perte du capital investi ne peut ainsi constituer un préjudice indemnisable, le jugement étant confirmé sur ce point.

Il ressort de la proposition de rectification et de l’avis des sommes à payer émanant de l’administration fiscale que M. [Z] a dû régler, au titre de la période d’imposition du 1er janvier au 31 décembre 2009 :

– la somme de 43173 € au titre de la réduction d’impôt dont il avait bénéficié,

– la somme de 2666 € au titre des intérêts de retard,

– la somme de 4317 € au titre de la majoration de 10%.

Il a en outre été privé du report sur l’année 2010 issu de la réduction accordée à tort et qui lui aurait procuré un gain de 30% soit 7020 €.

Concernant les intérêts de retard ils ont été calculés par l’administration au taux de 0,40 % du 1er juillet 2010 au 31 octobre 2011. Au regard de l’avantage financier procuré par la conservation dans le patrimoine de M. [Z], jusqu’à son recouvrement par l’administration fiscale, du montant de la réduction d’impôts de 43173 € dont il était redevable, de 2010 jusqu’au 7 octobre 2016, il ne subsiste aucun préjudice de ce chef.

Le préjudice de M. [Z] s’établit en conséquence à la somme de 50 193 € (43173+7020) x 70% soit 35 132,40 € outre la somme de 4317 € qu’il a dû régler au titre de la majoration de 10%, soit au total à la somme de 39452,10 € outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 4 mars 2021, date du jugement, conformément aux dispositions finales de l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, le jugement étant partiellement infirmé sur le quantum.

Les tracas divers causés par cette situation justifient d’allouer en outre à M. [Z] la somme de 5000 € à titre de préjudice moral outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 4 mars 2021, date du jugement, conformément aux dispositions finales de l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, le jugement étant infirmé sur ce point.

La garantie des Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles

Les Mma ne contestent pas leur garantie sauf à voir appliquer la franchise contractuelle de 15000 € une seule fois pour l’ensemble des réclamations formées à l’encontre de son assurée eu égard au caractère sériel du sinistre lié à l’opération Dtd sur le fondement de l’article L 124-1-1 du code des assurances et demandent subsidiairement l’application de cette franchise dans son intégralité à la réclamation formée par M. [Z] pour le sinistre lié à son investissement.

Le caractère sériel d’un sinistre a une incidence non seulement sur la franchise applicable mais aussi sur le plafond de garantie.

Les dispositions de l’article L 124-1-1 du code des assurances ne sont pas applicables en l’espèce s’agissant d’une responsabilité encourue pour manquements d’un professionnel à ses obligations d’information et de conseil qui sont individualisées par nature, excluant ainsi l’existence d’une cause technique permettant de les assimiler à un fait dommageable unique.

Le sinistre ne revêt donc pas un caractère sériel et la franchise contractuellement prévue doit trouver application dans son intégralité.

Les Mma seront donc condamnées, sous réserve de cette franchise contractuelle de 15.000 € opposable à la victime du dommage, in solidum avec la Sarl La Financière du Midi à indemniser M. [Z] de ses préjudices.

Les demandes accessoires

Confirmé pour l’essentiel de ses dispositions principales le jugement entrepris doit aussi être confirmé quant à ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant en appel, la Sarl La Financière du Midi, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles supporteront les dépens d’appel et se trouvent redevables d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir elles-mêmes prétendre à l’application de ce texte à leur profit.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de sa saisine,

– confirme le jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse sauf ses dispositions concernant le quantum du préjudice financier, le rejet du préjudice moral et le point de départ des intérêts moratoires ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

– Condamne in solidum la Sarl La Financière du Midi, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles, ces dernières sous réserve de la franchise contractuelle de 15.000 €, à payer à M. [D] [Z] la somme de 39452,10 € au titre de son préjudice financier et celle de 5000 € au titre de son préjudice moral outre les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 4 mars 2021 ;

– Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts ;

– Dit que le sinistre lié à l’opération de défiscalisation Dom-Tom Défiscalisation ne revêt pas un caractère sériel ;

– Dit que la franchise d’un montant de 15000 € stipulée dans le contrat d’assurance s’applique intégralement à la réclamation formée par M. [Z] ;

– Condamne in solidum la Sarl La Financière du Midi, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles aux dépens d’appel ;

– Condamne in solidum la Sarl La Financière du Midi, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [D] [Z] la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

– Déboute la Sarl La Financière du Midi, la Sa Mma Iard et la Sa Mma Iard Assurances Mutuelles de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER

.

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top