Décès de son client : quelle obligation pour la banque ?

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Au décès de l’un de ses clients, dont il détient les avoirs, le banquier, qui ne doit pas s’immiscer dans les affaires de son client, notamment dans les opérations de succession, est tenu de bloquer les comptes, à l’exception des comptes joints et de refuser toute opération au titre de son épargne et ce, dans l’attente d’une démarche des héritiers qui auront pris soin de saisir un notaire et de solliciter de ce dernier un acte de notoriété.


Sur l’obligation d’information et de conseil de la SOCIETE GENERALE:

Aux termes de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier, la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir le débit sur les comptes de paiement du défunt pour le paiement des frais funéraires. Mme [I] [J] reproche à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de ne pas l’avoir informée du décès de son père, mais la banque n’avait pas à pallier le défaut de communication de la demanderesse avec ses parents. Aucune faute de la SOCIETE GENERALE n’est démontrée dans la gestion de la succession.

Sur le contrat d’assurance vie EBENE:

Les capitaux décès au titre de contrats d’assurance sur la vie ne peuvent être versés qu’une fois les formalités fiscales accomplies. Le contrat d’assurance vie EBENE souscrit par [K] [J] ne pourra être versé qu’une fois les droits de mutation par décès calculés et éventuellement dus acquittés. Monsieur [H] devra fournir les pièces nécessaires pour permettre le règlement du capital décès du contrat EBENE.

Sur les autres demandes:

Madame [I] [J] sera condamnée aux dépens et aucune demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne sera accordée.

– Monsieur [M] [H] reçoit de la SOGECAP le capital décès du contrat EBENE : 170.133,73 € (net et brut).
– Madame [I] [J] est déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens (montant non spécifié dans le texte).


Réglementation applicable

Aux termes de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier:

“La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Sous réserve de justifier de sa qualité d’héritier, tout successible en ligne directe peut :

1° Obtenir, sur présentation des factures, du bon de commande des obsèques ou des avis d’imposition, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite des soldes créditeurs de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l’article 784 du code civil, auprès des établissements de crédit teneurs desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie ;

2° Obtenir la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l’établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Pour l’application des 1° et 2°, l’héritier justifie de sa qualité d’héritier auprès de l’établissement de crédit teneur desdits comptes soit par la production d’un acte de notoriété, soit par la production d’une attestation signée de l’ensemble des héritiers, par lequel ils attestent :

a) Qu’il n’existe pas de testament ni d’autres héritiers du défunt ;

b) Qu’il n’existe pas de contrat de mariage ;

c) Qu’ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur les comptes du défunt ou à clôturer ces derniers ;

d) Qu’il n’y a ni procès, ni contestation en cours concernant la qualité d’héritier ou la composition de la succession.

Pour l’application du présent 2°, l’attestation mentionnée au cinquième alinéa doit également préciser que la succession ne comporte aucun bien immobilier.

Lorsque l’héritier produit l’attestation mentionnée au cinquième alinéa, il remet à l’établissement de crédit teneur des comptes :
– son extrait d’acte de naissance ;
– un extrait d’acte de naissance du défunt et une copie intégrale de son acte de décès ;
– le cas échéant, un extrait d’acte de mariage du défunt ;
– les extraits d’actes de naissance de chaque ayant droit désigné dans l’attestation susmentionnée ;
– un certificat d’absence d’inscription de dispositions de dernières volontés.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Maître Clélia RICHARD
– Me Corinne CUTARD
– Maître Laurent SIMON
– Me MIGNOT
– Maître Anne ROULLIER

Mots clefs associés

– Acte introductif d’instance (21 octobre 2019)
Assignation de la SOCIETE GENERALE par Mme [I] [J]
– Demandes de dommages pour inexécution d’obligations (24.836,48 € et 172.000 €)
– Contrats d’assurance vie (SOGECAP)
– Intervention volontaire de SOGECAP (27 janvier 2021)
– Assignation en intervention forcée de M. [M] [H] (17 mai 2021)
– Jonction des instances (ordonnance du 17 juin 2021)
– Réclamations de Mme [I] [J] (20 septembre 2023)
– Condamnation de la SOCIETE GENERALE pour manquements
– Exécution provisoire
– Indemnisation selon l’article 700 du code de procédure civile
– Défense de la SOCIETE GENERALE
– Débouter Mme [I] [J] de ses demandes
– Aucun manquement à l’obligation d’information
– Demandes de M. [M] [H] (16 juin 2022)
– Versements pour contrats d’assurance vie
– Exécution provisoire
– Paiements effectués par SOGECAP à M. [M] [H] (9 mai 2022 et 18 juillet 2022)
– Demandes de SOGECAP (20 septembre 2023)
– Débouter Mme [I] [J] et M. [M] [H] de toutes leurs demandes
– Formalités fiscales et administratives pour le contrat EBENE
– Clôture de l’instruction (25 janvier 2024)
– Audience de plaidoirie et mise en délibéré (1er février 2024, délibéré au 7 mars 2024)

