COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 OCTOBRE 2022
N° RG 20/00741
N° Portalis DBV3-V-B7E-TZV4
AFFAIRE :
[L] [O]
C/
S.A.S. CENOVA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 décembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F 19/01376
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Marie-Constance DU COUËDIC
Me Elvire DE FRONDEVILLE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [L] [O]
née le 15 janvier 1992 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie-Constance DU COUËDIC de la SELAS AGN AVOCATS PARIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.A.S. CENOVA
N° SIRET : 818 388 266
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Elvire DE FRONDEVILLE substituée par Me Claire DELAFONT de la SELARL ARBOR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1185
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK
EXPOSE DU LITIGE
La société Cenova ayant son siège social [Adresse 1], est spécialisée dans le conseil en système et logiciels informatiques. Elle emploie plus de dix salariés.
La convention collective nationale applicable est celle des bureaux d’études techniques des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (Syntec) du 15 décembre 1987.
Mme [L] [O], née le 15 janvier 1992, a été engagée par la société Cenova par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 3 décembre 2018 en qualité de business manager.
Elle a été confirmée à son poste à la fin de la période d’essai de quatre mois se terminant le 2 avril 2019.
Le 18 avril 2019, Mme [O] s’est entretenue avec la responsable des ressources humaines pour envisager une rupture conventionnelle.
Par courrier du 18 avril 2019, la société Cenova a confirmé à Mme [O] sa dispense d’activité dans les termes suivants :
« Suite à notre premier entretien le 18 avril 2019 dans le cadre d’une procédure de rupture conventionnelle, nous vous confirmons par cet écrit que vous êtes dispensée de venir travailler chez Cenova à compter d’aujourd’hui.
Nous avons noté que demain, vendredi 19 avril, vous êtes en congés payés. En attendant de convenir d’un prochain entretien stipulant les modalités de la rupture, nous vous demandons de poser des RTT employeurs, a minima mardi 23 avril.
Par ailleurs, comme il vous a été demandé, nous confirmons que vous avez bien déposé votre ordinateur portable ainsi que votre téléphone portable dans votre casier Cenova prévu à cet effet. Vous pourrez récupérer vos données personnelles ultérieurement. »
La société Cenova a notifié à Mme [O], par courrier du 24 avril 2019, la prolongation de sa dispense d’activité.
Par courrier du 25 avril 2019, Mme [O] a pris acte que la société avait rompu son contrat de travail dans les termes suivants :
« [je n’ai] d’autre choix que de prendre acte du fait que votre refus de me laisser accéder à mon poste constitue un licenciement. De même je comprends que la dispense de travail que vous m’avez notifiée constitue une dispense de travail pendant la durée de mon préavis ».
Par courrier en date du 2 mai 2019, la société Cenova a contesté les termes du courrier du 25 avril 2019.
Le 3 mai 2019, date de fin de la période de dispense d’activité, Mme [O] ne s’est pas présentée à son poste de travail.
Par courriers des 6 et 9 mai 2019, la société Cenova a mis Mme [O] en demeure de justifier de son absence ou reprendre son poste.
Mme [O] a confirmé à la société Cenova avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail au 25 avril 2019 et a sollicité la remise de ses documents de fin de contrat.
Par courrier du 14 mai 2019, la société Cenova a convoqué Mme [O] à un entretien préalable fixé au 27 mai 2019 avec mise à pied à titre conservatoire.
Mme [O] ne s’est pas présentée à cet entretien.
Par courrier du 11 juin 2019, la société Cenova a notifié à Mme [O] son licenciement pour faute grave notamment pour absence injustifiée et ‘extrême mauvaise foi tendant manifestement à déformer la réalité des faits pour maquiller votre décision réfléchie et mûrie de quitter l’entreprise’. Il est également reproché à la salariée d’avoir le 18 avril 2019 procédé au téléchargement sur le réseau d’un nombre important de documents et dossiers clients ou prospects, copiés ensuite dans un fichier privé, violant ainsi gravement son obligation de loyauté ainsi que ses obligations contractuelles et professionnelles en procédant au téléchargement et au transfert de données confidentielles. Au terme de cette lettre, l’employeur informe Mme [O] qu’elle est libérée de toute clause de non-concurrence et que par conséquent aucune contrepartie financière n’est due.
Par requête reçue le 28 mai 2019, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir juger que sa prise d’acte de la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir condamner la société Cenova au paiement de diverses sommes.
La société Cenova a, quant à elle, conclu au débouté de la salariée et sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 16 décembre 2019, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– dit que la rupture des relations contractuelles est imputable à Mme [O] et doit s’analyser en démission,
– débouté Mme [O] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné Mme [O] aux dépens éventuels.
