Décision de justice sur la Confidentialité

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JG/ND

Numéro 23/2346

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 29/06/2023

Dossier : N° RG 22/02831 – N° Portalis DBVV-V-B7G-ILBL

Nature affaire :

Action en responsabilité civile exercée contre les dirigeants ou les associés

Affaire :

S.A.S. ORADIANSE

C/

[K] [V]

[R] [Y]

[U] [T]

[F] [I]

[H] [D] [L]

S.E.L.A.S. OCEAN IMAGERIE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 29 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 27 Mars 2023, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Joëlle GUIROY, conseillère

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. ORADIANSE

immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 885 085 548, agissant par l’intermédiaire de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Philippe LAUZERAL (AARPI MONCEY AVOCATS), avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame [K] [V]

née le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 29] (17)

de nationalité française

Rés [Adresse 25]

[Localité 13]

Madame [R] [Y]

née le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 31] (Suisse)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 15]

Monsieur [U] [T]

né le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 24] (68)

de nationalité française

[Adresse 27]

[Localité 14]

Madame [F] [I]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 26]

de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 16]

Madame [H] [D] [L]

née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 9] (33)

de nationalité française

[Adresse 12]

[Localité 17]

S.E.L.A.S. OCEAN IMAGERIE

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 443 478 946, représentée par M. Benoît Hecquet en sa qualité de Président

[Adresse 4]

[Localité 13]

Représentés par Me Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

Assistés de Me François Xavier TESTU (AARPI Salés Testu Hill J=Henri-Gaboriau et Associés), avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 31 MAI 2022

rendue par le PRESIDENT DU TJ DE BAYONNE

Exposé du litige et des prétentions des parties :

La SAS Oradianse, immatriculée le 13 juillet 2020, a pour objet la prise de participation dans toutes entités dont l’activité est l’exercice en commun de la profession de médecin spécialisé en techniques d’imagerie médicale. Elle a pour associés la société CCIO Invest, créée et dirigée depuis 2015 par [J] [E], et la société Triogaray, dont l’associé majoritaire et président est [A] [G].

La Selarl Axular radiologie, dont l’objet est l’exercice en commun de la profession de médecin radiologue était détenue et gérée par quatre médecins radiologues : [K] [V], [U] [T], [F] [I] et [H] [D] [L], [R] [Y], ancienne associée et co-gérante de la société ayant cédé l’intégralité de ses actions aux autres associés en décembre 2020.

Dans la perspective de la réalisation éventuelle d’une opération capitalistique, le 15 janvier 2020, la société Oradianse a conclu avec la société Axular radiologie un accord de confidentialité.

Dans ce cadre, le 11 juin 2020, elle lui a adressé une lettre d’offre indicative aux fins d’acquérir ses parts sociales et, le 28 août 2020, elle a transmis aux associés une nouvelle offre préalable indicative d’acquisition, laquelle organisait la confidentialité du projet.

Cependant, le projet n’aboutissait pas et la société Axular radiologie a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine au profit de la SELAS Océan imagerie.

Fin juin 2021, [J] [E] et [A] [G], professeurs de médecine, étaient informés que la directrice du centre national de gestion, le président de l’université de [Localité 9], le directeur du collège [30] ainsi que, en copie, le directeur général du centre hospitalier universitaire de [Localité 9] et le doyen de la faculté de médecine de [Localité 9] avaient été destinataires d’une lettre anonyme datée du 21 juin 2021 dans laquelle étaient dénoncés des conflits d’intérêts et des incompatibilités d’exercice les concernant. Il y était fait référence au projet d’offre d’acquisition du 11 juin 2020 de la société Axular par la société Oradianse et le rédacteur avait joint à sa lettre des photographies d’écran d’un ordinateur montrant le projet d’offre d’acquisition tel qu’il avait été adressé aux associés de la société Axular.

Exposant vouloir déterminer qui était à l’origine de la divulgation du projet d’acquisition et de la documentation correspondante et envisager ensuite les actions judiciaires qui s’imposeront, par acte d’huissier en date du 11 février 2022, la SAS Oradianse a fait assigner devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bayonne :

– la SELAS Océan imagerie venant aux droits de la Selarl Axular,

– Mme [K] [V],

– Mme [R] [Y],

– M. [U] [T],

– Mme [F] [I],

– Mme [H] [D]-[L]

aux fins de voir ordonner une mesure d’instruction.

Par ordonnance de référé du 31 mai 2022, le Tribunal judiciaire de Bayonne a :

– rejeté la demande de mesure d’instruction de la SAS Oradianse ;

– condamné la SAS Oradianse à payer à la SELAS Océan imagerie, à [K] [V], [R] [Y], [F] [I], [H] [D]-[L] et [U] [T] la somme de 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné la SAS Oradianse aux entiers dépens.

Par déclaration du 18 octobre 2022, la SAS Oradianse a relevé appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 08 février 2023.

**

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2023, la SAS Oradianse demande à la cour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de :

‘ infirmer l’ordonnance déférée ;

‘ la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

‘ commettre un huissier de justice, qui aura la faculté, pour les besoins de sa mission et la nécessité de procéder simultanément et en plusieurs endroits aux mesures d’instruction sollicitées, de déléguer ses pouvoirs à d’autres huissiers territorialement compétents,

avec pour mission de :

i) se rendre :

– au siège de la SELAS Océan imagerie, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Bayonne sous le numéro 443 478 946, ayant son siège social situé [Adresse 4] à [Localité 20], venant aux droits de la société Axular ;

– à l’établissement de la société Océan imagerie situé [Adresse 23]), ancien siège social de la société Axular ;

– à l’établissement de la société Océan imagerie situé [Adresse 10] à [Localité 22], ancien établissement de la société Axular ;

– au domicile de [K] [V], situé Résidence [Adresse 25] à [Localité 20] ;

– au domicile de [R] [Y], situé [Adresse 5] à [Localité 21] ;

– au domicile de [U] [T], situé [Adresse 27] à [Localité 19] ;

– au domicile de [F] [I], situé [Adresse 8] à [Localité 18] ;

– au domicile de [H] [D] [L], situé [Adresse 12] à [Localité 28] ;

ii) à partir de tout ordinateur et/ou outil de stockage (notamment clé USB, disque dur externe, smartphone) qui seront trouvés sur place, rechercher et prendre copie des dossiers de fichiers, des fichiers (de tous formats : PDF, WORD, EXCEL, JPEG etc.), et des correspondances électroniques, créés et/ou rédigés et/ou modifiés et/ou enregistrés et/ou émis/envoyés et/ou reçus et/ou supprimés (en ce compris les courriels contenus dans la rubrique « Récupérer les éléments supprimés du serveur » de l’application Outlook), depuis le 10 juin 2020 jusqu’au 30 juin 2021, contenant les mots-clés suivants, tant en majuscules qu’en minuscules, que ces mots-clés figurent dans le contenu ou dans le libellé ou l’intitulé desdits dossiers de fichiers, fichiers et correspondances électroniques :

‘ « Oradianse »;

‘ « [A] [G] » et/ou « [G] » ;

‘ « [J] [E] » et/ou « [E] » ;

‘ « CCIO INVEST »;

‘ « TRIOGARAY »;

‘ « Directrice », « Centre National de Gestion » (ou « CNG ») ;

‘ « Président », « Université de [Localité 9] » ;

‘ « Directeur », « Collège Santé » ;

‘ « CHU », « [Localité 9] » ;

‘ « Doyen », « Faculté de Médecine de [Localité 9] » ;

‘ « Projet d’acquisition » ;

‘ « Lettre d’offre indicative » ;

‘ « LOI » ;

‘ « Accord de confidentialité » ;

‘ « Engagement de confidentialité’ ;