– Acte introductif d’instance : document qui permet de saisir le tribunal et d’engager une procédure judiciaire
– Assignation : acte par lequel une partie convoque une autre partie à comparaître devant le tribunal
– Demandes de dommages pour inexécution d’obligations : demande de réparation financière pour non-respect des engagements contractuels
– Contrats d’assurance vie : accords entre un assuré et un assureur pour garantir le versement d’une somme d’argent en cas de décès
– Intervention volontaire : action d’une tierce partie qui décide de participer à une procédure judiciaire de son propre chef
– Assignation en intervention forcée : convocation d’une partie à intervenir dans une affaire en cours
– Jonction des instances : regroupement de plusieurs affaires similaires pour être jugées ensemble
– Réclamations : demandes formelles de réparation ou de compensation
– Condamnation : décision du tribunal qui impose une sanction à une partie
– Exécution provisoire : mise en œuvre immédiate d’une décision judiciaire en attendant un éventuel appel
– Indemnisation : compensation financière accordée à une partie lésée
– Débouter : rejeter les demandes d’une partie
– Obligation d’information : devoir de fournir des renseignements précis et complets à une autre partie
– Versements : paiements effectués dans le cadre d’un contrat ou d’une transaction
– Formalités fiscales et administratives : démarches à effectuer auprès des autorités fiscales et administratives
– Clôture de l’instruction : fin de la phase de collecte des preuves et des arguments dans une affaire judiciaire
– Audience de plaidoirie : séance au cours de laquelle les avocats exposent leurs arguments devant le tribunal
– Mise en délibéré : délai accordé au tribunal pour délibérer et rendre sa décision

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le: 11/03/2024 à Me RICHARD, Me CUTARD, Me SIMON et Me ROULLIER

9ème chambre 3ème section

N° RG :
N° RG 19/12885 – N° Portalis 352J-W-B7D-CRBT7

N° MINUTE : 1

Assignation du :
21 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 07 Mars 2024
DEMANDERESSE

Madame [I] [J]
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Clélia RICHARD de l’AARPI CLAVIN RICHARD, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1229

DÉFENDEURS

S.A. SOGECAP
[Adresse 2]
[Localité 8]

représentée par Me Corinne CUTARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1693

Monsieur [M] [H]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représenté par Maître Laurent SIMON de la SARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0073, et Me MIGNOT de la SARL CANNET MIGNOT (LEGASPHERE), avocat plaidant, avocats au barreau de DIJON,

Décision du 07 Mars 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 19/12885 – N° Portalis 352J-W-B7D-CRBT7

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Anne ROULLIER de la SELARL ROULLIER JEANCOURT-GALIGNANI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #W0005

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Monsieur Gilles MALFRE, 1er Vice-président
Monsieur Hadrien BERTAUX, Juge

assistée de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière lors de l’audience, et de Claudia CHRISTOPHE, Greffière lors de la mise à disposition,

DÉBATS

A l’audience du 01 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Par acte introductif d’instance en date du 21 octobre 2019, Madame [I] [J] a assigné la SOCIETE GENERALE aux fins la voir condamner principalement à lui verser les sommes de 24.836,48 € et 172.000 € à titre de préjudice matériel compte tenu de l’inexécution de l’obligation d’information et de conseil vis-à-vis de [K] [J] et en raison du non-respect des procédures liées au droit des successions vis-à-vis de [O] [J], ses parents décédés.

Dans son assignation, Madame [I] [J] évoquait des contrats d’assurance sur la vie auxquels sa mère, [K] [J], avait adhéré auprès de SOGECAP pour fonder sa demande.

En sa qualité d’assureur des contrats d’assurance vie de Madame [K] [J], la société SOGECAP, directement intéressée par le litige, est intervenue volontairement à l’instance par conclusions du 27 janvier 2021.

La société SOGECAP a ensuite assigné en intervention forcée Monsieur [M] [H] le 17 mai 2021 aux fins que celui-ci fasse valoir sa position sur les contrats d’assurance vie litigieux et que la décision à intervenir lui soit déclarée opposable, étant bénéficiare des trois contrats d’assurances vie.

Par ordonnance du 17 juin 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances en précisant que l’affaire serait désormais appelée sous le seul numéro de RG 19/12885.

Par conclusions en date du 20 septembre 2023, Madame [I] [J] demande au tribunal de:

“CONDAMNER la Société Générale à verser à Mme [I] [J] la somme de 24 836 € (somme correspondant à la part réservataire des avoirs bancaires de [O]) et de 172.000€ (somme correspondant au Contrat EBENE) en réparation de son préjudice sur le fondement de l’article 1240 du code civil en raison de l’inexécution de l’obligation d’information et de conseil vis-à-vis de [K] [J] et en raison du non-respect des procédures liées au droit des successions vis-à-vis de [O] [J] ;
DEBOUTER de toutes ses demandes la SOGECAP à l’endroit d'[I] [J] ;
DEBOUTER de toutes ses demandes M [H] à l’endroit d'[I] [J] ;
PRONONCER l’exécution provisoire ;
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens ;
CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à verser à Mme [I] [J] la somme totale de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.”

Mme [I] [J] reproche à la SOCIETE GENERALE des manquements à son obligation d’information et de conseil. Elle soutient qu’en manquant à son devoir d’information, la banque l’aurait ainsi privée de ses droits d’héritière sur les avoirs détenus au nom de son père.

Elle ajoute que la banque aurait également failli à son obligation d’information portant sur la mise en jeu du contrat obsèques souscrit auprès de SOGÉCAP par son père.Mme [I] [J] prétend que les facultés mentales et intellectuelles de sa mère auraient été déficientes lors de la souscription du contrat d’assurance-vie ÉBÈNE le 13 juin 2018 avec le versement d’une prime de 172 000 € provenant du produit des assurances-vie dont [K] [J] avait été désignée bénéficiaire par son époux.

Elle ajoute que si ce contrat qui est assorti d’une clause bénéficiaire désignant M. [M] [H], n’avait pas été souscrit, la somme de 172 000 € aurait fait partie de la masse successorale au décès de [K] [J] et lui aurait été attribuée à l’issue des opérations de succession. Elle soutient que la banque aurait commis une faute en ayant fait adhérer à ce contrat sa cliente dont les facultés intellectuelles ne lui permettaient plus d’en appréhender la portée et les conséquences, notamment la fiscalité de 24,7 % à 30% applicable aux gains en cas de rachat.

Par conclusions en date du 15 avril 2022, la SOCIETE GENERALE demande au tribunal de:

“Débouter Mme [I] [J] de l’ensemble de ses demandes;
Ecarter toute exécution provisoire du jugement à intervenir ;
Condamner Mme [I] [J] à payer à SOCIÉTÉ GÉNÉRALE la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du CPC ;
Condamner Mme [I] [J] aux entiers dépens.”

La SOCIETE GENERALE soutient qu’elle n’a commis aucun manquement à son obligation d’information, qu’aucune obligation légale n’impose à un établissement de crédit d’informer du décès de l’un de ses clienst d’éventuels héritiers, qu’en cas de décès elle a pour seule obligation de cloturer les comptes personnes de dépot, à terme ou d’épargne.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE rappelle qu’en cas de décès de son client, l’établissement bancaire a pour seule obligation de clôturer ses comptes personnels de dépôt, à terme ou d’épargne.

Par conclusions en date du 16 juin 2022, Monsieur [M] [H] demande au tribunal de:

“Condamner la SOGECAP à verser à Monsieur [M] [H]:
70 873,89 € au titre du contrat PERCAP n°22/0012209,
170 133,73 € au titre du contrat EBENE ,
101 174,81 € au titre du contrat SEQUOIA n°216/6135515,
Dire que ces sommes porteront avec intérêts à compter du 5 octobre 2020, date de réception de la mise en demeure ;
Ordonner l’exécution provisoire, au titre du contrat ;
Condamner la SOGECAP à verser à Monsieur [H] une somme de 3000 € au titre de l’article 700.”

Il apparait à ce stade, qu’en cours de procédure, Monsieur [M] [H] a fourni à la société SOGECAP les pièces sollicitées et que la société SOGECAP a réglé à Monsieur [H] les capitaux décès des contrats SEQUOIA et PERCAP le 9 mai 2022,règlement du capital décès d’un montant de 70.873,89 € et des intérêts complémentaires d’un montant de 543,60 € au titre du contrat PERCAP et le 18 juillet 2022 règlement du capital décès d’un montant de 101.174,81 € et des intérêts complémentaires d’un montant de 740,48 € au titre du contrat SEQUOIA.

