Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 19 OCTOBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/01228 – N° Portalis DBVK-V-B7E-ORDI
Décisions déférées à la Cour :
Arrêt du 28 novembre 2012 de la Cour de cassation (1381-FD) qui a cassé partiellement l’arrêt rendu le 9 juin 2011 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (RG 09/21025) sur appel du jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 27 août 2009 (RG 08/03084)
DEMANDERESSE A LA REQUETE EN REINSCRIPTION:
Madame [M] [K]
née le 07 Juillet 1964 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, et Me Marina LAURE substituant Me Julien MEUNIER, avocats au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Autre qualité : demanderesse à la saisine RG 14/01071
DÉFENDERESSE A LA REQUETE EN REINSCRIPTION :
S.A.S.U. Rousseau [Localité 5] [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, ayant plaidé pour Me Philippe HOUILLON, avocat au barreau du VAL D’OISE
Autre qualité : défenderesse à la saisine RG 14/01071
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 septembre 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
Exposé du litige
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [M] [K] faisait l’acquisition le 31 juillet 2003 d’un monospace d’occasion de marque Renault auprès de la société Renault Retail Group (le vendeur, ci-après) à [Localité 6] moyennant le prix de 22.000 €.
Le 13 octobre 2003, elle y faisait installer un système GPL.
Le 28 mars 2006, son père, [T] [K] qui utilisait le véhicule, tombait en panne, après avoir constaté une chute de la puissance du moteur. Il faisait remorquer le véhicule au garage SAS Rousseau [Localité 5] [Localité 8] (la société, ci-après), qui faisait valoir une facture du 04 avril 2006 s’élevant à 135,15 € et correspondant à des tests de compression et au contrôle du calage de distribution.
Le 11 avril 2006, les mêmes pertes de puissance étaient constatées et étaient accompagnées de bruits anormaux. Le démontage révélait une grave avarie de la ligne d’arbre.
Par lettre du 27 avril 2006, la société informait Mme [K] de la nécessité de remplacer le moteur.
Cette dernière sollicitait alors une mesure d’expertise qui était ordonnée par décision de référé en date du 12 septembre 2006.
L’expert constatait la présence d’un certain nombre de dysfonctionnements et concluait à un coût de remise en état du véhicule de 10.209,82 €.
Le véhicule n’était jamais réparé ni restitué pour des raisons tenant aux garanties contractuelles, l’une ne couvrant pas les sinistres en rapport avec la transformation opérée et l’autre ayant été mise en ‘uvre trop tard.
Par assignation du 02 juin 2008, Mme [K] demandait que le vendeur et la société, soient condamnés solidairement à lui rembourser la facture de réparation, les frais de gardiennage, le coût de réparation du véhicule, la perte d’usage du véhicule et un préjudice annexe, soit la somme totale de 27.024,97 €, outre la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 27 août 2009, le tribunal de grande instance de Toulon a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la SAS Rousseau [Localité 5] [Localité 8] et l’a condamnée à lui verser au titre des frais de gardiennage de son véhicule la somme de 4.200 € pour la période échue au 30 juin 2009 et la somme de 140 € par mois pour la période postérieure, jusqu’à la reprise du véhicule ;
– dit que le véhicule acquis par Mme [K] était affecté au jour de la vente d’un vice caché le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné ;
– dit que ce vice est à l’origine de la panne constatée par la SAS Rousseau [Localité 5] [Localité 8] et de la destruction du moteur à proportion de 50 % ;
– dit que la Société Renault Retail Group avait connaissance du vice au jour de la vente ;
– évalué les préjudices subis par Mme [K] au titre du coût des travaux de remplacement du moteur à 10.209,82 €, au titre de la privation de jouissance à 9.450 €, au titre des travaux effectués par la SAS Rousseau [Localité 5] [Localité 8] à hauteur de 135.15 € et au titre des frais de gardiennage à la somme de 4.200 € pour la période échue au 30 juin 2009 ;
– condamné la société Renault Retail Group à verser à Mme [K] la somme de 5.104,91 € au titre du remplacement du moteur, celle de 4.725 € au titre de la privation de jouissance, celle de 67.58 € au titre des travaux effectués par la SAS Rousseau [Localité 5] [Localité 8] et celle de 2.100 € au titre des frais de gardiennage pour la période échue au 30 juin 2009 ;
– condamné la société Renault Retail Group à indemniser Mme [K] de la moitié des frais de gardiennage postérieurs au 30 juin 2009 ;
– condamné en conséquence la société Renault Retail Group à verser à Mme [K] la somme de 70 € par mois jusqu’à enlèvement du véhicule des locaux de la SAS Rousseau [Localité 5] [Localité 8] ;
– débouté Mme [K] de sa demande d’indemnisation supplémentaire ;
– dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– fait masse des dépens, dont les frais d’expertise, en répartir la charge par moitié entre la société Renault Retail Group et Mme [K] et autorisé le recouvrement de ceux-ci conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Mme [K] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 09 juin 2011, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :
– déclaré Mme [K] mal fondée en son appel ;
– fait droit à l’appel incident formé par la société Renault Retail Group et débouté Mme [K] de ses demandes qu’elle avait également formulées à l’encontre de cette société.
