COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 février 2022
Rejet
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 104 F-D
Pourvoi n° F 19-23.886
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022
1°/ M. [P] [R], domicilié [Adresse 4],
2°/ la société Heion Software, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 19-23.886 contre l’arrêt rendu le 25 juillet 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [S] [Y], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société Aliarys, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [R] et de la société Heion Software, de la SCP Ghestin, avocat de M. [Y] et de la société Aliarys, après débats en l’audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 juillet 2019), MM. [R] et [Y] ont, au début de l’année 2012, formé le projet de développer et d’exploiter, au sein d’une société à constituer entre eux à cet effet, un logiciel créé par M. [R], dont la distribution exclusive serait confiée à la société Aliarys, dont M. [Y] était l’associé unique.
2. M. [R] ayant, le 6 décembre 2013, fait immatriculer la société Heion Software, créée avec son épouse et son frère, M. [Y] et la société Aliarys l’ont assigné, ainsi que la société Heion Software, aux fins, notamment, de voir reconnaître l’existence d’une promesse de société entre MM. [R] et [Y] et en paiement de dommages-intérêts pour rupture de cette promesse et résiliation abusive du contrat de distribution liant les sociétés Heion Software et Aliarys.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. M. [R] et la société Heion Software font grief à l’arrêt de condamner M. [R] à payer à M. [Y] certaines sommes à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique et de son préjudice moral résultant de l’inexécution de la promesse de société, alors que :
« 3°/ en se bornant, pour retenir l’absence de motif justifiant l’inexécution de la promesse de société, à relever que la découverte de l’activité exercée par M. [Y] pour la société Obalys « est postérieure à la signature [ ] des statuts », sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée, si cette société n’exerçait pas « une activité similaire et donc concurrente à celle du logiciel Heion », la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1832 du code civil, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ en se bornant, pour retenir l’absence de motif justifiant l’inexécution de la promesse de société, à relever que la découverte de l’activité exercée par M. [Y] pour la société Obalys « est postérieure à la signature [ ] des statuts », sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée, si le caractère supposément tardif de cette découverte n’était pas la conséquence d’une volonté de dissimulation par M. [Y] de cette relation d’affaires, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1832 du code civil, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. L’arrêt retient que la perte de confiance alléguée par M. [R] à la suite de la découverte de la participation de M. [Y] dans la société Obalys, qui préexistait à leur collaboration, ne pouvait justifier la violation de la promesse dès lors que cette découverte, fortuite, était postérieure à la signature, le 6 décembre 2013, des statuts de la société Heion Software, M. [R] n’y faisant, pour la première fois, référence que dans un courriel du 16 décembre 2013. Il ajoute qu’aucune pièce ne démontrait que M. [Y] avait exercé des activités pour cette société pendant le temps où il se consacrait au projet Heion et que M. [R], pas plus que la société Heion Software, n’établissaient que les liens entretenus par M. [Y] avec la société Obalys depuis 2011 aient pu nuire à l’un ou à l’autre. En l’état de ces constatations et appréciations, rendant inopérantes les recherches prétendument omises, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.
6. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de condamner la société Heion Software à payer à la société Aliarys la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la rupture abusive du contrat de distribution
Enoncé du moyen
7. M. [R] et la société Heion Software font grief à l’arrêt de condamner la société Heion Software à payer à la société Aliarys une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la rupture abusive du contrat de distribution, alors :
« 1°/ que celui qui use de son droit de résilier un contrat à durée indéterminée n’a pas à justifier d’un quelconque motif ; qu’en l’espèce, en énonçant « qu’il incombe à la SAS Heion Software de justifier de justes motifs » à la résiliation du contrat de distribution la liant à la société Aliarys, la cour d’appel a violé l’article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble l’article 1780 du même code ;
2°/ qu’en relevant que la résiliation du contrat de distribution par la société Heion Software est « fautive » au motif qu’elle est intervenue « au moment où la prospection menée les années antérieures [ ] devait être source de commissionnement », lorsque, à défaut d’établir l’existence d’une rupture grossière ou vexatoire, ces motifs sont insuffisants à caractériser l’existence d’un abus, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard l’article 1134, devenu 1103, du code civil ;
3°/ que l’indemnisation d’un préjudice ne peut faire l’objet d’une évaluation forfaitaire ; qu’en fixant, sans démonstration aucune, à 50 000 euros le montant du préjudice tiré de la dissimulation par la société Heion de ses résultats en 2014 et 2015, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, l’arrêt relève qu’à compter du mois de décembre 2013, après la création de la société Heion Software, M. [R] avait multiplié les messages électroniques, parfois contradictoires, sur le maintien du contrat de distribution et avait fini par empêcher la société Aliarys d’accomplir sa mission. Il retient que lui ayant interdit tout contact avec ses propres prospects, M. [R] et la société Heion Software ne sauraient faire grief au distributeur, ni de l’insuffisance de ses diligences, à compter du mois de décembre 2013, ni davantage de l’impossibilité pour la société Aliarys, qui ne disposait pas de salarié, de se consacrer à sa mission commerciale pour la société Heion, en l’état de l’emploi occupé par M. [Y] au sein d’une autre société au premier semestre 2014. Il retient encore que les accusations d’espionnage industriel sont dénuées de tout fondement, tout comme la concurrence déloyale alléguée. Il en déduit que la résiliation, par la société Heion Software, du contrat de distribution, le 15 avril 2014, au moment où la prospection menée les années antérieures, qui n’avait donné lieu à aucune rétribution jusqu’au dernier trimestre de l’année 2013, devait être source de commissionnement, était fautive. En l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir le caractère abusif de la résiliation du contrat de distribution par la société Heion Software, et abstraction faite du motif, surabondant, critiqué par la première branche, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.
9. En second lieu, l’arrêt retient que la société Aliarys était fondée à obtenir réparation du préjudice qu’elle avait subi en raison du caractère abusif de la rupture du contrat de distribution la liant à M. [R], puis, après sa création, à la société Heion Software, ce préjudice étant constitué par la perte de commissionnement, tant au titre des contrats HEC et Erasteel, qu’au titre des contrats que la société Heion Software avait éventuellement conclus dans les mois suivant la rupture, avec les sociétés qu’elle avait prospectées. Il relève que M. [Y] avait établi, le 8 février 2014, la liste des cent quarante trois sociétés avec lesquelles il avait noué des contacts pour la société Heion Software, seuls certains d’entre eux, cependant, étant avancés. L’arrêt retient encore que M. [R] et la société Heion Software avaient volontairement tenu la société Aliarys dans l’ignorance des contrats ultérieurement signés, qu’ils ne procédaient que par affirmation en indiquant que le travail de M. [Y] n’avait généré aucun contrat de licence pour la société Heion Software, autre que deux clients en phase test en 2013, cependant qu’ils n’avaient pas répondu aux demandes formées dès le mois de décembre 2014 puis aux sommations de communiquer portant notamment sur les comptes 2013 et 2014, un détail des encaissements 2013, 2014 et 2015, la copie des contrats ou promesses de contrats ou lettres d’intention conclues avec des clients pour la même période et une liste des sociétés prospectées depuis le 1er juillet 2013, et qu’ils étaient pourtant les seuls en possession de pièces leur permettant de démontrer, si elle était avérée, l’absence de chiffre d’affaires généré par des clients prospectés par la société Aliarys. Il ajoute que si la société Aliarys n’était pas fondée à percevoir un commissionnement illimité à compter de la résiliation du contrat de distribution, l’indisponibilité de son associé unique pour exécuter sa mission de commercialisation du logiciel, en l’état de l’emploi de cadre occupé par M. [Y] au sein d’une autre société à compter du premier semestre 2014, à une date non précisée, n’était en revanche pas de nature à minorer son préjudice, dès lors qu’elle était intervenue après que M. [R] lui avait interdit de prospecter pour la société Heion Software au mois de décembre 2013. En cet état, c’est sans violer le principe de la réparation intégrale que la cour d’appel, après avoir procédé à une analyse concrète de l’impact qu’a pu avoir la dissimulation, par la société Heion Software, de ses résultats en 2014 et 2015 au titre des prospects de son distributeur, a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de l’étendue du préjudice soumis à réparation, condamné la société Heion Software à payer à la société Aliarys la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le même moyen, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de condamner la société Heion Software à payer à la société Aliarys une certaine somme au titre des commissions dues pour le contrat Erasteel
11. Les motifs critiqués ne fondent pas la disposition attaquée. Le moyen est donc irrecevable.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. M. [R] et la société Heion Software font grief à l’arrêt de rejeter leur demande reconventionnelle pour concurrence déloyale, alors « que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce ; qu’elle s’étend conformément à l’article 624 du code de procédure civile à l’ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur la troisième branche du premier moyen emportera, par voie de conséquence et en raison du lien de dépendance nécessaire, la censure du chef de l’arrêt ayant débouté M. [R] et la société Heion Software de leur demande reconventionnelle pour concurrence déloyale. »
Réponse de la Cour
13. Le premier moyen, pris en sa troisième branche, étant rejeté, le troisième moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.
14. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [R] et la société Heion Software aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et la société Heion Software et les condamne à payer à M. [Y] et à la société Aliarys la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l’audience publique du neuf février deux mille vingt-deux, et signé par Mme Graff-Daudret, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. [R] et la société Heion Software.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [P] [R] et la SAS Heion Software de leur demande reconventionnelle pour concurrence déloyale et, statuant à nouveau des chefs infirmés, condamné M. [P] [R] à payer à M. [S] [Y] la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de l’inexécution de la promesse de société ;
Aux motifs que « Attendu que lorsqu’en cours de négociation les parties s’entendent sur les éléments essentiels de l’opération à mener, le contrat peut être conclu sous forme de promesse liant de façon irrévocable les promettants ; que, par la promesse de société, les promettants s’engagent non plus seulement à négocier mais à conclure ultérieurement le contrat de société, auquel ils ont déjà donné leur consentement, dont ils soumettent la formation à l’accomplissement d’une formalité substantielle ; que la promesse peut également être conclue sous condition suspensive ;
Qu’il résulte des multiples messages électroniques échangés entre M. [P] [R] et M. [Y] à compter du début de l’année 2012 qu’il avait été convenu entre eux que si le logiciel développé par le premier était commercialisé, ils seraient associés dans une société à créer, avec M. [G] [R] ;
Que le 3 mars 2012 notamment, [P] [R], qui prévoyait un déploiement en trois temps de la structure en charge de la commercialisation du logiciel Stream (devenu Heion), écrivait à [S] [Y] et [G] [R] en ces termes :