étant précisé que les correspondances entre avocats pouvant résulter de ces recherches par mots-clés ne seront pas saisies ;

iii) A partir des téléphones portables professionnels et personnels de [K] [V], de [R] [Y], de [U] [T], de [F] [I], et de [H] [D]-[L], associés de la société Axular lors de l’envoi par la société Oradianse du Projet d’Offre du 11 juin 2020, rechercher les éventuelles copies/photographies d’écran du Projet d’Offre du 11 juin 2020 annexées à la lettre anonyme du 21 juin 2021, ainsi que le ou les messages d’envoi, par SMS, et/ou email, et/ou via une application de messagerie (comme par exemple WhatsApp, Telegram, Signal, etc.), des copies/photographies d’écran du Projet d’Offre du 11 juin 2020 ;

iiii) Identifier le ou les destinataires de ces envois ;

et pour ce faire :

– Ordonner aux saisis de collaborer à la pleine et entière exécution de l’ordonnance, notamment en désignant les emplacements des informations recherchées sur support papier et/ou numérique (sur place et/ou à distance), en levant toute difficulté matérielle telle que notamment identifiants, codes d’accès, mots de passe, clés de chiffrement, en fournissant tous éléments de nature à permettre l’exécution de l’ordonnance tels que accès à l’électricité, à l’internet, au réseau interne ou externe de la société Océan imagerie, aux serveurs de la société Océan imagerie, aux postes informatiques y compris ordinateurs portables des anciens associés et collaborateurs de la société Axular, en permettant l’installation de tous outils logiciels et/ou matériels ;

– Autoriser les huissiers ainsi commis et délégataires à :

‘ Pénétrer dans les locaux et se faire accompagner et assister de tous techniciens notamment experts techniques et en informatique, de leur choix, et se faire assister de la force publique ;

‘ Mener les recherches sur les supports informatiques y compris mobiles en utilisant les mots clés précités ;

‘ Accéder à tous supports informatiques, y compris mobiles, et à tous autres supports (externes et internes) de données informatiques (y compris au compte administrateur), aux fins de rechercher les éléments nécessaires au bon accomplissement de la mission ;

‘ Se faire assister au besoin par le responsable informatique de la société Océan imagerie ou par le gestionnaire de réseau pour accéder le cas échéant aux ressources informatiques distantes ;

‘ Imprimer, prendre des photos et/ou copies sur support papier et/ou informatique des éléments trouvés, ainsi que sur tout matériel jugé nécessaire par eux, à défaut, utiliser leurs propres moyens de copies et toute ressource locale ou distante jugée nécessaire pour les besoins de la mission, au besoin en les emportant temporairement en leur étude ;

‘ Procéder, à partir des mots clés définis ci-dessus, à l’exploitation et/ou installation de tous logiciels d’investigation et/ou de tous périphériques et/ou à l’extraction des disques durs des unités centrales des ordinateurs concernés, à leur examen à l’aide d’outils d’investigation de leur choix, puis à la remise en place de ces disques durs dans leur unité centrale respective après en avoir pris copie ;

‘ Utiliser tous les supports informatiques, ordinateurs, imprimantes, scanner, zip, etc., utiles afin de mener à bien la mission évoquée ci-dessus ;

‘ En cas de difficulté dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, ou en cas de difficulté rencontrée dans l’accès aux supports informatiques, procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui leur paraîtront nécessaires et en rapport avec la mission confiée afin de procéder ultérieurement aux recherches et aux tris nécessaires ;

‘ Saisir tout support informatique ou de téléphonie dont l’accès serait protégé par un code d’accès que les saisis refuseraient de communiquer aux huissiers, sous réserve de le restituer après analyse différée et dans un délai strictement raisonnable ;

‘ Dresser l’inventaire des pièces obtenues ;

‘ Dresser un procès-verbal de l’ensemble des opérations effectuées qui sera remis à la société Oradianse ;

– Dire que les huissiers ainsi commis et délégataires établiront chacun un document permettant l’identification des éléments appréhendés, le remettront à la partie auprès de laquelle ils les auront obtenues, et du tout dresseront rapport qui sera communiqué à la société ORADIANSE en même temps que l’ensemble des éléments saisis ;

– Dire qu’une provision sera versée par la société Oradianse à l’huissier ainsi commis avant toute mise en exécution de la mission ;

– Dire qu’à défaut de versement par la société Oradianse de la provision visée ci-dessus dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, celui-ci sera caduc et privé d’effets ;

– Dire que les mesures d’instruction devront intervenir dans un délai de deux mois à compter du versement de la provision ;

– Dire qu’il vous en sera référé en cas de difficulté.

subsidiairement :

– Dire que l’ensemble des éléments recueillis par les huissiers ainsi commis et délégataires seront conservés par l’huissier de justice commis, en séquestre, sans qu’il puisse en donner connaissance à la société Oradianse ;

– Dire qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bayonne afin d’examen, en présence de l’huissier de justice commis, des pièces séquestrées par ce dernier, et qu’il soit statué sur la communication desdites pièces ;

– Dire qu’en vue de cet examen, l’huissier de justice commis tiendra à la disposition de la partie auprès de laquelle il les aura obtenus, sur un support informatique adapté, une copie des pièces séquestrées, afin que cette dernière puisse, pour les besoins de leur examen par le Juge des référés, sélectionner celles des pièces à la communication desquelles elle s’oppose ;

– Dire que faute pour la société Oradianse d’assigner en référé, à cet effet, les parties visées par les mesures d’instruction dans un délai d’un mois après exécution desdites mesures, l’huissier de justice commis tiendra les pièces et documents recueillis à la disposition des parties auprès desquelles il les aura obtenus, et passé le délai de six mois, pourra les détruire ;

‘ Condamner la société Océan imagerie, [K] [V], [R] [Y], [U] [T], [F] [I] et [H] [D] [L] à payer, chacun, à la société Oradianse, 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

‘ Condamner la société Océan imagerie, [K] [V], [R] [Y], [U] [T], [F] [I] et [H] [D] [L] aux entiers dépens dont distraction, pour ceux d’appel, au profit de Me Sophie Crepin, membre de la Selarl Lexavoue Pau-Toulouse en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

**

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 janvier 2023, la société Océan imagerie, [K] [V], [R] [Y], [U] [T], [F] [I] et [H] [D] [L] demandent à la cour de :

Vu les articles 11 al. 2, 139, 141 et 145 du code de procédure civile,

Vu l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 sur le secret professionnel de l’avocat, les articles L1110-4 et R4127-4 du code de la santé publique sur le secret médical,

Vu la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme,

– Confirmer l’ordonnance entreprise, et en tant que de besoin :

– Rejeter pour empêchement légitime la demande de mesures d’investigations sollicitées par la société Oradianse, en tant qu’elle vise la société Océan Imagerie ;

– En tout état de cause, dire mal fondée ladite demande de mesures d’investigations à l’encontre des différents intimés, faute de motif légitime et en ce qu’elles sont susceptibles de porter atteinte sans raison à un secret professionnel légalement protégé ;

Subsidiairement, et pour le cas où les mesures sollicitées seraient accordées :

– Dire que chacun des échanges entre l’un ou l’autre des intimés et un avocat doit être exclu des éléments saisis, que l’avocat soit destinataire, émetteur ou en copie de l’échange ;

– Dire que les documents saisis devront être placés sous séquestre, afin de permettre une procédure de levée des documents séquestrés entourée de garanties ;

– Prescrire une procédure de levée contradictoire du séquestre, à l’occasion de laquelle chacun des intimés concernés pourra faire ses observations, dûment consignées par l’huissier, lorsqu’un document saisi sera étranger à la question litigieuse, ou de nature à porter atteinte à un secret professionnel légalement protégé ;

– Dire que dans l’hypothèse visée au paragraphe précédent, l’huissier devra maintenir sous séquestre les documents en cause jusqu’à ce qu’il soit référé de la difficulté au juge compétent ;

En tout état de cause :

– Condamner la société Oradianse à payer à chacune et chacun des co-défendeurs la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– La condamner aux entiers dépens de l’instance.

*

Faisant application en l’espèce des termes de l’article 455 du code de prodédure civile, pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, la cour entend se référer aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIVATION :

La SAS Oradianse demande l’infirmation de la décision déférée et fait valoir :

– qu’elle justifie d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige en ce qu’à la suite de la lettre anonyme transmise aux plus hautes autorités dont relèvent les professeurs [E] et [G], il est envisagé une action en responsabilité contre l’associé de la société Axukar radiologie à l’origine de la violation de la confidentialité attachée à son offre du 11 juin 2020 ;

– qu’il est incontestable que l’extrait de document joint à la lettre anonyme du 21 juin 2021 provient d’une fuite du projet d’offre d’acquisition qu’elle avait adressé aux associés de la société Axulard radiologie qui ne peut qu’émaner d’un de ses associés, ses propres associés et services n’ayant aucun intérêt à la dénonciation alors qu’ils avaient exigé la confidentialité et que les documents sont utilisés à leur encontre, l’évocation de l’intervention d’un tiers étant rocambolesque ;

– qu’elle a intérêt à agir en ce que l’auteur de la lettre anonyme l’a visée dans son écrit et que le demandeur aux mesures d’instruction in futurum n’a pas à prouver, à ce stade de la procédure, qu’il a subi un préjudice, la violation de l’accord de confidentialité constituant à lui seul un motif légitime d’action étant cependant précisé que ses associés cités par le rédacteur ont été mis en cause dans leur probité et réputation ;

– que la société Océan imagerie a acquis l’intégralité des parts sociales de la société Axular radiologie qui a été dissoute et que la transmission universelle de patrimoine a été finalisée le 29 novembre 2021 de telle sorte que la première vient aux droits de la seconde et ne peut être considérée comme un tiers à la procédure et lui opposer un quelconque empêchement légitime à la production de tout document détenue par elle ;

– que la mesure d’instruction qu’elle demande est circonscrite dans le temps, du 11 juin 2020 au 30 juin 2021, et dans son objet, en ce qu’elle porte sur une quinzaine de mots clés et que c’est donc à tort que le premier juge a estimé qu’elle sollicitait une mesure d’instruction générale excédant les mesures légalement admissibles, et disproportionnée au but recherché alors que, compte tenu du caractère anonyme de la divulgation opérée le 21 juin 2021, elle ne pourra en découvrir l’auteur que par une mesure de constat sur les outils informatiques et téléphoniques de la société Axular et de chacun de ses anciens associés.

Elle ajoute que la recherche permise par la mission qu’elle propose n’est pas de nature à porter atteinte au secret des affaires ni au secret médical eu égard au listing des mots clés qu’elle propose et que le juge saisi a le pouvoir de redimensionner la mission à confier à l’huissier de justice à l’issue du débat contradictoire.

En réplique, les intimés exposent que la société Oradianse ne fonde pas son action sur un motif légitime en ce que :

– à la lettre anonyme ont été jointes des photographies d’écran d’ordinateur montrant un document dont les données économiques ont été masquées, ce qui ne peut constituer une violation grave de la confidentialité du document ;

– en outre la mesure sollicitée lui permettra d’accéder aux systèmes et archives de la SELAS Océan imagerie qui est son concurrent et est détenteur, comme les associés qu’elle réunit, de secrets médicaux ;

– elle se livre à une présentation des faits de nature à orienter les soupçons sur les intimés alors que l’objectif de l’appelante est de poursuivre l’auteur de la lettre anonyme seule créatrice d’un éventuel préjudice, sur laquelle elle reste taisante faute de préciser si les propos qu’elle comporte sont calomnieux envers Messieurs [E] et [G] et ont eu une quelconque suite.

Elle ajoute que la lettre d’offre d’acquisition diffusée ne comporte aucun élément compromettant car les associés de la société Axular radiologie ont décidé de se retirer de l’opération projetée de telle sorte qu’aucun d’eux n’a d’intérêt à se plaindre des personnes visées par la lettre ;

– que dès lors rien ne permet d’attribuer la lettre et la photographie d’écran jointe à un associé de la société Axular radiologie ;

– si la société Océan imagerie vient aux droits de la société Axular radiologie, l’appelante ne peut, au stade de la recherche de la preuve sollicitée, être autorisée à avoir accès à l’ensemble de son système informatique et de ses données, la mesure sollicitée ne remplissant pas les conditions légales au regard de l’étendue des investigations qu’elle permettrait compte tenu de la liste des mots clés proposés de manière alternative, de la période de 12 mois sur laquelle elle devrait porter et des supports concernés appartenant à la société Océan imagerie mais également aux associés concernés à titre personnel.

Elle ajoute que faire droit à la demande conduirait à autoriser l’huissier de justice à devoir notamment examiner des imageries échangées entre les médecins parties à l’offre d’intention lesquelles sont couvertes par le secret professionnel.

Les intimés demandent dès lors, à titre principal, la confirmation de la décision entreprise et le rejet de la demande subsidiaire de l’appelante de voir placer sous séquestre les éléments recueillis par la mesure d’investigation par l’huissier commis et d’examen sous le contrôle du juge des référés.

En droit, selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

– Sur le motif légitime :

Le demandeur au référé probatoire doit démontrer un intérêt légitime à établir ou conserver la preuve légale de faits dont pourrait dépendre la solution d’un éventuel litige et ainsi l’utilité, voire la pertinence dans cette perspective, de la mesure d’instruction sollicitée.

Or, le motif n’est légitime que si les faits dont la preuve est recherchée sont susceptibles d’avoir une influence sur la solution du litige, c’est-à-dire s’ils ont un lien suffisant et apparemment bien fondé avec le litige futur.

Ainsi, la mise en ‘uvre du référé probatoire n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

Et, seule une action au fond qui serait manifestement vouée à l’échec, comme irrecevable ou mal fondée, serait de nature à priver tout intérêt légitime à une mesure d’instruction avant tout procès. Il en est de même cependant si le demandeur dispose déjà d’éléments de preuve suffisants ou s’il lui est possible de réunir par lui-même des éléments supplémentaires.

En l’espèce, l’envoi anonyme daté du 21 juin 2020 est composé d’un courrier et de photographies d’écran d’ordinateur exposant une lettre d’offre indicative correspondant à celle présentée par la société Oradianse le 11 juin 2020 aux fins d’acquérir des parts sociales de la société Axular radiologie auprès de ses associés.

Cette lettre était couverte par un accord de confidentialité signé le 15 janvier 2020 sur le fondement duquel l’appelante envisage une action en responsabilité contre l’associé qui en aurait violé les termes.

Dès lors, c’est à bon droit que le premier juge a dit que la société Oradianse justifiait d’un motif légitime de conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige au sens de l’article 145 du code civil, peu important que la gravité de l’atteinte à l’accord de confidentialité fasse l’objet de discussion, que les suites données à la lettre anonyme ne soient pas exposées ou que la société Océan imagerie viennent aux droits de la société Axular radiologie.

– Sur le caractère légalement admissible de la mesure sollicitée et sa proportionnalité :

Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.

En effet, le droit à la preuve ne peut justifier la recherche d’éléments portant atteinte à la vie privée ou au secret des affaires que dès lors que leur production est indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte est proportionnée au but poursuivi.

Le secret médical constitue cependant une limite à la recherche qu’un huissier peut se voir confier en ce que seul le patient concerné peut le lever.

De même, le secret des correspondances d’avocats et entre l’avocat et son client ne peut en aucun cas permettre la production de leurs échanges ni faire l’objet d’une levée de confidentialité, le secret professionnel couvrant l’ensemble des documents objets de tels échanges.

En l’espèce, le premier juge a rejeté la demande de la société Oradianse aux motifs que la commission d’un huissier afin de rechercher dans les ordinateurs de la société Océan imagerie et dans les téléphones portables personnels et professionnels de ses associés, à partir d’une quinzaine de mots-clés tels que « projets d’acquisition », « faculté de médecine de Bordeaux », « CHU de [Localité 9] », pour identifier les documents à extraire sur la période du 11 juin 2020 au 30 juin 2021, n’était pas suffisamment circonscrite pour ne pas constituer une mesure d’instruction générale excédant les mesures légalement admissibles et qu’elle était en outre disproportionnée eu égard au secret des affaires et au secret médical.

A hauteur d’appel, la société Oradianse maintient les termes de la mission à confier à l’huissier qu’elle avait soumis en première instance.

Cependant, la recherche à partir des termes alternatifs proposés : « Oradianse », « [A] [G] » et/ou « [G] », « [J] [E] » et/ou « [E] », « CCIO INVEST », « TRIOGARAY », n’apparaît pas suffisamment circonscrite pour opérer des saisies de manière ciblée compte tenu des échanges suscités par la prise de participation envisagée.

En outre, les autres mots-clés impliquent un champ d’investigations qui excède les mesures légalement admissibles en ce que les recherches qu’ils permettent sont de nature à donner accès de manière déraisonnable à des pans entiers de l’activité des sociétés concernées et de ses associés mais également à leur vie privée sans rapport avec les faits allégués.

En effet, les recherches, dans les lieux cumulatifs que constituent le siège social de la société Océan imagerie, l’ancien siège social de la société Axular radiologie et surtout les domiciles personnels de chacun de ses cinq associés, de tout ordinateur et/ou outils de stockage trouvés sur place et la prise de copie des dossiers de fichiers, fichiers et correspondances électroniques depuis le 10 juin 2020 jusqu’au 30 juin 2021 contenant les mots-clés : Directrice », « Centre National de Gestion » (ou « CNG »), « Président », « Université de [Localité 9] », « Directeur », « Collège Santé », « CHU », « Bordeaux », « Doyen », « Faculté de Médecine de [Localité 9] » ne peuvent permettre de limiter leur objet au litige susceptible de se développer entre les parties compte tenu de leur absence de spécificité.

De plus, les investigations à partir des termes « Projet d’acquisition », « Lettre d’offre indicative », « LOI », « Accord de confidentialité » et « Engagement de confidentialité’ impliquent que l’huissier instrumentaire fasse une analyse du contenu des documents consultables à défaut de quoi elles conduiraient à l’appréhension d’informations en lien avec l’acquisition des parts sociales de la société Axular radiologie par la SELAS Océan imagerie et, éventuellement toute autre structure ayant pu être intéressée, ce qui dépasse le cadre du procès susceptible d’être envisagé et l’objet du litige.

Enfin, si conformément à l’article 149 du code de procédure civile, le juge peut modifier la mission proposée en la complétant ou l’amendant afin qu’elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, les modifications à lui apporter en l’espèce sont telles qu’elles remettent en cause la demande en elle-même.

De fait, même si une redéfinition des mots-clés et de la période à retenir est envisageable, l’accès à tous les supports présents dans les lieux désignés à l’huissier dans leur contenu professionnel et personnel, y compris aux messageries et réseaux sociaux des personnes concernées qui serait de nature à satisfaire l’objectif poursuivi par l’appelante constitue une disproportion manifeste entre le champ de la mesure sollicitée et les faits dénoncés compte tenu du caractère ténu des soupçons qu’elle porte à l’encontre des associés de la société Axular radiologie, l’intervention d’un tiers dans l’entourage de chacune des parties ne pouvant être écartée contrairement à ce que soutient la société Oradianse.

Il en résulterait notamment, et quelques soient les mesures qui seraient prises pour l’exploitation des données obtenues, une connaissance par la demanderesse de l’activité des personnes concernées dans le champ des affaires et de leur vie professionnelle et privée qui dépasse le périmètre des investigations légalement admises et hors de proportion à l’objectif poursuivi.

En conséquence, l’ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions étant précisé qu’il n’y a pas lieu d’examiner la demande subsidiaire des intimés qui prospèrent au principal.

Sur Les demands accessories :

L’ordonnance en date du 31 mai 2022 sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société Oradianse, partie perdante, devra supporter les dépens d’appel et ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles.

En outre, eu égard à la situation des parties et à la nature du litige, il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles qu’ils ont exposés en cause d’appel. L’appelante sera en conséquence condamnée à verser à la SELAS Océan imagerie, à [K] [V], [R] [Y], [F] [I], [H] [D]-[L] et [U] [T], chacun, une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance de référé du 31 mai 2022 rendue par le Tribunal judiciaire de Bayonne ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Oradianse du surplus de ses demandes ;

Condamne la SAS Oradianse aux dépens d’appel ;

Condamne la SAS Oradianse à payer à la SELAS Océan imagerie, à [K] [V], [R] [Y], [F] [I], [H] [D]-[L] et [U] [T] la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,

 

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