RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03552 – N°Portalis DBVH-V-B7G-ITSK
ID
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON
29 septembre 2022 RG:21/00072
[T]
C/
[K]
Grosse délivrée
le 18/01/2024
à Me Emmanuelle Vajou à Me Jean-philippe Borel
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 18 JANVIER 2024
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d’Avignon en date du 29 septembre 2022, n°21/00072 hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, et Mme Séverine Léger, conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre
Mme Séverine Léger, conseillère
M.Nicolas Maury, conseiller
GREFFIER :
Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 décembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 janvier 2024 prorogé au 18 janvier 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Mme [W] [F] [T]
née le [Date naissance 10] 1997 à [Localité 12] (06)
[Adresse 1]
[Localité 14]
Représentée par Me Pierre-François Giudicelli de la SELARL Cabinet Giudicelli, plaidant, avocat au barreau d’Avignon
Représentée par Me Emmanuelle Vajou de la SELARL LexAvoué Nîmes, postulante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉE :
Mme [J] [D] [K] veuve [E]
née le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 16] (06)
[Adresse 17]
[Localité 8]
PARTIE INTERVENANTE
Mme [S] [I]
née le [Date naissance 7] 1946 à [Localité 16] (06)
[Adresse 11]
[Localité 9]
Toutes deux représentées par Me Jean-Philippe Borel, plaidant/postulant, avocat au barreau d’Avignon
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 18 janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la cour
Exposé du litige
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
[B] [E] est décédé le [Date décès 6] 2017 sans enfant laissant pour veuve son épouse Mme [J] [K].
Suivant procès-verbal d’ouverture et de description du 17 octobre 2017, déposé au rang des minutes de Me [C] [M], notaire à [Localité 15] (13), il avait désigné celle-ci comme légataire universelle par testament olographe fait à [Localité 14] (13) le 22 mars 2011.
Par courriel du 27 mai 2020 sa petite-nièce Mme [W] [T] a produit devant Me [O] [A], notaire en charge du réglement de la succession, la photocopie d’un testament olographe daté du 26 juillet 2016 la désignant selon elle comme légataire universelle et bénéficiaire de deux contrats d’assurance-vie.
Le 21 décembre 2020 Mme [T] a fait assigner Mme [J] [K] veuve [E], aux côtés de laquelle est intervenue en qualité de personne habilitée désignée par le juge des tutelles de Clermont-Ferrand sa soeur Mme [S] [I], aux fins de validation de ce testament devant le tribunal judiciaire d’Avignon qui par jugement du 29 septembre 2022 :
– a déclaré recevable l’intervention volontaire à l’instance de Mme [I],
– a débouté Mme [W] [T] de sa demande de validation du testament du 26 juillet 2016,
– a déclaré sans objet la demande d’ouverture des opérations de liquidation-partage de la succession d'[B] [E],
– a déclaré sans objet la demande d’inscription des dispositions testamentaires dans l’acte de notoriété et de réalisation d’un acte modificatif de notoriété par Me [A],
– a condamné Mme [T] à payer à Mme [K] veuve [E] la somme de 1 500€ au titre de l’article 700 et aux entiers dépens,
– a débouté les parties de leurs autres demandes.
Le tribunal a estimé qu’il appartenait à Mme [T] de prouver l’existence du testament olographe par écrit et par production de son original, et le fait que la perte de cet original résulte d’un cas fortuit ou de la force majeure ; qu’en l’espèce celle-ci n’établissait pas avoir été en possession de l’acte original au moins jusqu’au décès d'[B] [E] de sorte qu’il était inopérant de rechercher si la copie en était fidèle et durable et si l’original avait été perdu ou détruit par cas fortuit ou de force majeure.
Mme [T] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 3 novembre 2022.
Une proposition de médiation a été rejetée par les deux parties.