1- L’avant commercialisation : c’est l’étape dans laquelle nous sommes … dans cette étape nous n’avons pas besoin de se constituer en société, je ne crois pas personnellement plus à l’importance que cela peut avoir sur le marché. Par contre, chacun de nous doit, pendant cette période, tenir une comptabilité méticuleuse de ses engagements, en heures et en euros. Cet investissement devra être remboursé si le logiciel rencontre un jour des clients
2- Le démarrage de commercialisation : A l’arrivée d’un premier client nous devrons nous constituer en société. […]
3- La société s’érige en espoir ; Je ferai à ce moment-là entrer les sources du logiciel dans le capital […] »
Que le 10 janvier 2013, lorsque M. [Y] lui a demandé de discuter de deux choses importantes, la seconde étant, en préparation de la création de la « boîte » pour les premiers clients, la nécessité qu’ils se mettent d’accord sur les points clef (schéma juridico-financier entre eux, gouvernance/statuts, garde-fous indispensables dans les contrats de licence clients … », [P] [R] a répondu « oui » le jour-même, puis, le 19 janvier 2013 : Je souhaite que nous travaillions sur le second point …. nous n’avons aucun cadre légal protégeant les travaux que nous menons et nous n’avons rien statué sur le cadre futur … donc il est important que :
– nous préparions un accord de partenariat avant la création d’entreprise qui précise les points que tu soulèves. Il faut que nous le signions avant toute avancée – nous préparions les statuts de cette entreprise en vue de son dépôt dès qu’un client montre le nez ; qu’il a dans le même courriel envisagé plusieurs hypothèses et demandé que ces points soient réglés en priorité, ce à quoi [S] [Y] a répondu « avec plaisir » ;
Qu’après plusieurs mois de pourparlers, et d’échanges de contre-propositions, les parties ont établi un term sheet le 13 juin 2013, modifié le lendemain, après d’ultimes négociations, ainsi qu’en témoignent les lignes barrées, avant son envoi à un avocat, Me [Z], dans la perspective de la création de la société ;
Que cet avocat n’était pas celui de M. [Y], même si c’est ce dernier qui lui a adressé le 14 juin 2013 à 12h13 le term sheet ; qu’il apparaît à cet égard que le 14 juin 2013 [P] [R] a rédigé l’engagement suivant : Je soussigné [P] [R], futur président de la société Heion en cours de constitution, confirme être convenu avec la société Aliarys dirigée par M. [S] [Y] de prendre temporairement à sa charge les frais d’avocats nécessaires à la constitution des statuts, du pacte d’actionnaires, des contrats reliant Heion à ses partenaires (Aliarys et moi-même) ainsi que les contrats commerciaux. Ces frais lui seront intégralement remboursés dès que la société Heion disposera de la trésorerie qui le permette ;
Que M. [R] a été destinataire du message d’envoi du term sheet à Me [Z], en copie ; que la volumineuse correspondance électronique échangée entre MM. [Y] et [R] démontre, non seulement la réactivité de ce dernier, mais également son absence de retenue dans l’expression de ses désaccords ; que, cependant, ni le 14 juin 2013, ni dans les jours suivants, il n’a reproché cet envoi à M. [Y] ; qu’il n’a pas davantage fait part à Me [Z] d’une quelconque réserve sur les termes des documents ainsi transmis ; qu’il a, de surcroît, nécessairement répondu à l’avocat, qui lui a directement écrit, à 16h38 le 14 juin 2013, pour solliciter des précisions sur les coordonnées de [G] [R], des siennes et de la banque, en vue de la rédaction des statuts et du pacte, le projet de statuts adressé en retour le 20 juin comportant ces informations ; que Me [Z] lui demandait par ailleurs de s’enquérir auprès de sa banque des formalités d’ouverture d’un compte bancaire au nom de la société ;
Que c’est, en conséquence, de manière inopérante que [P] [R] invoque le fait que [S] [Y] aurait, dans ces pièces, apporté des modifications unilatérales notamment relativement aux associés, au mode de rémunération, à la distribution du logiciel et à la propriété de ce dernier ; que, de surcroît, le désaccord qu’il a ultérieurement manifesté porte non sur le term sheet, notamment en ce qu’il comporte les éléments essentiels de la société à créer, mais sur les projets, établis à partir de ces pièces par Me [Z], qui lui ont été envoyés le 20 juin 2013 et qui ont donné lieu à un échange de courriels, dès le lendemain ;
Qu’il sera par ailleurs relevé que, contrairement à ce que M. [R] fait valoir dans ses dernières écritures, les documents envoyés le 14 juin 2013 ne comportent aucune clause d’apport du logiciel Heion pour 1 euro et que la clé de répartition de la rémunération des parties sur la base de 44 % pour [P] [R] et [S] [Y] et de 12 % pour [G] [R] est contenue, non dans la partie afférente aux statuts, mais dans celle relative au pacte d’associés ; que par ailleurs la rémunération n’est pas constituée des seuls dividendes mais comprend également les coûts de prestations ou de commissions facturées à la société ;
Que le term sheet comportait, s’agissant des statuts, les éléments essentiels de la société à créer à savoir la forme de la société, le capital initial de 10 000 euros, avec un associé majoritaire à hauteur de 73 %, [P] [R], et deux associés minoritaires, [S] [Y] (Aliarys) à hauteur de 15 % et [G] [R] de 12 %, son objet social, et le mode de gouvernance ; que le term sheet comportait également un projet de pacte d’associés, un contrat de licence entre l’auteur, [P] [R] et la société, enfin un contrat de représentation commerciale entre Aliarys et la société ;
Que, le lendemain de la réception du projet de statut et de pacte d’actionnaires, envoyé par Me [Z], M. [R] a écrit à M. [Y] : j’ai quelques points dont nous pourrons parler demain avant que j’envoie ça en relecture. Il faudra que tu demandes à [L] [Z] de te nommer personnellement actionnaire et non pas via Aliarys ; qu’ainsi le seul point substantiel n’ayant pas son agrément sur les projets transmis par cet avocat portait sur le fait qu’Aliarys soit associée, [P] [R] souhaitant n’être associé qu’à des personnes physiques ; que des réponses de M. [Y] ne ressort pas une opposition particulière à ce changement ; qu’il sera à cet égard observé que le term Sheet mentionnait quant à lui « [S] [Y] (Aliarys) » et non la société seule, en qualité d’associé ;
Que le 26 juin 2013 [P] [R] a entrepris des démarches caractérisant son acceptation du projet de société, puisqu’il a écrit à [G] [R] et [S] [Y] :
Je viens de discuter avec le banquier de la future entreprise. Il nous faudra lui fournir :
– le chèque de capital (Ro 12 % de 10 000/2 – Mat 15 % et Fr = 73 %) – on ne bloque que 5 000 la première année,
– photocop de pièce d’identité
– justif de domiciliation
pour chacun d’entre nous ;
Qu’il ressort également du courriel envoyé le 2 juillet 2013 à Me [Z] que M. [R] allait soumettre les documents reçus le 20 juin 2013 après avoir corrigé « les multiples coquilles », à son propre avocat, lequel « se chargera(it) de la suite des opérations » ;
Qu’il en résulte, que malgré les dénégations de M. [R] dans le cadre de la présente procédure, le term sheet précité matérialise un accord des parties sur les conditions essentielles du contrat de société ;
Que M. [Y] démontre ainsi l’existence d’une promesse de société les liant le 14 juin 2013 ;
Que d’ailleurs le 1 août 2013 (p er ièce 27) [P] [R] lui écrivait mon avocate m’a demandé de te faire penser à refaire tes cartes de visite Aliarys lorsque nous auront constitué la future société Heion Software SAS. Il faudra remplacer « Distributeur exclusif Heion » par « Partenaire exclusif de développement commercial Heion Software » C’est Heion Software SAS qui sera le distributeur exclusif du logiciel ; qu’en réponse aux interrogations de [S] [Y] sur l’existence de changements sur le schéma et à sa demande de faire un point global, s’il était différent de qui avait été indiqué dans le Term Sheet, [P] [R] écrivait la réunion d’hier m’a en effet éclairé sur nombre de points des statuts et du pacte d’associé à revoir, je te dis quand c’est prêt vers la fin du mois car elle prend qqs congés, rassure-toi on fonctionne à iso-règle concernant les rémuns. Le schéma global non plus n’est pas impacté ; juste pour répondre à un projet d’entreprise viable et durable, il conviendra de revoir certaines clauses,
Que les développements de M. [R] relatifs à l’absence d’accord de sa part quant à l’apport du logiciel à la société et à l’absence de réalisation par M. [Y] d’apports en industrie sont inopérants ; qu’en effet, la société n’était à constituer qu’avec des apports en capital ; que ne figurent, ni dans la partie relative aux statuts, ni dans celle afférente au pacte d’associés, une quelconque référence à des apports en industrie ou à l’apport du logiciel ; qu’il ressort seulement du pacte une possibilité d’augmentation progressive de la participation de [S] [Y] de 15 à 37 % en quatre paliers, assujettie à des objectifs de chiffres d’affaires, cette augmentation devant être réalisée par des cessions de parts de [P] [R] à [S] [Y], à leur valeur nominale ;
Que, pas davantage, M. [R] n’établit l’absence d’affectio societatis en 2013, lequel ne saurait résulter du refus de [S] [Y], en 2015, de divulguer ses échanges avec les prospects démarchés pour Heion dans le cadre du procès que lui ont intenté [P] [R] et la SAS Heion Software ;
Que les arguments avancés par M. [R] sur l’absence d’accord sur des propositions ultérieures échangées avec M. [Y] au mois de décembre 2013, postérieurement à la création par M. [R] seul de la société Heion Software, qui ne constituent que des tentatives des parties pour trouver une solution négociée à leurs désaccords, ne sont pas de nature à priver d’effets la promesse de société du mois de juin 2013 ;
Que, cependant, cette promesse de société était assortie d’une condition puisque l’ensemble des correspondances échangées entre les parties démontre que M. [R] avait toujours subordonné la création de la société à la commercialisation du logiciel ; qu’il n’y avait en revanche aucune précision, ni sur le nombre de clients, ni sur la nature des contrats devant être conclus ;
Qu’il ressort des pièces versées aux débats que la première facture à un client a été émise le 30 septembre 2013 (HEC) et que, le 6 septembre 2013, la société Erasteel a passé, pour une phase de test du logiciel, une commande d’achat portant notamment sur une licence d’utilisation valide jusqu’au 30 septembre 2013 et qu’elle a ensuite mensuellement prolongé cette utilisation ;
Que par courriel du 8 octobre 2013 [P] [R] a interrogé [S] [Y] lui demandant à être fixé concernant Erasteel, et de faire un point afin de savoir s’ils donnaient suite à leur exercice, précisant qu’en fonction de ses réponses il prendrait une décision sur la suite du projet Heion d’ici vendredi ; que le 9 octobre [S] [Y] lui a répondu que « à moyen et long terme ils attendaient d’aller au bout de l’exercice pour être certains que les résultats tenaient la route » ;
Que le 11 octobre 2013 [P] [R] indiquait qu’il envisageait, pour porter la facturation, un statut d’auto-entrepreneur « le temps de créer Heion SAS » ; que le 14 octobre il annonçait à [S] [Y] qu’il allait créer seul une société « corporate » qui porterait les droits d’auteur et facturerait des services ; que les 4 et 6 décembre il a évoqué la création d’une société Heion Corporate, et plus tard de Heion Distribution, présentée comme la société à constituer avec [S] [Y] ; que [P] [R] a, le 6 décembre 2013, créé la SAS Heion Software, au capital de 1 000 euros, dont il est l’associé majoritaire avec 98 % des parts, tandis que son épouse et [G] [R], détiennent 1 % chacun ;
Qu’en tout état de cause, en créant cette société, [P] [R] a, comme le fait valoir à juste titre [S] [Y], soit considéré que la condition suspensive était réalisée, soit y a renoncé ; qu’il résulte en effet de la comparaison entre les statuts de cette société et le projet de statuts adressé par Me [Z] au mois de juin 2013 que l’objet de la société est le même ;
Que [P] [R] a d’ailleurs confirmé à [S] [Y], le 18 décembre 2013, qu’il s’agissait de la société qu’ils devaient créer ensemble, lui écrivant (pièce 44) la coentreprise est créée elle s’appelle Heion Software SAS, c’est elle qui t’accueillera comme futur associé dès qu’un premier client que tu auras amené (via Aliarys) signera un contrat de location durable de licence sans se rétracter selon le délai légal ; que, ce faisant, il modifiait totalement les conditions d’entrée de [S] [Y] dans la société, la subordonnant à la vente de 6 licences pour 1 % du capital, de 25 licences pour 3 %, etc ;
Que le jugement sera infirmé, en ce qu’il n’a pas retenu l’existence d’une promesse de société ;
Sur les conséquences de l’inexécution de la promesse [ ]
Attendu que l’inexécution d’une promesse de société se résout par l’allocation de dommages et intérêts au bénéficiaire ;
Qu’en créant, sans [S] [Y], la SAS Heion distribution software, [P] [R] a rompu la promesse de société ; qu’il doit en indemniser [S] [Y], sauf à démontrer un juste motif à la non-exécution de cette promesse ;
Que la réalisation par [S] [Y], au début de l’année 2013, d’une mission pour le cabinet [I] Berger, dont [P] [R] était informé, avant de conclure la promesse de société, ne justifie pas qu’il l’ait évincé de la société à créer ; que la proposition de [S] [Y] de renoncer à l’exclusivité d’Aliarys pour la distribution du logiciel, loin de préjudicier à la société à venir, puisque permettant une multiplication des prospects, ne saurait légitimer la violation de la promesse ; que le désengagement de [S] [Y] à compter du mois d’octobre 2013 n’est pas davantage établi ; qu’enfin la perte de confiance alléguée par [P] [R] à la suite de la découverte de la participation de [S] [Y] dans une société Obalys, qui préexistait à leur collaboration, [M] [H] ayant fait appel à [S] [Y] dès le mois d’octobre 2011, ne peut davantage la justifier ; qu’en effet cette « découverte par hasard » est postérieure à la signature le 6 décembre 2013 des statuts de Heion Software, [P] [R] n’y faisant pour la première fois référence que dans un courriel du 16 décembre 2013 ;
Que c’est pareillement pour la première fois dans la présente instance que [P] [R] invoque la ré-utilisation par [S] [Y] de documents commerciaux qu’il avait antérieurement créés pour Emargin et du site e-stream, suggérant que le travail de [S] [Y] n’aurait été que minime alors que dans de nombreux courriels il en avait reconnu la qualité ; que les performances commerciales d’Aliarys n’étaient envisagées dans le pacte d’actionnaires que dans la perspective de l’augmentation de la participation de [S] [Y] dans la société, non pour sa constitution ;
Qu’enfin l’absence aux débats de [G] [R] est indifférente, dès lors qu’il n’est pas responsable de la violation de la promesse de société, dont il a été également victime, sa participation dans la société Heion Software étant bien inférieure à celle qui résultait de la promesse ;
Que [P] [R], qui conteste dans cette procédure tout droit de [S] [Y] à une quelconque indemnisation de son travail, lui écrivait pourtant le 18 décembre 2013 que des négociations devraient être engagées pour le dédommager des efforts fournis, si les négociations sur les nouvelles bases d’association, qu’il proposait et se réservait de modifier, n’aboutissaient pas ;
Qu’il ne peut prétendre que seule la société Aliarys pourrait solliciter des dommages et intérêts, au motif que c’est cette société qui figurait dans le projet adressé par Me [Z], alors que, comme précédemment examiné, il avait imposé que la société soit créée avec
[S] [Y] comme associé et non avec Aliarys ;
Que dès le mois de mars 2012, [P] [R] avait demandé à [S] [Y] de tenir une comptabilité de ses engagements en heures et en euros, cet investissement devant être remboursé si le logiciel rencontrait un jour des clients ;
Qu’en revanche [S] [Y] n’est pas fondé à estimer son préjudice en appliquant aux heures consacrées au travail accompli pour le développement et la commercialisation du logiciel pendant plus de deux ans, une rémunération journalière de 1 000 euros, par référence aux tarifs d’un consultant, alors qu’il n’est pas intervenu en cette qualité dans le cadre de ce projet ; qu’une partie de ce travail est rémunérée par les commissions servies à la société Aliarys et sera examinée dans le cadre des prétentions qu’elle élève, en vertu du contrat de distribution exclusive qui l’a liée à [P] [R] puis à la société Heion ; que cependant l’investissement de M. [Y] se s’est pas limité à un contrat de distribution et encore moins à un contrat d’apporteur d’affaires, le démarchage en vue de la distribution ne constituant qu’une partie de son activité sur le projet Heion ;
Que le fait que [S] [Y] et Aliarys aient opposé le secret des affaires à [P] [R] et la SAS Heion software, en défense à la demande de communication des pièces sur les activités développées à l’égard des prospects, alors qu’une telle communication aurait permis aux intimés de s’approprier sans contrepartie le fruit de leur travail, n’est pas de nature à les priver de la réparation du préjudice qui leur a été causé ;
Que le préjudice subi ne saurait davantage être minoré en raison de la participation de la société Alyaris au capital de la société Flype, que M. [R] établit par la production des statuts de cette SAS, adoptés le 26 août 2011, et qui est sans lien avec le présent litige, cette société ayant pour objet social toutes opérations industrielles, commerciales et de recherche se rapportant à la conception l’édition et la commercialisation de jeux, jouets, jeux vidéos, jeux internet et autres produits et services liés aux loisirs ou aux médias ; que s’agissant de la Startup Leadership, M. [R] produit seulement une présentation dont il résulte qu’il s’agit d’un programme de formation de 6 mois à but non-lucratif pour entrepreneurs à haut potentiel, et n’établit pas que [S] [Y] l’ait suivi ou y ait contribué ; que les liens avec la société Obalys ont été précédemment évoqués, étant observé qu’aucune pièce n’établit que M. [Y] ait eu des activités pour cette dernière pendant le temps où il se consacrait au projet Heion ; que l’existence d’une mission ponctuelle de quelques semaines pour le Cabinet [I] Berger, n’est de nature à remettre en cause ni l’investissement ni l’effectivité du travail accompli par [S] [Y] pendant deux ans ; qu’enfin ce n’est que postérieurement que M. [Y] a été engagé par la société Areva ;
Qu’en évinçant [S] [Y] de la société à créer, au moment de la commercialisation du logiciel, [P] [R] l’a privé des gains qu’elle devait lui procurer et de l’indemnisation de son travail passé ; qu’il lui a de surcroît incontestablement causé un préjudice moral important ;
Que le préjudice économique subi par M. [Y] sera indemnisé par des dommages et intérêts à hauteur de 100 000 euros et son préjudice moral par une indemnité de 30 000 euros ; que seul [P] [R], lié par la promesse et auteur de sa violation sera condamné au paiement de ces sommes » ;
1°) Alors que, d’une part, une promesse de société suppose qu’il existe une volonté non équivoque de tous les associés de collaborer ensemble sur un pied d’égalité à la poursuite de l’oeuvre commune ; qu’en l’espèce, en se bornant, pour juger qu’une telle promesse existait, à relever l’existence d’un accord entre les parties quant à la forme de la société, son objet et son capital social, sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée (conclusions d’appel, p. 19 et s.), si des faits positifs matérialisant une volonté non équivoque de tous les associés de collaborer ensemble sur un pied d’égalité à la poursuite de l’oeuvre commune étaient caractérisés, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1832 du code civil, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) Alors que, d’autre part, en tout état de cause, il appartient à la personne qui sollicite l’existence d’une promesse de société d’établir la réalité de celle-ci ; qu’en l’espèce, en relevant que M. [R] « n’établit l’absence d’affectio societatis », la cour d’appel a renversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) Alors que, de troisième part, à titre subsidiaire, en se bornant, pour retenir l’absence de motif justifiant l’inexécution de la promesse de société, à relever que la découverte de l’activité exercée par M. [Y] pour la société OBALYS « est postérieure à la signature [ ] des statuts », sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée, si cette société n’exerçait pas « une activité similaire et donc concurrente à celle du logiciel HEION » (conclusions d’appel, pp. 33-35), la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1832 du code civil, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°) Alors que, de quatrième part, en se bornant, pour retenir l’absence de motif justifiant l’inexécution de la promesse de société, à relever que la découverte de l’activité exercée par M. [Y] pour la société OBALYS « est postérieure à la signature [ ] des statuts », sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée (conclusions d’appel, pp. 33-35), si le caractère supposément tardif de cette découverte n’était pas la conséquence d’une volonté de dissimulation par M. [Y] de cette relation d’affaires, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard de l’article 1832 du code civil, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5°) Alors que, de cinquième part, l’indemnisation d’un préjudice ne peut faire l’objet d’une évaluation forfaitaire ; qu’en fixant, sans démonstration aucune, à 100.000 euros le montant du préjudice économique subi par M. [Y] et à 30.000 euros son préjudice moral, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [P] [R] et la SAS HEION SOFTWARE de leur demande reconventionnelle pour concurrence déloyale et, statuant à nouveau des chefs infirmés, condamné la SAS HEION SOFTWARE à payer à la SARL ALIARYS la somme de 18.480 euros au titre des commissions dues pour le contrat Erasteel et la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture abusive du contrat de distribution ;
Aux motifs que « Attendu qu’il résulte des débats et pièces produites, que la SARL Aliarys a été liée à compter du mois de juillet 2012, au plus tard, par un contrat de distribution exclusive à M. [R], puis, après sa création, à la SAS Heion Software ; qu’il résulte en effet d’un message du 10 décembre 2013 de [P] [R] à [S] [Y] que dorénavant Heion facturerait Erasteel et que Aliarys facturerait à Heion ;
Que le taux de commissionnement de 44 % au bénéfice de la société Aliarys a été appliqué pour les prestations facturées à HEC et la société Erasteel jusqu’au mois de janvier 2014 inclus ; que ni le projet de contrat écrit que M. [R] a adressé à son avocat pour analyse et complétion le 11 mai 2012, ni les projets de contrat modifiés, n’ont été signés par les parties ; que l’acceptation des clauses que ces projets comportaient n’est pas établie, étant relevé que le taux de commissionnement prévu était de 50 % et non de 44 %, ce dont les parties ont finalement convenu ;
Que contrairement aux affirmations de [P] [R] et Heion Software, le contrat de distribution n’a pas été rompu au mois d’octobre 2013 ; que les courriels versés aux débats ne démontrent pas davantage que les diligences de la société Aliarys aient cessé à cette époque ; qu’en tout état de cause [P] [R] ne justifie pas s’être plaint de leur insuffisance à son distributeur aux mois d’octobre et novembre 2013 ; qu’en revanche à compter du mois de décembre 2013, après la création de la SAS Heion software, [P] [R] a multiplié les messages électroniques parfois contradictoires sur le maintien du contrat de distribution, et a fini par empêcher la société Alyaris d’accomplir sa mission ;
Qu’ainsi, dans un message électronique du 14 décembre 2013, [P] [R] écrivait je t’informe par ce mail de la fin nette de toute collaboration entre toi et le projet Heion et pour poursuivre dans cette direction je t’informe que tes accès au site [06] ont été suspendus à ma demande et je te restituerai les codes que tu as écrit par voie de mail, tes accès au serveur de calcul du logiciel ont été suspendus, ton adresse mail « [Courriel 5] a été supprimée ; que le 3 février 2014 [P] [R] écrivait je ne cherche nullement à t’empêcher de prendre contact avec tes contacts mais par contre je t’interdis formellement de les approcher au nom du courant d’affaires qu’il y a entre Heion Software et eux, tant que tu ne t’es pas positionné sur ce que tu comptes faire avec Heion dans l’avenir … en ce qui concerne Heion, tu n’as maintenant aucun droit d’interférer avec les affaires en cours ; que le 9 février 2014 [P] [R] écrivait encore il est impensable de t’accorder un quelconque droit de distribuer le logiciel la société Heion Software est là pour ça. Par ailleurs au vu de la confiance que j’ai maintenant en toi, un contrat entre moi auteur et propriétaire du progiciel et Aliarys est inenvisageable […] La seule ouverture que je propose est d’établir entre Aliarys et Heion Software un contrat d’apport d’affaires. Dans les faits c’est le mode de fonctionnement que nous avons actuellement et pour lequel tu es pour l’instant rémunéré à 44 % sur les commandes d’accompagnement d’HEC et Erasteel ;
Que ce n’est, cependant, que par message électronique et lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en date du 15 avril 2014, que le contrat de distribution liant la SARL Aliarys à la SAS Heion software a été, à l’initiative de cette dernière, définitivement rompu puisqu’elle informait son distributeur de la fin de toute rémunération à compter du 15 août 2014, au titre du contrat Erasteel ;
Qu’il incombe à la SAS Heion software de justifier de justes motifs à cette résiliation ;
Que lui ayant interdit tout contact avec ses propres prospects, les intimés ne sauraient faire grief à son distributeur, ni de l’insuffisance de ses diligences, à compter du mois de décembre 2013, ni davantage de l’impossibilité pour Aliarys, qui ne disposait pas de salarié, de se consacrer à sa mission commerciale pour Heion, en l’état de l’emploi occupé par M. [Y] chez Areva au premier semestre 2014 ;
Que les accusations d’espionnage industriel sont dénuées de tout fondement, tout comme la concurrence déloyale au profit d’Obalys qu’ils allèguent ; qu’en effet les intimés ne justifient aucunement que les liens entretenus par [S] [Y], depuis 2011, avec la société Obalys aient pu d’une quelconque manière nuire à la société Heion ou à [P] [R] ; qu’il sera à cet égard souligné que la société Aliarys et son dirigeant ne possédaient pas les codes sources du logiciel, de sorte qu’il ne pouvait aucunement concurrencer Heion ; que des documents afférents à Obalys ne résulte aucune concurrence déloyale, [P] [R] ne pouvant prétendre avoir le monopole ni du conseil en stratégie ni de logiciels d’aide à la décision ; que de nombreux échanges de courriels entre [P] [R] et [S] [Y] démontrent au contraire que ce dernier l’informait de solutions logicielles, différentes de Heion, mais avec lesquelles ils étaient en concurrence ; qu’ainsi, il faisait dans un message du 14 août 2013, référence à Cristal Ball, module BI Hyperion et Simul 8, et, le 22 septembre 2013, à Twinfi et Palo ;
Que si la SARL Aliarys bénéficiait du droit exclusif de distribution du logiciel Heion, cette dernière n’était, y compris dans le projet de contrat établi par l’avocat de [P] [R], elle-même tenue par aucune clause d’exclusivité, et n’avait aucune interdiction de vendre ou proposer des produits ou services concurrents ou similaires au logiciel Heion ; qu’en tout état de cause les intimés ne justifient aucunement qu’elle l’ait fait ;
Que la résiliation par la SAS Heion software du contrat de distribution le 15 avril 2014 au moment où la prospection menée les années antérieures, qui n’avait donné lieu à aucune rétribution jusqu’au dernier trimestre de l’année 2013 devait être source de commissionnement, est fautive ;
Que la SAS Heion est redevable des commissions, qu’elle s’était engagée à payer au titre du contrat avec Erasteel jusqu’au 15 août 2014 et dont elle ne justifie pas s’être acquittée pour les mois de février à août 2014, soit d’une somme de 18 480 euros (44 % x 6 000 x 7) ;
Qu’en l’état de son taux de commissionnement, et en l’absence de contrat de distribution écrit le prévoyant, la demande d’Alyaris de remboursement de frais engagés dans le cadre de sa mission sera rejetée ;
Qu’en revanche, la société Alyaris est fondée à obtenir réparation du préjudice qu’elle a subi en raison du caractère abusif de la rupture ; que ce préjudice est constitué par la perte de commissionnement tant au titre des contrats HEC et Erasteel qu’au titre des contrats que la SAS Heion software a éventuellement conclus dans les mois suivant la rupture, avec les sociétés qu’elle avait prospectées ; qu’à la demande de [P] [R], [S] [Y] avait établi le 8 février 2014 la liste des 143 sociétés avec lesquelles il avait noué des contacts pour Heion, seuls certains d’entre eux cependant étant, selon aux termes de ses propres écritures, avancés ;
Que les intimés ont volontairement tenu la société Aliarys dans l’ignorance des contrats ultérieurement signés ; que [P] [R] et la société Heion Software ne procèdent que par affirmation en indiquant que le travail de M. [Y] n’a généré aucun contrat de licence pour Heion, autre que les deux clients en phase test (HEC et Erasteel) en 2013, alors qu’ils n’ont pas répondu aux demandes formées dès le mois de décembre 2014 puis aux sommations de communiquer portant notamment sur les comptes 2013 et 2014, un détail des encaissements 2013, 2014 et 2015, la copie des contrats ou promesses de contrats ou lettres d’intention conclues avec des clients pour la même période et une liste des sociétés prospectées depuis le 1er juillet 2013 ; qu’ils étaient pourtant seuls en possession de pièces leur permettant de démontrer, si elle était avérée, l’absence de chiffre d’affaires généré par des clients prospectés par la SARL Aliarys ; que les « informations pertinentes » qu’ils indiquent avoir communiquées en pièce 58 se limitent aux bons de commande de Erasteel jusqu’au mois de mai 2014 ;
Que si la société Aliarys n’est pas fondée à percevoir un commissionnement illimité à compter de la résiliation du contrat de distribution, l’indisponibilité de son associé unique pour exécuter sa mission de commercialisation du logiciel, en l’état de l’emploi de cadre occupé par M. [Y] chez Areva à compter du premier semestre 2014, à une date non précisée, n’est en revanche pas de nature à minorer son préjudice, dès lors qu’elle est intervenue après que M. [R] lui a interdit de prospecter pour Heion au mois de décembre 2013 ; que la dissimulation par la SAS Heion de ses résultats en 2014 et 2015 au titre des prospects de son distributeur, justifie l’indemnisation du préjudice subi par la société Alyaris par une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que la société Alyaris n’établissant pas que M. [R] ait commis une faute détachable de ses fonctions de président de la SAS Heion software, seule cette société sera tenue au paiement de ces dommages et intérêts ;
Que le jugement en ce qu’il a débouté la société Alyaris de toutes ses demandes sera en conséquence infirmé » ;
1°) Alors que, d’une part, celui qui use de son droit de résilier un contrat à durée indéterminée n’a pas à justifier d’un quelconque motif ; qu’en l’espèce, en énonçant « qu’il incombe à la SAS Heion software de justifier de justes motifs » à la résiliation du contrat de distribution la liant à la société ALIARYS, la cour d’appel a violé l’article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble l’article 1780 du même code ;
2°) Alors que, d’autre part, et en tout état de cause, en relevant que la résiliation du contrat de distribution par la société HEION SOFTWARE est « fautive » au motif qu’elle est intervenue « au moment où la prospection menée les années antérieures [ ] devait être source de commissionnement », lorsque, à défaut d’établir l’existence d’une rupture grossière ou vexatoire, ces motifs sont insuffisants à caractériser l’existence d’un abus, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard l’article 1134, devenu 1103, du code civil ;
3°) Alors que, de troisième part, à titre subsidiaire, l’indemnisation d’un préjudice ne peut faire l’objet d’une évaluation forfaitaire ; qu’en fixant, sans démonstration aucune, à 50.000 euros le montant du préjudice tiré de la dissimulation par la société HEION de ses résultats en 2014 et 2015, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [P] [R] et la SAS HEION SOFTWARE de leur demande reconventionnelle pour concurrence déloyale ;
Aux motifs propres que « Attendu que, comme précédemment examiné, M. [R] et la SAS Heion Software ne justifient aucunement que M. [Y] et/ou la société Aliarys se soient livrés à des actes de concurrence déloyale ; qu’ils ne justifient d’aucun lien entre la mission exercée par M. [Y] chez Vallourec et l’absence de signature d’un contrat avec ce prospect ; que, pas davantage, ils n’établissent que la société Aliarys ou M. [Y] aient fait usage de données confidentielles obtenues dans le cadre du contrat de distribution du logiciel Heion à des fins autres que la commercialisation de ce logiciel ; que leurs demandes subséquentes ne peuvent qu’être rejetées ; Que le jugement entrepris sera de ce chef confirmé » ;
Aux motifs éventuellement adoptés que « Attendu que les défendeurs considèrent que Monsieur [S] [Y] a eu un comportement constitutif d’acte de concurrence déloyale à leur égard, ces agissements ayant consisté pour Monsieur [S] [Y] à détourner des données confidentielles relatives au logiciel HEION afin d’obtenir une mission de conseil auprès de la société VALLOUREC ;
Attendu cependant que Monsieur [P] [R] ne rapporte pas la preuve d’un rapport concurrentiel entre ses activités quant à la commercialisation du logiciel HEION et l’activité de conseil de Monsieur [S] [Y] envers la société VALLOUREC ;
Attendu par ailleurs que Monsieur [P] [R] n’apporte aucun élément propre à caractériser la déloyauté du comportement de Monsieur [S] [Y] à son égard, le simple fait pour Monsieur [S] [Y] de privilégier sa mission de conseil au démarchage pour la commercialisation du logiciel HEION ne constituant pas un acte de concurrence déloyale » ;
Alors que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce ; qu’elle s’étend conformément à l’article 624 du code de procédure civile à l’ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur la troisième branche du premier moyen emportera, par voie de conséquence et en raison du lien de dépendance nécessaire, la censure du chef de l’arrêt ayant débouté M. [P] [R] et la SAS HEION SOFTWARE de leur demande reconventionnelle pour concurrence déloyale.