Dans ses conclusions en date du 20 septembre 2023, la SOGECAP demande au tribunal de:

“Débouter Madame [I] [J] de toutes ses demandes ;
Débouter Monsieur [M] [H] de toutes ses demandes ;
Condamner Monsieur [M] [H] à fournir au titre du contrat d’assurance vie EBENE à la société SOGECAP les pièces suivantes :
– L’acceptation et la demande de règlement signée,
– Le certificat fiscal de paiement ou de non-exigibilité établi par l’Administration fiscale (CERFA 2705A dûment complété et visé par l’administration fiscale et par le bénéficiaire) (dispositions fiscales de l’article 757 B du CGI),
– L’auto-certification CRS de résidence fiscale,
– Un RIB ;
Déclarer que SOGECAP versera à Monsieur [M] [H] le capital décès du contrat EBENE d’un montant net et brut de 170.133,73 € après règlement des droits de mutation à l’administration fiscale, le contrat d’assurance vie EBENE étant soumis à l’article 757 B du Code général des impôts ;
Déclarer que le capital décès au titre du contrat d’assurance vie EBENE sera versé lorsque interviendra une décision définitive mettant fin au litige ;
Déclarer que le capital décès au titre du contrat d’assurance vie EBENE sera versé dans le respect des dispositions fiscales du Code Général des Impôts et condamner le bénéficiaire à accomplir auprès de l’Administration fiscale les formalités fiscales et à payer les droits éventuellement dus ;
Ecarter l’exécution provisoire ;
Condamner Madame [J] à verser à la société SOGECAP la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Madame [J] aux entiers dépens ;”

La SOGECAP n’est pas opposée au versement des sommes au titre du contrat EBENE mais sollicite l’accomplissement d’un certain nombre de formalités.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L’instruction a été close par ordonnance du 25 janvier 2024 et l’affaire a été renvoyée pour plaider au 1er février 2024 et mise en délibéré au 7 mars 2024.

SUR CE:

I. Sur l’obligation d’information et de conseil de la SOCIETE GENERALE:

Aux termes de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier:

“La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Sous réserve de justifier de sa qualité d’héritier, tout successible en ligne directe peut :

1° Obtenir, sur présentation des factures, du bon de commande des obsèques ou des avis d’imposition, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite des soldes créditeurs de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l’article 784 du code civil, auprès des établissements de crédit teneurs desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie ;

2° Obtenir la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l’établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Pour l’application des 1° et 2°, l’héritier justifie de sa qualité d’héritier auprès de l’établissement de crédit teneur desdits comptes soit par la production d’un acte de notoriété, soit par la production d’une attestation signée de l’ensemble des héritiers, par lequel ils attestent :

a) Qu’il n’existe pas de testament ni d’autres héritiers du défunt ;

b) Qu’il n’existe pas de contrat de mariage ;

c) Qu’ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur les comptes du défunt ou à clôturer ces derniers ;

d) Qu’il n’y a ni procès, ni contestation en cours concernant la qualité d’héritier ou la composition de la succession.

Pour l’application du présent 2°, l’attestation mentionnée au cinquième alinéa doit également préciser que la succession ne comporte aucun bien immobilier.

Lorsque l’héritier produit l’attestation mentionnée au cinquième alinéa, il remet à l’établissement de crédit teneur des comptes :
– son extrait d’acte de naissance ;
– un extrait d’acte de naissance du défunt et une copie intégrale de son acte de décès ;
– le cas échéant, un extrait d’acte de mariage du défunt ;
– les extraits d’actes de naissance de chaque ayant droit désigné dans l’attestation susmentionnée ;
– un certificat d’absence d’inscription de dispositions de dernières volontés.”

Sur le fondement de cet article, Mme [I] [J] fait grief à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE de ne pas l’avoir avertie du décès de son père, au motif que la banque « doit également se préoccuper de prévenir les proches du décès ».

Elle précise que cette information qui lui aurait été due par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en sa qualité de «héritière réservataire unique», devait en outre s’accompagner de renseignements sur le montant et le sort des avoirs de son père et des « options des assurances-vie ».

Au décès de l’un de ses clients, dont il détient les avoirs, le banquier, qui ne doit pas s’immiscer dans les affaires de son client, notamment dans les opérations de succession, est tenu de bloquer les comptes, à l’exception des comptes joints et de refuser toute opération au titre de son épargne et ce, dans l’attente d’une démarche des héritiers qui auront pris soin de saisir un notaire et de solliciter de ce dernier un acte de notoriété.

Le fait que la demanderesse ait été informée tardivement du décès de son père, ne peut incomber à la banque. La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n’avait pas à pallier le défaut de communication de Mme [I] [J] avec ses parents ou à s’immiscer dans d’éventuels conflits familiaux.

En conséquence, Madame [I] [J] ne démontre pas de faute de la SOCIETE GENERALE dans la gestion de la succession.

Madame [I] [J] conteste également la validité du contrat d’assurance vie EBENE en soutenant que le consentement de [K] [J] aurait été vicié et qu’en conséquence le contrat d’assurance vie EBENE serait nulle pour ensuite réclamer la somme de 172.000 € versée sur le contrat à la SOCIETE GENERALE « en réparation de son préjudice matériel ». Il ressort des éléments du dossier que la société SOGECAP ignore les circonstances dans lesquelles le contrat d’assurance vie EBENE a été souscrit puisqu’elle n’a eu aucun contact direct avec [K] [J], le contrat étant présenté par la SOCIETE GENERALE en sa qualité d’intermédiaire en assurance.

Il apparait que le choix du bénéficiaire, Monsieur [M] [H] était un choix de longue date de [K] [J] à savoir depuis 2012, que le conseiller en gestion de patrimoine qui s’occupait de cette dernière, n’avait pas relevé de déficience cognitive.

Ainsi, Madame [I] [J] échoue à démontrer un manquement de la SOCIETE GENERALE dans la souscription du contrat EBENE par [K] [J].

En conséquence, Madame [I] [J] sera déboutée de ses demandes.

II. Sur le contrat d’assurance vie EBENE:

Sur le fondement des articles 757 B et 990 I du code général des impôts, les capitaux décès au titre de contrats d’assurance sur la vie ne peuvent être versés qu’une fois les formalités fiscales accomplies et les droits calculés par l’administration fiscale et éventuellement dus acquittés par les bénéficiaires.

Pour les contrats souscrits après le 20 novembre 1991, ce qui est le cas du contrat d’assurance vie EBENE souscrit par [K] [J], l’article 757B du code général des impôts dispose que les sommes dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de 70 ans qui excède 30.500 €.

A cet égard, l’article 292 B II de l’Annexe II du code général des impôts précise que les assureurs ne peuvent se libérer des sommes dues aux bénéficiaires de contrats souscrits après le 20 novembre 1991 sur lesquels des primes ont été versées après le 70ème anniversaire que dans les conditions prévues au III de l’article 806 du code général des impôts.

Au cas présent, le capital décès au titre du contrat d’assurance sur la vie EBENE ne pourra être versé qu’une fois les formalités fiscales accomplies et les droits éventuellement dus acquittés par le bénéficiaire, soit sur production du certificat de paiement ou de non exigibilité des droits de mutation.

Pour se libérer valablement du capital décès du contrat EBENE au profit du bénéficiaire, la société SOGECAP sollicite l’acceptation et la demande de règlement signée, le certificat fiscal de paiement ou de non-exigibilité établi par l’administration fiscale (CERFA 2705A dûment complété et visé par l’administration fiscale et par le bénéficiaire), l’auto-certification CRS de résidence fiscale et un RIB.

En conséquence, Monsieur [H] sera condamné à fournir à la SOGECAP ces pièces pour permettre le règlement du capital décès du contrat EBENE.

III. Sur les autres demandes:

Madame [I] [J] qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas fait droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

DÉBOUTE Madame [I] [J] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [M] [H] à fournir au titre du contrat d’assurance vie EBENE à la société SOGECAP les pièces suivantes :
– L’acceptation et la demande de règlement signée,
– Le certificat fiscal de paiement ou de non-exigibilité établi par l’administration fiscale (CERFA 2705A dûment complété et visé par l’administration fiscale et par le bénéficiaire),
– L’auto-certification CRS de résidence fiscale,
– Un RIB ;

PREND acte que la SOGECAP versera à Monsieur [M] [H] le capital décès du contrat EBENE d’un montant net et brut de 170.133,73 € après règlement des droits de mutation à l’administration fiscale ;

CONDAMNE Madame [I] [J] aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 07 Mars 2024

Le GreffierLa Présidente

 

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