L’affaire concerne un litige opposant des héritiers à propos d’une créance de salaire différé réclamée par M. [G] [L] sur la succession de sa mère, pour la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1974. La cour d’appel a jugé que Mme [L] avait été co-exploitante avec son époux pendant cette période, ce qui lui donnait droit à cette créance. Les héritiers ont formé un pourvoi en cassation, mais la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, confirmant ainsi la décision de la cour d’appel.
Rejet non spécialement motivé
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par plusieurs héritiers contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes. La décision de la Cour de cassation a été rendue le 23 juin 2021.Décision n° 10543 F
La Cour de cassation a statué sur le pourvoi formé par les héritiers contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes. Les demandeurs ont été déboutés de leur demande et condamnés aux dépens.Moyen annexé à la présente décision
Un moyen a été produit par les avocats des demandeurs pour contester la décision de la Cour de cassation. Ce moyen a été rejeté par la Cour.Arguments des parties
Les parties ont argumenté sur la reconnaissance de la qualité d’exploitant agricole de la défunte et sur la demande de créance de salaire différé formulée par l’un des héritiers. La cour a examiné les différents témoignages et documents produits par les parties.Décision de la Cour
La Cour a rejeté le pourvoi et a condamné les demandeurs aux dépens. Elle a également rejeté la demande de paiement de 3 000 euros formulée par les demandeurs. La décision de la Cour de cassation a été prononcée lors d’une audience publique le 23 juin 2021.CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 juin 2021 Rejet non spécialement motivé Mme BATUT, président Décision n° 10543 F Pourvoi n° N 19-21.293 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2021 1°/ Mme [Y] [L], épouse [E], domiciliée [Adresse 1], 2°/ M. [K] [L], domicilié [Adresse 2], 3°/ [C] [L], épouse [J], ayant été domiciliée [Adresse 3], décédée, 4°/ Mme [U] [J], domiciliée [Adresse 4], 5°/ Mme [V] [J], domiciliée [Adresse 5], 6°/ M. [I] [J], domicilié [Adresse 6], venant tous trois aux droits de [C] [L], épouse [J], ont formé le pourvoi n° N 19-21.293 contre l’arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d’appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant à M. [G] [L], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme [Y] [L], de M. [K] [L], de Mmes [U] et [V] [J], de M. [J], venant tous trois aux droits de [C] [L], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [G] [L], après débats en l’audience publique du 11 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision. 1. Il est donné acte à Mme [Y] [L], M. [K] [L], Mmes [V] et [U] [J] et M. [I] [J] de leur reprise d’instance en qualité d’héritiers de [C] [L], décédée. 2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. 3. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi. EN CONSÉQUENCE, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [Y] [L], M. [K] [L], Mmes [V] et [U] [J] et M. [I] [J] aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y] [L], M. [K] [L], Mmes [V] et [U] [J] et M. [I] [J] et les condamne à payer à M. [G] [L] la somme de 3 000 euros ; Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme [Y] [L], M. [K] [L], Mmes [V] et [U] [J] et M. [I] [J]. IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné à M. [F], notaire chargé de la succession de Mme [V] veuve [L], de retenir dans les opérations de compte, liquidation et partage une créance de salaire différé au bénéfice de M. [G] [L], sur la période comprise entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 1974 ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, pour écarter la prescription de la demande, M. [L] doit rapporter la preuve de la qualité d’exploitante de Mme [L] pendant la période demandée (01/01/1972 au 31/12/1974) ; que cette qualité relève de l’appréciation des juges du fond ; que les attestations MSA produites précisent que M. [E] [L] a été chef d’exploitation du premier janvier 1948 