Décision de justice sur les particuliers employeurs en date du 9 juin 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/01261

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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01261 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NNG5

[Z]

C/

[S]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 02 Septembre 2020

RG : R 20/00176

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

APPELANTE :

[V] [Z] épouse [G]

née le 13 Août 1986 à [Localité 4] (TUNISIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Margaux LARABI, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE :

[Y] [S] épouse [E]

née le 02 Juin 1981 à [Localité 6] (Algérie)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marine VARLET de la SELARL AIDI VARLET ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Janvier 2022

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Nathalie PALLE, président

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

– Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Juin 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [E] (la salariée) a été engagée, en qualité d’assistante maternelle agréée, par Mme [G] (l’employeur) à compter du 14 septembre 2015 par deux contrats à durée indéterminée, chacun d’entre eux relativement à un enfant confié à sa garde, la Convention collective nationale de travail des assistants maternels du particulier employeur étant applicable à la relation de travail.

La salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 10 février 2016, puis en congé maternité de juillet à novembre 2016.

Par requête du 27 mai 2020, la salariée a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir constater l’absence de paiement de ses salaires depuis le mois de septembre 2018 et de voir condamner l’employeur à lui verser un rappel de salaire et de congés payés afférents.

Par ordonnance de référé, réputée contradictoire, du 2 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– déclaré recevables les demandes de la salariée,

– condamné l’employeur à verser à la salariée :

16 380 euros nets relatifs aux salaires du mois de septembre 2018 au mois de juillet 2020,

1 638 euros nets relatifs aux congés payés afférents,

– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonné à l’employeur de remettre à la salariée les bulletins de paie du mois de septembre 2018 au mois de juillet 2020 pour les deux enfants, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, à compter du 21ème jour du prononcé de l’ordonnance ; se réservant le droit de liquider l’astreinte,

– dit qu’en présence d’une contestation sérieuse, il n’y a pas lieu à référé pour le surplus des demandes, et renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond,

– condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente ordonnance,

– condamné l’employeur aux dépens, y compris les éventuels frais d’exécution du présent jugement,

L’employeur a relevé appel de cette ordonnance, le 18 février 2021.

Par ordonnance de référé du 31 mai 2021, la juridiction du premier président de la cour d’appel de Lyon a fait droit à la demande de l’employeur d’arrêt de l’exécution provisoire.

Moyens

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel

Selon l’article R. 1455-1 du code du travail, l’appel d’une ordonnance de référé est de quinze jours.

Et il résulte de l’application des dispositions de l’article 680 du code de procédure civile que l’absence de mention ou la mention erronée dans l’acte de notification d’un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités ne fait pas courir le délai de recours.

Il ressort du dossier de la procédure de première instance que le greffe du conseil de prud’hommes a avisé la salariée que la notification de l’ordonnance de référé du 2 septembre 2020 adressée à l’employeur par lettre recommandée ayant été retournée avec la mention non réclamée, elle était invitée à procéder par voie de signification selon les dispositions de l’article 670-1 du code de procédure civile.

La citation à comparaître le 22 janvier 2021 devant le bureau d’orientation et de conciliation signifiée à l’employeur, par acte d’huissier du 1er décembre 2020, dont la salariée se prévaut comme ayant fait courir le délai d’appel, ne comporte toutefois aucune mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance de référé du 2 septembre 2020, de sorte que le délai d’appel de l’ordonnance de référé n’a pas couru avant la signification qui en a été faite par acte du 8 février 2021.

Et, alors que le dispositif des conclusions ne comporte aucune demande tendant à la caducité de la déclaration d’appel, le moyen tiré de l’application de l’article 930-1 du code de procédure civile au soutien de l’irrecevabilité de l’appel est inopérant.

L’ordonnance en litige ayant été signifiée le 8 février 2021, la déclaration d’appel formée le 18 février 2021 est recevable.

Sur la demande provisionnelle de rappel de salaire et de congés payés depuis septembre 2018

Aux termes de l’article R. 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Selon l’article R.1455-7, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Enfin, l’article R. 1455-6 dispose que la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est défini comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Il résulte des dispositions de l’article L. 1225-48, alinéas 1 et 2, du code du travail, que le congé parental d’éducation a une durée initiale d’un an au plus et peut être prolongé deux fois pour prendre fin au plus tard au troisième anniversaire de l’enfant.

Selon l’article L. 1225-50 du code du travail, le salarié informe son employeur du point de départ et de la durée de la période pendant laquelle il entend bénéficier soit d’un congé parental d’éducation, soit d’une réduction de sa durée du travail. Lorsque cette période suit immédiatement le congé de maternité ou le congé d’adoption, le salarié informe l’employeur au moins un mois avant le terme de ce congé.

Et il résulte des articles L. 1225-51 et R. 1225-13 du code du travail que lorsque le salarié entend prolonger son congé parental d’éducation, il en avertit l’employeur au moins un mois avant le terme initialement prévu par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Si ces formalités ne sont pas une condition du droit du salarié au bénéfice de cette prolongation, celui-ci se trouve, à défaut de justifier d’une demande de prolongation ou d’autres causes de son absence à l’issue du congé parental d’éducation, en situation d’absence injustifiée

L’information de l’employeur par lettre recommandée avec accusé de réception est un moyen de preuve du point de départ et de la durée de la période pendant laquelle le salarié entend bénéficier du congé parental d’éducation et de sa prolongation.

Pendant la durée du congé parental d’éducation, le contrat de travail est suspendu.

Enfin, l’employeur a notamment pour obligation de fournir du travail au salarié et ce dernier a droit au paiement du salaire convenu lorsqu’il reste à la disposition de son employeur qui s’abstient de lui fournir du travail.

En l’espèce, il est constant que le congé maternité de la salariée a pris fin en novembre 2016 et que la salariée n’a pas repris ses fonctions depuis cette date.

Contrairement à ce que la salariée affirme, il ne résulte d’aucune pièce qu’elle a informé l’employeur du point de départ comme de la date de la fin du congé parental d’éducation, ni du renouvellement de celui-ci, de sorte qu’elle était en absence injustifiée depuis la fin de son congé maternité en novembre 2016.

La salariée sollicite le rappel de son salaire depuis le mois de septembre 2018 alors que, d’une part, elle ne justifie par aucune pièce de la date de la fin de son congé parental à cette date pas plus qu’elle ne justifie avoir informé son employeur du début comme de la date de la fin de son congé parental, d’autre part, aux termes du courrier du 12 août 2019 du syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux qu’elle faisait intervenir pour son compte, il était indiqué qu’elle avait pris un congé parental renouvelé jusqu’en mars 2019.

Par ailleurs, la salariée ne rapporte pas la preuve qu’elle s’était tenue à la disposition de l’employeur pour reprendre son emploi à compter de septembre 2018, ni qu’elle avait alors porté à sa connaissance qu’elle bénéficiait d’un renouvellement de son agrément qui était expiré depuis le 22 janvier 2017.

Les pièces produites démontrent au contraire qu’elle s’est spontanément adressée à Pôle emploi pour faire valoir ses droits aux indemnités de chômage, l’organisme lui répondant, le 26 mars 2019, qu’elle devait préalablement présenter des documents de fin de contrat de travail à réclamer à son employeur. Par des courriers du 21 décembre 2018, 2 avril et 19 octobre 2019, la salariée a relancé l’employeur, non pas pour le mettre en demeure de reprendre son emploi, mais pour obtenir de sa part les documents de fin de contrat, relayée en cela par le courrier du 12 août 2019 du syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux.

Dès lors que la salariée qui était en absence injustifiée depuis la fin du mois de novembre 2016, pour n’avoir pas informé l’employeur du point de départ comme de la date de la fin du congé parental d’éducation, ni du renouvellement de celui-ci, ne s’est pas mise à la disposition de son employeur pour reprendre son emploi, le non paiement par l’employeur des salaires et des congés payés, sollicités à compter de septembre 2018, ne constitue pas un trouble manifestement illicite et rend l’obligation à paiement sérieusement contestable, de sorte que, par infirmation de l’ordonnance déférée, il n’y a pas lieu à référé des chefs des demandes en rappel des salaires depuis septembre 2018, des congés payés afférents et de remise sous astreinte des bulletins de paie correspondants.

Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés du 14 septembre 2015 jusqu’à la fin du congé maternité

Selon l’article L. 3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.

Aux termes l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Alors que la salariée a saisi le conseil de prud’hommes le 27 mai 2020, sa demande en paiement de l’indemnité de congés payés au titre de la période du 14 septembre 2015 à novembre 2016 est irrecevable comme étant prescrite.

L’ordonnance sera réformée en ce sens.

Sur les autres demandes

La salariée succombant en ses demandes, l’ordonnance est infirmée en ce qu’elle a condamné l’employeur aux dépens et à payer à la salariée une indemnité au titre de l’article 700.

La salariée est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et sa demande au titre des frais irrépétibles est rejetée.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait droit à la demande de l’employeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

DÉCLARE l’appel recevable,

INFIRME l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

DIT n’y avoir lieu à référé des chefs des demandes en rappel des salaires depuis septembre 2018, des congés payés afférents et de la remise sous astreinte des bulletins de paie correspondants,

DÉCLARE irrecevable comme étant prescrite la demande en paiement de l’indemnité de congés payés pour la période du 14 septembre 2015 jusqu’à novembre 2016,

REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile formées en première instance et en appel,

CONDAMNE Mme [Y] [E] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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