La clôture de l’instruction d’abord prononcée le 23 janvier 2023 à effet au 30 mai 2023 pour que l’affaire puisse être plaidée à l’audience du 13 juin 2023 a été prononcée à nouveau le 18 juillet 2023 à effet au 21 novembre 2023 pour être plaidée à l’audience du 5 décembre 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Au terme de ses conclusions signifiées le 23 juin 2023 par voie électronique, Mme [W] [T] demande à la cour :
Vu les articles 1348 et 895 anciens du code civil, la jurisprudence afférente et les pièces versées aux débats,
– de déclarer son appel recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
– d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle :
– a déclaré recevable l’intervention volontaire de Mme [I] à la présente instance,
– l’a déboutée de sa demande de validation du testament olographe rédigé le 26 juillet 2016,
– a déclaré sans objet la demande d’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de M.[B] [E], la demande d’inscription des dispositions testamentaires dans l’acte de notoriété et lae réalisation d’un acte modificatif de notoriété,
– l’a condamnée à payer à Mme [J] [K] veuve [E] la somme de mille cinq cents euros (1 500€) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux entiers dépens,
– l’a déboutée de ses autres demandes.
Statuant à nouveau
– de dire et juger et prononcer que le testament olographe de M.[B] [E] est parfaitement régulier et valable,
– de prononcer le partage de la succession de celui-ci en lui attribuant l’universalité en pleine propriété des biens qui dépendront de sa succession et les deux assurances-vie conformément aux dispositions testamentaires,
– d’ordonner que Me [A] procédera à l’inscription de ces dispositions testamentaires dans l’acte de notoriété,
– d’ordonner que Me [A] procédera à la liquidation de la succession en prenant un acte modificatif de l’acte de notoriété,
En tout état de cause
– de débouter les intimées de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.
– de condamner Mme [K] veuve [E] à lui payer la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.
Elle soutient être bénéficiaire d’un testament olographe dont Mme [K] veuve [E] a volontairement détruit l’original ; qu’il résulte de la combinaison des articles 1348 et 895 du code civil, que le bénéficiaire d’un testament qui n’en détient qu’une copie doit rapporter la preuve que cette copie est une reproduction fidèle et durable qui a existé jusqu’au décès du testateur et n’a pas été détruit par lui, de sorte qu’il est la manifestation de ses dernières volontés ; que le tribunal qui a indiqué que les échanges produits ‘tendaient à prouver l’existence du testament évoqué et l’existence de l’original jusqu’au jour des obsèques du de cujus’ n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en exigeant une condition supplémentaire non prévue par la loi.
Au terme de ses conclusions en réponse et récapitulatives n°2 signifiées par voie électronique le 20 juillet 2023 Mme [J] [K] veuve [E] demande à la cour :
Vu l’ancien article 1348 du code civil
Vu les dispositions et notamment l’article 9 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,
Vu les articles 2, 895, 914-1, 922, 1379, 1437 du code civil, et les articles 328, 329, 330 et 1360 et suivant du code de procédure civile,
– de dire et juger
– que les dispositions de l’article 1379 du code civil issues de l’ordonnance du 10 février 2016 sont ici inapplicables
– que Mme [T] ne démontre pas avoir été dépositaire de l’original du testament du 26 juillet 2016,
– qu’elle ne démontre pas l’existence du testament au jour du décès ni ce qui serait à l’origine de sa disparition et a singulièrement tardé pour se prévaloir du legs dont elle prétend bénéficier,
– de dire Mme [T] mal fondée et de la débouter de l’ensemble de ses demandes dans le cadre de la succession de [B] [R] [E], son époux, décédé à [Localité 13] le [Date décès 6] 2017,
– de débouter Mme [T] de l’ensemble de ses demandes à son encontre
Par conséquent :
– de confirmer le jugement dans son intégralité en ce qu’il a :
– déclaré recevable l’intervention volontaire de Mme [I] à la présente instance,
– débouté Mme [T] de sa demande de validation du testament olographe rédigé le 26 juillet 2016,
