Les 25 ordonnances de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 sont en cours d’élaboration, celles-ci prévoient notamment un ensemble de mesures de soutien pour les entreprises.
Secteur du cinéma
Dans le secteur spécifique du cinéma, la chronologie des médias et le délai d’exploitation prévu à l’article L. 231-1 du code du cinéma ainsi que tous les délais fixés par accord professionnel peuvent être réduits par décision du président du CNC en ce qui concerne les œuvres cinématographiques qui faisaient encore l’objet d’une exploitation en salles de spectacles cinématographiques au 14 mars 2020.
Portée des mesures en droit du travail
Les ordonnances porteront sur toute mesure d’aide directe ou indirecte aux personnes physiques et morales (associations comprises) exerçant une activité économique dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions et les collectivités.
En matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique, les mesures auront pour objet :
– de limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel ;
– d’adapter les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail ;
– de permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés définis par les dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail et par les conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise ;
– de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;
– de permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;
– de modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement en application de l’article L. 3314-9 du code du travail et au titre de la participation en application de l’article L. 3324-12 du même code ;
– de modifier la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mentionnée à l’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 ;
– d’adapter et de proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;
– d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions, notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs, et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le même code ;
– de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis, et de suspendre les processus électoraux des comités sociaux et économiques en cours ;
– de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations ainsi que d’adapter les conditions de rémunérations et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle ;
– d’adapter, à titre exceptionnel, les modalités de détermination des durées d’attribution des revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ;
Impact sur les relations clients / fournisseurs
Les ordonnances modifieront les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs ainsi que des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties, en particulier en ce qui concerne les contrats de vente de voyages et de séjours et les prestations relevant des séjours de mineurs à caractère éducatif.
Les mesures à prendre :
– adapteront les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ;
– permettront de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie. Pour rappel, la catégorie des microentreprises est constituée des entreprises qui : i) d’une part occupent moins de 10 personnes ; ii) d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros. La catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui i) d’une part occupent moins de 250 personnes ; ii) d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros. La catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est constituée des entreprises qui n’appartiennent pas à la catégorie des petites et moyennes entreprises, et qui : i) d’une part occupent moins de 5 000 personnes ; ii) d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros. La catégorie des grandes entreprises (GE) est constituée des entreprises qui ne sont pas classées dans les catégories précédentes.
– permettront à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale de consentir des prêts et avances aux organismes gérant un régime complémentaire obligatoire de sécurité sociale ;
– adapteront les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ;
– adapteront les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales ;
– simplifieront et adapteront les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adaptant les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ;
– renforceront la capacité de la BPI à accorder des garanties ;
Mesures en matière de procédures judiciaires
Les ordonnances porteront également sur :
– les délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ;
– les règles relatives à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions ;
– les règles relatives au déroulement des gardes à vue, pour permettre l’intervention à distance de l’avocat et la prolongation de ces mesures pour au plus la durée légalement prévue sans présentation de la personne devant le magistrat compétent, et les règles relatives au déroulement et à la durée des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance électronique, pour permettre l’allongement des délais au cours de l’instruction et en matière d’audiencement, pour une durée proportionnée à celle de droit commun et ne pouvant excéder trois mois en matière délictuelle et six mois en appel ou en matière criminelle, et la prolongation de ces mesures au vu des seules réquisitions écrites du parquet et des observations écrites de la personne et de son avocat ;
– les règles relatives à l’exécution et l’application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires ainsi que les modalités d’exécution des fins de peine et, d’autre part, les règles relatives à l’exécution des mesures de placement et autres mesures éducatives prises en application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;
Mesures en matière de diplômes et de scolarité
Les ordonnances permettront aussi de modifier les modalités d’accès aux formations de l’enseignement supérieur, les modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur ou des modalités de déroulement des concours ou examens d’accès à la fonction publique d’apporter à ces modalités toutes les modifications nécessaires pour garantir la continuité de leur mise en œuvre, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats.
Contrats et Covid-19 : un cas de force majeure
En matière contractuelle, le Covid-19, semble bien présenter les caractéristiques de la force majeure temporaire au sens de l’article 1218 du Code civil et des critères posés par la jurisprudence (extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité). Si le bacille de la peste, les épidémies de grippe H1N1, le virus de la dengue et le chikungunya n’ont pas été jugés comme des crises sanitaires constitutives de force majeure, c’est en raison de leur connaissance et de leur gravité limitée (CA Besançon, 8 janv. 2014, n° 12/0229, CA Nancy, 22 nov. 2010, n° 09/00003, CA de Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739). Le coronavirus en raison de son caractère nouveau et de sa gravité pourrait donc, en cas de causalité directe établie avec l’impossible exécution du contrat, de suspendre celui-ci pendant toute la durée de la force majeure.
Pour rappel, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.
Contrats avec l’État
L’État considère dores et déjà que le coronavirus
COVID-19 comme un “cas de force majeure” ainsi les entreprises qui ont des
marchés publics d’État ne seront pas pénalisées en cas retard de livraison. Le Gouvernement a invité les collectivités
territoriales ainsi que les entreprises privées à prendre la même mesure. Le ministère de l’Économie et des finances a
également annoncé les mesures suivantes :
L’application de mesures de soutien au cas par cas aux entreprises qui rencontreraient des difficultés sérieuses, notamment le recours à l’activité partielle ou l’étalement des charges sociales et fiscales.
La mise à disposition de toutes les informations utiles sur la situation d’activité et logistique dans les différentes provinces chinoises. Les entreprises pourront connaître l’état exact de la situation, province par province, ainsi que dans les grands ports chinois où arrivent les exportations en provenance de France et d’Europe.
L’accélération des procédures d’agrément dans certaines filières pour les nouvelles sources d’approvisionnement, en particulier pour le secteur de la construction ou de la chimie afin de les aider à diversifier leurs sources d’approvisionnement tout en respectant les normes sociales, environnementales et européennes.
Lancement d’une réflexion sur la sécurisation des approvisionnements pour certaines filières stratégiques, comme la filière automobile, afin de les faire gagner en indépendance par rapport à leurs approvisionnements à l’étranger.
Contrat de travail des salariés
En période d’épidémie, le recours au télétravail est autorisé. Au sens de l’article L1222-11 du Code du travail, en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Conformément à l’article 40-VII de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, pour les salariés dont le contrat de travail conclu antérieurement à ladite ordonnance contient des stipulations relatives au télétravail, sauf refus du salarié, les stipulations et dispositions de l’accord ou de la charte mentionnés à l’article L. 1222-9 du code du travail, issu de ladite ordonnance, se substituent, s’il y a lieu, aux clauses du contrat contraires ou incompatibles. Le salarié doit alors faire connaître son refus à l’employeur dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’accord ou la charte a été communiqué dans l’entreprise.