Décision de justice sur les particuliers employeurs en date du 23 novembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/00104

Notez ce point juridique

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/00104 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OO3I

ARRET N°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 DECEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE – N° RG F 18/00246

APPELANTE :

Madame [C] [I]

Née le 25 avril 1997

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric PINET de la SELARL SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

Madame [T] [N]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Claude CALVET, substitué par Me Antoine BENET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE

Ordonnance de clôture du 02 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

Exposé du litige

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [C] [I] a embauché Mme [T] [N] en qualité d’assistante maternelle à compter du 27 juin 2017 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Les relations des parties sont régies par les dispositions de la convention collective nationale de travail des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004.

Le 12 avril 2018 à 15h48, l’employeur adressait à la salariée un SMS ainsi rédigé :

« Bonjour, ma mère m’a expliqué que vous avez eu une altercation hier matin et que vous lui avez dit que si elle n’était pas contente elle avait qu’à partir avec [J], c’est ce qu’elle a donc fait ! Je pense que vous attendiez cela après ce qu’il s’est passé la veille ! J’en ai marre des conflits, donc je préfère en rester là sachant que c’est ma mère qui va emmener le petit chez sa nounou donc si c’est pour se prendre la tête tout le temps c’est pas la peine ! Je suis à la recherche d’une autre assistante maternelle, donc je n’emmènerai plus [J] chez vous ! Je vais vous préparer un chèque pour les jours travaillés, bonne continuation. »

La salariée répondait le jour même à 15h54 :

« Super moi je suis au milieu d’un conflit qui ne me concerne pas je pense pas avoir fait mal mon travail quand on me dit que ça fait moment que je voulais me débarrasser de l’enfant et que je ne suis pas solidaire de quoi je ne sais pas je suis la nounou je regrette que vous le preniez comme ça il y a différents papiers qu’il me fait merci. Et dire que je n’attendais que ça, vous plaisantez j’espère moi je n’ai toujours cherché qu’à rendre service, c’est dommage que cela finisse comme ça j’ai été prise en otage dans un conflit qui ne me concernait pas. »

Le 15 avril 2018, l’employeur a adressé à la salariée une lettre recommandée ainsi rédigée :

« Le jeudi 12 avril dernier, ma mère est venue vous amener mon fils [J] que vous avez en garde selon le contrat de travail d’aide-maternelle que nous avons signé ensemble le 27 juin 2017. Vous avez, ce jour-là, montré votre mécontentement au sujet de la visite inopinée du père de mon enfant avec lequel je suis séparée, et, au travers d’un petit échange avec ma mère à ce sujet, vous lui avez dit que si elle n’était pas contente, elle n’avait qu’à repartir avec le petit, ce qu’elle a fait ! Depuis vous ne vous êtes plus manifestée. Je considère de ce que fait que vous avez rompu le contrat de travail unilatéralement de votre propre chef. »

La salariée a répondu par lettre du 19 avril 2018 en ces termes :

« Suite à la réception de votre courrier du 17 avril courant, je me suis renseignée auprès de mon syndicat et à l’inspection du travail afin de ne pas commettre d’erreur.

Au sujet du contenu de votre lettre :

Le papa de [J] est venu me voir pour me dire que vous vous sépariez. J’étais prête à partir en activité avec les petits. Nous sommes donc partis chacun de son côté. Le lendemain matin (mercredi 11 avril), votre mère est venue m’amener votre fils. Elle était tremblante, énervée. Je lui ai demandé ce qui lui arrivait. Elle m’a répondu : « vous ne savez pas dans quelle merde je suis !! » Je lui ai répondu : « vous êtes en train de m’y mettre aussi ». Votre mère a élevé la voix de telle sorte que le petit, que j’avais en garde ce jour-là, a eu peur. Je lui ai donc demandé de sortir se calmer. Elle est partie sans me laisser [J]. En s’en allant, elle m’a dit : « merci la solidarité ». Elle est partie en claquant la porte et en hurlant. Sur le moment, j’ai pensé qu’elle était allée faire un tour avec le petit mais qu’elle reviendrait me confier [J] plus tard.

13h36 : n’ayant aucune nouvelle, je vous ai laissé un message sur votre répondeur afin de savoir pourquoi je n’avais pas votre fils.

15h48 : message de votre part : ‘ vous déformez mes propos. Vous mentionnez ne plus vouloir de conflit et que de ce fait, : je vous cite ‘ « je suis à la recherche d’une autre assistante maternelle donc je n’emmènerai plus [J] chez vous ! je vais vous préparer un chèque pour les jours travaillés, bonne continuation »

13h59 : sms de votre part sur le fait de la venue du papa.

16h15 : je vous explique qu’il me faut une lettre en RAR ainsi qu’un préavis de 15 jours.

16h20 : réponse de votre part pas de préavis m’ont dit Pajemploi

16h47 : je vous demande de regarder sur le contrat que vous avez signé.

En ce qui concerne les sms, je les ai sauvegardés sur la demande du SPAMAF. Donc, tout ça pour vous remémorer les faits. Je me suis donc bien manifestée et j’attends, depuis ce jour, ma lettre de rupture.

Au sujet de la rupture que vous désirez mettre en place :

Une lettre recommandée avec accusé de réception est nécessaire. Le premier jour de la présentation de votre courrier marquera le départ d’un préavis de 15 jours calendaires. Si vous ne souhaitez pas me confier [J] pendant ce dernier, il me sera, quand même, payé. Ci-dessous article de loi.

Article L. 423-24 créé par ordonnance 2007-329 2007-03-12 article 5 6° JORF 13 mars 2007 en vigueur au plus tard le 1er mars 2008 : Le particulier employeur qui décide de ne plus confier d’enfant à un assistant maternel qu’il employait depuis trois mois doit notifier à l’intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l’article L. 423-25, l’inobservation de ce préavis donne lieu au versement d’une indemnité compensatrice du congé dû. »

Se plaignant d’un licenciement abusif, Mme [T] [N] a saisi le 13 novembre 2019 le conseil de prud’hommes de Narbonne, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 18 décembre 2019, a :

dit que la rupture du contrat de travail est un licenciement abusif et irrégulier ;

condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

‘  37,20 € bruts au titre des heures supplémentaires ;

‘  3,72 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

‘ 300,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif  ;

‘ 730,00 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

‘  7,30 € [sic] bruts au titre des congés payés y afférents ;

‘ 730,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement ;

condamné l’employeur à adresser à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi dûment rectifiés et conformes et ce sous astreinte de 20 € par jour et par document à compter du 15e jour de la notification de la décision et qui deviendra définitive à compter du 30e jour, le conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte le cas échéant ;

ordonné l’exécution provisoire de droit ;

fixé le salaire moyen brut à la somme de 730 € ;

condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 700 € au titre des frais irrépétibles ;

débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;

condamné l’employeur aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la décision.

Cette décision a été notifiée le 20 décembre 2019 à Mme [C] [I] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 7 janvier 2020.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 septembre 2022.

Moyens

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur les heures supplémentaires

Si les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux assistants maternels employés par les particuliers, qui sont soumis à la convention collective nationale du 1er juillet 2004, il n’en va pas de même de celles de l’article L. 3171-4 du code du travail relatives à la preuve de l’existence ou du nombre d’heures effectuées.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

La salariée sollicite le paiement des heures de travail suivantes qui venaient se rajoutaient à son temps plein soit :

‘ le 13 mars 2018 de 16 h à 18 h ;

‘ le 20 mars 2018 de 16 h à 18 h ;

‘ le 27 mars 2018 de 16 h à 18 h ;

‘ le 3 avril 2018 de 16 h à 18 h ;

‘ le 10 avril 2018 de 16 h à 18 h ;

soit 10 heures à 3,72 € = 37,20 €. Elle produit l’attestation de M. [D] [R] qui témoigne qu’elle assistait bien avec les enfants à la séance d’éveil musical dans les locaux d’ABC Music tous les mardis de 17h30 à 18h15.

L’employeur répond que ces heures ont déjà été rémunérées comme en atteste les bulletins de salaire des mois de mars et avril 2018, mais que seules les heures effectuées de 17 h à 18 h ne sont pas incluses dans les 35 heures contractuelles. Aussi réclame-t-il la somme de 18,60 € au titre du trop perçu pour les mois de mars et avril 2018.

La cour retient que les bulletins de salaire font bien état de 6 heures supplémentaires pour le mois de mars 2018 et de 4 heures supplémentaires pour le mois d’avril 2018 alors que le décompte produit par la salariée ne permet pas de connaître sa charge de travail hebdomadaire et donc de retenir l’existence d’heures supplémentaires. L’employeur ne produit quant à lui aucun décompte du temps de travail pour critiquer ses propres bulletins de salaire. Les parties seront dès lors déboutées de leurs demandes concernant le paiement ou le remboursement d’heures supplémentaires.

