Décision de justice sur la Confidentialité

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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 OCTOBRE 2022

N° RG 20/05900 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UFR5

AFFAIRE :

M. [G] [B]

C/

S.A.R.L. SMARTOH

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Octobre 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 5

N° RG : 2019F01019

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Magali DURANT-GIZZI

Me Franck LAFON

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [G] [B]

né le 26 Juillet 1984 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 8]

Monsieur [K] [B]

né le 31 Décembre 1953 à [Localité 10] (92)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 9]

Monsieur [F] [T]

né le 22 Mai 1985 à [Localité 11] (92)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A.S. AVR INVEST prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [G] [B] en qualité de liquidateur, domicilié en cette qualité audit siège

Inscrite au RCS de Nanterre sous le n° 822 075 438

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentés par Me Magali DURANT-GIZZI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 671 – N° du dossier 200096

APPELANTS

****************

S.A.R.L. SMARTOH Agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur [C] [D] domicilié en cette qualité audit siège.

Inscrite au RCS de Nanterre sous le n° B 814 597 969

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20210210

S.A.S. SOLUTRADE agissant poursuite et diligence de son mandataire ad hoc, Monsieur [G] [B] désigné par ordonnance du tribunal de Commerce de NANTERRE en date du 8 décembre 2020, domicilié en cette qualité audit siège.

Inscrite au RCS de Nanterre sous le n° 823 568 647

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Magali DURANT-GIZZI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 671 – N° du dossier 200096

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Smartoh, spécialisée dans le reconditionnement de téléphones portables, a été créée le 16 novembre 2015. M. [C] [D] en est le gérant.

Le 21 juillet 2016, M. [G] [B] a été recruté par la société Smartoh, en tant que directeur des opérations.

Le 18 août 2016, M. [G] [B] a créé avec son père, M. [K] [B], la société AVR Invest, laquelle a été dissoute le 1er septembre 2017.

Le 18 octobre 2016, M. [D] a mis fin à la période d’essai du contrat de M. [G] [B].

Le 7 novembre 2016, M. [F] [T] a créé la société (SAS) Solutrade, ayant pour activité la vente et de la réparation de téléphones reconditionnés. La société Solutrade a ensuite fait l’objet d’une cession de ses actions, répartie à hauteur de 69% au bénéfice de M. [G] [B], 29% à celui de M. [K] [B] et 2% à celui de M. [F] [T].

La société Solutrade indique avoir cessé l’activité de vente de téléphones au mois d’avril 2018, elle a été dissoute le 6 janvier 2020.

Considérant que M. [G] [B] avait subtilisé des données confidentielles, utilisées par la suite par la société Solutrade, la société Smartoh a obtenu sur requête du président du tribunal de commerce de Nanterre qu’il prononce plusieurs ordonnances dont:

– l’ordonnance du 9 mai 2018, visant le domicile de M. [G] [B], autorisant la saisie du contenu de son ordinateur personnel,

– les ordonnances du 20 juin 2018, visant les sociétés Solutrade et AVR Invest, désignant un huissier aux fins de procéder à la copie des disques durs se trouvant sur les ordinateurs de ces sociétés et de les analyser.

Par actes des 28, 29 et 31 mai 2019, la société Smartoh a assigné M. [G] [B], M. [K] [B], la société Solutrade, M. [F] [T] et la société AVR Invest devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de les voir condamnés à lui verser notamment la somme de 488.000 € au titre du préjudice économique qui découle des pratiques de concurrence déloyale.

Par jugement du 27 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– condamné in solidum M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade à payer à la société Smartoh la somme de 95.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte d’exploitation,

– enjoint la société Smartoh à mieux se pourvoir pour sa demande de condamnation à hauteur 150.000 € au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l’engagement de confidentialité et de loyauté, ainsi que la violation du secret professionnel de M. [G] [B],

– débouté la société Smartoh de sa demande de condamnation à hauteur de 300.000 € au titre de la perte de chance de lever des fonds et souscrire de nouveaux contrats,

– débouté la société Smartoh de sa demande de condamnation à hauteur de 150.000 € au titre du préjudice moral,

– condamné in solidum M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade à payer à la société Smartoh la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,

– condamné in solidum M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade aux entiers dépens.

Par déclaration du 26 novembre 2020, M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T] et la société AVR Invest ont interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 14 octobre 2021, le conseiller de la mise en état de la 12e chambre de la cour d’appel de Versailles a :

– ordonné à la société Smartoh de communiquer aux appelants les pièces numérotées 1 à 49 selon bordereau des pièces annexé à ses conclusions déposées à la cour le 25 mai 2021, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard pendant deux mois à compter du lundi 18 octobre 2021 ;

– condamné la société Smartoh à payer aux appelants la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toute autre demande ;

– condamné la société Smartoh aux dépens de l’incident.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest, prise en la personne de M. [G] [B], ès qualités de liquidateur de la société AVR Invest, et la société Solutrade, prise en la personne de M. [G] [B], ès qualités de mandataire ad hoc, demandent à la cour de:

In limine litis,

– écarter des débats les pièces 1 à 49 de l’intimée telles que figurant sur son bordereau de communication de pièces en date du 25 mai 2021, en raison de l’absence de communication en temps utile, conformément à l’article 135 du code de procédure civile,

Au fond,

– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par MM. [G] [B], [K] [B], [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade,

Y faisant droit,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

/ condamné in solidum M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade à payer à la société Smartoh la somme de 95.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte d’exploitation,

/ condamné in solidum M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade à payer à la société Smartoh la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

/ condamné in solidum M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade aux entiers dépens, comprenant tous les frais d’huissiers informations, experts, serrurier, dans le cadre des ordonnances rendues au visa de l’article 145 du code de procédure civile devant le tribunal de commerce de Nanterre,

– confirmer le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau,

– débouter la société Smartoh de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner au visa de l’article 32-1 du code de procédure civile la société Smartoh à une amende civile dont la cour fixera le montant au regard des éléments apportés par les appelants caractérisant une procédure abusive,

– condamner au visa de l’article 1240 du code civil, eu égard aux actes de M. [D], dirigeant agissant au nom et pour le compte de la société, la société Smartoh à verser aux appelants la somme de 10.000 € en réparation de leur préjudice moral,

– condamner la société Smartoh à verser aux appelants la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel dont distraction au profit de Me Magali Durant-Gizzi, avocat au barreau de Versailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 8 avril 2022, la société Smartoh demande à la cour de :

– débouter M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– déclarer la société Smartoh recevable et bien fondée en ses demandes, prétentions et en son appel incident,

Y faisant droit,

– infirmer l’ordonnance et statuant à nouveau :

– juger que M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade se sont livrées à des pratiques concurrentielles déloyales au détriment de la société Smartoh,

– juger que M. [G] [B], M. [K] [B], la société AVR Invest et la société Solutrade ont fait entrave à l’exécution d’ordonnances rendues par Monsieur le Président,

– juger que M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade ont détourné de manière déloyale des fichiers et documents propriété de la société Smartoh,

En conséquence,

– prononcer l’interdiction à l’égard de M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade de la poursuite des achats auprès de la société Brightstar USA, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne physique ou morale interposée, et ce sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– prononcer l’interdiction à l’égard de M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade de communiquer à toute personne physique ou morale, les données usurpées à la société Smartoh, à savoir le nom des fournisseurs à savoir la société Brightstar USA,

– juger que cette usurpation illégale des informations confidentielles de la société Smartoh a permis à M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade d’éviter le paiement de la marge de la société Smartoh, sur les achats effectués auprès de la société Brightstar,

– juger que la marge, moyenne sur les opérations d’achat que M. [G] [B] a fait auprès de la société Smartoh, avant le vol des informations de la société Smartoh, était de 62%,

Par conséquent,

– condamner in solidum : M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade à payer à la société Smartoh la somme de 62% multipliés par le montant des achats globaux effectués auprès de la société Brightstar USA, par les sociétés AVR Invest, Solutrade, M. [G] [B], M. [K] [B] au titre de recouvrement de la marge commerciale perdue, manquée,

– condamner in solidum M. [G] [B], M. [K] [B], M. [F] [T], la société AVR Invest et la société Solutrade à verser à la société Smartoh la somme de 921.000 € au titre du préjudice économique relatif à la perte d’exploitation dégagée par la société Smartoh au courant de l’exercice 2017 et 2018,

– condamner Monsieur [G] [B] à payer à la société Smartoh la somme de 150.000 € au titre des dommages et intérêts pour non respect de l’engagement de confidentialité et de loyauté ainsi que la violation du secret professionnel,

– condamner in solidum Monsieur [G] [B], [K] [B], [F] [T], la société AVR-Invest, la société Solutrade à verser à la société Smartoh la somme de 300.000 € au titre de la perte de chance de lever des fonds et souscrire de nouveaux contrats,

– condamner in solidum Monsieur [G] [B], [K] [B], [F] [T], la société AVR-Invest, la société Solutrade à verser à la société Smartoh la somme de 150.000 € au titre du préjudice moral,

– ordonner la cessation d’activité des sociétés AVR Invest ET Solutrade sous astreinte de 500 € par jour de retard,

– condamner Monsieur [G] [B], [K] [B], [F] [T], la société AVR-Invest, la société Solutrade in solidum à verser à la société Smartoh la somme de 90.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum Monsieur [G] [B], [K] [B], [F] [T], la société AVR-Invest, la société Solutrade aux entiers dépens, comprenant tous les frais d’huissiers dans le cadre des ordonnances rendues au visa de l’article 145 du code de procédure civile devant le tribunal de commerce de NANTERRE, dont distraction au profit de Maître Franck LAFON, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mai 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur les pièces de l’intimée

Les appelants indiquent que l’intimée a communiqué ses écritures et son bordereau de communication de pièces le 25 mai 2021, mais qu’aucune pièce n’était adressée, de sorte qu’ils lui ont envoyé une demande officielle, puis une sommation de communication de pièces, et une itérative sommation de communiquer. Ils ajoutent avoir dû saisir le conseiller de la mise en état qui a, par ordonnance du 14 octobre 2021, ordonné la communication des pièces 1 à 49 de l’intimée sous astreinte, ordonnance non suivie d’effet. Ils précisent que ce n’est que le 7 avril 2022, jour de la clôture initialement prévue, que l’intimé à communiqué un lien Wetransfer visant les pièces 1 à 50, mais qui ne contenait en fait que 36 pièces. Ils sollicitent donc le rejet de l’ensemble des pièces de l’intimé, pour n’avoir pas été communiquées en temps utile.

La société Smartoh soutient que les appelants ont une attitude dilatoire depuis le début de l’instance, ne concluant pas malgré une injonction, et que les pièces visées en 1ère instance et en appel qui étaient les mêmes ont bien été communiquées à la partie adverse dès le mois de septembre 2019. Elle ajoute que ce sont les mêmes pièces, dont la partie adverse dispose depuis le mois de septembre 2019, qui sont visées dans ses conclusions d’appel du 25 mai 2020.

******

L’article 15 du code de procédure civile prévoit que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 132 du même code précise que la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance. La communication des pièces doit être spontanée.

Il ressort des pièces produites qu’en 1ère instance, le conseil de MM. [B], [T] et des sociétés AVR Invest et Solutrade a fait délivrer une sommation de communiquer diverses pièces à la société Smartoh, le 22 octobre 2019.

A la suite de l’audience du 20 décembre 2019, le tribunal de commerce a ordonné à la société Smartoh la communication de plusieurs pièces expressément listées à la partie adverse.

En cause d’appel, le conseiller de la mise en état, saisi par MM. [B], [T] et les sociétés AVR Invest et Solutrade, a, par ordonnance du 14 octobre 2021, ordonné à la société Smartoh la communication de ses pièces numérotées 1 à 49, sous astreinte.

C’est par courriel du 7 avril 2022, contenant un lien ‘Wetransfer’, que la société Smartoh a justifié de la communication de ses pièces à la partie adverse. Si ce courriel vise la transmission des pièces 1 à 50, il apparaît à la lecture du listing des pièces que les 50 pièces n’y figuraient pas toutes.

Au vu de ce qui précède, la société Smartoh ne peut soutenir avoir régulièrement communiqué ses pièces, et se fonder sur un courriel de l’ancien avocat des intimés indiquant que le conseil de la société Smartoh lui avait adressé ses pièces le 4 septembre 2019, ce courriel ne constituant pas un moyen suffisant d’établir la communication des pièces, ce d’autant que MM. [B], [T] et les sociétés AVR Invest et Solutrade ont sollicité une nouvelle communication des pièces en cause d’appel.

Pour autant, la communication par envoi du lien ‘Wetransfer’ des pièces ainsi visées est intervenue le 6 avril 2022, et la clôture de l’instruction a été repoussée au 19 mai 2022, de sorte que les appelants ont disposé de plus d’un mois pour prendre connaissance de ces pièces.

En conséquence, ils ont disposé d’un temps suffisant pour les apprécier et répondre de façon adaptée aux écritures adverses, ce d’autant qu’ils ont conclu après la communication de ces pièces, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à la demande des appelants de voir écartées toutes les pièces 1 à 49 de l’intimé.

Pour autant, et comme indiqué par les appelants, le lien ‘Wetransfer’ ne vise pas les pièces 8, 16, 17, 18, 21, 22, 25, 26, 29, 35, 37, 41, 44, 48, 49, qui n’ont donc pas été transmises en temps utile.

Par message du 5 octobre 2022, la cour a indiqué au conseil de la société Smartoh que les pièces 1, 8, 10, 17, 18, 21, 24 à 27, 29 à 35, 37, 40, 41, 42, 44, 45, 49 et 51, ne figuraient pas dans son dossier, et l’a invitée à les faire parvenir dans les meilleurs délais, message auquel la cour n’a reçu aucune réponse.

En conséquence, la cour dira que sont écartées les pièces 8, 16, 17, 18, 21, 22, 25, 26, 29, 35, 37, 41, 44, 48 et 49 et ne statuera qu’au vu des pièces effectivement transmises.

Sur la faute de M. [G] [B]

Les appelants indiquent que M. [G] [B] a utilisé le logiciel ‘Rest2514’ afin de récupérer les fichiers effacés de la corbeille, et qu’il n’a pas accédé aux fichiers confidentiels de la société Smartoh, ce qui n’est pas prouvé. Ils ajoutent que M. [G] [B] était amené à utiliser son propre ordinateur portable car il ne disposait que d’un ordinateur fixe partagé, sans word ni excel. Ils soulignent que la société AVR Invest n’a eu aucune activité et a été dissoute le 1er septembre 2017, que l’objet social de la société Solutrade est sans lien avec celui de la société Smartoh, et que lors de la venue de l’huissier elle était en train de déménager afin de laisser le local libre pour le nouveau locataire. Ils analysent les constats d’huissier, relèvent que la société Solutrade n’a jamais travaillé avec la société Brightstar USA, avec laquelle la société Smartoh veut interdire toute relation de M. [G] [B], mais avec la société Brightstar UK avec laquelle il entretenait des relations dès janvier 2016 lors de son emploi précédent chez SAVE. Ils en déduisent qu’aucun des indices retenus par le tribunal de commerce ne peut établir une faute de M. [G] [B].

La société Smartoh indique que son gérant M. [D] a utilisé l’ordinateur professionnel de M. [G] [B] pour transmettre un devis à un fournisseur confidentiel, que le lendemain M. [G] [B] s’était opposé à la suppression de ces éléments, et que celui-ci avait téléchargé juste après l’effacement de ces données un logiciel ‘rest 2514’ permettant de récupérer des données effacées et d’accéder à une partie non autorisée du système. Elle ajoute que M. [G] [B], lorsqu’il était son employé, lui a proposé de revendre des données confidentielles de son ancien employeur.

Elle indique que les consorts [B] se sont opposés aux mesures d’instruction de l’huissier, ont fait disparaître les ordinateurs principaux et ont modifié les mots de passe afin d’entraver ces mesures. Elle relève que M. [K] [B] a tenté de faire disparaître les cartons portant la mention de la société Brightstar USA, société fournisseur détourné par M. [G] [B] grâce au logiciel d’espionnage installé sur l’ordinateur de Smartoh.

Elle avance que M. [G] [B] a violé les règles de confidentialité et de loyauté le liant à Smartoh, utilisant son ordinateur portable personnel et une clé USB lui permettant d’importer sur son ordinateur portable personnel des dossiers professionnels couverts par la confidentialité. Elle dénonce les faits d’espionnage économique commis par MM. [B], qui ont liquidé la société AVR-Invest pour échapper aux poursuites et installé la société Solutrade avec un gérant de paille dans un endroit clandestin. Elle affirme que M. [G] [B] a voulu faire profiter sa propre structure des informations confidentielles qu’il recueillait chez Smartoh.

*****

Tout fait quelconque de l’homme, qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la société Smartoh reproche à M. [G] [B] d’avoir manqué à son devoir de loyauté et d’avoir soustrait pendant son travail des données confidentielles, utilisées par les sociétés AVR Invest et Solutrade qu’il a créées ; elle reproche aussi à M. [K] [B] d’avoir participé aux actes de concurrence déloyale, et aux sociétés AVR Invest et Solutrade de s’être appropriées ses fournisseurs par des manoeuvres déloyales, soit l’utilisation d’informations confidentielles obtenues par intrusion informatique de M. [G] [B], afin de proposer des prix plus bas en concurrence avec la société Smartoh.

S’agissant de l’intrusion dans son système informatique avec des logiciels de piratage, la promesse d’embauche adressée le 13 juin 2016 à M. [G] [B], comme le contrat de travail versé par la société Smartoh -non daté et non signé-, mentionnent qu’un ordinateur portable et un téléphone portable seraient mis à sa disposition.

Néanmoins, M. [G] [B] explique n’avoir jamais bénéficié de ces équipements, de sorte qu’il utilisait pour travailler chez Smartoh son ordinateur portable personnel et son téléphone portable personnel ; la société Smartoh ne verse pas de pièce établissant qu’il bénéficiait effectivement, dans le cadre de son emploi, d’un ordinateur portable qui lui était dédié.

La société Smartoh indique que son gérant M. [D] a utilisé le 11 août 2016, pour transmettre un devis confidentiel à un fournisseur, l’ordinateur professionnel de M. [B], et n’en aurait supprimé ces éléments confidentiels que le lendemain, ce à quoi M. [G] [B] se serait opposé. Elle vise pour en justifier la pièce 38, soit une capture d’écran d’un envoi de SMS portant date du 29 juin sans rapport.

Elle verse une attestation d’un certain M. [S] indiquant qu’effectivement M. [G] [B] se serait le 12 août opposé à la destruction de ses fichiers se trouvant sur son ordinateur. Pour autant, l’auteur de cette attestation écrit au début de son attestation ‘Bonjour [C]’ soit le prénom du gérant de la société Smartoh, et le tutoie ce qui révèle une certaine proximité entre eux incitant à considérer cette attestation avec prudence.

Il ressort d’un procès-verbal de constat dressé le 4 janvier 2017 que la clé USB dont se servait M. [G] [B] sur son ordinateur révèle qu’il a téléchargé le 12 août 2016 à 13h06, soit le jour de l’effacement des données confidentielles par le gérant de la société Smartoh, un logiciel REST2514 permettant de restaurer les fichiers effacés.

S’il peut surprendre en ce qu’il est intervenu le jour même auquel M. [G] [B] s’était opposé à la destruction de fichiers confidentiels par le gérant de la société Smartoh, le téléchargement d’un logiciel destiné à récupérer des fichiers effacés de la corbeille ne saurait en soi établir que M. [G] [B] en aurait fait un usage déloyal, au préjudice de la société Smartoh.

La cour observe au surplus que le constat a été dressé sur une clé USB détenue par la société Smartoh depuis plusieurs mois lors de sa rédaction, sans garantie de stabilité de ce support.

S’agissant des autres procès-verbaux versés, celui dressé le 27 juin 2018 au siège de la société AVR Invest (dissoute le 1er septembre 2017) établit que si l’huissier n’a pu accéder à toutes les messageries, M. [K] [B] indiquant ne pas connaître les codes d’accès, ses recherches sur les disques des différents ordinateurs trouvés sur place, sur les messageries auxquelles il a pu avoir accès, sur les téléphones (SMS, messagerie, whatsapp) et clés USB n’ont pas permis d’établir un quelconque comportement fautif à l’encontre de la société Smartoh.

Les déclarations de M. [K] [B] à l’huissier indiquant qu’il ne connaissait pas les mots de passe de plusieurs messageries ne sauraient établir la fraude commise par M. [G] [B].

Le procès-verbal dressé au siège de la société Solutrade permet d’observer que M. [K] [B] a été rendu destinataire le 25 octobre 2016 d’un courriel adressé par le gérant de la société Smartoh à un cadre de la société Save -ancien employeur de M. [G] [B], dénonçant le comportement déloyal de celui-ci à l’égard de cette société Save dont il aurait proposé de dévoiler des informations confidentielles. Pour autant le transfert de ce courriel par son destinataire à M. [K] [B] ne peut en soi établir une quelconque faute de M. [G] [B] à l’encontre de la société Smartoh.

Le procès-verbal dressé à la même date au domicile de M. [G] [B] s’est aussi révélé infructueux à démontrer une faute de celui-ci.

Le fait que M. [G] [B] ait pu proposer à son nouvel employeur, si tant est que cela soit établi, de lui transmettre des informations sensibles de son ancien employeur, ne démontre pas sa faute à l’encontre de la société Smartoh.

S’agissant du procès-verbal réalisé le 27 juin 2018 devant l’immeuble dans lequel la société Solutrade avait son siège, il est à relever qu’il figure parmi les pièces régulièrement transmises par les appelants, et non par la société Smartoh qui a la charge de la preuve.

Il a été dressé entre 21h45 et 22h05, et établit que l’huissier a pu observer la présence de cartons, emballages, boites de téléphones portables et papier bulle devant le siège de la société Solutrade, destinés à être jetées, avec certaines étiquettes Solutrade ou Brightstar.

La société Smartoh ne peut, sans autre preuve, affirmer que Brightstar serait un de ses fournisseurs et que la présence de ces emballages devant le siège de Solutrade serait de nature à montrer que son fournisseur a été détourné au profit de la société Solutrade dans laquelle M. [G] [B] a des parts, alors que cette pièce est produite par les appelants, et qu’il est justifié que M. [G] [B] avait des relations avec la société Brightstar avant d’être engagé par la société Smartoh.

La comparaison des K-bis des deux sociétés Smartoh et AVR invest révèlent qu’elles n’ont pas la même activité déclarée, la société Smartoh ne justifie pas par les pièces versées qu’elles seraient en situation de concurrence sur le même marché, de sorte que l’immatriculation par M. [G] [B] de la société AVR Invest alors qu’il était employé par la société Smartoh, ne révèle pas un comportement fautif ou déloyal de sa part à l’égard de cette dernière société.

Enfin, la production d’un devis reçu le 8 novembre 2016 d’une société Mpack destiné à la société Solutrade et à M. [G] [B] et à son adresse mail [Courriel 12] ne peut caractériser son comportement fautif, sans information sur les conditions dans lesquelles ce courrier a été reçu par la société Smartoh, laquelle ne soutient pas que la société Mpack est un de ses fournisseurs.

Il n’est ainsi pas démontré que M. [G] [B], ou les autres appelants, ont utilisé des données détournées de la société Smartoh, pour lui faire concurrence.

Au vu des seules pièces versées par la société Smartoh, dont les autres griefs à l’encontre de M. [G] [B] et des appelants ne sont pas démontrés, il apparaît que la faute alléguée n’est pas prouvée, de sorte que les conditions d’application de l’article 1240 du code civil ne sont pas réunies. En conséquence, le jugement sera infirmé.

La société Smartoh sera déboutée de ses demandes subséquentes.

Sur la demande en procédure abusive

L’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’exercer une action en justice ou une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus, à condition pour celui qui l’invoque de caractériser une faute.

En l’espèce, les appelants ne démontrent pas que l’engagement de la procédure par la société Smartoh aurait été abusif. Aussi, ils seront déboutés de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

Faute de justifier du préjudice moral qu’ils auraient subi, les appelants seront déboutés de leur demande tendant à obtenir une indemnisation de ce chef.

Le jugement sera infirmé s’agissant de la condamnation de MM. [B], [T] et des sociétés AVR Invest et Solutrade au paiement des dépens et frais irrépétibles.

Succombant au principal, la société Smartoh sera condamnée au paiement des dépens d’instance et d’appel, ainsi qu’au versement d’une somme totale de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Ecarte les pièces 8, 16, 17, 18, 21, 22, 25, 26, 29, 35, 37, 41, 44, 48 et 49 de la société Smartoh,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute les parties de toutes leurs demandes,

Condamne la société Smartoh à verser aux appelants la somme totale de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Smartoh la même aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel dont distraction au profit de Me Magali Durant-Gizzi, avocat au barreau de Versailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 

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