COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 14 DECEMBRE 2023
N° 2023/
Rôle N° RG 23/01025 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKUS5
SAS [F] [F] ARCHITECTES
C/
S.C.I. VINEIMMO
Société VINEOLIS
S.A.S. DELTA SERTEC
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Isabelle FICI
Me Paul GUEDJ
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 23 Novembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/04745.
APPELANTE
SAS [F] [F] ARCHITECTES SAS
, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Ahmed-chérif HAMDI de la SELAS FAURE-HAMDI-GOMEZ & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marjorie CANEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
INTIMEES
S.C.I. VINEIMMO
, demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BOTTAI de la SELARL BOTTAI-BELLAICHE, avocat au barreau de MARSEILLE
Société VINEOLIS
, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BOTTAI de la SELARL BOTTAI-BELLAICHE, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. DELTA SERTEC
, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marie HASCOËT de la SELAS MARIE HASCOËT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MÖLLER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Mme Véronique MÖLLER, Conseillère
M. Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2023.
ARRÊT
Exposé du litige
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat daté du 1er juin 2019, la SCI VINEIMMO a confié à la SAS [F] [F] ARCHITECTES la réalisation de travaux de construction d’un entrepôt de stockage sur la zone de Nicopolis à BRIGNOLES, à savoir les phases de permis de construire, projet de conception générale, direction de l’exécution des travaux et assistance aux opérations de réception, soit une mission de maître d »uvre complète de conception architecturale de l’ouvrage et de contrôle de l’exécution des travaux.
Cet entrepôt était destiné à l’activité de stockage et d’embouteillage de vin exercée par la SAS VINEOLIS.
Le chantier a été déclaré ouvert le 29 octobre 2020, impliquant les intervenants suivants :
La SAS JDS CONSTRUCTION pour le lot n°1, gros ‘uvre,
La SARL OTTAVIANI et FILS pour le lot n°2 terrassement/VRD
La SARL DFT CONSTRUCTIONS METALLIQUES pour le lot n°3 charpente/couverture/bardage,
La SAS OMNIUM DALLAGE pour le lot n°4 dallage,
La SARL L’ECO FENETRE pour le lot n°5 menuiseries extérieures,
La SAS DELTA SERTEC pour le lot n°7 courant faible/courant fort/installation électrique,
La SA PLANITECH pour le lot n° second ‘uvre.
Se plaignant d’une mauvaise exécution de la mission d’architecte et de fautes commises par la SAS DELTA SERTEC, la SCI VINEIMMO et la SAS VINEOLIS ont fait assigner l’ensemble des intervenants et de leurs assureurs et les sociétés SAS BUREAU ALPES CONTROLES, l’EURL CICCLLELA FERES, la SARL TECHNIFROID devant le juge des référés de DRAGUIGNAN.
Par ordonnance en date du 23 novembre 2022, le juge des référés :
RECOIT l’intervention volontaire de la société d’assurance mutuelle MMA IAR ASSURANCE MUTUELLE,
ORDONNE la désignation d’un séquestre en la personne de Me Charlotte BOTTAI aux fins de consigner la somme litigieuse de 42.313€ dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert désigné et de la liquidation des comptes entre la SCI VINEIMMO et la SAS DELTA SERTEC
ORDONNE une expertise et commet pour y procéder :
[B] [D]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Tel [XXXXXXXX01]
Port [XXXXXXXX02]
Avec mission suivante :
Prendre connaissance du contrat de maîtrise d »uvre du 21 juin 2019 signé avec la société [F] [F] ARCHITECTES
Prendre connaissance du permis de construire déposé par la société [F] [F] ARCHITECTES et des sujétions d’urbanisme
Dire si les plans du permis déposé sont conformes aux plans de DECALUX,
Chiffrer le surcoût des travaux et la perte d’exploitation de la société VINEOLIS exploitante du fait de la perte de deux étages de stockage,
Dire si la déclaration préalable en installation classée pour la protection de l’environnement est obligatoire ou non au regard des règles d’urbanisme,
Lister les travaux nécessaires et obligatoires à réaliser en cas de déclaration obligatoire en ICPE et en chiffrer le coût,
Prendre connaissance de l’ensemble des pièces du marché de travaux et plus particulièrement l’offre de services du 18/09/2020 de DELTA SERTEC validé par le maître d »uvre d’un montant de 76.500€ HT soit 91.575,99€ TTC,