– déclaré sans objet la demande d’ouverture des opérations de liquidations partage de la succession d’ [B] [E],
– déclaré sans objet la demande d’inscription des dispositions testamentaires dans l’acte de notoriété et de réalisation d’un acte modificatif de notoriété par Me [A],
– condamné Mme [T] à lui payer la somme de mille cinq cents euros (1 500€) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,
A titre subsidiaire
– d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [B] [R] [E], décédé à [Localité 13] le [Date décès 6] 2017,
– de faire injonction à Mme [T] d’avoir à communiquer au notaire commis toutes les pièces en sa possession relative aux assurances-vie visées dans la photocopie du testament du 26 juillet 2016,
– d’ordonner la réintégration dans l’actif successoral de [B] [E] du montant du capital des assurance-vie visées dans la photocopie du testament du 26 juillet 2016 à sa valeur au jour de la signification du jugement,
– de désigner tel notaire qu’il plaira à la cour pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage,
– de dire en particulier que le notaire désigné donnera son avis sur la valeur des biens composant l’actif à partager,
– de dire que le notaire désigné aura la faculté de saisir tout expert désigné d’un commun accord entre les parties, ou, à défaut par le juge commis,
– de dire que le notaire désigné consultera le fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) et le fichier des contrats d’assurance-vie (FIVOCIE),
– de dire que le notaire désigné effectuera toutes les recherches nécessaires sur les contrats d’assurance-vie souscrits par M.[E] afin de déterminer :
– le montant de la récompense due à la communauté par la succession de M.[E] en raison du financement des assurance-vie souscrite par celui-ci au bénéfice de Mme [T],
– le montant de la récompense due par la communauté à Mme [E] en raison de l’investissement de fonds propres à hauteur de 163 700€ pour l’acquisition de l’appartement à [Localité 14],
– le montant de la récompense due par la communauté à Mme [E] en raison du versement de la somme de 103 300€ sur le compte-joint le 20 juillet 2010,
– le montant de la créance dont dispose Mme [E] en raison des fonds propres qui ont été versés sur les contrats d’assurance-vie visés dans la photocopie du testament du 26 juillet 2016,
– de désigner l’un de Mmes MM. les juges du siège pour surveiller les opérations,
En tout état de cause
– de condamner Mme [T] à lui payer la somme de 3 500€ par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Mme [T] aux entiers dépens
Elle soutient qu’en cas de perte de l’original du testament, le légataire qui est en possession d’une copie peut en invoquer le bénéfice s’il parvient à prouver cumulativement :
– qu’il était dépositaire du testament,
– que la copie qu’il détient est la reproduction fidèle et durable de l’original qui a existé jusqu’au décès du testateur et n’a pas été détruit par lui, de sorte qu’il est la manifestation de ses dernières volontés,
– que la perte du testament résulte d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure, autrement dit d’un événement imprévisible, irrésistible et extérieur,
qu’en l’espèce Mme [T] ne démontre pas avoir été dépositaire de l’original du testament, que sa mère reproche à une certaine ‘[X]’ d’avoir pris et d’avoir à le restituer, qu’elle ne démontre pas plus que cet original aurait été détruit par Mme [K] ni qu’il aurait existé jusqu’au décès du testateur, que de surcroît le texte de ce testament ne précise pas l’identité de l’attributaire de l’universalité en pleine propriété de ses biens.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré l’intervention volontaire de Mme [S] [I] recevable
Statuant à nouveau pour le surplus et y ajoutant
Valide le testament olographe du 26 juillet 2016 de M.[B] [E] mais seulement en ce qu’il lègue à Mme [W] [T] ‘les deux contrats d’assurances-vie.’
Dit que Me [O] [A] notaire chargée du réglement de la succession procédera à l’inscription de la disposition testamentaire validée concernant le legs des deux contrats d’assurance-vie ouverts par [B] [E] dans l’acte de notoriété, et procédera à la liquidation de la succession en prenant un acte modificatif de l’acte de notoriété.
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de partage
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE