République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 12/10/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/01076 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEMV
Jugement (N° 19/01616)
rendu le 1er février 2022 par le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe
APPELANT
Monsieur [G] [X]
né le 12 août 1947
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Vincent Speder, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
INTIMÉES
La SASU société [9], [9]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Hervé Moras, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
La SA [12]
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Myriam Maze, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué
assistée de Me Muriel Delumeau, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
La SA Malakoff Humanis retraite supplémentaire
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Jean-Raphaël Doyer, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué
assistée de Me Isabelle Gugenheim, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant substitué par Me Léa Beline, avocat
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
———————
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l’audience publique du 12 juin 2023, après rapport oral de l’affaire par Catherine Courteille.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023
****
Vu le jugement du tribunal judiciaire d’Avesnes sur Helpe du 1er février 2022,
Vu la déclaration d’appel de M. [X], reçue au greffe le 3 mars 2022,
Vu les conclusions de M. [G] [X] déposées au greffe le 12 mai 2023,
Vu les conclusions de la société [9] déposées au greffe le 12 mai 2023,
Vu les conclusions de la société [12] déposées au greffe le 10 mai 2023,
Vu les conclusions de la société Malakoff humanis retraite supplémentaire déposées au greffe le 22 août 2022,
Vu l’ordonnance de clôture du 15 mai 2023,
Exposé du litige
EXPOSE DU LITIGE
Le 29 mai 1978, M. [G] [X] et d’autres associés ont créé la société [9] (ci après [9]).
Par contrat à durée indéterminée à temps complet, M. [X] a été embauché par la [9] à compter du 1er août 1978, en qualité de chef d’atelier.
Par délibération du 26 décembre 1994, il a été nommé en qualité de directeur général unique.
Deux contrats retraites supplémentaires avaient été conclu auprès de la société MM. Retraite supplémentaire, devenue la société Malakoff Humanis retraite supplémentaire (ci-après société Malakoff) et auprès de la société [12] (ci-après société [12]) , notamment au bénéfice de M. [X], salarié de la société [9].
Le 5 septembre 2014, il a complété et déposé son dossier de demande de retraite.
Le 31 octobre 2014, les associés de la [9] dont M. [X] ont cédé leurs actions à la société [10], contrôlée par la société [11] dont le dirigeant est M. [J] [H].
À la suite de cette cession M. [X] a adressé une lettre de démission irrévocable de son poste à compter du 31 décembre 2014.
Plusieurs différends sont nés à la suite de la cession : le premier concernant le crédit vendeur et le deuxième l’indemnité de fin de carrière de M. [X].
S’agissant des conditions du départ de M. [X] de la société, la chambre sociale de la cour d’appel de Douai a par arrêt du 29 mai 2019, infirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du 3 juin 2016 ayant fait droit à la demande de restitution de la somme de 41 149,56 euros de la [9], et a considéré que le salarié avait manifesté sa volonté de partir en retraite en sollicitant la liquidation de ses droits à retraite quand bien même il ne l’a pas évoqué dans sa lettre de démission.
Un pourvoi a été formé, lequel a été rejeté suivant arrêt du 14 octobre 2020.
Par actes d’huissier du 17, 18 et 22 octobre 2019, M. [X] a assigné la [9], la société [12] et la société MM Retraite supplémentaire en paiement de sa retraite supplémentaire en application des contrats conclus.
Par jugement du 1er février 2022, le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur- Helpe a :
déclaré l’action irrecevable et frappée de prescription ;
rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 [du code de procédure civile] ;
condamné M. [X] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 3 mars 2022, M. [X] a interjeté appel de l’ensemble des chefs du jugement.
***
Moyens
Motivation
lui ordonner ou la condamner en tant que de besoin à verser ladite somme,
débouter M. [X] du surplus de ses demandes.
En tout état de cause,
condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 10 mai 2023, la société [12] demande à la cour de :
à titre principal, confirmer le jugement rendu le 1er février 2022 par le Tribunal judiciaire d’Avesnes sur Helpe (RG n°19/01616) en ce qu’il a débouté M. [G] [X] de ses demandes formées à son encontre ;
à titre subsidiaire, si la cour faisait droit aux demandes de paiement des rentes de retraite supplémentaire formées par M. [G] [X] à son encontre, de condamner cette dernière à hauteur des soldes constatés sur les fonds collectifs n°V.1224.0068.00 et V.1224.2558.00 ;
à titre subsidiaire, si la Cour faisait droit aux demandes de paiement des rentes de retraite supplémentaire formées par M. [G] [X] à son encontre, de débouter M. [G] [X] de ses prétentions visant à assortir ses demandes en paiement d’une astreinte de 100 euros par jour de retard, qu’il s’agisse de l’arriéré de rentes ou des rentes à échoir ;
en tout état de cause, condamner la (les) partie(s) succombante(s) à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
DECISION
1-sur les fins de non recevoir
La société [9] oppose aux demandes de M. [X], deux fins de non recevoir tirées du principe de l’unicité de l’instance, faisant valoir que les demandes relatives à la retraite supplémentaire auraient du former ses demandes devant le conseil de prud’hommes.
Elle oppose également la prescription biennale tirée de l’article l 1471-1 du code du travail.
La société Malakoff Humanis retraite Supplémentaire invoque les fins de non recevoir relevée par la société [9], elle y ajoute la prescription biennale prévue à l’article L 114-1 du code des assurances.
La société [12] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a accueilli les fins de non recevoir soulevées.
M. [X] conteste les fins de non recevoir, il fait valoir que le principe de l’unicité de l’instance ne trouve à s’appliquer que devant les juridictions prud’homales qu’en toute hypothèse la présente instance oppose deux sociétés d’assurances et son ex-employeur.
Il fait valoir que la prescription de l’article L 1471-1 du code du travail ne peut lui être opposée car ses demandes ne portent pas sur l’exécution du contrat de travail et qu’en toute hypothèse, il a été empêcher d’agir en raison de la procédure prud’homale relative à la liquidation de ses droits à retraite.
****
1-1 fin de non recevoir tirée du principe de l’unicité de l’instance
Aux termes de l’article R1452-6 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce « Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance.
Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes. »
La règle de l’unicité de l’instance n’est applicable que devant les juridictions prud’homales, en l’espèce l’instance oppose M. [X] à son employeur et aux sociétés [12] et Malakoff à propos de l’exécution de contrat de retraite supplémentaire, l’objet de cet instance est distinct de celui qui opposait M. [X] à la société [9] devant le conseil de prud’hommes, il ne peut dès lors être opposé à M. [X] l’autorité de chose jugée dérivant de l’instance prud’homale, en conséquence le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré M. [X] irrecevable à agir.
1-2 fin de non recevoir tirée de la prescription
Selon l’article L 1471-1 du code du travail «toute action portant sur l’exécution«du contrat de travail » se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. »
Le contrat de retraite supplémentaire est souscrit par l’employeur au profit d’une catégorie de salariés pour leur permettre d’acquérir et de recevoir des droits à pension supplémentaires lors de leur départ en retraite, il constitue bien pour le salarié désigné comme bénéficiaire des contrats et considéré comme assuré, un avantage attaché au contrat de travail et à son exécution.
Il ressort ainsi des conditions particulières des contrats souscrits à l’article 3 que « les salariés du collège sont bénéficiaires des prestations lors de l’achèvement de leur carrière dans l’entrepris contractante.
Les conditions de versement des prestations sont précisées au contrat ci-annexé, en particulier les conditions d’une éventuelle réversion.
Aucune prestation de retraite en cas de rupture du contrat de travail suite à la démission, le licenciement ou le décès du salarié avant son départ en retraite dans l’entreprise »
Ces stipulations justifient bien de ce que les droits à ces prestations sont liées à l’exécution du contrat de travail.
L’action tendant à se voir déclarer bénéficiaire de contrats de retraite supplémentaire souscrits par la société [9], constitue bien une action portant sur l’exécution du contrat de travail, étant précisé que la liquidation de ces contrats doit intervenir au moment du départ en retraite.
M. [X] a sollicité la liquidation de ses droits à retraite le 05 septembre 2014, ayant souscrit les contrats en cause et ayant sollicité en justice le maintien de son indemnité de retraite, il avait parfaite connaissance de ses droits et était en mesure de les exercer.
Il ne justifie d’aucune démarche ou demande de liquidation de ses droits à retraite supplémentaire, ni d’aucun acte interruptif de prescription avant l’assignation délivrée le 17 octobre 2019 à la société [9], soit plus de cinq ans après la demande de liquidation de sa retraite.
Alors qu’il a contesté devant le conseil de prud’hommes le refus de versement de son indemnité de retraite, M. [X] ne saurait valablement soutenir qu’il a été empêché d’agir.
Il convient en conséquence de constater la prescription de l’action engagée par M. [X] et de le déclarer irrecevable en ses demandes.
2- sur les demandes dirigées contre les sociétés d’assurances
M. [X] demande qu’il soit enjoint à la société [9] de solliciter des deux sociétés d’assurance de liquider la retraite supplémentaire dont il se déclaré bénéficiaire, et d’enjoindre aux deux sociétés de lui verser les sommes dues.
Les demandes de condamnation dirigées contre la société [9] conditionnent les demandes formulées à l’encontre des sociétés Malakoff et [12] ; les demandes de M. [X] à l’égard de la société [9] tendant à voir reconnaître son droit à percevoir les prestations étant déclarées irrecevables, aucune demande ne peut prospérer à l’égard des sociétés d’assurance, M. [X] sera débouté de toutes ses demandes.
3- sur les demandes au titre de la résistance abusive,
La société Malakoff sollicite la condamnation de M. [X] à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Il n’est démontré par la société intimée ni faute ou mauvaise foi de M. [X] pas plus qu’il n’est justifié d’un préjudice lié à la procédure, il convient en conséquence de débouter la société Malakoff de cette demande.
4- sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
M. [X] sera condamné aux dépens de la procédure d’appel ainsi qu’au paiement à chacune des parties intimées une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et débouté de ses demandes de ce chef.
Il fait valoir sur la prescription soulevée par la [9] que le texte invoqué (L1471-1 du code du travail) n’est pas applicable en ce que la présente action ne porte pas sur l’exécution du contrat de travail, elle porte sur le paiement par les compagnies d’assurance de retraites complémentaires et enfin, il a été empêché d’agir en liquidation de ses retraites supplémentaires par l’effet du jugement du conseil des prud’hommes du 3 juin 2016 de cette date à la date de réformation par l’arrêt de la cour d’appel du 29 mai 2019.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Constate que l’action engagée par M. [G] [X] est prescrite,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Déboute la société Malakoff Humanis Retraite Supplémentaire de sa demande de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Déboute M. [G] [X] de ses demandes d’indemnité de procédure,
Condamne M. [G] [X] aux dépens de l’instance d’appel,
Condamne M. [G] [X] à payer 1000 euros à chacune des parties intimées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille