Décision de justice sur les particuliers employeurs en date du 5 janvier 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02877

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ARRÊT N° /2023

PH

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 21/02877 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4IH

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

F20/00371

10 novembre 2021

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANTE :

Madame [L] [X]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT substitué par Me NAUDIN, avocats au barreau de NANCY

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/014165 du 30/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY)

INTIMÉS :

Monsieur [U] [H]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Marie-laurence FOLMER, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/000200 du 28/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY)

Monsieur [G] [H] Es qualité de Curateur de Monsieur [U] [H]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie-laurence FOLMER, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Président : HAQUET Jean-Baptiste,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 13 Octobre 2022 ;

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 15 Décembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis àcette date le délibéré a été prorogé au 05 Janvier 2023 ;

Le 05 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Exposé du litige

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [L] [X] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, par Monsieur [U] [H], à compter du 09 août 2017, en qualité d’auxiliaire de vie.

La convention collective nationale des particuliers employeurs s’applique au contrat de travail.

Par courrier du 27 novembre 2018, Madame [L] [X] a été licenciée pour faute grave.

Monsieur [U] [H] a été placé sous curatelle renforcée par jugement rendu le 14 novembre 2019, avec désignation de Monsieur [G] [H] comme curateur.

Par requête du 31 janvier 2020, Madame [L] [X] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :

– de condamnation de Monsieur [U] [G] prise en la personne de son curateur à lui payer les sommes suivantes :

– 1 853,31 euros brut à titre de rappel de salaire d’août 2017 à octobre 2018, outre 185,33 euros brut de congés payés afférents,

– 409,53 euros brut à titre de rappel de salaire novembre 2018, outre 40,95 euros brut de congés payés afférents,

– 1 500,00 euros de dommages et intérêts pour retard de paiement du salaire,

– 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de remise des bulletins de salaire rectifiés du mois d’août 2017 au mois de novembre 2018 ainsi que l’attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard.

Par ordonnance du 22 juin 2020, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nancy a jugé qu’il n’y avait pas lieu à référé renvoyant Madame [L] [X] à mieux se pourvoir.

Par requête du 22 septembre 2020, Madame [L] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :

– de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– de condamnation de son employeur au versement des sommes suivantes :

– 685,98 euros à titre de rappel de salaires,

– 68,59 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,

– 1 500,00 euros de dommages et intérêts pour absence de paiement du salaire,

– 1 166,78 euros à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires,

– 116,68 euros au titre des congés payés sur rappel d’heures complémentaires,

– 263,64 euros au titre de l’indemnité compensatrice sur congés payés pris,

– 3 262,80 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 102,81 euros à titre d’indemnité kilométrique,

– 1089,86 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 177,10 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 544,93 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 54,49 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

– 544,63 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– d’ordonner la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard,

– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

– de condamner son employeur aux entiers frais et dépens.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 10 novembre 2021, lequel a :

– dit que licenciement pour faute grave de Madame [L] [X] est justifié,

– débouté Madame [L] [X] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les demandes y afférentes,

– débouté Madame [L] [X] de ses demandes au titre des heures complémentaires, dommages et intérêts pour travail dissimulé et remboursement d’indemnités kilométriques,

– condamné Monsieur [U] [H], assisté de Monsieur [H] [G], curateur, à payer à Madame [L] [X] les sommes suivantes :

– 263,64 euros au titre d’indemnité compensatrice sur congés payés,

– 685,98 euros au titre de rappel de salaires,

– 68,59 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,

– 500,00 euros au titre de dommages et intérêts pour absence paiement du salaire,

– ordonné à Monsieur [U] [H], assisté de Monsieur [H] [G], curateur, de remettre à Madame [L] [X] les documents sociaux rectifiés et ce sous astreinte de 50,00 euros par jour passé la notification du présent jugement,

– débouté Monsieur [U] [H], assisté de Monsieur [H] [G], curateur, de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs.