Préciser si elle inclut toutes les suggestions techniques électriques du projet constructif,
Décrire les travaux réalisés par DELTA SERTEC,
Préciser s’ils sont conformes à l’offre de service du 18/09/2020 et aux règles de l’art,
Décrire les éventuels désordres où malfaçons se plaignent la SCI VINEIMMO et la SAS VINEOLIS suivant lettres portant liste des réserves en date des 16 novembre 2021 et 4 avril 2022, des procès-verbaux de constat établi les 13 décembre 2021 et 31 mai 2022,
Dire s’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination,
Chiffrer le montant des éventuelles reprises ou des travaux restants à réaliser,
Evaluer le montant des dommages immatériels en lien avec la non-conformité ou l’impropriété de l’ouvrage de DELTA SERTEC,
Dire si les propositions de travaux supplémentaires étaient nécessaires à la réalisation du chantier, les détailler et en chiffrer le coût,
Faire les comptes entre les parties,
Détailler les responsabilités de la société [F] [F] ARCHITECTES et de la société DELTA SERTEC en cas de non-conformité de l’offre de service de DELTA SERTEC aux travaux à réaliser,
Dire si l’ouvrage de DELTA SERTEC est techniquement réceptionnable et, dans l’affirmative, fournir au Tribunal tous éléments techniques et de faits permettant de dire à quelle date la réception judiciaire pourrait être prononcée,
A l’égard de tous les autres intervenants à l’acte de construire, donner tous éléments sur la réception tacite de leurs lots et lister les éventuelles réserves lot/lot et en préciser la nature,
Chiffrer le montant des éventuelles reprises ou des travaux restants à réaliser,
A défaut de réception tacite possible fournir au tribunal tous éléments techniques et de faits permettant de dire à quelle date la réception judiciaire pourrait être prononcée lot/lot.
DISONS que les demanderesses à l’expertise devront consigner auprès de la Régie de ce tribunal, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision à peine de caducité de la présente ordonnance la somme de 4.000€ à titre provisionnel à valoir sur les frais et honoraires de l’expert sauf dans l’hypothèse où une demande d’aide juridictionnelle antérieurement déposée serait accueillie, auquel cas les frais seront avancés par le trésorier payeur général,
DISONS que le secrétariat du service des expertises avisera l’expert commis de ladite consignation,
DISONS que l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle,
DISONS que l’expert commis accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, qu’en particulier il pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées,
DISONS que la partie demanderesse communiquera ses pièces numérotées sous bordereau daté et ces conditions étant remplies, l’expert commis organisera la première réunion,
DISONS que l’expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d’expertise avec copie par lettre simple aux défendeurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,
DISONS que l’expert commis entendra les parties ou leurs représentants, s’expliquera sur leurs dires et observations et sur toute difficulté auxquelles ses opérations et constatations pourraient donner lieu, s’entourera de tous renseignements utiles, et consultera tous documents produits pouvant l’éclairer s’il y a lieu,
DISONS que lors de la première ou au plus tard lors de la deuxième réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours
DISONS qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,
DISONS qu’en cours d’expertise l’expert devra conformément aux dispositions de l’article 280 du code de procédure civile, solliciter du magistrat chargé du contrôle de l’expertise la consignation d’une provision complémentaire, dès lors qu’il établira que la provision allouée s’avère insuffisante, en produisant les pièces justificatives,
DISONS que préalablement l’expert communiquera aux parties sa demande de consignation complémentaire en les invitant à faire valoir leurs observations dans le délai de 15 jours,
DISONS que l’expert adressera au juge du contrôle de l’expertise sa demande de consignation complémentaire en y joignant, soit les observations des parties, soit en précisant que les parties n’ont formulé aucune observation,
DISONS qu’à défaut de consignation complémentaire dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, et sauf prorogation de ce délai, l’expert déposera son rapport en l’état,
DISONS que l’expert commis devra adresser aux parties un pré-rapport de ses observations et constatations afin de leur permettre de lui adresser un dire récapitulant leurs arguments sous un délai d’un mois pouvant être prorogé en cas de nécessité,
DISONS que l’expert devra accomplir sa mission en présence des partis ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à l’ensemble de leurs derniers dires récapitulatifs et de leurs observations, conformément aux dispositions de l’article 276 du code de procédure civile,
DISONS que l’expert procédera à sa mission dès qu’il sera avisé du versement de la consignation ci-dessus fixée, et qu’il déposera au greffe rapport définitif de ses opérations répondant aux derniers dires des parties, auquel sera joint le cas échéant l’avis du sapiteur sollicité, au plus tard dans le délai de SIX MOIS, sauf prorogation dûment autorisée,
PRECISONS que le rapport définitif devra comprendre une conclusion synthétique des résultats des déductions expertales et qu’il sera adressé avec ses annexes éventuelles en original au demandeur, une copie du rapport et des annexes étant remise au greffe du tribunal et une autre copie adressée à la défenderesse,
DISONS qu’à l’issue de ces opérations, l’expert adressera aux magistrats taxateurs sa demande de recouvrement d’honoraires et débours en même temps qu’il justifiera l’avoir adressée aux parties,
DISONS que les parties disposeront à réception de ce projet de demande de recouvrement d’honoraires d’un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations sur cet état de frais, que ces observations seront adressées aux magistrats taxateurs afin, si nécessaire de débat contradictoire préalablement à l’ordonnance de taxe,
DISONS qu’au cas où les parties viendraient à se concilier il devra constater que sa mission est devenue sans objet et faire rapport au magistrat chargés du contrôle des expertises en lui adressant alors le procès-verbal de conciliation,
DISONS qu’en cas d’empêchement de l’expert commis, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé de la surveillance des expertises,
DISONS que pour l’exécution de sa mission, l’expert commis consultera tous documents produits, s’entourera de tous renseignements utiles à charge d’en indiquer l’origine, recueillera toutes informations orales ou écrites de toutes personnes sauf à préciser dans son rapport leur nom, prénom, adresse et profession ainsi que s’il y a lieu leur lien de parenté où d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, en collaboration ou de communauté d’intérêts avec elle et pourra éventuellement recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne,
DESIGNONS le magistrat chargé de la surveillance des expertises et à défaut sont remplaçants dans le service, pour surveiller les opérations d’expertise,
DEBOUTE les requises de leur demande
DONNE acte à la SAS [F] [F] ARCHITECTES, la SA MMA IARD, la société d’assurance mutuelle MMA IARD ASSURANCE MUTUELLES, la SAS DELTA SERTEC, la société d’assurance mutuelles SMABTP, la SA PLANITECH, la SA ABEILLE IARD & SATE et la SA SWISSLIFE, la SASU JDS CONSTRUCTION et la SA ALLIANZ IARD de leurs protestations et réserves,
CONDAMNE in solidum la société [F] [F] ARCHITECTES et la société DELTA SERTEC à payer aux requérantes la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
DIT que les requérantes conserveront la charge des dépens.
***
Par déclaration d’appel en date du 13 janvier 2023 la SAS [F] [F] ARCHITECTES a indiqué faire appel de cette ordonnance à l’encontre de la société VINEIMMO, la société VINEOLLIS et la société DELTA CERTEC en indiquant :
– L’appel tend à faire réformer ou annuler par la Cour d’Appel la décision entreprise.
– L’objet de la demande du présent appel est : faire droit à toutes exceptions de procédure, annuler, sinon infirmer et à tout le moins réformer la décision déférée en ce qu’elle a condamné in solidum la Société [F] [F] ARCHITECTES et la Société DELTA SERTEC à payer aux requérantes la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu’il suit, étant rappelé qu’au visa de l’article 455 du code de procédure civile, l’arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Moyens
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile :
L’ordonnance attaquée a donc, à titre principal, ordonné une mesure d’expertise aux fins notamment d’identifier les éventuelles non-conformités et malfaçons affectant l’ouvrage concerné par le contrat de maîtrise d »uvre du 21 juin 2019, et de permettre de statuer sur les responsabilités encourues.
Cette décision a été prise sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile qui donne au juge des référés la possibilité d’ordonner une mesure d’expertise dès lors qu’est caractérisé un motif légitime « de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ».
Le prononcé d’une telle mesure n’emporte donc pas connaissance du fond de l’affaire ni préjugement des responsabilités encourues que la mesure d’instruction a précisément pour objectif d’appréhender.
Concernant l’article 700 du Code de procédure civile, celui-ci dispose notamment que :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
(‘) ».
Selon l’article 696 du même Code, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
La SAS [F] reproche donc à l’ordonnance attaquée d’avoir accueilli la demande d’expertise avant dire droit présentée par les SCI VINEIMMO et VINEOLIS mais d’avoir, en statuant ainsi au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, manifestement préjugé du fond en la considérant comme une partie perdante. Elle se prévaut notamment du fait que les dépens ont par ailleurs été laissés à la charge des SCI requérantes et qu’une condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pouvait d’autant moins intervenir à son encontre.
La société DELTA SERTEC considère également qu’aucun élément ne permettait au juge des référés de la considérer comme une partie perdante s’agissant d’un référé probatoire
Les SCI VINEIMMO et VINEOLIS opposent que le juge des référés pouvait légitimement condamner les sociétés [F] et DELTA CERTEC au terme de son appréciation souveraine des éléments de la cause.
Si aucune disposition n’interdit au juge des référés, sans connaître du fond de l’affaire, de statuer sur l’article 700 du Code de procédure civile, une condamnation à ce titre n’est possible, par application des textes précités, qu’à l’encontre de la partie qui perd son procès ou qui est condamnée aux dépens.
En conséquence, une partie n’ayant pas à supporter les dépens d’une instance ne peut pas faire l’objet d’une condamnation au titre des frais irrépétibles. S’il est constant qu’une situation de partage des dépens permet de condamner l’une ou l’autre partie aux frais irrépétibles, en l’espèce seules les SCI VINEIMMO et VINEOLIS ont conservé la charge des dépens et il n’est pas établi par les éléments de la procédure qu’une condamnation pouvait intervenir à l’encontre des sociétés [F] et DELTA CERTEC au titre de l’article 700.
Il convient en conséquence de réformer la décision attaquée en ce qu’elle a condamné in solidum la société [F] [F] ARCHITECTES et la société DELTA SERTEC à payer aux SCI VINEIMMO et VINEOLIS la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau, il y a lieu de dire que, s’agissant d’une mesure avant dire droit, dans l’attente de la solution au fond qui sera apportée au litige, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Sur le séquestre de la somme de 42.313€ :
Le Juge des référés a également ordonné la consignation sous séquestre de la somme de 42.313€ dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise et de la liquidation des comptes entre la SCI VINEIMMO et la SAS DELTA SERTEC.
La société DELTA SERTEC expose que dans le cadre de la procédure de référé, les SCI VINEIMMO et VINEOLIS ont indiqué avoir pris la liberté de consigner sur un compte CARPA cette somme à devoir au titre des factures émises. Elle considère qu’il n’est pas démontré que cette mise sous séquestre soit de nature à sauvegarder les intérêts en présence et que les conditions pour une mise sous séquestre ne sont pas réunies ; que par ailleurs le fond de l’affaire relèvera de la compétence du Tribunal de commerce.
Les SCI VINEIMMO et VINEOLIS opposent que compte tenu de la nature du litige et des conditions dans lesquelles la société DELA SERTEC fait valoir sa créance, le séquestre mis en ‘uvre pour cette somme permet précisément d’assurer la conservation des droits des parties, conformément aux dispositions de l’article 1961 du Code civil. Elles exposent que la question de la compétence de la juridiction judiciaire n’a pas été évoquée en première instance et que la Cour n’est pas saisie de ce moyen de droit.
La société VINEIMMO a formalisé avec la société [F] un contrat d’architecte le 1er juin 2019 en vue de la construction d’un entrepôt de stockage. Dans ce cadre, un marché de travaux (marché à forfait) a été conclu le 20 novembre 2020 avec la société DELTA SERTEC en vue de l’exécution du lot n°7 relatif à l’installation électrique pour un montant total TTC de 91.575,99€.
La société SERTEC a ainsi émis à l’attention de la société VINEIMMO les factures suivantes :
24.438,92€ le 22 juin 2021,
20.375,77€ le 23 juillet 2021,
41.548,15€ le 28 septembre 2021.
Cette dernière facture n’a pas été validée par le maître d »uvre qui a sollicité de la société SERTEC plusieurs éléments et justifications relatifs à l’accomplissement de ce marché.
Il est constant que par la suite, les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur le règlement de cette facture. D’autres désordres allégués ont donné lieu au présent litige. En effet, par courrier en date du 4 janvier 2022, la SCI VINEIMMO a informé le cabinet d’architecte [F] de la persistance de difficultés relatives à la plomberie, l’état du sol, la hauteur de la construction et l’électricité.
Si la facture du 28 septembre 2021 a été par la suite validée par le maître d »uvre, les SCI VINEIMMO et VINEOLIS contestent les conditions de cette validation et exposent que le 14 février 2022, la SCI VINEIMMO a été mise en demeure de payer la somme totale de 89.298,31€ à la société DELTA SERTEC sur le fondement de la facture du 28/9/2021 (41 548.15€TTC), mais également des factures :
du 20/11/2021 de 5 437.16€TTC,
du 31/12/2021 de 28 335.19TTC,
du 31/12/2021 de 13 977.81€TTC.
La contestation du bien fondé de ces factures, notamment au regard des désordres invoqués, ainsi que les conditions dans lesquelles ces factures ont été approuvées par le maître d »uvre constituent donc l’aspect central du litige en ce qu’il oppose les SCI VINEIMMO et VINEOLIS et la société DELTA SERTEC. Pour justifier de l’existence de ces désordres, les SCI versent notamment aux débats deux procès-verbaux de constat établis le 13 décembre 2021 et le 30 mai 2022 par Me [V] qui, s’agissant de l’installation électrique relèvent :
une absence de raccordements de certains câbles,
un non raccordement de nombreux groupes d’interrupteurs disjoncteurs sur tableau électrique,
un colmatage d’armoire électrique avec de la mousse expansive.
De ces éléments, il ressort que les SCI VINEIMMO et VINEOLIS et la société DELTA SERTEC sont effectivement en litige quant à la bonne exécution du marché qui avait été confié à cette dernière et le paiement des factures émises à ce titre. Compte tenu de la divergence des intérêts entre ces parties telle qu’elle est caractérisée par les éléments produits et de l’objet du litige qui les oppose, il apparaît que la mesure de séquestre ordonnée par le Juge des référés au visa des article 834 et 835 du Code civil était fondée et qu’elle est bien de nature à assurer la conservation des droits des parties.
Il convient en conséquence de confirmer la décision sur ce point.
Sur les demandes annexes :
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner les SCI VINEIMMO et VINEOLIS à payer à la SAS [F] [F] ARCHITECTES et à la SARL DELTA SERTEC la somme de 1.000€ chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Les SCI VINEIMMO et VINEOLIS seront condamnés aux dépens de la procédure d’appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME l’ordonnance de référé du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 23 novembre 2022 sauf en ce qu’elle a condamné in solidum la SAS [F] [F] ARCHITECTES et la SARL DELTA SERTEC à payer aux SCI VINEIMMO et VINEOLIS la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
DIT n’y avoir lieu, concernant la première instance, à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Y ajoutant,
CONDAMNE, au titre de l’appel, la SCI VINEIMMO et la SCI VINEOLIS à payer à la SAS [F] [F] ARCHITECTES et à la SARL DELTA SERTEC la somme de 1.000€ chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI VINEIMMO et la SCI VINEOLIS aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2023
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,