jusqu’au 31 décembre 1981, que Mme [H] [L] était « conjointe de l’exploitant » sur cette même période et qu’elle a été chef d’exploitation à compter du premier janvier 1982 ; que les termes utilisés par la MSA sur les déclarations faites à l’époque au regard de la législation et de la reconnaissance du travail du conjoint n’interdisent nullement de faire la preuve que le « conjoint de l’exploitant « a exploité effectivement les terres avec son époux et qu’il était ainsi co-exploitant ; qu’en l’espèce, différents témoins précisent que M. [G] [L] aidait « ses parents » à la ferme, ont vu Mme [L] « travailler à la ferme toute sa carrière » jusqu’à sa retraite ; que par ailleurs, Mme [L] a cotisé en son nom propre pendant 188 trimestres sans distinction jusqu’ à la fin de l’exploitation en 1986 ; que la preuve est faite que Mme [L] a été co-exploitante avec son époux ; que par conséquent, la demande de créance de salaire différé de M. [G] [L] sur la succession de sa mère n’encourt pas la prescription, faite dans les cinq ans du décès de Mme [H] [L] ; ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’ il résulte des articles L. 321-12 et suivants du code rural que les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des co-héritiers ; que la question qui divise en l’espèce les héritiers des époux [L] est de savoir si [G] [L] peut réclamer une créance de salaire différé à la succession de sa mère décédée en 2011 ou s’il fallait qu’il la réclame à la succession de son père, décédé en [Date décès 1], au motif que celui-ci était le seul exploitant agricole pendant la période de contrat revendiquées et que la qualité de propriétaires de la ferme des deux époux étant sans incidence, car la loi ne vise que les descendants d’un exploitant agricole et non pas les descendants des propriétaires d’une exploitation agricole ; qu’il n’est pas contesté que les époux [L] étaient propriétaires de l’exploitation mais, alors que le demandeur considère que ses parents ont toujours été coexploitants, les défendeurs soutiennent qu’ils ont été exploitants successifs (d’abord le père, puis la mère) et que le contrat de travail dont se prévaut [G] [L] ne s’est pas exécuté au cours des deux périodes successives d’exploitation par les parents, mais seulement lorsque leur père était l’exploitant, ce qui ne lui permettait donc pas de revendiquer une créance de salaire différé à l’occasion de l’ouverture de la succession de sa mère ; qu’il résulte d’une attestation du responsable de secteur à la caisse de mutualité sociale agricole des portes de Bretagne que Mme [H] [L] a été « conjointe d’exploitant » du 1er janvier 1948 au 31 décembre 1981, puis « chef d’exploitation » du 1er janvier 1982 au 29 septembre 1986 ; qu’il n’en demeure pas moins qu’elle a cotisé à la MSA en son nom propre en vue de sa retraite pendant 188 trimestres, c’est-à-dire 47 ans et non pas seulement de 1982 à 1986 ; que le terme « conjoint d’exploitant » peut revêtir différentes réalités ; que le conjoint d’exploitant peut être salarié, associé ou co-exploitant ; que le statut qu’a eu Mme [H] [L] en qualité de conjointe jusqu’au 31 décembre 1981 n’est pas précisé mais qu’elle a cotisé à la MSA pendant 188 trimestres, sans aucune distinction entre la période de conjointe d’exploitant et celle de chef d’exploitant ; qu’elle était bien, de 1948 à 1986, co-exploitante agricole avec son époux ; qu’elle est certes devenue seule exploitante à partir de 1982, mais cela ne signifie pas qu’elle n’était pas exploitante avant cette date, mais seulement qu’elle l’était avec son époux ; que celui-ci a officiellement cessé son activité d’exploitant agricole le 31 décembre 1981 et il n’est donc resté qu’un seul exploitant ; qu’il est décédé en [Date décès 1] ; qu’il n’y a donc pas eu deux exploitants successifs comme il est soutenu, mais une seule exploitation familiale qui a dû se poursuivre à partir de 1982, avec un seul des deux conjoints ; que le tribunal en déduit que [G] [L] est recevable à réclamer une créance de salaire différé à la succession de Mme [H] [L], décédée le [Date décès 2] 2011, au titre d’une seule exploitation agricole ; que ce droit lui a été ouvert jusqu’au 16 mai 2016 ; que son action ayant été engagée par acte d’huissier de justice en date du 28 avril 2016, elle est donc recevable ; 1°) ALORS QUE la Caisse de mutualité sociale agricole des Portes de Bretagne, tiers objectif chargé d’une mission de service public, a délivré trois attestations suivant lesquelles Mme [H] [L] était seulement « conjointe d’exploitant » jusqu’au 31 décembre 1981, tandis que son mari, M. [E] [L] était jusqu’à cette date chef d’exploitation, et Mme [H] [L] n’a été « chef d’exploitation » que du 1er janvier 1982 au 29 septembre 1986 (pièces n° 9, 13 et 14 devant la cour d’appel) ; qu’en affirmant néanmoins qu’il résultait de témoignages sollicités par M. [G] [L], qui prétendait avoir une créance de salaire différé à l’encontre de la succession de sa mère pour la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1974, que Mme [L] avait été « co-exploitante avec son époux » pendant cette période, allant ainsi à l’encontre de ce qui était indiqué en termes clairs et précis par la CMSA, la cour d’appel a dénaturé les attestations établies par cette dernière, en violation du principe qui interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QUE l’octroi d’un salaire différé est subordonné à la reconnaissance de la qualité d’exploitant agricole de l’ascendant concerné, laquelle suppose de caractériser sa participation effective et continue à une exploitation agricole, ce qui n’est pas le cas lorsque l’ascendant n’y intervient qu’à titre occasionnel, même sur une longue période ; qu’en l’espèce, pour reconnaître à Mme [L], dont la succession était en cause, la qualité de co-exploitante entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 1974, la cour d’appel s’est bornée à relever que différents témoins « précisent que M. [G] [L] aidait « ses parents » à la ferme » et « ont vu Mme [L] travailler à la ferme toute sa carrière jusqu’à sa retraite » (arrêt, p. 5 § 6) ; que cependant, en statuant ainsi, par des motifs dont il ne ressort pas que Mme [L], certes apportant une aide à la ferme lorsque son époux en était le chef d’exploitation, y ait fourni autre chose qu’une aide occasionnelle, peu important que ce fût durant une longue période, sans avoir pour autant une activité de co-exploitant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime ; ET AUX AUTRES MOTIFS PROPRES QUE les consorts [L] considèrent que M. [G] [L] ne rapporte pas la preuve d’un travail continu et effectif et non occasionnel, que celui-ci a été nourri, logé, blanchi, que son père a mis à sa disposition un terrain à cultiver pour qu’il en tire des revenus propres, que [G] [L] a bénéficié d’une donation comme les autres enfants. qu’il a par conséquent perçu une rémunération en espèce et en nature ; que M. [G] [L] soutient que les appelants ne démontrent pas qu’il a reçu une contrepartie pour le travail qu’il a fourni et reprend à son compte la motivation du tribunal de grande instance de Lorient ; que cependant, M. [G] [L] a été déclaré à la Mutualité sociale agricole en qualité d’aide familial sur la période considérée ; que cette déclaration est corroborée par plusieurs témoignages selon lesquels M. [G] [L] a travaillé depuis l’âge de quatorze ans jusqu’à ses vingt-trois ans à la ferme de ses parents, qu’il effectuait « tous les travaux de la ferme », qu’il a travaillé la terre pour les semis de blé, qu’il a effectué les récoltes, les moissons, fait les fenaisons, qu’il a cultivé les légumes pour nourrir les vaches et les porcs ; que par conséquent, son travail effectif à la ferme est établi sur cette période ; que rien ne permet non plus de constater que M. [G] [L] a perçu quoi que ce soit à titre de rémunération pour ces travaux ; que la donation dont il est fait état a été consentie à chacun des membres de la fratrie auquel a été attribué un lot de même valeur ; que le fait d’être nourri, logé et blanchi ne constitue pas une contrepartie du travail, de même que la mise à disposition d’une terre sur cette période de travail ou sur une autre période de sa vie, tout comme en a bénéficié un de ses frères ; que M. [L] rapporte la preuve qu’il n’a bénéficié d’aucune rémunération et qu’il n’a pas été associé aux résultats de l’exploitation ; que M. [G] [L] est fondé à solliciter une créance de salaire différé sur la période du premier janvier 1972 au 31 décembre 1974 ; que celle-ci sera calculée par le notaire selon les termes de l’article R 321-13 alinéa 2 du Code rural ; ET AUX AUTRES MOTIFS ADOPTÉS QUE M. [G] [L] réclame la fixation d’une créance de salaire différé en qualité d’aide familial non-salarié agricole, du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1974 ; que né le [Date naissance 1] 1951, il a atteint l’âge de 18 ans le 14 mars 1969 ; que l’admission d’une créance de salaire différé suppose l’administration d’une double preuve ; la participation directe et effective à l’exploitation à partir de 18 ans, sans être associé aux bénéfices ni aux pertes et sans recevoir de salaire en argent ; qu’à l’appui de sa demande, M. [G] [L] produit aux débats les pièces suivantes : un document de la MSA intitulé « Reconstitution de carrière », duquel il ressort que du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1974, il a eu le statut de « non-salarié agricole ? aide familial », des attestations de plusieurs témoins, notamment des voisins, qui certifient qu’il a travaillé à la ferme de ses parents jusqu’à l’âge de 23 ans et qu’il faisait tous les travaux (travailler la terre avec le tracteur, faire les semis et les récoltes, ramasser la paille et le foin, mettre les légumes, planter les betteraves et les choux pour la nourriture des bêtes) car son père était malade et tout particulièrement durant les années 1972, 1973 et 1974, et qu’il avait suivi un enseignement agricole au lycée agricole de [Localité 1], de septembre 1965 à juin 1968, une déclaration sur l’honneur confirmée par le maire de la commune de Saint8 Barthélemy en présence de deux témoins, relatant les mêmes faits ; qu’il n’est pas démontré que la donation-partage faite par Mme [H] [L] devant notaire le 13 juin 1968 était destinée à rémunérer [G] [L] et compenser le travail effectué gratuitement dans l’exploitation agricole de ses parents ; que la lecture de l’acte de donation montre que les quatre enfants ont bénéficié chacun d’un lot de la même valeur et que M. [G] [L] n’a donc pas été avantagé par rapport à ses frères et soeurs, pour compenser sa participation à l’exploitation ; que le fait d’avoir bénéficié du gîte et du couvert n’est pas considéré comme une contrepartie en argent ; qu’il n’est pas admis de compensation en nature sauf sous la forme d’une donation ; que M. [G] [L] ne reconnaît d’ailleurs pas avoir été avantagé par ses parents du fait que ceux-ci lui ont prêté un champ à exploiter, après qu’il se soit mis à son compte, prêt dont son frère [K] a également bénéficié ; que la preuve est donc rapportée du droit à créance de salaire différé de M. [G] [L] contre la succession de Mme [H] [L], pour la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1974 ; que la créance sera calculée par le notaire commis, conformément aux prescriptions de l’article R. 321-13, alinéa 2, du code rural, en fonction du taux du Smic en vigueur au jour du partage ; 3°) ALORS QUE, subsidiairement, l’octroi d’une créance de salaire différé est subordonné à la participation directe et effective du descendant à l’exploitation agricole, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il intervient seulement à titre occasionnel ou ponctuel ; qu’en l’espèce, pour juger que M. [G] [L] était détenteur d’une créance de salaire différé pour la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1974, la cour d’appel s’est bornée à relever qu’il avait été déclaré en qualité d’aide familial à la mutualité sociale agricole (arrêt, p. 6 § 5) et a énuméré les diverses tâches dont il avait eu à s’occuper « depuis l’âge de quatorze ans jusqu’à ses vingt-trois ans » (arrêt, p. 6 § 5) ; qu’en statuant ainsi, quand la circonstance que M. [G] [L] ait, sur une longue période, effectué des tâches diverses, ne suffisait pas à caractériser le caractère continu de l’aide qu’il avait ainsi fournie à ses parents, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime.