RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 17 Mars 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 13/07378 – N° Portalis 35L7-V-B65-BSBXU
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Avril 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRÉTEIL RG n° 12-00298CR
APPELANTE
La SASU [10], venant aux droits de la SASU [11]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-François BOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0002, substitué par Me Benjamin ELOI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0002
INTIMÉS
Monsieur [I] [M]
[Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par Me Nawel GAFSIA, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : 469
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/039384 du 08/11/2013 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE
Division du contentieux
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Natacha PINOY, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Mme Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par M. [I] [M] d’un jugement rendu le 24 avril 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l’opposant à la société [10] (la société) venant aux droits de la SASU [11], venant elle-même aux droits de de la société [12], et à la CPAM du Val-de-Marne (94).
Exposé du litige
FAITS, PROCÉDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES,
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [I] [M] exerçait la profession de chauffeur porteur au sein de la société [12], aux droits de laquelle vient la société [10], lorsqu’il a été victime d’un accident de travail le 16 février 2006 alors qu’il procédait à une exhumation, ayant ressenti une douleur dans le dos, « la poignée du cercueil ayant lâché lors de son transport ».
Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle.
L’assuré s’est vu reconnaître une incapacité permanente de 50% à la suite de l’aggravation des séquelles de son traumatisme cervical.
M. [I] [M] a engagé une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et a saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale à cette fin.
Par jugement du 24 avril 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a :
– Reconnu la faute inexcusable de l’employeur, la société [12], dans l’accident de M. [I] [M] survenu le 16 février 2006.
– Fixé au maximum la majoration de la rente perçue par M. [I] [M] ;
-Ordonné une expertise aux fins d’évaluation des préjudices complémentaires de M. [I] [M], confiée au Docteur [G] [N] – [Adresse 4].
– Fixé comme suit la mission de l’expert :
Après avoir convoqué les parties et s’être fait communiquer tous documents médicaux :
– Procéder à un examen clinique détaillé de M. [M], recueillir ses doléances, décrire les lésions et séquelles directement imputables à l’accident du travail (décrire un éventuel état antérieur).
– Evaluation des préjudices énumérés par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale :
Décrire les souffrances physiques et morales du fait des lésions subies et les évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés.
Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique ; l’évaluer sur l’échelle de sept degrés ;
Lorsque la victime allègue l’impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisirs, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif ;
Dire s’il existe un préjudice sexuel et dans l’affirmative préciser l’aspect altéré (libido- acte sexuel proprement dit-fertilité) ;
Dire s’il existe un préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.
Evaluation des autres chefs de préjudice :
Dire s’il existe un déficit fonctionnel temporaire avant la consolidation (perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de la vie courante) et un déficit fonctionnel permanent après la consolidation, de chiffrer éventuellement.
Indiquer le cas échéant les besoins éventuels de recours à l’aide d’une tierce personne et préciser la durée de l’intervention quotidienne nécessaire.
Dire s’il existe un préjudice lié aux dépenses de santé futures (appareillages, fournitures complémentaires, soins post consolidation) ;
Dire s’il existe d’autres chefs de préjudice, les évaluer ;
Indiquer le cas échéant les besoins éventuels de recours à l’aide d’une tierce personne et préciser la durée de l’intervention quotidienne nécessaire ;
Dire s’il existe un préjudice lié aux dépenses de santé futures (appareillages, fournitures complémentaires, soins post consolidation) ;
Dire s’il existe d’autres chefs de préjudice, les évaluer ;
– Dit qu’en cas d’empêchement, il sera pourvu au remplacement de l’expert par simple ordonnance du Président.
– [Localité 9] à M. [I] [M] une provision de douze mille euros ;
– Sursoit à statuer le fond du litige et sur l’article 700 du code de procédure civile dans l’attente du dépôt du rapport.
Le jugement lui ayant été notifié le 4 juillet 2013, la société [10] venant aux droits de la SASU [11], venant elle-même aux droits de de la société [12] en a interjeté appel le 25 juillet 2013.
Par arrêt du 28 septembre 2017, la chambre 12 du pôle 6 de la cour d’appel de Paris a :
– Déclaré la société [11] recevable mais mal fondée en son appel ;
– Confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce que la mission d’expertise prévoit l’évaluation du déficit fonctionnel permanent et du préjudice lié aux dépenses de santé futures ;
Statuant de nouveau de ce chef et évoquant les points non tranchés par le jugement :
– Renvoyé M. [M] devant la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne pour obtenir la liquidation de ses droits au titre de la majoration de sa rente d’accident selon les règles applicables à cette majoration ;
– Retranché de la mission confiée à l’expert l’évaluation du déficit fonctionnel permanent et celle du préjudice lié aux dépenses de santé futures ;
– Invité les parties à présenter leurs observations sur le rapport de l’expert désigné par les premiers juges
– Dit que la provision de 12.000 euros à valoir sur l’indemnisation future des préjudices de M. [M] lui sera versée par la caisse qui pourra en récupérer le montant auprès de l’employeur ;
– Dit que le rapport d’expertise devra être adressé par l’expert au greffe de la cour ainsi qu’à chacune des parties ;
– Renvoyé l’affaire et les parties à l’audience du 28 mai 2018 à 9h ‘ salle Savatier – 5ème étage – Ascenseur R pour la procédure y suivre son cours à l’issue des opérations d’expertise ;
– Dit que la notification de la présente décision aux parties vaudra convocation de celles-ci à l’audience ci-dessus fixée ;
– Condamné la société [11] à verser à M. [M] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, son conseil renonçant au bénéfice de l’aide juridictionnelle et l’a débouté de sa propre demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit n’y avoir lieu de statuer sur les dépens et sur l’exécution provisoire ;
– Fixé le droit d’appel prévu par l’article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l’appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l’article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit s’élevant à la somme de 326,90 euros ;
Le 23 avril 2019, le Docteur [W] [H] rendait son premier rapport d’expertise qui évaluait différents postes de préjudice de M. [I] [M] et concluait :
Préjudice de souffrances : 5,5/7
Préjudice esthétique temporaire : 3/7
Préjudice esthétique définitif : 3,5/7
Activités spécifiques de sports et de loisir : ne peut reprendre ses activités antérieures,
Préjudice sexuel : positionnel
Préjudice résultant de la perte de la diminution des possibilités de promotion professionnelle : certain
Déficit fonctionnel temporaire :
Déficit fonctionnel temporaire total : du 7 janvier 2009 au 30 janvier 2009
Déficit fonctionnel temporaire partiel
du 16 février 2006 au 1 er mai 2007 : 25%
du 4 octobre 2007 au 6 janvier 2009 et du 31 janvier 2009 au 1 er juillet 2010 : 65%
Le 29 avril 2019, la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge une rechute de l’accident du travail de M. [I] [M].
Par arrêt du 24 septembre 2021, la chambre 13 du pôle 6 de la cour d’appel de Paris a :
– Ordonné un complément d’expertise médicale,
– Désigné pour y procéder le docteur [W] [H] – [Adresse 3] avec pour mission de :
entendre tout sachant et, en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de M. [I] [M],
convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception,
d’examiner M. [M],
d’entendre les parties.
– Dit qu’il appartient à l’assuré de transmettre sans délai à l’expert ses coordonnées (téléphone, adresse de messagerie, adresse postale) et tous documents utiles à l’expertise, dont le rapport d’évaluation du taux d’IPP ;
– Dit qu’il appartient au service médical de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis de transmettre à l’expert sans délai tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge de l’accident et de la rechute en date du 29 avril 2019, et notamment le rapport d’évaluation du taux d’IPP ;
– Dit qu’il appartient au service administratif de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis de transmettre à l’expert sans délai le dossier administratif et tous documents utiles à son expertise ;
– Rappelé que M. [M] devra répondre aux convocations de l’expert et qu’à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l’expert, l’expert est autorisé à dresser un procès-verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses,
– Dit que l’expert devra :
décrire les lésions strictement occasionnées par l’accident du 16 février 2006, -en tenant compte de la date de consolidation de la nouvelle rechute déclarée le 29 avril 2019 fixée par la caisse au 14 octobre 2019, et au regard des lésions imputables à l’accident du travail:
fixer les déficits fonctionnels temporaires en résultant, total et partiels,
les souffrances endurées, en ne différenciant pas dans le quantum les souffrances physiques et morales,
le préjudice esthétique temporaire et permanent,
le préjudice d’agrément existant à la date de consolidation, compris comme l’incapacité d’exercer certaines activités régulières pratiquées avant l’accident,
le préjudice sexuel,
dire si l’assistance d’une tierce personne avant consolidation a été nécessaire et la quantifier,
dire si des frais d’aménagement du véhicule ou du logement ont été rendus nécessaires,
donner toutes informations de nature médicale susceptibles d’éclairer la demande faite au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,
fournir tous éléments utiles de nature médicale à la solution du litige.
– Dit que l’expert constatera le cas échéant que sa mission est devenue sans objet en raison de la conciliation des parties et, en ce cas, en fera part au magistrat chargé du contrôle de l’expertise ;
– Dit que l’expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président de la chambre 6-13 ;
– Ordonné la consignation par la caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne auprès du Régisseur de la cour dans les 60 jours de la notification du présent arrêt de la somme de 800 euros à valoir sur la rémunération de l’expert ;
– Dit que l’expert devra de ses constatations et conclusions rédiger (un pré-rapport en cas de situation très conflictuelle) un rapport qu’il adressera au greffe social de la cour ainsi qu’aux parties dans les 4 mois après qu’il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation ;
– Dit que l’affaire sera examinée à l’issue des opérations d’expertise à l’audience du lundi 28 mars 2022 à 9h, en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social. 1er étage.
Le 29 juin 2022, un nouveau rapport d’expertise était rendu par le Docteur [H]. Qui concluait :
Déficit fonctionnel temporaire :
Déficit fonctionnel temporaire total : du 29 avril 2019 au 11 juin 2019
Déficit fonctionnel temporaire partiel du 12 juin 2019 au 14 octobre 2019 : 70%
Préjudice de souffrances : 2/7 supplémentaires
Préjudice esthétique : non modifié
Activités spécifiques de sports et de loisir : non modifié
Préjudice sexuel : non modifié
A l’audience du lundi 28 mars 2022, l’affaire a été renvoyée à l’audience du lundi 23 janvier 2023.
Moyens
Motivation
SUR CE,
Sur la demande de troisième expertise et de provision
M. [I] [M] demande à titre principal qu’un complément d’expertise soit ordonné en vue d’évaluer le montant des dommages-intérêts qui lui seront dus en réparation de ses préjudices moral et physique à la suite de son accident du travail du 16 février 2006. Il souligne que son état de santé s’est aggravé et qu’il n’est pas consolidé. Il demande une provision à hauteur de 950.000 euros.
La société [10] considère que cette expertise est prématurée en l’absence de date de consolidation des dernières rechutes de M. [I] [M]. Elle demande le rejet de la provision demandée.
La caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne estime également qu’il est prématuré de diligenter une troisième expertise, l’assuré n’ayant pas encore été considéré comme consolidé par le médecin conseil de la caisse des suites de « l’aggravation de son état de santé ». Elle demande le rejet de la provision sollicitée.
Il résulte des éléments de la procédure qu’aucune date de consolidation n’a été fixée par la caisse pour les dernières aggravations de la situation de santé M. [I] [M].
En conséquence, il apparaît prématuré d’ordonner une nouvelle expertise et il convient de surseoir à statuer dans l’attente d’une date de consolidation de l’état de santé de l’assuré.
Compte tenu des préjudices résultant des expertises médicales relatives à l’état de santé de M. [I] [M], il y a lieu de lui accorder une provision complémentaire d’un montant de 60.000 euros. Celle-ci lui sera versée par la caisse qui pourra en récupérer le montant auprès de l’employeur.
Sur les dépens
Il convient de réserver les dépens.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
La cour,
SURSOIT A STATUER dans l’attente d’une date de consolidation des lésions de M. [I] [M] ;
FIXE la provision à la somme de 60.000 euros (soixante mille euros) ;
DIT que la provision de 60.000 euros (soixante mille euros) à valoir sur l’indemnisation future des préjudices de M. [M] lui sera versée par la caisse qui pourra en récupérer le montant auprès de l’employeur ;
RENVOIE l’affaire à l’audience de la chambre 6.13 en date du :
lundi 20 janvier 2025 à 9 h 00
en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage ;
DIT que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience ;
RESERVE les dépens.
La greffière Le président