2/ Sur le travail dissimulé

L’employeur n’ayant pas dissimulé la réalisation d’heures supplémentaires par la salariée, cette dernière sera déboutée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

3/ Sur la rupture du contrat de travail

L’article L. 423-24 alinéa 1 du code de l’action sociale et des familles dispose que :

« Le particulier employeur qui décide de ne plus confier d’enfant à un assistant maternel qu’il employait depuis trois mois doit notifier à l’intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l’article L. 423-25. L’inobservation de ce préavis donne lieu au versement d’une indemnité compensatrice du congé dû. »

En application de ce texte, le droit de retrait d’un enfant ouvert aux particuliers employant des assistantes maternelles peut s’exercer librement, mais le motif de ce retrait ne doit pas être illicite.

Les dispositions précitées n’exigent nullement que le droit de retrait d’un enfant confié à une assistante maternelle employée par un particulier soit précédé d’une convocation de la salariée à un entretien préalable. Dès lors la salariée sera déboutée de sa demande d’indemnité pour violation de la procédure de licenciement.

Le droit de retrait d’un enfant s’exerce librement et ne peut être sanctionné seulement que par l’allocation de dommages-intérêts en cas de retrait abusif.

En l’espèce, la salariée ne précise pas en quoi l’employeur aurait abusé de son droit de retrait, mais elle se plaint de ce que ce retrait est intervenu sans forme ni motif.

La cour retient qu’il ressort des échanges de SMS et des correspondances précités que le retrait est intervenu pour éviter des difficultés relationnelles entre la grand-mère de l’enfant et la salariée qui s’était plainte du comportement du père de l’enfant dans un contexte de séparation des parents. Dès lors, le retrait de l’enfant n’apparaît ni illicite ni abusif.

En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

4/ Sur l’indemnité compensatrice de préavis

L’article L. 423-25 du code de l’action sociale et des familles dispose que :

« L’assistant maternel qui justifie auprès du même employeur d’une ancienneté d’au moins trois mois a droit, en cas de rupture du contrat de travail par son employeur, sauf en cas de faute grave et sous réserve des dispositions de l’article L. 423-27, à un préavis de quinze jours avant le retrait de l’enfant qui lui était confié.

La durée du préavis est portée à un mois lorsque l’enfant est accueilli depuis un an ou plus. »

La salariée sollicite la somme de 730 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 7,30 € au titre des congés payés y afférents.

L’employeur fait valoir que la salariée a commis une faute grave en refusant de prendre en charge l’enfant le jeudi 12 avril 2018.

Mais, au vu des échanges déjà reproduit, il n’apparaît pas que la salariée ait refusé de recevoir l’enfant mais plutôt que la grand-mère de ce dernier a renoncé à le lui confier après une altercation dont l’origine ne peut être déterminée. En conséquence, il n’apparaît pas que la salariée ait commis une faute grave.

Compte tenu de son ancienneté, il convient d’allouer à la salariée une indemnité de préavis de 15 jours soit la somme de 365 € bruts outre celle de 36,50 € au titre des congés payés y afférents.

5/ Sur les autres demandes

L’employeur remettra à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure d’astreinte.

Les sommes allouées à titre salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes.

Les intérêts seront capitalisés pour autant qu’ils seront dus pour une année entière.

Il n’est pas inéquitable de laisser les frais irrépétibles d’appel à la charge des parties qui les auront exposés. Dès lors, les parties seront déboutées de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à cette hauteur.

L’employeur supportera la charge des dépens d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

fixé le salaire moyen brut à la somme de 730 € ;

condamné Mme [C] [I] à payer à Mme [T] [N] la somme de 700 € au titre des frais irrépétibles ;

condamné Mme [C] [I] aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la décision.

L’infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [C] [I] à payer à Mme [T] [N] les sommes suivantes :

365,00 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

36,50 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes.

Dit que les intérêts seront capitalisés pour autant qu’ils seront dus pour une année entière.

Dit que Mme [C] [I] remettra à Mme [T] [N] les documents de fin de contrat, bulletin de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, rectifiés.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne Mme [C] [I] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top