Par déclaration du 10 mars 2020, Mme [O] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions en date du 29 janvier 2021, Mme [L] [O] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau,
– condamner la société Cenova à verser à Mme [O] 3 500 euros de dommages-intérêts au titre de l’irrégularité des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre,
– constater que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est intervenue le 25 avril 2019,
– juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et par conséquent,
– condamner la société Cenova à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
– 3 590 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 10 779 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 077,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– constater que la levée de l’obligation de non-concurrence est intervenue tardivement, et par conséquent,
– condamner la société Cenova à verser à Mme [O] l’indemnité de non-concurrence mensuelle de 1 795 euros pendant 12 mois à compter du 26 avril 2019,
– condamner la société Cenova à verser à Mme [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du préjudice moral résultant du caractère brusque et vexatoire des conditions de la rupture de son contrat de travail,
– condamner la société Cenova à verser à Mme [O] un rappel de salaire de 798,56 euros au titre du reliquat de l’indemnité compensatrice de congés payés et de RTT,
– condamner la société Cenova à verser à Mme [O] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du retard dans la remise des documents de fin de contrat,
– ordonner à la société Cenova la remise de documents de fin de contrat conformes sous peine d’astreinte de 150 euros par jour de retard,
– dire que les sommes porteront intérêt à taux légaux,
– condamner la société Cenova aux entiers dépens,
– condamner la société Cenova au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 5 septembre 2022, la société Cenova demande à la cour de :
– dire et juger que la société Cenova n’a pas notifié de sanction disciplinaire à Mme [O] et, en conséquence, confirmer le jugement de première instance et la débouter de sa demande de dommages et intérêts au titre d’une prétendue irrégularité à ce titre,
– sur la rupture du contrat de travail, confirmer le jugement de première instance,
A titre principal,
– dire et juger bien-fondé le licenciement pour faute grave de Mme [O] et, en conséquence, la débouter de l’ensemble de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail,
A titre subsidiaire,
– dire et juger que la prise d’acte de rupture du contrat de travail doit produire les effets d’une démission et, en conséquence,
– débouter Mme [O] de l’ensemble de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail,
– condamner Mme [O] à payer à la société Cenova la somme de 10 779 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour préavis de démission,
– confirmer le jugement de première instance et dire et juger que la société Cenova a versé à Mme [O] l’ensemble des sommes dues au titre de son solde de tout compte et la débouter de l’ensemble des demandes y afférentes,
– confirmer le jugement de première instance et débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant du prétendu caractère brusque et vexatoire des conditions de la rupture de son contrat de travail,
– sur la clause de non-concurrence, confirmer le jugement de première instance,
A titre principal,
– constater la levée de la clause de non-concurrence et débouter Mme [O] de sa demande au titre de la contrepartie financière,
A titre subsidiaire,
– constater que Mme [O] a violé la cause de non-concurrence et la débouter de sa demande,
A titre d’appel incident, et sur le fondement des articles 32-1 et 599 du code de procédure civile et 1240 du code civil,
– infirmer le jugement de première instance et condamner Mme [O] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner Mme [O] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur l’irrégularité des sanctions disciplinaires
Aux termes de l’article L.1332-2 du code du travail, ‘lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.’
Mme [O] soutient au visa de cette disposition, qu’elle a fait l’objet des sanctions suivantes :
– suppression de son ordinateur portable,
– suppression de son téléphone portable qui a été réinitialisé,
– suppression de tous ses accès professionnels,
– dispense d’activité malgré son refus avec prise de RTT imposée et refus d’accès aux locaux de la société constituant une mise en pied.
La société Cenova fait valoir que la salariée est à l’origine de la demande de rupture conventionnelle, qu’elle a entre les deux rendez-vous prévus pour les modalités de la rupture emporté son ordinateur professionnel et téléchargé d’importants fichiers confidentiels appartenant à l’employeur, que ce dernier lui a imposé un jour de RTT ’employeur’ conformément au règlement de la société, l’accès aux locaux ne lui a pas été refusé le jour du RTT. Il indique également que le fait de demander à la salariée de déposer ses outils professionnels alors qu’elle était dispensée d’activité ne constitue pas une sanction disciplinaire.
Sur la chronologie des faits, il convient de se reporter aux termes du jugement (p.4 à 6) qui en donne une description détaillée en reprenant les échanges entre les parties.
Il résulte ainsi des pièces produites que l’employeur a, le 26 mars 2019, confirmé l’embauche de Mme [O] après 4 mois de période d’essai qu’il n’a pas entendu renouveler pour une durée de trois mois, possibilité offerte par le contrat de travail (pièce appelante n°1, pièces intimée n°3 et 4).
Il ne peut donc être reproché à l’employeur une soudaine décision de se séparer de la salariée quinze jours plus tard, étant observé que cette dernière a cependant renvoyé le compte-rendu de l’entretien de fin de période d’essai le 9 avril soit 10 jours après son envoi, et coché la case ‘refus embauche par le salarié’ pour affirmer ensuite qu’il s’agissait d’une erreur (pièce intimée n°5 : échanges de messages).
L’employeur indique que le 17 avril 2019 la salariée a appelé le dirigeant de l’entreprise M. [U] souhaitant s’entretenir avec lui. Cette initiative est confirmée par l’échange de sms à la date du 17 avril 2017 à 11 heures 10 (pièce intimée n°34).
L’employeur affirme que lors de cet entretien téléphonique, la salariée l’a informé que la prospection ne l’intéressait pas, qu’elle souhaitait ne plus en faire, en demandant à M. [U] une ‘adaptation de sa fonction actuelle dans un délai rapide’, qu’elle n’appréciait pas la manière dont, en tant que dirigeant, il s’adressait à elle ‘notamment par email en mettant en copie l’autre associé ou un senior manager (mail du 17/4 à 9 heures 52)’ et qu’elle souhaitait que M. [U] ‘adapte sa manière de communiquer avec elle.'(pièce intimée n°10).
Il affirme également que suite à cet échange à la demande de la salariée, celle-ci a ‘manifesté son souhait de régler rapidement cette situation’, de sorte que dès le 18 avril 2019 à 11 heures 23, la responsable des ressources humaines Mme [J], se référant à la conversation téléphonique de la veille, proposait à Mme [O] de la recevoir le même jour à 17 heures. (pièce intimée n°6)
L’échange de messages entre Mme [J] et Mme [O] démontre que celle-ci a souhaité voir la responsable dès avant la pause déjeuner, un second rendez-vous étant fixé à 15 heures pour ‘préparer la rupture en ce début d’après-midi’ et la ‘remettre aujourd’hui à 15 heures’, ce qu’a accepté la salariée ‘c’est bon pour moi pour que vous me détaillez les modalités’, son message à 15 heures 18 sans nouvelle de la responsable, témoignant d’une certaine impatience. (pièces intimée n°6 bis, 6 ter).
Il n’est pas sérieusement contesté par la salariée, ayant elle-même exigé un premier rendez-vous en fin de matinée, qu’elle a emporté à la pause déjeuner son ordinateur professionnel, ce qui selon l’employeur était inhabituel, justifiant ainsi, dans le cadre d’une rupture conventionnelle initiée le même jour en fin de matinée, les craintes de l’employeur, au regard des données confidentielles contenues dans le matériel appartenant exclusivement à l’entreprise, craintes légitimes selon les termes du procès-verbal de l’huissier des 13,15 et 24 mai 2019 et de l’expertise informatique, démontrant des téléchargements importants de données de l’ordinateur vers la messagerie personnelle de Mme [O].
La mesure prise par ce dernier le 18 avril 2019 dans l’après-midi, alors que la salariée était en congé le 19 avril, les 20 à 22 avril correspondant au week-end de Pâques et le 23 avril étant un jour de RTT ’employeur’ demandé par la société Cenova, de remettre dans son casier son ordinateur et son téléphone, au regard du comportement de la salariée entre les deux rendez-vous de la négociation, ne peut être interprétée comme une mesure disciplinaire.
Comme le relève le conseil de prud’hommes, l’employeur tire de son pouvoir de direction le droit de surveiller et de contrôler l’activité des salariés sur le lieu et pendant le temps de travail, notamment de contrôler l’utilisation par ses salariés des outils mis à leur disposition pour l’exécution de leur travail.
En l’espèce, la demande faite à la salariée, au vu des circonstances rappelées ci-dessus, était justifiée, Mme [O], étant en outre en congé ou RTT jusqu’au 23 avril 2019.
S’agissant de cette journée du 23 avril imposée par l’employeur, contrairement à ce qu’affirme la salariée, ce jour RTT ne lui a pas été imposé le 23 avril mais le 18 avril comme en atteste le courrier de la société Cenova du même jour rappelant le congé de Mme [O] le 19 avril, la demande de poser des RTT ’employeur’ a minima mardi 23 avril ‘en attendant de convenir d’un prochain entretien stipulant les modalités de la rupture’, la lettre du 23 avril ne faisant que confirmer à la demande de la salariée, la journée RTT du 23 avril. (pièces intimée n°7 et 8)
Aux termes de son courrier de ‘prise d’acte du licenciement’ du 25 avril 2019, Mme [O] reconnait que l’employeur lui a remis un courrier ‘me demandant de poser des jours de congés (ou RTT) en attendant la signature d’une rupture conventionnelle.'(pièce appelante n°8)
Mme [O] allègue que le fait d’imposer un jour RTT ’employeur’ est contraire à l’article 4.6 de l’avenant de la convention collective Syntec relatif aux forfaits jours qui prévoit que les jours de repos se font au choix du salarié en concertation avec la hiérarchie.
Cependant, Mme [O] n’était pas soumise au forfait jour mais relevait de la modalité 2 de la convention collective Syntec, la durée du travail étant décomptée en heures et en jours, selon le contrat de travail. (pièces intimée n°3 et T1 : annexe 7 Syntec)
En outre, il n’est pas contesté par Mme [O] l’existence de jours RTT ’employeur’ que ce dernier a le droit de fixer unilatéralement et des jours de RTT salarié que celui-ci est en droit de fixer comme en atteste le guide d’accueil remis au salarié (pièce intimée n°39).
La demande de prise de RTT le 18 avril pour le 23 avril dans le contexte de la négociation d’une rupture conventionnelle, conforme au règlement de l’entreprise, ne peut être considérée comme une sanction infligée à Mme [O].
De même, ce 23 avril 2019, la salariée étant en dispense d’activité, elle ne justifie pas la raison pour laquelle elle s’est présentée dans les locaux de l’entreprise. Contrairement à ce qu’elle affirme, l’accès ne lui a pas été interdit puisqu’elle a eu un entretien avec Mme [J] responsable RH, ce qu’elle ne conteste pas sérieusement notamment dans son courrier du 25 avril 2019.
Aux termes de ce courrier et de ses écritures, elle indique même que l’accès aux locaux lui a été refusé le 24 avril alors même qu’elle reconnait avoir été reçue par M. [U] ce même jour.
S’agissant de la dispense d’activité entre le 24 avril et le 2 mai 2019, selon un message de M. [U] à Mme [O] du 24 avril 2019 à 11 heures 29, Mme [O] a été reçue en rendez-vous par le dirigeant de l’entreprise.
Ce message indique que Mme [O] s’est présentée à 9 heures 40, a été reçue par M. [U] qui lui a remis une dispense d’activité à compter du 24 avril jusqu’au 2 mai et une demande de déblocage de son téléphone portable professionnel, documents dont elle a refusé la remise en main propre. Il est mentionné que le téléphone a été débloqué par la salariée et la dispense de travail envoyée par mail.
Ce document reprend de façon détaillée la chronologie des faits depuis le 17 avril 2019, indiquant notamment que lors des échanges avec la responsable RH du 23 avril, Mme [O] a exigé une indemnisation de trois mois de salaire, l’employeur justifiant cette nouvelle demande de dispense de travail d’une part par le délai très court pour répondre aux demandes de Mme [O], d’autre part pour éviter un climat de tension au sein de l’entreprise.
Par courrier du 25 avril 2019 envoyé par messagerie et par voie postale (pièce appelante n°8), Mme [O] a pris ‘acte du fait que votre refus de me laisser accéder à mon poste constitue un licenciement’, contestant la version des faits de l’employeur, notamment faisant état de l’hostilité manifeste dont M.[U] a fait preuve à son égard au cours des semaines précédant l’appel téléphonique du 17 avril qui avait pour but de connaître les griefs qu’il avait à son encontre, de l’initiative de l’employeur de lui faire signer les documents relatifs à une rupture conventionnelle, reprochant à l’employeur de lui refuser l’accès aux locaux, de l’empêcher de travailler en lui retirant ses outils professionnels et à la menaçant de licenciement.
Répondant à ce courrier, l’employeur en a contesté les termes, notamment le fait que la salariée ne pouvait ‘s’auto-licencier’ et lui confirmant l’attendre à son poste le 3 mai 2019 ‘afin de voir dans quelles conditions nous pouvons aménager vos fonctions à condition toute fois que cela puisse se faire dans l’intérêt de la société.’ (pièce intimée n°14)
En l’espèce, la demande de dispense de travail entre le 24 avril et le 2 mai 2019 s’explique par les demandes d’indemnisation de Mme [O] dans le cadre d’une rupture conventionnelle formulées selon l’employeur lors de l’entretien du 23 avril avec la responsable RH que Mme [O] ne conteste pas sérieusement – demandes excédant largement la proposition de l’employeur que ce dernier aurait formée selon la salariée le 18 avril d’un montant de 1 675 euros selon ses écritures p.5) – et par l’absence pour congé de M. [U] entre le 25 avril et le 2 mai 2019 dont il est justifié (pièce intimée n°37), ne permettant pas à celui-ci de répondre dans un délai très court à ces demandes.
L’absence de restitution des outils professionnels à la salariée dans le cadre d’une dispense de travail, de la nécessité pour l’employeur de disposer de ces outils pour poursuivre l’activité et des craintes s’avérant justifiées d’une fuite de données confidentielles, dans l’attente d’une décision définitive rappelée dans le courrier du 2 mai 2019, ne peut à ce stade être considérée comme une sanction disciplinaire.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a rejeté la demande d’indemnisation de Mme [O] au motif d’une irrégularité de la procédure de sanction disciplinaire.
2- sur la prise d’acte de la rupture
Mme [O] soutient que par sa lettre du 25 avril 2019 elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, que cette prise d’acte ne présentait aucune ambiguité et que l’employeur a fait preuve de mauvaise foi en prétendant à plusieurs reprises que le contrat de travail n’était pas rompu.
La société Cenova fait valoir que Mme [O] n’a pas pris acte de la rupture de son contrat de travail mais prétendu que l’employeur avait procédé à un licenciement alors que tel n’est pas le cas, que la salariée a commis des fautes graves justifiant le licenciement. A titre subsidiaire, la prise d’acte de Mme [O] doit produire les effets d’une démission.
La prise d’acte de la rupture consiste pour le salarié à reprocher par écrit à l’employeur un ou plusieurs faits considérés comme fautifs, l’amenant à prendre l’initiative de la rupture.
Cette prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, tout comportement ou initiative postérieur par l’une des parties à la prise d’acte étant sans incidence sur la qualification de la rupture, de sorte qu’il appartient au juge de déterminer si la prise d’acte est ou non justifiée.
La prise d’acte suppose en effet que soit rapportée la preuve d’un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Ainsi, toute faute de l’employeur ne suffit pas à justifier la prise d’acte, la faute devant présenter une certaine gravité.
S’agissant des effets de la prise d’acte, si le juge estime qu’aucun fait fautif ne peut être reproché à l’employeur, la prise d’acte produira les mêmes effets qu’une démission. Si le juge estime que la prise d’acte est justifiée du fait des faits fautifs commis par l’employeur, la prise d’acte aura les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, par lettre du 25 avril 2019, Mme [O] indique à l’employeur ‘dans ces conditions et après avoir étudié toutes les solutions possibles afin de remédier à cette situation qui m’est très pénible, je n’ai malheureusement plus d’autre choix que de prendre acte du fait que votre refus de me laisser accéder à mon poste constitue un licenciement.’
Aux termes de ce courrier, elle indique notamment :
– l’hostilité manifeste dont a fait preuve M. [U] à son égard au cours des semaines précédant le 17 avril 2019,
– la menace de licenciement si elle ne signait pas le formulaire de rupture conventionnelle,
– l’obligation de restituer les outils professionnels et le blocage de sa messagerie professionnelle,
– l’obligation de poser un jour de RTT,
– le refus d’accès aux locaux le 23 avril 2019 puis le 24 avril 2019,
– la tentative de remettre un document pour une dispense de travail le 24 avril et l’obligation de débloquer son téléphone portable professionnel.
Contrairement à ce qu’affirme l’employeur, il s’agit bien d’une prise d’acte de la rupture, peu important la formule utilisée par Mme [O] qui s’estime licenciée à la date de la prise d’acte en raison des fautes commises par l’employeur à son encontre, de sorte que la lettre de licenciement pour faute grave adressée à la salariée est sans incidence sur la qualification de la rupture.
Ayant pris l’initiative de la rupture, la salariée doit démontrer les faits fautifs commis par l’employeur justifiant la prise d’acte.
S’agissant de l’hostilité de M. [U] à son égard justifiant, selon la salariée, son appel téléphonique au dirigeant pour selon ses dires ‘faire un point et comprendre les griefs que vous aviez à mon encontre’, aucune explication n’est donnée par la salariée sur cette hostilité apparue brutalement après la confirmation par l’employeur de l’embauche de Mme [O] après 4 mois de période d’essai laquelle se terminait le 2 avril 2019.
En revanche, l’employeur dans son courrier du 24 avril 2019 indique : ‘il nous semble important de vous préciser le contexte et les raisons qui nous ont amenées à vous dispenser de travailler. Tout d’abord nous faisons référence à notre échange téléphonique du mercredi 17 avril 2019 à 11h35 durant lequel vous m’avez fait part de :
– votre constat après 4,5 mois d’ancienneté chez Cenova que la prospection ne vous intéresse pas et que vous ne pensez pas avoir les qualités pour réaliser cette activité,
– votre demande de ne plus faire de prospection commerciale et votre demande d’adaptation de votre fonction actuelle en conséquence dans un délai que vous avez qualifié de rapide,
– votre constat que vous n’appréciez plus la manière dont je (en tant que dirigeant de la société) m’adresse à vous, notamment par email en mettant en copie l’autre associé ou un senior manager (mail du 17/4 à 9h52) et que cela vous posait un problème.
– votre souhait que j’adapte ma manière de communiquer avec vous.[…]
Il ne résulte pas des pièces produites notamment de la lettre de Mme [O] du 25 avril 2019 que celle-ci a sérieusement contesté avoir fait de tels reproches au dirigeant de la société.
Or, le fait pour ce dernier d’envoyer à Mme [O], jeune business manager cadre venant d’entrer dans la société, des messages en mettant en copie l’associé ou un senior manager, n’est pas en soi fautif, résultant du droit de M. [U] en tant que dirigeant d’informer son associé ou les senior managers de demande ou réponse adressée à Mme [O].
Celle-ci ne démontre ni même allégue un comportement de harcèlement moral de l’employeur ou même des faits précis justifiant que le dirigeant aurait utilisé des termes inapropriés ou vexatoires.
Elle ne conteste pas sérieusement non plus avoir demandé à l’employeur de lui retirer une partie non négligeable de ces fonctions, celles relatives à la prospection commerciale, alors même que deux semaines seulement avant le 17 avril 2019, l’embauche de Mme [O] était confirmée après une période d’essai de 4 mois.
