REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 12 OCTOBRE 2022
(n° 165 , 20 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/14980 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQLG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° j201900003
APPELANTS
Monsieur [U] [Z]
Né le 14 Février 1964 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant
Assisté de Me Alban CURRAL, de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque P298, avocat plaidant
S.A.R.L. SYRUS agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 523 526 689
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant
Assistée par Me Alban CURRAL, de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque P298, avocat plaidant
INTIMEES
S.A.S. RENAULT agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 780 129 987
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477, avocat postulant
Assistée de Me Frédéric MANIN, avocat au barreau de PARIS, toque R021, avocat plaidant
S.A.S. ACCENTURE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 732 075 312
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant
Ayant pour avocat plaidant Me Katia BONEVA DESMICHT, avocat au barreau de PARIS, toque P.445.
S.A. PSA AUTOMOBILES agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 542 065 479
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque R231, avocat postulant
Assistée de Me François Xavier MAYOL, de la SELARL RACINE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Madame Camille LIGNIERES, Conseillère
Greffière, lors des débats : Madame Kala FOULON
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente et par Claudia CHRISTOPHE , Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
Monsieur [U] [Z] est le concepteur de l’architecture et des algorithmes du logiciel dénommé « Partneo ».
La société S.A.R.L. Syrus est une société qui a permis de transférer les parts de M. [Z] dans la société Acceria vers la société Accenture. Elle est détenue à 100’% par M. [Z].
La société S.A.S. Accenture (ci-après «’Accenture’») a une activité de conseil en management, technologies et externalisation.
La société S.A. PSA Automobiles (ci-après «’PSA’») et la société Renault sont des constructeurs automobiles.
La société Acceria, fondée en 2006, dont les associés fondateurs étaient M. M. [U] [Z] et [F]'[W], a conçu et développé un logiciel dénommé «’Partneo’» permettant aux constructeurs automobiles, grâce à des algorithmes spécifiques, de calculer des modifications de prix de vente afin de parvenir à une optimisation tarifaire pour les pièces de rechange captives.
M. [Z] détenait 50 % du capital d’Acceria qu’il a apporté à la société Syrus créée en vue de l’opération de cession de la société Acceria à la société Accenture’; M. ‘[W] a apporté l’autre moitié du capital d’Acceria.
Le 12 juillet 2010, la société Accenture a acquis la totalité des titres de la société Acceria moyennant un paiement versé le jour de l’acquisition et des paiements de compléments de prix variables dépendant notamment de la réalisation d’objectifs de revenus d’Acceria par MM [Z] et [W].
Au moment de la cession de parts, la société Accenture a adopté un protocole antitrust sur l’utilisation du logiciel Partneo.
Afin d’assurer la continuité du management d’Acceria, Accenture a conclu le même jour, un contrat de prestations de services d’une durée de 3 ans avec la société Atrion, dirigée par M. [Z] et un contrat de travail avec M.[W].
Dès le mois de septembre 2010, M.[Z] a exprimé son souhait de privilégier une activité alternative et demandé à ce que son temps de travail dédié à l’activité d’Acceria passe de 100% à 30% d’un temps plein.
Le 21 mars 2011, par une transaction entre Accenture et M. [Z], ce dernier a mis un terme à ses relations avec Accenture moyennant une indemnité de résiliation.
Le 31 mai 2013, la société Acceria a été absorbée par la société Accenture, et le 19 juin de la même année, la société Acceria a été radiée.
Du 18 mars 2014 au 17 janvier 2017, M. [Z] a entamé trois procédures à l’encontre de la société Accenture portant sur un litige post-acquisition d’Acceria par Accenture’; procédures qui n’ont pas abouti.
M. [Z] et la société Syrus reprochent à la société Accenture d’avoir usé de pratiques anticoncurrentielles dans le cadre de la commercialisation du logiciel Partneo, alors que cette société aurait signé un protocole anticoncurrentiel par lequel elle s’engageait à commercialiser le logiciel dans le respect des règles du commerce et de la concurrence. Or, le non-respect de ce protocole par Accenture aurait entraîné une utilisation du logiciel Partneo à des fins anticoncurrentielles, causant à M. [Z] et la société Syrus un préjudice considérable en tant que créateurs du logiciel.
C’est dans ces conditions que le 4 novembre 2016, la société Syrus et M. [Z] ont assigné la société Accenture devant le tribunal de commerce de Paris.
Les 14 et 21 avril 2017, M. [Z] a assigné en intervention forcée les sociétés Peugeot et Renault, leur reprochant d’avoir utilisé le logiciel Partneo à des fins anticoncurrentielles, afin de les voir condamner solidairement aux côtés d’Accenture, facilitateur de ces pratiques.
Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a’statué en ces termes :
« -Met hors de cause la société Peugeot SA et reçoit l’intervention volontaire de la société PSA Automobiles SA’;
-Ecarte des débats les pièces 33 et 42 produites par les demandeurs’;
-Déboute Monsieur [Z] et la société Syrus de l’ensemble de leurs demandes’;
-Condamne in solidum Monsieur [Z] et la société Syrus au paiement d’une amende civile de 10.000 € et au versement d’une somme de 50.000 € à chacun des défendeurs,
-Accenture, Renault et PSA Automobiles SA à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive’;
-Condamne in solidum Monsieur [Z] et la société Syrus à payer à Accenture, Renault et PSA Automobiles SA la somme de 30.000 €’chacun, déboutant pour le surplus, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’;
-Prononce l’exécution provisoire’;
-Condamne in solidum Monsieur [U] [Z] et la société Syrus aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 141,21 € dont 23,32’€’de TVA.’»
Le 21 octobre 2020 la société Syrus et M. [Z] ont interjeté appel du ce jugement.
Vu les dernières conclusions de la société Syrus et de Monsieur [Z], appelants, déposées et notifiées le 10 mai 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de’:
«’Vu les articles 9, 15, 16, 31, 32-1, 562, 803, 910 et 910-4 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1104, 1199, 1240 et 2224 du Code Civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces communiquées dont le protocole antitrust de la SAS ACCENTURE,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 15 septembre 2020 (RG n°j2019000034),
Vu les conclusions n°2 communiquées par la SAS ACCENTURE en date du 15 avril 2022 et contenant une prétention nouvelle,
À TITRE LIMINAIRE :
-RÉVOQUER l’ordonnance de clôture de l’instruction intervenue le mardi 19 avril 2022 malgré les demandes de report ou, à défaut, REJETER des débats les conclusions n°2 signifiées par la SAS ACCENTURE en date du 15 avril 2022 ;
-JUGER irrecevable la prétention nouvelle développée par la SAS ACCENTURE au sein de ses conclusions n°2 selon laquelle « aux termes de la déclaration d’appel, la Cour n’est pas saisie du chef du jugement relatif à l’existence d’une faute au niveau des « constructeurs automobiles » qui est pourtant nécessaire pour pouvoir caractériser une « pratique anti- concurrentielle », rendant ainsi impossible la démonstration d’une quelconque faute à l’origine du préjudice allégué par Monsieur [Z] et Syrus » ;
-LA JUGER, à tout le moins et en tout état de cause, mal fondée ;
-JUGER que la Cour a été valablement saisie par la déclaration d’appel du 21 octobre 2020 et DÉBOUTER la SAS RENAULT de toutes demandes contraires ;
-JUGER en outre que l’effet dévolutif opère sur les chefs des condamnations prononcées à l’encontre de M [U] [Z] et la SARL SYRUS par jugement du 15 septembre 2020 du tribunal de commerce de Paris au titre de la condamnation de M [U] [Z] et la SARL SYRUS pour procédure abusive (portant sur l’amende civile et les dommages et intérêts) et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et DÉBOUTER la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA de toutes demandes contraires ;
Par conséquent :
-JUGER M [U] [Z] et la SARL SYRUS recevables en leur appel et en leurs demandes ;
À TITRE PRINCIPAL :
-CONFIRMER le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :
*Débouté la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de M [U] [Z] et de la SARL SYRUS ;
*Débouté la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA de leur fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de M [U] [Z] et de la SARL SYRUS ;
*Déclaré M [U] [Z] et la SARL SYRUS recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et prétentions ;
-INFIRMER le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a’:
*Écarté des débats la pièce n°42 produite par M [U] [Z] et la SARL SYRUS ;
*Débouté M [U] [Z] et la SARL SYRUS de leur demande tendant à voir juger que la SAS ACCENTURE a commis des fautes en violant le protocole antitrust dans l’utilisation du logiciel PARTNEO ;
*Débouté M [U] [Z] et la SARL SYRUS de leur demande tendant à voir juger que la SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA ont commis des fautes en se rendant complices de la violation par la SAS ACCENTURE du protocole antitrust ;
*Débouté M [U] [Z] et la SARL SYRUS de leur demande de condamnation de la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et de PSA AUTOMOBILES SA à leur verser la somme de 33.000.000 d’euros en réparation de leur préjudice matériel et financier ;
*Débouté M [U] [Z] de sa demande tendant à voir condamner la SAS ACCENTURE à lui verser la somme de 1 euro en réparation de son préjudice moral ;
*Condamné M [U] [Z] et la SARL SYRUS pour procédure abusive au paiement d’une amende civile de 10.000 euros et de la somme de 50.000 euros à la SAS ACCENTURE, à la SAS RENAULT et à PSA AUTOMOBILES SA ;
*Débouté M [U] [Z] et la SARL SYRUS de leur demande de condamnation de la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et de PSA AUTOMOBILES SA à leur verser la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 et aux dépens et Condamné M [U] [Z] et de la SARL SYRUS à verser à la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA la somme de 30.000 euros chacun au titre de l’article 700 et aux dépens.
En statuant à nouveau :
-JUGER valide la pièce n°42 produite par M [U] [Z] et la SARL SYRUS’;
-JUGER que les SAS ACCENTURE, SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA ont commis des fautes dans l’utilisation du procédé ACCERIA comprenant le logiciel « PARTNEO » de nature à engager leur responsabilité délictuelle ;
-CONDAMNER en conséquence solidairement les SAS ACCENTURE, SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA à verser à M [U] [Z] et à la SARL SYRUS la somme de trente-trois millions d’euros (33.000.000 €) au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier ;
-CONDAMNER en conséquence la SAS ACCENTURE à verser à M [U] [Z] la somme d’un euro (1 €) au titre de la réparation de son préjudice moral’;
-JUGER que la procédure intentée par M [U] [Z] et la SARL SYRUS contre la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA n’est pas abusive ;
En toute hypothèse,
-DÉBOUTER la SAS ACCENTURE, la SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;
-CONDAMNER solidairement les SAS ACCENTURE, SAS RENAULT et PSA AUTOMOBILES SA à verser à M [U] [Z] et à la SARL SYRUS la somme de cent- cinquante mille euros (150.000 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.’»
Vu les dernières conclusions de la société Accenture, intimée, déposées et notifiées le 15 avril 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour dans les limites de l’effet dévolutif de la déclaration d’appel régularisée le 21 octobre 2020, de’:
«’Vu les articles 559, 562 et 901 et suivants du Code de procédure civile,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu la jurisprudence précitée,
A titre liminaire,
-Constater l’absence d’effet dévolutif du chef des condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur [Z] et de la société Syrus pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et en tant que de besoin confirmer le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le Tribunal de Commerce de Paris en ce qu’il a :
-Condamné in solidum Monsieur [Z] et la société Syrus au paiement d’une amende civile de 10.000 euros et au versement d’une somme de 50.000 euros à chacun des défendeurs, Accenture, Renault et PSA Automobiles SA à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;
-Condamné in solidum Monsieur [Z] et Syrus à payer à Accenture, Renault et PSA Automobiles SA la somme de 30.000 euros chacun, déboutant pour le surplus, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
A titre principal,
Réparer l’omission de statuer affectant le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le Tribunal de Commerce de Paris,
Dire qu’il sera complété de la manière suivante : « Rejette les fins de non-recevoir et déclare recevables l’action et les demandes de Monsieur [Z] et de la société Syrus »
Infirmer le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le Tribunal de Commerce de Paris en qu’il a rejeté les fins de non-recevoir de la société Accenture et déclaré recevables l’action et les demandes de Monsieur [Z] et de la société Syrus,
Et statuant à nouveau :
Déclarer irrecevables, comme prescrites et pour absence d’intérêt à agir, l’action et les demandes de Monsieur [U] [Z] et la société Syrus à l’encontre de la société Accenture’;
Confirmer le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le Tribunal de Commerce de Paris pour le surplus.
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le Tribunal de Commerce de Paris.
En conséquence et en tout état de cause :
Débouter Monsieur [U] [Z] et la société Syrus de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la société Accenture ;
Condamner Monsieur [U] [Z] et la société Syrus à verser à la société Accenture la somme de 500.000 euros au titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Condamner solidairement Monsieur [U] [Z] et la société Syrus à verser à la société Accenture la somme de 100.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [U] [Z] et la société Syrus aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue [Localité 12]’»’;
Vu les dernières conclusions de la société Renault, intimée, déposées et notifiées le 26 avril 2021 par lesquelles il est demandé à la Cour de’:
«’Vu les articles 31, 122, 202, 559, 561, 562, 901 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 1199 et 1240 du code civil,
Vu l’article 2224 du code civil,
Vu les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
A titre principal,
-CONSTATER que la Cour n’est saisie d’aucune demande sur aucun chef du jugement
Subsidiairement,
-CONSTATER l’absence d’effet dévolutif du chef des condamnations prononcées par le jugement du 15 septembre 2020 à l’encontre de Monsieur [Z] et de la société Syrus in solidum au titre de la procédure abusive et de l’article 700 du code de procédure civile ; que ces condamnations ont acquis l’autorité de chose jugée
-INFIRMER le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a jugé recevables les demandes de Monsieur [Z] et de la société Syrus
Et, statuant de nouveau,
-DECLARER irrecevable l’action engagée par Monsieur [Z] et la société Syrus à l’encontre de la société Renault en la disant prescrite
-DECLARER irrecevable l’action engagée par Monsieur [Z] et la société Syrus à l’encontre de la société Renault pour défaut d’intérêt à agir et défaut de qualité à agir
-CONFIRMER le jugement du 15 septembre 2020 pour le surplus Très subsidiairement,
-CONFIRMER le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a écarté les pièces adverses n°33 et 42 des débats et rejeté les demandes de Monsieur [Z] et la société Syrus
-DEBOUTER Monsieur [Z] et la société Syrus de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la société Renault
En tout état de cause,
-CONDAMNER Monsieur [Z] et la société Syrus solidairement à verser à la société Renault trente mille (30.000) euros pour appel abusif
-FIXER le montant appréciable de l’amende civile à laquelle Monsieur [Z] et la société Syrus seront condamnés sur le fondement de l’article 559 du code de procédure civile
-CONDAMNER Monsieur [Z] et la société Syrus solidairement à verser à la société Renault trente mille (30.000) euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-CONDAMNER Monsieur [Z] et la société Syrus aux entiers dépens ‘»’:
Vu les dernières conclusions de la société PSA, intimée, déposées et notifiées le 20 avril 2021 par lesquelles il est demandé à la Cour de’:
«’Vu les articles 31, 32-1, 122, 123, 559, 562, 700 et 901 4° du Code de procédure civile,
Vu les articles 1240 et 2224 du Code civil,
SUR LES DEMANDES DE MONSIEUR [Z] ET DE LA SOCIÉTÉ SYRUS À L’ENCONTRE DE LA SOCIÉTÉ PSA AUTOMOBILES SA :
DIRE ET JUGER que Monsieur [Z] et la société SYRUS sont prescrits en leur action à l’encontre de PSA AUTOMOBILES SA ;
À titre subsidiaire, DIRE ET JUGER que Monsieur [Z] et la société SYRUS ne démontrent aucun intérêt à agir à l’encontre de PSA AUTOMOBILES SA ;
À titre infiniment subsidiaire, DIRE ET JUGER que les demandes de Monsieur [Z] et de la société SYRUS à l’encontre de PSA AUTOMOBILES SA sont infondées ;
En conséquence,
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 15 septembre 2020, le cas échéant par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] et la société SYRUS de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la société PSA AUTOMOBILES SA’;
SUR LES DEMANDES DE LA SOCIÉTÉ PSA AUTOMOBILES SA À L’ENCONTRE DE MONSIEUR [Z] ET DE LA SOCIÉTÉ SYRUS :
-Sur les condamnations de Monsieur [Z] et de la société SYRUS au titre de la procédure de première instance :
CONSTATER que l’effet dévolutif n’opère pas sur les condamnations de Monsieur [Z] et de la société SYRUS prononcées en première instance au profit de la société PSA AUTOMOBILES SA ;
À titre subsidiaire, CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 15 septembre 2020 en ce qu’il a condamné in solidum Monsieur [Z] et la société SYRUS, en raison du caractère abusif de la procédure, au paiement de la somme de 50.000 € de dommages-intérêts à la société PSA AUTOMOBILES SA, outre une amende civile de 10.000 € ;
CONDAMNER in solidum Monsieur [Z] et la société SYRUS à payer à la société PSA AUTOMOBILES SA la somme de 30.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de PARIS du 15 septembre 2020 en ce qu’il a condamné in solidum Monsieur [Z] et la société SYRUS au paiement de la somme de 30.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, au profit de la société PSA AUTOMOBILES SA, outre les entiers dépens.
-Sur les demandes de la société PSA AUTOMOBILES SA aux fins de condamnation de Monsieur [Z] et de la société SYRUS au titre de la procédure d’appel :
CONDAMNER in solidum Monsieur [Z] et la société SYRUS, en raison du caractère abusif de l’appel, au paiement d’une part, à une amende dont la Cour appréciera le juste montant et, d’autre part, à des dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à la somme de 30.000 euros ;
CONDAMNER in solidum Monsieur [Z] et la société SYRUS à payer à la société PSA AUTOMOBILES SA la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.»’;
Par ordonnance du 31 mai 2022, le président a révoqué l’ordonnance de clôture intervenue le 19 avril 2022 et fixé au 31 mai 2022 la date de la clôture.
MOTIVATION
Sur l’effet dévolutif du chef des condamnations du jugement
M. [Z] et la société Syrus soutiennent avoir énuméré les chefs critiqués au sein de leur déclaration d’appel, conformément aux dispositions de l’article 910 du Code de procédure civile. Ils font valoir qu’en vertu de l’article 562 du Code de procédure civile «’l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent’» de sorte que leur déclaration d’appel porte également sur la réformation de leur condamnation à l’article 700 du code de procédure civile, aux dépens, aux dommages et intérêts et à l’amende civile pour procédure abusive, non repris dans leur déclaration d’appel.
Ils ajoutent que la prétention d’Accenture selon laquelle la Cour n’est pas saisie du chef du jugement relatif à l’existence d’une faute au niveau des constructeurs automobiles pourtant nécessaire à la caractérisation d’une pratique anticoncurrentielle, est totalement nouvelle pour ne pas avoir été soulevée par Accenture dans ses premières écritures et par conséquent irrecevable conformément au principe de concentration des prétentions consacré à l’article 910-4 du Code de procédure civile.
La société Accenture constate que la déclaration d’appel ne critique expressément qu’un seul chef de jugement, relatif au rejet des débats des pièces numérotées de 33 à 42, produites par les appelants en première instance, et fait référence à des demandes formulées en première instance dont les appelants ont été déboutés, sans pour autant les reprendre intégralement. Elle considère qu’aux termes de la déclaration d’appel, la Cour n’est pas saisie du chef du jugement relatif à l’existence d’une faute au niveau des « constructeurs automobiles » pourtant nécessaire à la caractérisation d’une pratique anticoncurrentielle. Elle fait également remarquer que les appelants demandent dans leurs conclusions l’infirmation du jugement sur des points qui ne sont pas visés dans la déclaration d’appel.
La société PSA rétorque que l’appel est limité aux chefs de jugement expressément critiqués dans la déclaration d’appel et que celle-ci ne fait pas référence aux condamnations prononcées à l’encontre des appelants par le jugement entrepris, de sorte que les appelants sont désormais irrecevables à former une seconde déclaration d’appel sur ces chefs.
La société Renault soutient que les appelants n’ont pas relevé appel de leur condamnation au paiement des indemnités prononcées au titre de leur action abusive et des frais de justice de l’article 700 du code de procédure civile, pas plus qu’ils n’ont relevé appel de la condamnation prononcée à leur encontre au paiement d’une amende civile. Elle en conclut que ces condamnations sont définitives, ont acquis autorité de chose jugée, de sorte que la demande de condamnation de Renault qui est formée n’a aucun sens rendant l’appel sans objet.
Réponse de la Cour
L’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicable aux appels formés postérieurement au 1er septembre 2017, dispose’:
«’ l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique
expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’»
En l’espèce, l’acte d’appel est ainsi rédigé’:
«’ L’appel tend à la réformation du jugement qui a écarté les pièces 33 et 42, a débouté Mr [Z] et la société Syrus de leur demande tendant à voir juger qu’Accenture a commis des fautes dans l’utilisation du procédé ACCERIA comprenant le logiciel PARTNEO, de leur demande de condamnation d’ACCENTURE, RENAULT, PEUGEOT, PSA à verser la somme de 33 000 000 d’euros au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier, et celle de 30 000 euros au titre de l’article 700 et aux dépens et de la demande tendant à voir condamner ACCENTURE à verser à M [Z] une somme de 1 euro en réparation de son préjudice moral’».
Force est de constater que cette déclaration d’appel ne vise pas expressément les condamnations in solidum de M. [Z] et de la société Syrus à une amende civile, à des dommages intérêts pour procédure abusive et à l’article 700 du code de procédure civile prononcées par le tribunal.
En conséquence, il y a lieu de dire que l’effet dévolutif de l’appel ne s’est pas opéré sur ces demandes, de sorte que la Cour n’en est pas saisie.
Par ailleurs, la Cour n’est pas davantage saisie par la société Accenture d’une demande tendant à voir dire qu’elle n’est pas saisie du chef du jugement relatif à l’existence d’une faute au niveau des « constructeurs automobiles », cette demande n’étant pas reprise au dispositif des écritures.
En tout état de cause, il sera observé que l’acte d’appel portant «’demande de condamnation d’ACCENTURE, RENAULT, PEUGEOT, PSA à verser la somme de 33 000 000 d’euros au titre de la réparation de son préjudice matériel et financier’», inclut nécessairement la responsabilité d’Accenture et des constructeurs automobiles.
Sur l’intérêt et la qualité à agir de M. [Z] et de la société Syrus
Il convient de réparer l’omission de statuer affectant le jugement entrepris en disant recevables l’action et les demandes de Monsieur [Z] et de la société Syrus.
M. [Z] soutient avoir subi, conformément à l’article 31 du Code de procédure civile, un préjudice direct et personnel, tant moral que financier, dont il demande réparation, en ce que les pratiques fautives qui sont associées au logiciel Partneo ont impacté négativement ses projets entrepreneuriaux et commerciaux au point qu’il a été contraint de les abandonner. Les appelants ajoutent que les opportunités commerciales de M. [Z] qui ont échoué en raison du comportement fautif des intimés, devaient être réalisées à travers la société Syrus qu’il détient à 100 %, ce qui explique la présence de cette dernière à l’instance.
La société Accenture estime que M. [Z] ne caractérise pas le droit ou la prérogative personnelle qui aurait été affecté par les prétendues man’uvres anticoncurrentielles et ne justifie en conséquence aucunement de son intérêt direct et personnel à agir. Elle ajoute qu’il est impossible que de prétendues pratiques anticoncurrentielles qui auraient été dissimulées jusqu’aux récents articles de Médiapart en juin 2018, aient pu porter atteinte à la réputation de M. [Z] ou encore compromettre les projets commerciaux de Syrus en 2015. Dès lors la société Accenture soutient que M.[Z] et la société Syrus ne justifient pas d’un intérêt né et actuel. Enfin, selon elle, les appelants n’ont pas d’intérêt légitime à agir puisque l’action de M.[Z] repose exclusivement sur les effets prétendument anticoncurrentiels d’un procédé qu’il a lui-même conçu et lui a cédé, de sorte que l’action revient à lui reprocher des faits qui sont exclusivement imputables à son auteur et qui ne pourraient engager que sa propre responsabilité.
La société PSA ne voit pas en quoi la réputation de M. [Z], en tant que concepteur du logiciel Partneo, serait entachée du fait de l’usage de celui-ci par le cessionnaire et les clients de ce dernier. Elle estime qu’il n’est pas démontré que des partenaires commerciaux ont tenu rigueur à M. [Z] de l’éventuel usage qui aurait été fait de ce logiciel. Elle estime également qu’il en est de même pour la société Syrus dès lors qu’elle n’était qu’actionnaire de l’entité propriété du logiciel.
La société Renault considère que ni M. [Z], ni la société Syrus, ne démontrent l’existence d’un intérêt direct et personnel à agir contre Renault en vertu de l’utilisation prétendument anticoncurrentielle du logiciel Partneo. Elle rappelle que les appelants ont cédé leur participation au sein d’Acceria à Accenture et estime que depuis cette cession, M. [Z] et la société Syrus n’ont plus aucun droit sur ce logiciel. Dès lors, elle soutient qu’il est inenvisageable que M. [Z] et la société Syrus puissent encore avoir le moindre intérêt à agir au titre de l’utilisation qui serait faite de ce logiciel 7 ans après sa vente. Elle ajoute que les appelants n’ont pas plus un intérêt légitime en ce qu’ils se prévalent de leurs propres manquements puisque s’il y a eu diffusion d’information, la faute en revient à la société Acceria qu’a dirigé M. [Z] tandis que pour sa part, elle n’a jamais autorisé quiconque à exploiter ou transmettre ses propres données au profit d’un tiers. Enfin, elle dit que les appelants se sont créés eux-mêmes le préjudice dont ils lui demandent réparation puisque le préjudice «’réputationnel’» invoqué issu de la couverture médiatique est postérieure à l’assignation qui lui a été délivrée.
Réponse de la Cour
L’intérêt à agir ne se confond pas avec le bien fondé des demandes.
M [Z] en ce qu’il allègue d’un préjudice moral et financier subi du fait de l’utilisation fautive, par violation du protocole, du logiciel Partneo dont il est le concepteur, développé au sein de la société Acceria et dont les parts ont été cédées à la société Accenture, justifie d’un intérêt direct et personnel à agir. Il a également qualité à agir.
Il en est de même de la société Syrus, que M [Z] détient à 100%, à travers laquelle ce dernier devait réaliser des opportunités commerciales qui auraient échouées du fait des pratiques anticoncurrentielles alléguées.
Par ailleurs leur intérêt à agir est né et actuel en ce qu’ils font état de pratiques anticoncurrentielles existantes.
En conséquence, les appelants ont qualité et intérêt à agir.
Sur la prescription de l’action
Les appelants soutiennent que l’action qu’ils ont engagée le 4 novembre 2016 à l’encontre de la société Accenture et les 14 et 21 avril 2017 à l’encontre des sociétés PSA et Renault n’est pas prescrite, faisant valoir que M. [Z] a été informé à partir de 2015, d’une part, que la société Accenture avait violé ses engagements antitrust post cession et que, d’autre part, les sociétés Renault et PSA avaient, avec l’aide de la société Accenture, coordonné leurs stratégies de hausses de prix sur la base d’une utilisation détournée du logiciel Partneo.
La société PSA fait valoir que M. [Z], de par ses fonctions exercées au sein de la société Accenture jusqu’en 2011, avait nécessairement connaissance des conditions d’exécution dudit protocole et avec lui, la société Syrus dont il est le dirigeant. Elle soutient que M. [Z] était donc prescrit en son action lorsqu’il a, le 14 avril 2017, fait délivrer une assignation à l’encontre de la société Peugeot SA (en lieu et place de laquelle est intervenue la société PSA Automobiles SA) au regard du délai de prescription de l’article 2224 du code civil. Elle en déduit que les actions de M. [Z] et la société Syrus à l’encontre de PSA sont irrecevables.
La société Accenture soutient que la présentation commerciale invoquée par les appelants date du 1er février 2010, ce qui permet de considérer que M. [Z] avait connaissance dès 2010 des faits qu’il qualifie aujourd’hui de pratiques anticoncurrentielles, de sorte que son action, par assignation délivrée le 4 novembre 2016, est prescrite.
La société Renault retient que M. [Z], en tant que travailleur pour la société Acceria après la cession, a eu connaissance du contenu des présentations du logiciel Partneo faites par la société Accenture/Acceria à un certain nombre de prospects dont PSA et Renault dans l’année 2010, de sorte que l’action de M. [Z] et de la société Syrus était prescrite au jour de l’assignation, le 21 avril 2017.
Réponse de la Cour
Il est constant que l’action introduite par M. [Z] et la société Syrus est une action en responsabilité délictuelle soumise au délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil qui dispose’:
«’ Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’».
Selon la société Accenture, il résulte de la pièce n°3 communiquée par PSA en première instance que M [Z] a eu connaissance d’échanges qu’il qualifie d’irréguliers entre les sociétés PSA et Renault, par l’intermédiaire d’Accenture, à la date du 1er février 2010, soit à une période antérieure à l’acquisition d’Acceria par Accenture intervenue en juillet 2010 au cours de laquelle M [Z] était président d’Acceria. Elle en déduit que M [Z] avait connaissance dès 2010 des faits qu’il qualifie de pratiques anticoncurrentielles.
Mais, force est de constater que la pièce n°3 précitée n’est versée aux débats par aucune des parties.
Par ailleurs , s’agissant de la violation alléguée du protocole antitrust de juillet 2010, la seule circonstance prise des fonctions exercées par M [Z] au sein de la société Accenture jusqu’au 21 mars 2011, ne saurait suffire à en déduire que l’intéressé avait nécessairement connaissance des conditions d’exécution dudit protocole, comme partie prenante au déploiement du logiciel Partneo chez les constructeurs automobiles.
A cet égard, si dès avant la cession d’Acceria à Accenture, intervenue le 12 juillet 2010, les deux sociétés ont conclu le 24 août 2009 un Memorandum of Understanding («’MoU») , signé par M [Z], président d’Acceria, ayant pour objet la mise en place d’un partenariat commercial aux fins de déployer la solution Partneo auprès de nouveaux clients (pièce 8 des appelants) prévoyant notamment l’assistance d’Acceria à Accenture dans le cadre de ses relations avec les prospects et clients (point 5 du MoU) et que c’est dans ces conditions que la société PSA a été approchée, il ne saurait s’en déduire que M [Z] avait connaissance dès 2010 des faits litigieux qu’il invoque et qualifie de pratiques anticoncurrentielles, étant observé que la présentation du 5 février 2010 qui serait à l’entête des deux sociétés n’est pas produite.
En revanche, pour soutenir qu’ils n’ont été informés qu’à partir de 2015 des faits leur permettant d’exercer leur action, à savoir la violation alléguée par Accenture de ses engagements antitrust post cession et la coordination par Renault et PSA, avec l’aide de la société Accenture, de stratégies de hausses de prix sur la base d’une utilisation détournée du logiciel Partneo, les appelants produisent notamment une attestation de M. [D] (pièce 40) indiquant en particulier :
«’ M [U] [Z] a porté à ma connaissance début 2015 un document édité par Accenure au moment du rachat (2010). Ce document s’appelait ANTITRUST PROTOCOLS,DO’S and DON’T’» et soutiennent que c’est alors que M. [Z] a découvert que les préconisations du protocole n’avaient jamais été appliquées et ainsi les fautes lui permettant d’exercer cette action.
En l’absence d’élément contraire, il convient de dire non prescrite l’action engagée par M [Z] et la société Syrus.
Sur le rejet de la pièce n° 42 de M. [Z] et la société Syrus
Les appelants soutiennent que même si la pièce n° 42 constitue un échange de courriels provenant de la société Accenture à destination de M. [W], ce ne sont pas des mails internes à la société Accenture. Ils estiment également ne pas avoir obtenu ces mails frauduleusement ou illicitement puisque c’est le destinataire des mails lui-même qui les leur a transmis volontairement. De plus, les appelants considèrent que cette pièce est essentielle puisqu’elle établit avec certitude que Renault et PSA étaient parties prenantes aux échanges d’information ce qui permet de matérialiser la violation des obligations prévues au protocole avec la société Accenture.
La société Accenture soutient que les pièces des appelants concernant des articles de presse qui ont été écrits sur la base des pièces n° 33 et 42 des appelants qu’ils avaient transmis à la presse, doivent être écartés des débats comme dépourvues de valeur probante, qu’ il en va de même des consultations produites, ajoutant que les attestations établies à la demande de M. [Z] plus de huit ans après des faits ne peuvent constituer des moyens de preuve sérieux et recevables puisqu’il s’agit de témoignages de complaisance indirects, imprécis et tardifs n’ayant pas de valeur probante et donc contraires aux exigences de l’article 202 du Code de procédure civile.
La société Renault conteste les dires des appelants qui considèrent que si la preuve d’une violation du respect de la vie privée pouvait être rapportée, une telle production serait indispensable au litige. Elle estime que sur le fond, cette pièce ne démontre absolument rien puisqu’il y est fait état d’une prétendue réunion qui aurait dû se tenir dans les locaux allemands d’Accenture avec des constructeurs automobiles et dont l’objet aurait été de convaincre le constructeur allemand Volkswagen de mettre en ‘uvre le programme Partneo. Or, aucun salarié de Renault n’était émetteur ou destinataire d’un quelconque mail en rapport avec cette rencontre, et en aucun cas il n’est affirmé au long des échanges que Renault a participé de près ou de loin à une telle réunion.
Réponse de la Cour
ll sera observé à titre liminaire que le jugement entrepris n’est pas critiqué en ce qu’il écarte des débats la pièce 33.
Par ailleurs, la demande tendant à voir écarter des débats des articles de presse, consultations et attestations n’est pas reprise au dispositif des dernières conclusions de la société Accenture. En conséquence, la Cour n’en est pas saisie.
S’agissant de la pièce 42, la seule circonstance qu’il s’agisse d’échanges de courriels internes à Accenture ne saurait suffire à l’écarter des débats alors qu’il n’est pas établi que M [Z] l’ait obtenu irrégulièrement et que cette pièce qui vise à démontrer que les
constructeurs automobiles étaient parties aux échanges d’informations, est susceptible d’être utile à la solution du litige.
Le jugement est infirmé en ce qu’il a écarté la pièce 42 des débats.
Sur la responsabilité des intimées
Les appelants recherchent la responsabilité des sociétés intimées, reprochant d’une part à la société Accenture d’avoir violé le protocole antitrust, les règles d’étanchéité des programmes d’optimisation des prix prévues au protocole antitrust, et d’avoir manqué à ses obligations de loyauté, de bonne foi et d’information, et d’autre part aux sociétés Renault et PSA de s’être rendues complices, au sens de l’article 1199 du Code civil, des fautes commises par Accenture.
S’agissant des fautes reprochées à la société Accenture,
Les appelants soutiennent en premier lieu que M. [Z] a progressivement découvert que la société Accenture ne respectait pas les engagements souscrits en matière de concurrence, violant son engagement de maintenir l’étanchéité des programmes d’optimisation des prix réalisés avec Partneo, afin de transmettre des informations non publiques permettant une coordination des stratégies de hausses des prix entre Renault et PSA dans un premier temps, puis à l’échelle d’au moins cinq constructeurs automobiles dans un deuxième temps.
Les appelants produisent un tableau (leur pièce 60) énumérant les obligations du protocole non respectées et soutiennent que cette violation constitue une faute délictuelle au sens de l’article 1240 du Code civil.
M. [Z] soutient être à l’initiative de la rédaction du protocole antitrust, ce que conteste la société Accenture.
Selon les appelants, si l’engagement de respecter le protocole antitrust entre Accenture et M. [Z] ainsi que la société Syrus n’était ni formalisé par un écrit, ni mentionné dans l’acte de cession, il s’agissait néanmoins non seulement d’un engagement de la part d’Accenture, mais aussi d’une des conditions essentielles de la cession de la société Acceria à Accenture
La société Accenture rétorque que le protocole antitrust ne constitue pas un engagement contractuel mis à sa charge au titre de la cession de la société Acceria. Elle fait valoir que les appelants ont changé d’argumentation et de fondement tout au long de la procédure en faisant une confusion entre l’acte de cession et le protocole antitrust et qu’elle n’a pas commis d’agissement fautif au sens de l’article 1240 du Code civil, de sorte que sa responsabilité délictuelle ne peut être engagée.
Elle dit que la mise en place de ce protocole antitrust n’était pas une condition de la cession d’Acceria puisque l’acte de cession ne fait aucune référence à aucun protocole antitrust et que ce protocole n’a été mis en place qu’après la cession puisqu’il n’a été partagé avec les appelants que le 23 juillet 2010. Elle soutient que le protocole et sa mise en place n’ont rien à voir avec M. [Z] et la société Syrus ainsi qu’avec la vente d’Acceria à la société Accenture.
Les appelants soutiennent en second lieu que l’engagement d’Accenture de respecter le protocole antitrust avait pour objet d’éviter tout risque lié au droit de la concurrence. Ils estiment qu’Accenture a violé ce protocole, notamment par le biais de Renault et PSA, tout en faisant croire aux appelants qu’elle le respecterait, de sorte que selon eux, Accenture a commis une faute. Ils disent que le respect du protocole antitrust devait garantir la préservation des intérêts professionnels de M. [Z] par le maintien d’une étanchéité entre les programmes d’optimisation des prix réalisés pour le compte de constructeurs automobiles concurrents, puisqu’en cas de rupture d’étanchéité, le logiciel Partneo serait suspecté du même niveau d’augmentation de prix pour tous les constructeurs utilisateurs dudit logiciel.
Les appelants estiment que la violation des règles d’étanchéité des programmes d’optimisation des prix a permis à de nombreux constructeurs automobiles de connaître la méthode, les périmètres et le niveau global des hausses de prix pratiquées par leurs concurrents via l’utilisation de Partneo, ce qui a permis aux constructeurs de coordonner leurs hausses de prix. Selon eux, au gré de ses pratiques avec PSA et Renault, Accenture a permis que le logiciel Partneo devienne un instrument de coordination de hausses de prix, contrairement à ce qu’elle s’était engagée à ne pas faire auprès de M. [Z].
La société Accenture rétorque que l’Autorité de la concurrence considère dans son avis qu’il ne peut pas y avoir d’entente puisque ces entreprises sont en situation de monopole sur le marché des pièces de rechange captives et les pièces détachées de véhicules sont propres à chaque concurrent. Elle conteste avoir facilité une prétendue entente en informant PSA de la stratégie de hausse de prix de Renault, n’ayant transmis aucune information sensible ou confidentielle, ce qui n’aurait servi à rien puisque les entreprises ne sont pas concurrentes sur ce marché.
Elle ajoute que n’étant pas un concurrent de PSA et Renault, elle n’a aucun intérêt à participer à une entente avec les constructeurs automobiles conduisant à une augmentation de prix.
Enfin elle dit que si elle a pu dans le cadre de certaines présentations commerciales faire référence au fait que l’optimisation des prix pouvait conduire à des gains de l’ordre de 15 %, elle estime que cette information est d’ordre très général et ne dit rien des augmentations de prix individuelles des concurrents utilisant le même logiciel. De plus, elle dit ne pas avoir utilisé les mêmes paramètres d’optimisation de prix pour PSA ou Renault. La recherche d’une optimisation tarifaire n’étant pas illicite, la société Accenture soutient que le fait que Renault et PSA aient subi un niveau d’augmentation ou d’optimisation proches ne permet pas de démontrer le partage d’informations entre les constructeurs, puisqu’un simple parallélisme à un moment T sans aucun élément établissant l’existence d’échanges entre les concurrents ne permet pas de caractériser l’existence d’une entente anticoncurrentielle. Elle rappelle à cet égard que les autorités de la concurrence française et allemande ont considéré qu’en principe l’utilisation d’un même algorithme par des concurrents n’est pas interdit au regard du droit de la concurrence et explique que le logiciel Partneo n’est pas un simple algorithme puisqu’il repose sur une rationalisation des prix sur la base de paramètres purement internes. Elle ajoute n’avoir jamais organisé de réunions entre PSA et Renault, ni n’avoir orchestré une stratégie concertée de hausse des prix, disant qu’il en va de même entre PSA, Renault et le groupe Volkswagen.
S’agissant en troisième lieu, du manquement à ses obligations de loyauté, de bonne foi et d’information, les appelants estiment que l’une des conditions de la cession était le respect du protocole antitrust, condition qu’Accenture ne respectait non seulement pas, mais à l’égard de laquelle elle adoptait un comportement radicalement opposé. Ils soutiennent que si M. [Z] en avait été informé, il n’aurait pas négocié avec Accenture et ne lui aurait pas cédé la société Acceria ainsi que le logiciel Partneo. Selon les appelants, les manquements de la société Accenture ont mis M. [Z] dans l’impossibilité d’exploiter l’activité de recherche et développement du logiciel Partneo, ou de développer une activité liée à celui-ci, et notamment avec Renault et PSA.
S’agissant des fautes reprochées aux constructeurs automobiles
Les appelants font valoir que Renault reconnaît avoir utilisé le logiciel Partneo dans le but d’optimiser le prix de vente de ses pièces de rechange dites captives, et a accepté que les informations non publiques issues de son programme de hausse de prix soient communiquées à PSA et aux autres constructeurs afin de ne pas être le seul constructeur à augmenter fortement ses prix, que PSA a accepté d’utiliser les informations non publiques provenant du programme Renault pour augmenter ses prix et a accepté que les informations issues de son programme soient elles-mêmes utilisées pour que les autres constructeurs procèdent aux mêmes démarches d’augmentation des prix, qu’enfin Renault et PSA ont donné leur accord à Accenture pour échanger de façon sécrète avec Volkswagen sur l’intérêt de mettre en ‘uvre une stratégie commune de hausse de prix des pièces de rechange.
La société PSA rétorque que pour caractériser la complicité d’un tiers dans la violation par une partie défaillante de ses engagements contractuels, il convient de rapporter la preuve d’une obligation contractuelle, de son manquement par le cocontractant, de la connaissance de l’obligation contractuelle par le tiers et de la participation du tiers dans la violation de l’obligation contractuelle. Elle soutient qu’il n’y a aucune obligation contractuelle incombant à la société Accenture puisque le protocole antitrust ne constitue pas un engagement contractuel, ajoutant que ce protocole antitrust lui est inopposable. Dès lors, elle considère que la société Accenture n’a commis aucun manquement au protocole antitrust et que la libre fixation des prix des pièces captives par la société PSA ainsi que sa non-participation à une quelconque pratique anticoncurrentielle ne permettent pas de caractériser la complicité d’un tiers dans la violation par une partie défaillante de ses engagements contractuels.
La société Renault demande la confirmation du jugement qui a retenu son absence de participation à aucune entente anticoncurrentielle. Elle dit qu’aucun parallélisme de comportements n’a jamais existé entre PSA et elle, qu’aucune réunion ni prise de contacts entre concurrents n’a jamais eu lieu et qu’aucun élément extrinsèque ne vient corroborer la thèse de l’entente. Elle ajoute ne pas avoir commis de faute pouvant relever de la tierce complicité, rappelant ne pas être concernée par le protocole antitrust et n’avoir jamais été informée que des informations confidentielles la concernant soient transmises à son concurrent PSA ou à d’autres constructeurs, ce qu’elle n’aurait pas accepté. Elle reconnaît avoir utilisé le logiciel Partneo, mais considère l’avoir fait en tout autonomie, c’est-à-dire sans s’intéresser aux résultats des concurrents utilisant ce logiciel ou aux informations internes des concurrents. Elle soutient n’avoir pu se rendre complice de la violation d’obligations dont elle n’avait pas connaissance jusqu’à l’initiation du présent litige.
Réponse de la Cour
Les appelants recherchent la responsabilité délictuelle de la société Accenture pour avoir
manqué à l’engagement de respecter le protocole antitrust alors qu’il s’agissait non seulement d’un engagement de la part d’Accenture, mais aussi d’une des conditions essentielles de la cession de la société Acceria à Accenture. Ils invoquent l’utilisation illicite par Accenture du logiciel Partneo par la transmission d’informations confidentielles non publiques de concurrents du secteur automobile, permettant aux constructeurs de coordonner leur stratégie de hausse de prix de revente des pièces de rechange captives, en violation des principes contenus dans le protocole, et ainsi de leurs attentes tendant au respect du protocole afin de minimiser le risque que le logiciel soit vu par le marché comme étant un instrument de coordination de hausse de prix.
Au soutien de leurs prétentions, les appelants produisent, outre des articles de presse sans valeur probante, notamment’:
-une attestation de M [R] [B] du 26 mai 2018 (pièce 34) conformément aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile précisant avoir été salarié de la société Acceria avant et après la cession à Accenture jusqu’en 2014, n’avoir jamais reçu d’Accenture le document «’Antitrust Protocls Do’s ans Dont’s’», disant que les pratiques opérationnelles et commerciales au sein d’Acceria reprises par la société Accenture ne permettaient pas de respecter le protocole dont les règles avaient pour finalité d »uvrer pour l’étanchéité des informations non publiques entre programmes d’optimisation des prix de vente des pièces captives, ajoutant qu’en particulier les arguments de vente des programmes de hausse des prix réalisées via partneo reposaient sur le principe de proposer aux entreprises de réaliser le même niveau de hausse de prix que celle déjà pratiquées par les clients utilisant partneo.
-Une attestation de M. [N] [D] du 16 juillet 2018 (pièce 40) conformément aux dispositions del’article 202 du code de procédure civile indiquant avoir participé aux projets de «’pricing’» dans le secteur automobile pour Acceria puis Accenture, disant n’avoir jamais eu connaissance par Accenture du document «’Antitrust Protocls Do’s ans Dont’s’» que M [Z] a porté à sa connaissance en 2015, que dans les faits ils étaient souvent en contradiction avec les règles y figurant’: projets comportant les mêmes ratios d’optimisation (moyenne de 15% d’augmentation de prix avec 2/3 de hausses de prix sur les pièces à fort volume de vente et 1/3 de baisse de prix sur les pièces à faible volume de vente), mêmes équipes pour différents comptes clients, étude comparative des prix de la concurrence présentée à partir de planches anonymisées et des prix publics, mais dont les photos permettaient de savoir quelles étaient les pièces dont le prix avait déjà été optimisé dans Partneo, règle de prix supposée unique et différenciée mais dont les consultants pouvaient comparer les critères de règles utilisés dans Partneo par les différents constructeurs, de sorte que les règles de prix étaient très similaires d’un constructeur à l’autre.
-Un courriel de M [F] [W] à M [Z] du 24 juillet 2018 (pièce 43), relatant avoir assisté dans le cadre de ses fonctions chez Accenture à des réunions commerciales en vue de vendre l’offre Acceria/APO relative à l’optimisation de la tarification des pièces de rechange captives auprès de prospects’/clients du secteur automobile au niveau monde et que l’un des arguments fort développé par les commerciaux d’Accenture était le niveau de gain généré chez d’autres constructeurs, que les exemples d’optimisation présentés montraient très souvent la famille des logo constructeur où l’on voyait clairement de quel constructeur il s’agissait., ‘ par exemple PSA et Renault,
-des échanges de courriels dont M. [W] a été destinataire au sein de la société Accenture (pièce 42) notamment (page 8) faisant état de l’idée d’organiser une réunion secrète avec Renault et PSA pour convaincre «’VW’» du succès de l’optimisation de prix, en faisant attention à ne pas noter sur l’agenda que cette réunion avait pour objet la stratégie de prix pour l’anti-trust.
Selon eux, il existe un lien causal entre les fautes commises par Accenture et l’impossibilité pour M [Z] de développer et d’exploiter le procédé de grande valeur qu’il a conçu.
Mais les appelants ne démontrent ni l’engagement pris par la société Accenture à cet égard, ni n’établissent que le respect du protocole antitrust conditionnait la cession de la société Acceria, alors qu’il n’est justifié d’aucun écrit et que l’acte de cession ne fait aucune référence à un protocole antitrust.
Il apparaît en revanche qu »il s’agissait d’une préoccupation propre à la société Accenture consciente des risques en matière de conformité au droit de la concurrence de l’opération envisagée, la seule circonstance qu’elle ait fait état de sa préoccupation à cet égard, à titre confidentiel aux conseils de M. [Z] le 7 juin 2010 (pièce 12 et 12 bis des appelants), avant la cession, ne permettant d’en tirer aucune conséquence quant à un quelconque engagement pris à l’égard de ce dernier, étant observé que le protocole a été diffusé le 23 juillet 2010 (pièce 13 et 13 bis des appelants), soit postérieurement à la cession intervenue le 12 juillet de cette même année.
Dès lors, les appelants ne peuvent faire grief à Accenture d’avoir commis une faute, même sur le fondement de l’article 1240 du code civil à son encontre en violant ce protocole, notamment par le biais de Renault et PSA, tout en leur faisant croire qu’elle le respecterait.
Si les appelants disent que le respect du protocole antitrust devait garantir la préservation des intérêts professionnels de M. [Z] par le maintien d’une étanchéité entre les programmes d’optimisation des prix réalisés pour le compte de constructeurs automobiles, force est de constater que l’existence d’une entente des constructeurs automobiles par l’entremise de la société Accenture n’est nullement démontrée, étant observé ainsi que le fait valoir Accenture, qu’il ne peut exister de concurrence entre constructeurs sur les pièces de rechange dites captives.
Il n’est notamment pas établi la violation par Accenture des règles d’étanchéité des programmes d’optimisation des prix permettant aux constructeurs de coordonner leurs hausses de prix, la circonstance qu’elle ait fait état dans une présentation du logiciel Partneo d’une optimisation des prix pouvait conduire à des gains de l’ordre de 15 % ne pouvant en tant que tel lui être reproché. Également, la circonstance que les mêmes équipes se seraient rendues chez les constructeurs, ne permet pas d’en déduire que le logiciel de hausse des prix aurait été paramétré de la même façon. De même, il ne peut se déduire du fait que PSA et Renault aient réalisé un niveau d’augmentation ou d’optimisation proches, à supposer ce fait établi, un partage d’informations entre les constructeurs.
Il sera ajouté que les présentations à caractère promotionnel étaient anonymisées et qu’il ne résulte pas à suffisance des attestations de M. [D] et de M. [B] ou du courriel de M [W] que des indications chiffrées relatives au niveau global de hausses tarifaires pratiquées par un constructeur identifié sur les prix de vente centraux de ses pièces de rechange captives, ou des informations chiffrées relatives au périmètre des prix de vente optimisé par un constructeur nommément désigné, aient été délivrées, dans le but de réaliser le même niveau de hausse de prix que celle déjà pratiquées par les clients utilisant Partneo, aucun élément de preuve objectif n’étant de surcroît produit.
Également, la circonstance que les mêmes équipes se seraient rendues chez les constructeurs, ne permet pas d’en déduire que le logiciel de hausse des prix aurait été paramétré de la même façon.
S’agissant en outre, du projet d’organisation d’ une réunion secrète avec Renault et PSA pour convaincre «’VW’» du succès de l’optimisation de prix, il n’est pas démontré ni même allégué qu’une telle réunion ait eu lieu.
Aucun manquement à ses obligations de loyauté, de bonne foi et d’information ne peut être reproché à la société Accenture, étant rappelé que cette dernière n’a pris aucun engagement à l’égard de M [Z] et de la société Syrus et que l’orchestration par elle d’une stratégie concertée de hausse des prix n’est pas démontrée, étant rappelé que la recherche d’une optimisation tarifaire n’est pas en soi illicite.
S’agissant des constructeurs, contrairement à ce que soutient M [Z], la diffusion d’informations confidentielles à d’autres constructeurs n’est pas établie et son acceptation par Renault pas davantage. La simple utilisation à leur profit par les constructeurs automobiles du logiciel Partneo n’est pas fautive.
ll sera ajouté de surcroît que les appelants ne démontrent aucun préjudice.
Ainsi ils prétendent que la société Syrus a dû renoncer à développer une nouvelle technologie d’optimisation des prix de vente en collaboration avec la société de conseil Bearing Point, estimant que l’utilisation illicite qu’en ont fait Accenture, Renault et PSA du logiciel Partneo en a décrédibilisé la licéité et plus généralement, les innovations et le savoir-faire de M. [Z] et de Syrus, ce comportement atteignant leur réputation.
Mais, il n’est nullement établi que l’échec des négociations menées entre Syrus et Bearing Point soit imputable à l’utilisation du logiciel Partneo, ce d’autant que le traitement médiatique de l’affaire n’a eu lieu qu’en 2018, soit bien après la date de cessation des négociations en novembre 2016.
Par ailleurs, la signature en 2015 d’un accord de confidentialité dans la perspective d’une éventuelle collaboration ne permet pas d’établir que ce projet aurait été abandonné en raison des informations que M.[Z] aurait partagées avec ses éventuels partenaires sur le caractère illicite des solutions d’optimisation de prix.
A cet égard, comme le fait valoir la société Renault, M. [Z] a pu intégrer un projet dans le secteur automobile au sein d’une entreprise de renom, la société Maser Engineering, en faisant valoir son expérience passée, et participer à l’exécution d’une relation ponctuelle de prestataire pour Renault, qui s’est achevée dans des conditions normales.
En l’absence de faute et de démonstration d’un préjudice direct, réel et certain avec les pratiques fautives reprochées, les appelants ne peuvent qu’être déboutés de leurs demandes en réparation d’un préjudice tant matériel et financier que moral.
Sur la procédure abusive
La Cour rappelle qu’elle n’est pas saisie par les appelants de ce chef du jugement sur la procédure abusive en première instance.
La société Accenture estime qu’en poursuivant la présente procédure en appel, alors même que les appelants ne peuvent se méprendre sur leurs droits, au regard de la motivation de la décision de première instance et des communications des autorités de concurrence, M. [Z] et la société Syrus ont abusé de la faculté offerte par la loi d’agir en justice et ont ainsi occasionné un préjudice à Accenture. Elle soulève également que les appelants ont modifié le fondement de leur demande, abandonnant celui sur l’existence d’une entente et oscillant entre la responsabilité contractuelle puis délictuelle. La société Accenture soutient que la société Syrus et M. [Z] doivent être condamnés à verser à la société Accenture la somme de 500.000’euros au titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
La société Renault rappelle que les appelants n’ont pas repris dans leur déclaration d’appel le chef de la condamnation à une amende civile de 10.000 euros et à 50.000 euros de dommages et intérêts par demandeurs pour procédure abusive en première instance. Elle demande donc la confirmation du jugement sur ce point. De plus, la société Renault estime être partie à une procédure qui ne la concerne absolument pas puisqu’elle n’a pour but que d’utiliser Renault comme levier pour pousser Accenture à lui accorder une indemnité. Elle considère que le dossier d’appel est aussi vide qu’en première instance et fait valoir que les appelants font preuve de malhonnêteté et d’une légèreté blâmable en ayant monté un dossier de toutes pièces jusqu’à manipuler des documents et à se constituer des pièces à soi-même. La société Renault estime également que les appelants n’ont pas hésité à saisir les médias afin de faire écrire des articles portant atteinte à la réputation et à l’image de Renault tout en essayant de se constituer des preuves, alors même que l’Autorité de la concurrence a refusé de se saisir de l’affaire faute d’élément suffisant. Dès lors, elle demande la condamnation des appelants à la somme de 30.000 € pour appel abusif.
En ce qui concerne l’appel abusif, la société PSA demande la condamnation solidaire des appelants à la somme de 20.000 euros.
Réponse de la Cour
Il n’est pas établi que les appelants aient fait usage de leur droit d’interjeter de manière abusive.
La demande de dommages-intérêts présentée par les intimées est en conséquence rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile
La société Syrus et M. [Z] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d’appel, le jugement étant confirmé en ce qu’il a mis à leur charge les dépens de première instance.
Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les appelants seront condamnés in solidum à verser aux sociétés Accenture, PSA et Renault, chacune la somme de 15 000 €, en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dit que le jugement est complété ainsi qu’il suit’:
«’Rejette les fins de non-recevoir et déclare recevable l’action et les demandes de M [Z] et de la société Syrus’»’;
Dit que l’effet dévolutif de l’appel ne s’est pas opéré sur les condamnations in solidum de M. [Z] et de la société Syrus à une amende civile, à des dommages intérêts pour procédure abusive et à l’article 700 du code de procédure civile prononcées par le tribunal’;
Confirme le jugement dans ses dispositions qui lui sont soumises sauf en ce qu’il a écarté la pièce 42 de M. [Z] et de la société Syrus des débats’;
Statuant à nouveau de ce chef infirmé,
Dit n’ y avoir lieu à écarter la pièce 42 de M. [Z] et de la société Syrus des débats’;
Déboute les sociétés Accenture, PSA et Renault, de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif’;
Condamne in solidum M [U] [Z] et la société Syrus aux dépens d’appel et à payer aux sociétés Accenture, PSA et Renault, chacun la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE