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CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 956 F-D

Pourvoi n° Z 20-14.684

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [H].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 janvier 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2021

M. [B] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-14.684 contre le jugement rendu le 9 avril 2019 par le tribunal d’instance de Tulle, dans le litige l’opposant à la société MMA IARD assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de M. [H], de Me Le Prado, avocat de la société MMA IARD assurances, et l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Tulle, 9 avril 2019), rendu en dernier ressort, deux toiles de M. [H], artiste plasticien, ont été endommagées lors d’une exposition organisée par l’association Itinéraires art contemporain (l’association) assurée par la société MMA IARD (l’assureur).

2. Après avoir reçu de l’assureur une certaine somme au titre de l’indemnisation de son préjudice, M. [H] a saisi un tribunal d’instance pour obtenir la condamnation de l’assureur à lui payer le montant de deux retenues pratiquées par ce dernier sur la valeur de ses toiles, la première au titre d’une commission de 15 % et la seconde au titre d’une « valeur de sauvegarde », ainsi qu’à réparer son préjudice moral.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. [H] fait grief au jugement de le débouter de l’ensemble de ses demandes, alors « que lorsque le bénéfice du contrat qui a été souscrit auprès d’un assureur de responsabilité est invoqué, non par l’assuré, mais par la victime du dommage, laquelle est un tiers, il incombe à cet assureur de démontrer, en versant le contrat aux débats, qu’il ne doit pas sa garantie pour le sinistre objet du litige ; qu’après avoir relevé que la société MMA IARD ne contestait pas être l’assureur de l’association Itinéraires art contemporain, le tribunal d’instance a débouté M. [H] de son action directe au motif que le contrat d’assurance n’était pas produit aux débats, ce qui ne permettait pas de connaître les garanties souscrites et donc de vérifier le bien-fondé des retenues opérées par l’assureur sur l’indemnité du tiers lésé ; qu’en statuant ainsi, le tribunal d’instance a inversé la charge de la preuve et a violé l’article L. 124-3 du code des assurances et l’article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1353 du code civil et l’article L. 124-3 du code des assurances :

4. Selon le second de ces textes, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

5. Aux termes du premier, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

6. Il résulte de ces dispositions que lorsque le bénéfice du contrat qui a été souscrit auprès d’un assureur de responsabilité est invoqué, non par l’assuré, mais par la victime du dommage, laquelle est un tiers, il incombe à cet assureur de démontrer, en versant le contrat aux débats, quelle est l’étendue de sa garantie pour le sinistre objet du litige.

7. Pour débouter M. [H] de ses demandes en paiement de la somme de 600 euros « correspondant au montant de la commission de 15 % déduite à tort par l’assureur » et de la somme de 400 euros « correspondant à la valeur de sauvegarde déduite à tort par l’assureur », le jugement qualifie de subrogatoire l’action engagée par M. [H] directement envers l’assureur, par laquelle il conteste la mise en oeuvre du contrat d’assurance, par ce dernier, qui fait la loi des parties et auquel il convient de se reporter.

8. Le jugement énonce qu’il n’est pas contesté que l’assureur garantisse l’association, mais relève que le contrat d’assurance n’est pas produit aux débats, les pièces ne contenant qu’une impression des conditions générales, qui ne permet pas de connaître les garanties souscrites.

9. Le jugement ajoute que l’assureur indique avoir payé les sommes dues, en produisant aux débats un rapport d’expertise, relatif au sinistre, dont il ressort que l’indemnisation a été calculée par référence à la cote de l’artiste, après application de deux retenues, mais retient qu’aucun autre élément des débats ne permet de vérifier le bien-fondé de ces dernières.

10. En statuant ainsi, alors qu’il appartenait à l’assureur, dont l’obligation était recherchée, non par l’assurée, mais par un tiers au contrat, de produire la police dont il admettait l’existence, afin de justifier du bien-fondé des retenues qu’il avait pratiquées sur l’indemnisation allouée à M. [H], tiers lésé, le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions du jugement déboutant M. [H] de ses demandes en paiement des sommes retenues par l’assureur, entraîne la cassation du chef de dispositif qui l’a débouté de sa demande en paiement de la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par le tribunal d’instance de Tulle ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Brive-la-Gaillarde ;

Condamne la société MMA IARD aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MMA IARD et la condamne à payer à Me Bertrand, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt et un.

 

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