Mme [K] a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.
Par arrêt du 28 novembre 2012, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, au motif que la cour n’avait pas répondu aux conclusions de l’appelante qui faisait valoir que le garagiste avait décidé de procéder au démontage du moteur, en omettant de solliciter son accord et sans s’assurer que l’intervention ferait l’objet d’une prise en charge par la garantie du constructeur.
La cause et les parties étaient renvoyées devant la cour d’appel de Montpellier.
Par conclusions en date du 25 novembre 2014, Mme [K] a sollicité le sursis à statuer de la procédure d’appel initiée, en raison d’une procédure pénale en cours suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée par son père pour faux et usage de faux.
Le père de Mme [K] accuse la SAS Rousseau [Localité 5] [Localité 8] d’avoir imité sa signature sur un ordre de réparation indiquant « claquage moteur et manque de puissance » pour justifier l’initiative qu’elle aurait prise de procéder au démontage du moteur. Il affirmait qu’à la date à laquelle cet ordre de réparation avait été établi, à savoir le 11 avril 2006, il ne se trouvait pas à [Localité 5] mais au [Localité 7] où il déjeunait avec un ami et indiquait être en mesure d’en rapporter la preuve.
Par ordonnance du 02 janvier 2015, le conseiller de la mise en état devrait surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale et disait que l’instance se poursuivrait à l’initiative de la partie la plus diligente à l’expiration du sursis.
La procédure devant la cour devait cependant faire l’objet d’une fixation pour plaider à une audience de plaidoiries du 16 janvier 2018 alors même que l’instruction était toujours en cours.
Par un arrêt du 28 février 2018, la cour d’appel de Montpellier, sur accord des parties, a ordonné le retrait du rôle de l’affaire.
Mme [K] a sollicité la remise au rôle de l’affaire, indiquant que l’instruction était toujours en cours et que la partie civile devait être entendue le 17 mars 2020.
Par un arrêt du 02 décembre 2020, la cour d’appel de Montpellier a :
– ordonné le sursis à statuer dans la présente procédure et jusqu’à évacuation de l’action pénale ouverte auprès du juge d’instruction de [Localité 8] ;
– dit qu’à l’expiration du sursis l’instance se poursuivra à l’initiative des parties ou à la diligence de la cour ;
– réservé les dépens.
Par courrier du 23 février 2023, Mme [K] faisait savoir que la procédure pénale était terminée.
Moyens
Motivation
MOTIFS
Mme [K] argue de trois fautes commises par la société qui a entrepris des investigations sur le moteur du véhicule sans y être préalablement autorisée ; qui a utilisé le véhicule sans son autorisation ; qui n’a pas procédé à son intervention conformément aux règles de l’art.
Le premier ensemble de griefs repose sur les dires de M.[K], père, qui affirme n’avoir pu signer l’ordre de réparation du 11 avril 2006 dans la mesure où il se trouvait à cette date au [Localité 7], ce que confirment un témoin et la note de la brasserie où ils ont déjeuné, le débit de cette note de son compte courant et une analyse graphologique de sa signature. Au delà, Mme [K] indique que l’ordre de réparation du 11 avril 2006 qui lui est opposé n’autorisait pas la société à démonter le moteur sans son autorisation.
Mme [K] ne produit pas aux débats la décision rendue sur la plainte avec constitution de partie civile déposée le 06 mars 2012 par son père à l’encontre de la société pour faux et usage de faux, faisant état des éléments factuels ci-dessus, hors l’analyse graphologique, dont il ne peut être tiré aucune conséquence en l’état de la variabilité de la signature apposée par M. [K] sur divers documents.
Il s’en induit manifestement qu’une décision de non-lieu est intervenue sur cette plainte déposée sur la base des mêmes éléments évoqués dans l’instance civile, de telle sorte qu’il doit désormais être tenu pour acquis que M. [K], père, est signataire de l’ordre de réparations du 11 avril 2006. Au demeurant, le procès-verbal de constat dressé le 15 mai 2006 sur réquisition de M. [K], retranscrivant une conversation téléphonique avec la société, démontre qu’il était dans le train pour reprendre le véhicule lorsqu’il a été appelé pour l’informer de l’état du véhicule. Rien n’exclut qu’il a poursuivi son voyage et s’est présenté au garage, ce que ces déclarations à l’expert judiciaire confirment.
L’ordre de réparations du 11 avril 2006 mentionne le claquage du moteur et le manque de puissance, et dûment signé par le client, il vaut mission de recherche des causes de la panne. Il n’est en rien démontré un quelconque abus dans la réalisation de cette mission puisque il s’est avéré nécessaire de déposer le carter inférieur pour procéder à l’examen du bas du moteur, permettant de déterminer la nature et l’ampleur de la panne.
S’agissant de la violation alléguée d’une obligation de conseil relativement au risque d’absence de prise en charge des frais de réparations par le service garantie, la société a procédé aux démarches nécessaires pour son obtention, laquelle a été refusée en raison de la modification de l’état du véhicule, Mme [K] ayant installé un système de bicarburation. La société n’est pas celle qui a procédé à cette installation qui a valu une décision de refus de garantie et à qui aurait pu éventuellement être reprochée un défaut de conseil.
Quant au manquement à l’obligation de résultat pour ne pas avoir conservé les pièces, il convient d’apprécier qu’il n’est en rien démontré que le dommage subi par le véhicule trouve son origine dans le démontage du moteur, l’expert judiciaire l’ayant déterminée à travers d’une part l’existence d’un vice caché, d’autre part, le défaut d’entretien du système GPL imputable à Mme [K], l’expertise privée non contradictoire établie sur requête de Mme [K] en lecture du rapport judiciaire étant inopérante à démontrer la fausseté des constatations et conclusions circonstanciées de l’expert judiciaire.
Le deuxième grief tient à une utilisation abusive du véhicule par la société, une différence importante excédant le kilométrage d’un simple essai sur route existant entre le 28 mars 2006, jour de remise du véhicule (142 300 km figurant sur l’ordre de réparations de ce jour) , et le constat par l’expert judiciaire dans son rapport du 12 décembre 2007 mentionnant un kilométrage de 143 416 km constaté le 12 avril 2007.
Si la société n’explique pas de manière rationnelle cette différence, ses process de vérification du kilométrage du véhicule pris en charge se trouvant manifestement insuffisants pour confirmer le kilométrage déclaré par le client, la cour ne peut que partager la motivation du premier juge en ce qu’il a retenu une absence de lien de causalité entre l’éventuelle utilisation abusive et les désordres puisque l’expert judiciaire soulignait que cette utilisation, à la supposer avérée, n’avait pas pu produire les phénomènes d’usure à la fois progressive et généralisée affectant le moteur et que, contrairement aux déclarations de l’utilisateur, il n’y avait pas eu avarie brutale par coulage de bielles. L’expertise privée non contradictoire en lecture de rapport d’expertise judiciaire est d’autant plus inopérante qu’elle n’a été réalisée que sur pièces et sur les seules déclarations du mandant.
Le troisième ensemble de griefs lié aux manquements aux règles de l’art n’est qu’une reprise et déclinaison des éléments factuels ci-dessus analysés qui d’une part ne permettent pas de retenir l’existence de manquements quelconques de la société à ses obligations et, d’autre part, de caractériser l’existence d’un lien de causalité entre les prétendus manquements et les dommages subis par le moteur, liés au vice caché et au défaut d’entretien du système GPL. L’absence de conservation du pré-cata endommagé et de l’huile moteur suite au premier ordre de réparations est démentie par l’expert judiciaire et en tout état de cause sans causalité même indirecte avec le dommage. En tout état de cause, le démontage du carter inférieur est sans lien avec les dommages subis par le moteur dont Mme [K] soutient sans offre de preuve qu’il aurait pu encore fonctionner pour lui permettre de rapatrier le véhicule auprès du Garage de [Localité 6].
C’est donc à juste titre que le premier juge a débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la société Renault Retail Group.
S’agissant de la demande reconventionnelle de la société en paiement des frais de gardiennage, c’est à juste titre encore que le premier juge a retenu au visa de l’article 1948 du code civil, la validité de l’exercice par la société de son droit de rétention au titre des frais de gardiennage, conséquence nécessaire de la conservation de la chose en dépôt et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’appel incident de la société qui demande d’infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que le véhicule était affecté d’un vice caché avec toutes suites et conséquences de droit, la juridiction de renvoi n’est saisie que par l’effet du dispositif de l’arrêt de la Cour de cassation, lequel limite cette saisine aux demandes de Mme [K] contre la société, l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence du 09 juin 2011 ayant, en l’état du rejet du pourvoi en son premier moyen, acquis force de juge jugée quant au rejet des demandes de Mme [K] à l’encontre de la société Renault Retail Group, seule débitrice de la garantie des vices cachés.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [K] supportera la charge des dépens de l’instance, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat qui affirme son droit de recouvrement.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, dans les limites de la saisine définie au dispositif de l’arrêt de la Cour de cassation
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne Mme [M] [K] aux dépens de l’instance avec distraction au profit de Me Gilles Bertrand, avocat, sur son affirmation de droit.
Condamne Mme [M] [K] à payer à la société Rousseau [Localité 5] [Localité 8] la somme de 7000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président