Vu l’appel formé par Madame [L] [X] le 09 décembre 2021,

Vu l’appel incident formé par Monsieur [U] [H], assisté de Monsieur [G] [H], curateur, le 10 mai 2022,

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Moyens

Motivation

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 10 mai 2022, et en ce qui concerne le salarié le 1er août 2022.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 27 novembre 2018 (pièce 11 de Mme [L] [X]) est ainsi rédigée :

« (‘)

Objet : Licenciement pour faute grave

(…)

Je vous notifie donc par la présente de votre licenciement.

Les motifs précis qui m’obligent à mettre en ‘uvre cette mesure de licenciement sont les suivants :

Non présentation au rendez vous sans justificatif de votre part

Abus de faiblesse

Abus de confiance

Vol du cahier de liaison

Me justifier les 16 heures de travail du mois d’octobre que je n’ai pas signées car absent du domicile

Non-respect des périodes de vacances

Vacances qui devaient se prendre en août et non en septembre.

Vous bénéficiez d’une période de préavis de 0 jour.

(…) »

M. [U] [H] fait valoir que les fautes qui sont reprochées à Mme [L] [X] dans la lettre de rupture justifient le licenciement pour faute grave.

Il indique qu’elle l’a placé à la MARPA de [Localité 3] en prenant des vacances qu’elle a imposé ; il ajoute qu’il y a eu plusieurs opérations sur son compte à destination de celui de la salariée.

Il indique avoir porté plainte le 19 novembre 2018 au motif que l’appelante avait eu à son encontre des comportements pouvant être qualifiés d’abus frauduleux de son état d’ignorance ou de faiblesse ; qu’il était fait état de virements non justifiés et de l’utilisation de sa carte bancaire à titre personnel notamment.

Mme [L] [X] fait valoir que :

– s’agissant du premier grief : si M. [U] [H] fait référence à l’entretien préalable, elle s’y est rendue mais n’a pas vu son employeur ; elle ajoute que cela ne constitue pas une cause de licenciement

– sur le grief d’abus de faiblesse, abus de confiance et vol du cahier de liaison : qu’à la fin de ses congés payés, il était prévu qu’elle se rende à son domicile, afin notamment de relever le courrier ; elle s’est donc rendue à son domicile le 19 octobre 2018, avant de lui rendre visite le jour même à la maison d’accueil ; elle l’a alors alerté sur la disparition de dossiers privés et professionnels lui appartenant (à elle) et de son ordinateur portable (à lui) ; elle s’est ensuite rendue à la Gendarmerie pour signaler la disparition de ces affaires

– sur les 16 heures de travail du mois d’octobre : si M. [U] [H] fait référence aux 16 heures qu’elle aurait dû effectuer entre le 22 octobre et le 31 octobre 2018, qu’il était absent de son domicile, l’empêchant de réaliser sa prestation de travail, puisqu’il avait donné congé de son logement

– en ce qui concerne les vacances : que M. [U] [H] n’a pas émis la moindre contestation à cet égard, et que c’est pour répondre aux exigences de l’employeur qu’elle a décalé ses congés

– s’agissant des relevés de compte : que les virements au crédit du compte de M. [U] [H] prouvent d’une part qu’elle était sollicitée pour faire les courses de son employeur, et que s’il lui arrivait d’en profiter pour faire ses propres courses, elle opérait le remboursement exact à son employeur ; elle ajoute n’avoir jamais eu accès aux comptes en banque de son employeur.

Motivation

Aux termes de l’article L1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

C’est à l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier d’en rapporter la preuve.

M. [U] [H] ne produit, à l’appui de ses griefs, aucune pièce qui s’y rattachent, autres que ses relevés de compte bancaire du 1er juin 2017 au 31 octobre 2018 (pièces 3), plusieurs lignes des relevés étant entourées: 05 octobre 2018, 22 octobre 2018, 21 septembre 2018, 08 août 2018 (deux écritures), 08 août 2018, 16 août 2018 (quatre écritures).

L’écriture du 05 août 2018 « virement ag [X] [L] Aux de Vie Secrétaire Particuli » de 405,30 euros correspond, sans explications complémentaires, à son salaire.

L’écriture du 22 octobre 2018 est intitulée « virement [L] [X] remboursement Factures Jma Automobiles Réparations Peugeot 307 » ; virement au crédit du compte de M. [U] [H].

L’écriture du 21 septembre 2018 est intitulée « Virement Web [L] [X] Complément de salaire Septembre 2018 ».

Les écritures d’août 2018, hormis celle du 16 août, concernent des remboursements d’un « retrait GAB [Localité 6] » et d’achat « Grand Frais » et « Auchan », au crédit du compte de M. [U] [H].

L’écriture du 16 août 2018 a le même intitulé et le même montant que celui du 05 août 2018.

Il apparaît donc à la lecture de ces pièces que Mme [L] [X] utilisait la carte bancaire de M. [U] [H], ou plus généralement un moyen de paiement de ce dernier, pour réaliser des dépenses à son profit, les remboursements précités en justifiant.

Elle confirme cette pratique dans ses conclusions.

Ces dépenses ont concerné des achats en supermarché (Grand Frais, Auchan, Intersport ‘ mouvements des 08 et 16 août 2018), mais également un retrait de 100 euros à un distributeur automatique de billets (08 août 2018), ce qui signifie que Mme [L] [X] a retiré pour elle cette somme sur le compte bancaire de son employeur, et des dépenses de réparations auprès d’un garage Peugeot pour un véhicule 307, ce qui signifie qu’elle a utilisé les moyens de paiement de son employeur pour régler une dépense personnelle de réparation de son véhicule, qu’elle a certes ensuite remboursé.

Mme [L] [X] ne donne aucune explication sur ces opérations, hormis qu’elle faisait en même temps ses achats que ceux qu’elle effectuait pour le compte de son employeur, en le remboursant par la suite.

Si l’utilisation des moyens de paiement de son employeur pour les courses de besoins courants peut, en l’absence d’explications sur ce point par les parties, se déduire de ses fonctions d’auxiliaire de vie et de secrétaire particulière (contrat de travail en pièce 2 de M. [U] [H]), Mme [L] [X] ne justifie pas d’un accord de M. [U] [H] sur l’utilisation de ses moyens de paiement pour les dépenses personnelles de la salariée, ni encore moins pour les frais de réparation de son véhicule, ou le retrait de numéraire à un distributeur de billets.

Ces utilisations, hors cadre contractuel ni justifié ni même argué, constituent un détournement de l’usage des moyens de paiement confiés à la salariée pour faire face aux seules dépenses de l’employeur, et ce nonobstant le remboursement qui a pu intervenir postérieurement.

Ces faits justifiant le licenciement pour faute grave notifié, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaires

Mme [L] [X] explique qu’elle n’a pas perçu son salaire intégral sur la période d’août 2017 à novembre 2018 ; elle indique prendre en compte les reliquats de rappel perçus de la part de M. [U] [H]; elle précise également qu’elle devait percevoir son salaire pendant sa période de congés, ainsi que du 1er au 27 novembre 2018, le 27 novembre étant le jour de son licenciement.

Elle sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

M. [U] [H] fait valoir que la salariée n’a pas travaillé au mois d’octobre, ayant décidé de prendre ses vacances du 24 septembre au 22 octobre.

Il déduit la somme de 414,70 euros réclamée pour les congés, et la retranche des 6220,50 euros invoqués par la salariée.

Motivation

Une des obligations de l’employeur est de payer le salaire dû.

Le contrat de travail de Mme [L] [X] stipule un taux horaire de 9,57 euros, et 10 heures de travail par semaine.

Sur cette base, Mme [L] [X] calcule un salaire mensuel de 414,70 euros.

Les relevés de compte de M. [U] [H], produits en pièces 3 de l’intimé, font apparaître un montant viré à Mme [L] [X] au titre de son salaire de 405,30 euros (par exemple en septembre 2018), ou 354,05 euros (mai 2018) ; certains mois, un complément de salaire est versé (par exemple 60,68 euros en septembre 2018).

Ce complément, s’il ne concerne qu’un mois de paie, aboutit à un montant supérieur au salaire mensuel : 405,30 + 60,68 = 465,98 euros.

Des incohérences apparaissent donc, et le virement, hors éventuel rappel, est inférieur au salaire mensuel dû.

Il appartient dès lors à l’employeur de démontrer que le salarié a été rempli de ses droits

.

Par ailleurs, le contrat de travail stipule que le salaire net n’est pas majoré de 10 % au titre des congés payés, ce qui implique donc que le salaire est dû pendant les congés payés.

Sur ce point non plus, l’employeur ne justifie pas du paiement du salaire pendant les congés payés d’octobre de Mme [L] [X].

Enfin, M. [U] [H] ne justifie pas non plus du paiement du salaire pour le mois de novembre 2018.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du salaire

Mme [L] [X] fait valoir qu’elle n’a perçu aucun salaire pour le mois de novembre 2018, et que ses salaires depuis son embauche ont été systématiquement incomplets.

M. [U] [H] s’oppose à la demande, affirmant qu’il n’y a eu aucun retard dans le paiement du salaire.

Motivation

Aux termes des dispositions de l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

En l’espèce, il résulte du développement qui précède que les salaires ont été versés de manière incomplète, et que le salaire de novembre 2018 n’a pas été payé dans les délais.

Cependant, Mme [L] [X] ni ne fait valoir ni ne démontre de préjudice au soutien de sa demande de dommages et intérêts.

Il ne sera fait droit à sa demande que par l’allocation des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud’hommes, soit le 22 septembre 2020, à défaut de justification d’une mise en demeure antérieure, et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre d’heures complémentaires

Mme [L] [X] indique avoir effectué des heures de travail en sus du volume horaire hebdomadaire de 10 heures indiqué sur le contrat de travail.

Elle renvoie à ses pièces 3 et 14.

M. [U] [H] conteste la demande, en soulignant que sur la pièce 3 de Mme [L] [X] les prétendues heures complémentaires ont été rajoutées sur une colonne 6, où figurent les signatures, alors qu’elles auraient dû apparaître logiquement en colonne 5.

Motivation

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’ en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction.

Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme [L] [X] produit en pièce 3 ses « états justificatifs des heures effectuées » sous forme de tableaux mensuels, où figurent les heures travaillées, ventilées par jours et semaines, l’avant-dernière colonne indiquant le total par journée, et la dernière étant prévue pour la « signature bénéficiaire ».

Ce document est suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre à la demande, et si, comme le fait valoir M. [U] [H], lorsque des heures complémentaires sont indiquées sur ces relevés, elles le sont dans la colonne où figurent les signatures de l’employeur, alors qu’elles devraient être intégrées à la colonne « nombre d’heures », l’indication d’une partie des heures dans la colonne signature ne permet pas à elle seule de considérer cette pièce comme falsifiée, alors que qu’il n’y a pas de discordance entre le total des heures indiquées comme travaillées et les plages horaires indiquées dans les colonnes 2, 3 et 4.

M. [U] [H] ne produit aucune pièce justifiant des heures qu’il estime effectivement travaillées, faisant simplement valoir, outre la remarque sur l’indication d’heures dans la colonne signature, que Mme [L] [X] n’a jamais exigé le paiement d’heures complémentaires au fur et à mesure de la relation de travail.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de Mme [L] [X] à hauteur de ce qu’elle réclame.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Mme [L] [X] fait valoir que l’intégralité des heures complémentaires travaillées ne figurent pas, de façon délibérée, sur les bulletins de salaire et n’ont pas été rémunérées.

M. [U] [H] oppose à la demande l’argument selon lequel l’appelante n’a pas réalisé d’heures supplémentaires.

Motivation

La simple omission d’indiquer des heures complémentaires sur les bulletins de paie et de ne pas les avoir payées ne caractérise pas l’intention qu’il est nécessaire de démontrer pour fonder la prétention au titre d’un travail dissimulé.

Mme [L] [X] sera donc déboutée de sa demande.

Sur la demande au titre des frais kilométriques

Mme [L] [X] indique avoir effectué dans le cadre de son travail des déplacements avec son véhicule personnel, et que ses indemnités kilométriques prévus à son contrat de travail ne lui ont pas été réglées.

M. [U] [H] fait valoir que l’appelante ne justifie pas de ces déplacements, d’autant qu’elle a fait l’objet d’une suspension de permis et que son véhicule a été immobilisé pour des raisons mécaniques ; il ajoute qu’elle n’a jamais réclamé ces remboursements au cours du contrat.

Motivation

En l’espèce, le contrat de travail de Mme [L] [X] (pièce 2 de M. [U] [H]) indique qu’elle est employée comme assistante de vie D, et secrétaire particulier.

L’annexe B à la Convention collective nationale des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile du 15 mars 2021, Annexe B Domaine « Adulte » stipule que :

« Quatre emplois-repères d’assistant(e) de vie appartiennent au domaine d’activités « Adulte ». Les emplois d’assistant(e) de vie consistent à accompagner des personnes adultes dont l’autonomie est altérée de manière temporaire, évolutive ou permanente dans la réalisation de leurs activités pouvant aller des tâches courantes aux actes essentiels de la vie quotidienne. En fonction des besoins de la personne, l’assistant(e) de vie peut être amené(e) à faire le lien avec l’entourage et/ou les professionnels de santé.

Les activités de chaque emploi-repère d’assistant(e) de vie (telles qu’énumérées ci-après et dont la liste des tâches n’est pas exhaustive) correspondent aux activités principales de l’emploi-repère même si elles ne sont pas toutes demandées au salarié.

Description des emplois-repères appartenant au domaine « Adulte »

Emploi-repère : assistant(e) de vie (A)

L’emploi-repère d’assistant(e) de vie A consiste à accompagner une personne adulte dont l’autonomie est altérée de manière temporaire, évolutive ou permanente dans la réalisation des tâches courantes.

Selon les consignes de l’employeur, les activités consistent principalement à effectuer et/ou accompagner l’employeur dans :

‘ les activités sociales et/ou de loisirs ;

‘ les courses ;

‘ les tâches ménagères : par exemple entretenir les espaces de vie (intérieurs et extérieurs), par exemple nettoyer les sols, les meubles, les objets, les vitres, les sanitaires, les terrasses, s’occuper de la literie ;

‘ l’entretien du linge ;

‘ la préparation de repas courants : par exemple préparer un repas de tous les jours ;

‘ les tâches administratives courantes : par exemple la gestion du courrier, de documents et leur classement.

Emploi-repère : assistant(e) de vie (B)

L’emploi-repère d’assistant(e) de vie B consiste à accompagner une personne adulte dont l’autonomie est altérée de manière temporaire, évolutive ou permanente dans la réalisation des tâches courantes et des actes essentiels de la vie quotidienne.

Selon les consignes de l’employeur, les activités comprennent principalement :

‘ les activités de l’emploi-repère assistant(e) de vie A ; et,

‘ effectuer et/ou accompagner l’employeur dans la préparation de repas spécifiques : par exemple sans sel, sans sucre, sans apport de matière grasse ;

‘ accompagner l’employeur dans :

 » la prise des repas : par exemple installer correctement l’employeur, préparer la table, couper les aliments ;

 » la réalisation des gestes d’hygiène corporelle que la personne pourrait faire elle-même : par exemple l’aide à la toilette non médicalisée, le rasage, les soins cosmétiques ;

 » les transferts et les déplacements à l’intérieur ou à l’extérieur du domicile : par exemple pour se relever d’une chaise, descendre un escalier, traverser une rue ;

 » l’habillage : par exemple enfiler un gilet, une veste, attacher les chaussures, passer de la tenue de jour à la tenue de nuit et inversement.

Emploi-repère : assistant(e) de vie (C)

L’emploi-repère d’assistant(e) de vie C consiste à réaliser les tâches courantes et les actes essentiels de la vie quotidienne (hors soins d’hygiène corporelle) d’une personne dont l’autonomie est altérée de manière temporaire, évolutive ou permanente qu’elle ne peut effectuer seule.

Selon les consignes de l’employeur, les activités comprennent principalement :

‘ les activités de l’emploi-repère « Assistant(e) de vie A » ; et,

‘ réaliser à la place de l’employeur la préparation de repas spécifiques : par exemple semi-liquide ou liquide, sans sel, sans sucre, sans apport de matière grasse ;

‘ assister :

 » l’employeur dans la prise des repas : par exemple, installer correctement l’employeur, préparer la table, couper les aliments, utiliser le cas échéant les matériels d’aide à l’alimentation (cuillère spécifique, bol’) ;

‘ l’employeur lors de ses transferts et déplacements à l’intérieur ou à l’extérieur du domicile : par exemple pour se relever d’une chaise, descendre un escalier, traverser une rue ;

‘ l’employeur lors de l’habillage : par exemple passer de la tenue de jour à la tenue de nuit et inversement ;

‘ une tierce personne (professionnel de santé, aidant familial) dans la réalisation des soins d’hygiène corporelle.

Emploi-repère : assistant(e) de vie (D)

L’emploi-repère d’assistant(e) de vie D consiste à réaliser les tâches courantes et les actes essentiels de la vie quotidienne d’une personne en situation de handicap qu’elle ne peut effectuer seule dont les gestes liés à des soins délégués.

Selon les consignes de l’employeur, les activités comprennent principalement :

‘ les activités de l’emploi-repère assistant(e) de vie C ; et,

‘ réaliser les gestes délégués liés à des soins d’un employeur en situation de handicap : accomplir des gestes de soins donnant lieu à un apprentissage obligatoire dispensé par un médecin ou un infirmier qui est responsable de la mise en ‘uvre de cette délégation de soins.

La délégation de gestes de soins

La délégation de gestes de soins est précisée dans l’article L. 1111-6-1 du code de la santé publique, (créé par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 et modifié par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005, art. 10, JORF 23 avril 2005). Il est rédigé comme suit :

« Une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d’accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant naturel ou de son choix pour les réaliser.

La personne handicapée et les personnes désignées reçoivent préalablement, de la part d’un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d’acquérir les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des gestes pour la personne handicapée concernée. Lorsqu’il s’agit de gestes liés à des soins infirmiers, cette éducation et cet apprentissage sont dispensés par un médecin ou un infirmier.

Les conditions d’application du présent article sont définies, le cas échéant, par décret. »

Les courses, et les déplacements à l’extérieur faisaient donc bien partie des tâches confiées à Mme [L] [X] dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

Son contrat de travail prévoit en point 14 des indemnités kilométriques de 0,58 euros, au visa de l’article 20-e de la convention collective.

Mme [L] [X] produit en pièce 16 un tableau récapitulatif de ses déplacements, indiquant les jours, l’objet et les kilomètres parcourus, et valorisant le total.

M. [U] [H] ne produit aucune pièce contredisant celles de la salariée.

Compte tenu de ces éléments, il sera fait droit à la demande.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande au titre des congés payés non pris

Mme [L] [X] expose qu’au moment de la rupture de son contrat, elle n’avait pas éclusé l’intégralité de ses droits à congés payés acquis pour l’année 2018, et que son employeur ne lui a pas versé l’indemnité compensatrice correspondante.

Elle précise qu’elle avait un solde de congé de 13 jours.

M. [U] [H] fait valoir que la salariée a été intégralement réglé de ses congés, et qu’elle a pris ses congés du 24 septembre au 22 octobre.

Motivation

Il résulte des dispositions de l’article 48 de la convention collective applicable que le salarié du particulier employeur bénéficie de 5 semaines de congés payés par an.

Le contrat de travail de Mme [L] [X] prévoit en son point 18 que ses congés annuels seront pris en août, outre une semaine « Noël et jour de l’an ».

Il résulte des conclusions des parties que Mme [L] [X] a pris ses congés du 24 septembre au 22 octobre 2018.

Cette période couvre 5 semaines ; le dernier bulletin de salaire de Mme [L] [X] en pièce 6 ne comprend aucun compteur de jours de congés payés.

Compte tenu de ces éléments, il est établi que Mme [L] [X] avait, au jour de la rupture du contrat de travail, épuisé la totalité de ses jours de congés, soit 5 semaines, et qu’elle n’avait dès lors pas de reliquat de jours de congés.

Elle sera donc déboutée de sa demande, et le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

En application des articles L1121-16 et L1234-19 du Code du travail, il sera fait droit à la demande, à l’exception de la demande d’astreinte, celle-ci n’apparaissant pas justifiée.

Le jugement sera réformé dans cette limite.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Au soutien de sa demande, Mme [L] [X] explique que son employeur a porté contre elle des accusations graves et mensongères.

M. [U] [H] estime que le licenciement n’est pas vexatoire et que Mme [L] [X] a manifestement abusé de sa faiblesse.

Motivation

Aux termes des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait qui cause à autrui un dommage oblige celui qui en est responsable à le réparer.

En l’espèce, M. [U] [H] reprochait à Mme [L] [X], dans la lettre de licenciement, un abus de faiblesse et un abus de confiance.

Il résulte des conclusions des parties que la plainte déposée par M. [U] [H] a été classée sans suite ; aucun fait d’abus de faiblesse ou d’abus de confiance n’est donc établi ; une utilisation des moyens de paiement de l’employeur, suivie de remboursements, tels que constatés au terme des développements qui précèdent, ne suffisent pas à rapporter la preuve des griefs tels qu’énoncés dans la lettre de rupture ; ces termes sont dès lors vexatoires, générant un préjudice moral, qui convient de réparer à hauteur de 400 euros.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [U] [H] sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nancy le 10 novembre 2021, en ce qu’il a :

– dit que licenciement pour faute grave de Madame [L] [X] est justifié,

– débouté Madame [L] [X] de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les demandes y afférentes,

– débouté Madame [L] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– condamné Monsieur [U] [H], assisté de Monsieur [H] [G], curateur, à payer à Madame [L] [X] les sommes suivantes :

– 685,98 euros au titre de rappel de salaires,

– 68,59 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,

– ordonné à Monsieur [U] [H], assisté de Monsieur [H] [G], curateur, de remettre à Madame [L] [X] les documents sociaux rectifiés,

– débouté Monsieur [U] [H], assisté de Monsieur [H] [G], curateur, de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chacune des parties la charge de ses dépens respectifs ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau dans ces limites,

Dit que les condamnations au titre du rappel de salaire et congés payés afférents sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2020 ;

Condamne M. [U] [H] à payer à Mme [L] [X] :

– 1 166,78 euros (mille cent soixante six euros et soixante dix huit centimes) à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires,

– 116,68 euros (cent seize euros et soixante huit centimes) au titre des congés payés sur rappel d’heures complémentaires,

– 1 102,81 euros (mille cent deux euros et quatre vingt un centimes) à titre d’indemnité kilométrique,

– 400 euros (quatre cents euros) pour conditions vexatoires du licenciement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Déboute M. [U] [H] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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