Mme [O] ne peut prétendre avoir découvert entre le 9 avril, date à laquelle elle renvoie le compte rendu de l’entretien préalable à la fin de la période d’essai en mentionnant en outre qu’elle refuse l’embauche – une erreur selon elle qui peut être interprétée également comme un acte manqué – et le 17 avril, qu’elle ne voulait plus faire de prospection commerciale, tâches pour lesquelles elle avait cependant été engagée, et qui avaient été confirmées lors de l’entretien du 26 mars 2019.
En outre, l’employeur produit des échanges de sms et de mails des 5 et 9 avril 2019 entre Mme [O], M. [U] et M. [D] supérieur hiérarchique de la salariée ayant mené l’entretien de fin de période d’essai (pièce intimée n°38), démontrant que les relations entre eux sont bonnes, les deux supérieurs hiérarchiques de Mme [O] lui envoyant des messages d’encouragement sur des actions entreprises.
En conséquence, Mme [O] ne rapporte pas la preuve d’un comportement hostile de l’employeur qu’elle ne décrit pas et ne démontre pas, entre une période aussi courte soit début avril 2019 – voir le 9 avril – et le 17 avril, la société Cenova apportant en outre des éléments contraires à une telle affirmation.
Au regard de l’absence de tout fondement au grief de comportement hostile de l’employeur qui venait de confirmer l’embauche de Mme [O], il est suffisamment établi que la recherche d’un départ négocié de la salariée venant d’être confirmée dans ses fonctions, résulte de la décision de celle-ci de ne plus exercer les tâches de prospection commerciale, en contradiction avec les termes de son contrat et sur laquelle elle ne s’explique pas, après avoir accepté son embauche définitive certes avec des réticences (refus, délai) qui interrogent sur sa volonté de poursuivre la relation contractuelle.
Il importe donc peu de déterminer qui des parties a proposé la rupture conventionnelle face à une telle situation. Les échanges de messages entre la responsable RH Mme [J] et Mme [O] démontrent l’empressement de cette dernière à conclure une rupture conventionnelle, en demandant d’avancer la date de l’entretien de plusieurs heures, puis en relançant la responsable dans l’après-midi.
Dans ce contexte, le grief avancé à l’encontre de l’employeur selon lequel Mme [O] aurait été menacée d’un licenciement si elle ne signait pas le document de rupture conventionnelle, n’est pas établi.
S’agissant de l’obligation des restituer les outils professionnels et le blocage de sa messagerie professionnelle, il résulte de ce qui précède qu’à la demande de Mme [O], l’entretien concernant une rupture conventionnelle a été avancé de 17 heures à la fin de la matinée du 17 avril 2019, que Mme [O] qui ne le conteste pas a, de façon inhabituelle, emporté son ordinateur professionnel lors de la pause déjeuner alors qu’elle devait revoir Mme [J] le même jour à 15 heures pour définir les modalités de la rupture conventionnelle laquelle avait été actée dans son principe le matin, alertant ainsi l’employeur et justifiant la demande de ce dernier de dépôt dans son casier des outils professionnels dont Mme [O] ne pouvait avoir besoin, puisqu’absente pour congé (19 avril) et 3 jours de week-end de Pâques puis un jour de RTT employeur le 23 avril, dans l’attente de l’accord devant intervenir pour une rupture conventionnelle à l’issue de cette période.
Il est suffisamment établi également que Mme [O], le 23 avril 2019, alors qu’elle était censée être en RTT, s’est présentée dans les locaux de la société et a été reçue par la responsable RH. Elle ne conteste pas sérieusement avoir réclamé au titre de la rupture conventionnelle trois mois de salaire, comme l’affirme l’employeur dans son courrier du 24 avril 2019.
Compte tenu des exigences financières de la salariée sans commune mesure avec la proposition qu’aurait faite le 17 avril l’employeur selon Mme [O], laquelle avait moins de 5 mois de présence, avait refusé d’exécuter une partie de ses fonctions huit jours après avoir accepté son embauche définitive, de l’absence du dirigeant entre le 25 avril et le 2 mai 2019 dont il est dûment justifié, la demande de l’employeur de revoir la situation le 3 mai 2019 à son retour et par conséquent de dispenser la salariée de tout travail tout en la rémunérant jusqu’à cette date, ce qui justifiait également de conserver les outils professionnels, de demander le déblocage du téléphone professionnel afin que l’activité se poursuive, ne constitue pas une faute de l’employeur dans ce contexte particulier.
Enfin, s’agissant de l’obligation de poser un jour de RTT (en l’espèce le 23 avril ), il a été établi précédemment (§1- irrégularité des sanctions disciplinaires) que l’employeur pouvait imposer conformément aux règles instituées par l’entreprise, un jour de RTT à la salariée laquelle n’était pas en forfait jour, la demande ayant été faite dès le 18 avril et non le 23 avril.
Il a été également établi précédemment que le refus allégué d’accès aux locaux de l’entreprise le 23 avril 2019 puis le 24 avril 2019 n’est pas démontré, Mme [O], bien qu’en RTT, ayant été reçue par la responsable RH le 23 avril et par M. [U] le 24 avril.
En conséquence, dans le contexte rappelé ci-dessus, les manquements allégués à l’encontre de l’employeur ne peuvent être retenus pour justifier la prise d’acte de la rupture.
En outre, il résulte de l’expertise informatique réalisée sous le contrôle d’un huissier de justice les 13, 15 et 24 mai 2019 sur l’ordinateur professionnel de Mme [O] auquel celle-ci n’a plus eu accès à compter du 18 avril 2019 après-midi (pièces intimée n°23 et 24) que les craintes de l’employeur concernant l’utilisation de l’ordinateur professionnel mis à disposition de la salariée, se sont révélées exactes.
En effet, Mme [O] a effectué le 18 avril 2019 entre 11h53 et 15h20 :
– la création d’un dossier privé,
– le téléchargement de très nombreux fichiers concernant des clients et prospects de la société Cenova (Sephora, LMB, PVCP Pierre et vacances) lesquels ont été copiés dans un dossier ‘téléchargement privé’ puis classés dans ‘Privé/LMB’, ‘Privé/Sephora’ etc
– le téléchargement de favoris
– la suppression de l’historique de navigation
– des recherches de solution de transfert de document en ligne
– la connexion au réseau Cenova et à l’espace documentaire
– la connexion à Gmail messagerie personnelle et à l’espace de stockage privé Google drive.
Mme [O] a ainsi envoyé via Wetransfer les fichiers professionnels qu’elle avait téléchargés, qu’elle a récupérés sur sa messagerie personnelle (pièces intimée n°27, 27bis, 31 et 32). Elle a également téléchargé un document de suivi des affaires de prospection avec l’ensemble des contrats commerciaux de Cenova, une présentation du savoir-faire de la société pour la société Accord hôtel qui, selon l’employeur, n’était pas un client de Mme [O], a sauvegardé la messagerie professionnelle de Cenova (pièces n°29 et 31).
Mme [O] ne conteste pas les faits ni ne fournit d’explication pertinente sur ces téléchargements alors même qu’elle négociait une rupture conventionnelle le même jour.
Outre la déloyauté des actes, il est ainsi établi que la salariée avait pris la décision de quitter l’entreprise, ce que confirment sa réticence et le délai pour retourner le compte-rendu de fin de période d’essai, les griefs d’un prétendu comportement hostile de l’employeur et son refus soudain de ne plus s’occuper de la prospection commerciale 8 jours après l’acceptation de son embauche définitive.
En outre, s’appuyant sur l’expertise informatique réalisée sous contrôle de l’huissier de justice, l’employeur affirme que la salariée était en recherche active d’emploi et justifie que dès février 2019, elle avait travaillé son CV, puis créé le 17 avril 2019 un nouveau CV destiné à Air France, travaillé le 18 avril sur un CV destiné à Total et un autre destiné à Buildriz (pièces n°28).
Enfin, il résulte du profil Linkedin de Mme [O] que celle-ci a été engagée dès septembre 2019 par la société Capgemini en qualité de ‘Business et data analyst’ (pièce intimée n° 42), l’employeur faisant valoir que la société Capgemini, certes structure plus importante que Cenova, a le même domaine d’activité que cette dernière, le téléchargement de nombreux fichiers appartenant à l’employeur ayant ainsi leur utilité selon l’employeur.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la prise d’acte de la rupture de Mme [O] a les effets d’une démission, de sorte que Mme [O] sera déboutée de ses demandes d’indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
3- sur le reliquat de l’indemnité de congés payés et de RTT
La salariée fait valoir que l’employeur ne pouvait lui déduire un jour de RTT employeur le 23 avril 2019, qu’elle disposait à la date du 25 avril 2019, de 7,32 jours de congés payés et 6,50 jours de RTT, qu’elle aurait dû percevoir une indemnité de 2 289,56 euros (165,67 euros x 13,82 jours) au lieu de 1 491 euros, soit une différence de 798,56 euros.
L’employeur soutient qu’il était en droit d’imposer un jour de RTT employeur le 23 avril 2019, que Mme [O] a en outre reçu le paiement de 9 jours de congés payés, qu’elle a pris plus de RTT que de jours de RTT acquis.
S’agissant du 23 avril 2019, il a été jugé ci-dessus que la demande de RTT employeur le 23 avril 2019 était justifiée au regard du contrat de travail de la salariée et des règles applicables à l’entreprise.
Mme [O] a ainsi acquis 9/12 ème des 9 jours de RTT annuels soit 0,75 jour de RTT par mois.
Elle a pris 1 jour le 28 décembre 2018, 1/2 jour le 19 février, 1 jour le 29 mars, 2 jours les 19 et 23 avril soit 3,5 jours au total.
Au regard de son ancienneté au 25 avril 2019, la salariée a été remplie de ses droits au titre des RTT.
S’agissant des congés payés, le bulletin de salaire de mai 2019 (pièce appelante n°20) faisait état de 8,46 jours de congés payés restant, alors que Mme [O] a perçu la somme de 1 491 euros soit à 165,67 euros la journée, 9 jours de congés payés. Elle a également été remplie de ses droits.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
4- sur l’indemnité de préavis due par la salariée
L’employeur demande, dans l’hypothèse où serait retenue la prise d’acte de rupture ayant les effets d’une démission, le paiement de l’indemnité de préavis que la salariée n’a pas effectué.
La salariée ne répond pas à cette demande ni dans les motifs ni dans le dispositif de ses écritures.
L’article 15 de la convention collective SYNTEC prévoit un préavis de trois mois quelle que soit la partie qui dénonce le contrat.
La prise d’acte de la rupture ayant les effets d’une démission, la salariée devait, à compter du 25 avril 2019, un préavis de trois mois soit jusqu’au 24 juillet 2019.
Il n’est pas contesté qu’elle n’a pas effectué de préavis.
En conséquence, Mme [O] sera condamnée à payer à la société Cenova la somme de 10 779 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
5- sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence
Le contrat de travail prévoyait en son article 14 que […] ‘le salarié s’engage ainsi à ne pas démarcher des clients ou des anciens clients de la société au bénéfice d’une personne ou d’une société concurrente.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une durée de 12 mois commençant le jour de la cessation effective du contrat et couvre le territoire français.
En contrepartie de la présente obligation, le salarié recevra de la société pendant toute la durée d’application de l’obligation de non-concurrence, une indemnité mensuelle égale à 50% de son salaire brut fixe mensuel.
La société se réserve toutefois la possibilité de libérer le salarié de sa clause de non-concurrence pour quelque motif que ce soit dans un délai de 30 jours suivant le départ effectif de l’entreprise. Nonobstant la libération du salarié de sa clause de non-concurrence, demeureront interdits les actes de concurrence déloyale tels que définis par la jurisprudence.’
Mme [O] estime que l’employeur est redevable de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pendant 12 mois, l’employeur n’ayant dénoncé la clause que le 11 juin 2019.
L’employeur soutient dans l’hypothèse où la prise d’acte de la rupture ayant les effets d’une démission serait retenue, que la salariée devait un préavis de trois mois à compter du 25 avril 2019, de sorte que la rupture effective doit s’entendre avec le préavis dû.
En l’espèce, la prise d’acte de rupture ayant les effets d’une démission, la salariée devait à l’employeur un préavis de trois mois qui s’achevait le 24 juillet 2019.
L’employeur a dénoncé la clause de non-concurrence le 11 juin 2019 de sorte que la dénonciation a eu lieu avant le commencement du délai de 30 jours prévu à l’article 14 du contrat de travail.
En conséquence, la contrepartie de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’est pas due par l’employeur.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
6- sur la remise tardive des documents de fin de contrat
Mme [O] fait valoir que l’employeur en ne lui adressant pas les documents de fin de contrat dès la prise d’acte de la rupture, lui a causé un préjudice car elle n’a pu s’inscrire à Pôle emploi à compter du 26 avril 2019. Elle réclame également la remise des documents conformes avec une date de rupture au 25 avril 2019 et le motif exact de la rupture.
L’employeur indique qu’elle ne justifie pas d’un préjudice, les documents de fin de contrat ayant été envoyés le 20 juin 2019.
S’agissant d’une prise d’acte de rupture ayant les effets d’une démission, la rupture du contrat de travail, en raison du préavis que la salariée devait à l’employeur, est fixée au 24 juillet 2019 et non au 26 avril 2019.
Les documents reçus le 20 juin 2019 n’étaient certes pas conformes à la situation mais ne pouvaient l’être, seul le juge étant fondé à qualifier la prise d’acte de la rupture.
La salariée n’a, en tout état de cause, subi aucun préjudice, puisqu’elle a reçu le 20 juin 2019 des documents lui permettant de s’inscrire à Pôle emploi, contrairement à une démission, et qu’en outre, elle a retrouvé un emploi en septembre 2019.
La remise sous astreinte des documents de fin de contrat à la date du 25 avril 2019 ne se justifie pas, au regard de la qualification de la rupture pour les motifs ci-dessus.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
7- sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable ;
L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutive d’une faute.
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté la société Cenova de sa demande à ce titre.
8- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Mme [O] sera condamnée à payer à la société Cenova la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens d’appel
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 16 décembre 2019,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [L] [O] à payer à la société Cenova la somme de 10 779 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
Condamne Mme [L] [O] à payer à la société Cenova la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel,
Déboute Mme [L] [O] de sa demande à ce titre,
Condamne Mme [L] [O] aux dépens d’appel.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Virginie BARCZUK, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER placé, LE PRÉSIDENT,