Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 29 novembre 2017, 17-85.300, Publié au bulletin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
N° U 17-85.300 F-P+B
N° 3189
VD1
29 NOVEMBRE 2017
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. D… B… , contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 9 août 2017, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de complicité de tentative de meurtre en bande organisée, complicité de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire AR ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 15 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. SOULARD, président, M. Y…, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y…, les observations de la société civile professionnelle GOUZ-FITOUSSI et RIDOUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Z… ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, sur la base de renseignements communiqués le 13 janvier 2010 par l’officier de liaison à Madrid, relatifs à un projet d’assassinat à Nice d’un ressortissant géorgien, M. Vladimir A…, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice a ouvert une information du chef d’association de malfaiteurs en vue de commettre le crime de meurtre en bande organisée ; que les enquêteurs ont effectué un rapprochement avec des faits survenus le 14 février 2010, dans un appartement à Nice où une fusillade avait éclaté sans faire de victime, objet d’une autre information du chef de tentative de meurtre aggravée ; qu’à la suite du meurtre de M. A…, le 18 mars 2010, à Marseille, une information judiciaire a été ouverte du chef d’homicide volontaire avec préméditation en bande organisée commis à cette date sur la personne de M. A…, ce dernier étant soupçonné d’appartenir à une organisation mafieuse géorgienne en conflit avec un autre clan mafieux ; que M. D… B… , détenu en […], a été entendu en octobre 2010 dans le cadre d’une commission rogatoire délivrée aux autorités espagnoles et a fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen du 16 avril suivant ; que, remis aux autorités françaises, il a été mis en examen pour complicité de tentative d’homicide volontaire en bande organisée commise le 14 février 2010, homicide volontaire en bande organisée commis le 18 mars 2010 au préjudice de M. A… et association de malfaiteurs ; qu’il a été placé en détention provisoire à compter du 1er août 2014 ; que, par ordonnance en date du 13 juillet 2017, le juge des libertés et de la détention a prolongé cette détention ; que l’intéressé a formé appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 143-1, 144, 145, 197, 199, alinéa 6, 706-71, 803-5 du code de procédure pénale, 6, §§ 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale :
« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille du 13 juillet 2017 en ce qu’elle avait prolongé la détention provisoire de M. B… pour une durée de six mois ;
« aux motifs que le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Marseille a rendu le 13 juillet 2017 une ordonnance portant prolongation de la détention provisoire de M. D… B… pour une durée de six mois ; que ladite ordonnance a été notifiée le 13 juillet 2017 à l’avocat de l’intéressé et le 25 juillet 2017 à l’intéressé lui-même ; qu’appel de cette ordonnance a été interjeté le 27 juillet 2017 par l’avocat de M. B… suivant déclaration faite au greffe du tribunal de grande instance de Jirs-Marseille, avec demande de comparution personnelle ; que conformément aux dispositions des articles 194, 197 et 803-1 du code de procédure pénale, le procureur général a notifié les 27 et 31 juillet 2017 aux parties et aux avocats la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience en visioconférence, a déposé le dossier au greffe de la chambre de l’instruction et y a joint ses réquisitions écrites le 1er août 2017 pour être tenues à la disposition des avocats ; qu’un mémoire de Me E…, avocat de M. B…, a été transmis par télécopie au greffe de la chambre criminelle et visé par le greffier le 4 août 2017 à 16 heures 58 ; que sur le déroulement des débats, en audience publique le 8 août 2017, M. B… qui avait demandé à comparaître en application des dispositions de l’article 199, alinéa 6, du code de procédure pénale, et qui avait accepté le 28 juillet 2017 que l’audience soit tenue en visio-conférence, a fait connaître le 8 août 2017 qu’il refusait de comparaître en visio-conférence, ainsi que cela ressort des documents adressés par le greffe du centre pénitentiaire de Marseille ; (…) que Mme X… F…, interprète en langue russe/géorgienne, inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui avait été convoquée et qui était présente n’a pas eu à prêter son concours du fait du refus de l’appelant de comparaître en visio-conférence ; qu’ont été entendus : M. Benoît Peryn, conseiller en son rapport ; Me C…, substituant Me E…, conseil du mis en examen, présent à la barre de la salle d’audience, en ses observations ; M. Jean-Pierre Buffoni, substitut général, en ses réquisitions (…) ; Me C…, substituant Me E…, conseil du mis en examen, a eu la parole en dernier ; qu’à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré ;
« 1°) alors que toute personne suspectée ou poursuivie et qui ne comprend pas la langue française a droit, dans une langue qu’elle comprend et jusqu’au terme de la procédure, à l’assistance d’un interprète et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l’exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès ; que les juges ne peuvent, pour juger que le recours à la visioconférence aurait été acceptée par un détenu ne parlant pas le français, se fonder sur un avis d’audience signé du détenu, indiquant que l’audience se tiendra par visioconférence et que le détenu acceptait ce moyen de télécommunication, s’il n’est pas établi que le détenu avait bénéficié d’un interprète lorsqu’il lui avait été demandé de signer ce document, ou que ce document lui avait préalablement été traduit ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué mentionne qu’une interprète en langue russe/géorgienne avait été convoquée et était présente pour l’audience du 8 août 2017, et précise dans son dispositif que « la traduction écrite des passages pertinents suivants du présent arrêt sera effectuée en langue géorgienne pour notification à l’intéressé : depuis « sur ce (page 17) » jusqu’à la fin de la page 20 » ; qu’il résulte ainsi de l’arrêt attaqué que M. B…, de nationalité géorgienne, ne comprenait pas le français, et qu’il devait bénéficier de l’assistance d’un interprète ; qu’il ne résulte pourtant ni des mentions de l’arrêt attaqué, ni des pièces de la procédure, que M. B… aurait bénéficié de l’assistance d’un interprète lorsqu’on lui a demandé, le 28 juillet 2017, de signer l’avis du 27 juillet visant à l’informer que l’audience aurait lieu par visioconférence (cf. notamment production n° 2) ; qu’il ne résulte pas non plus des mentions de l’arrêt attaqué, ni des pièces de la procédure, que le sens de l’avis d’audience précité du 27 juillet 2017 aurait été expliqué par un interprète au mis en examen, ni que cette pièce lui aurait jamais été traduite, ni que M. B… aurait expressément renoncé à la traduction de cette pièce essentielle ; que dès lors, en se fondant sur la convocation du 27 juillet 2017 et sur la prétendue « acceptation » de la visioconférence par le mis en examen le 28 juillet 2017, pour juger que l’audience avait valablement pu être tenue par ce moyen de télécommunication malgré le refus de M. B… de comparaître par visioconférence, la chambre de l’instruction a violé les textes visés au moyen ;
« 2°) alors que pour une audience au cours de laquelle il doit être statué sur la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut refuser le recours à la visioconférence lorsqu’elle est informée que l’utilisation de ce moyen de télécommunication est envisagée, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion ; qu’en l’espèce, la chambre de l’instruction a elle-même constaté que M. B… avait demandé à comparaître personnellement, et qu’il avait fait connaître le 8 août 2017 qu’il refusait de comparaître en visioconférence ; que dès lors, en tenant l’audience par visioconférence malgré le refus de comparaître du mis en examen, sans constater de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion, la chambre de l’instruction a violé les textes visés au moyen » ;
Sur le moyen, pris en sa première branche ;
Attendu que ce grief est nouveau en ce qu’il invoque pour la première fois devant la Cour de cassation l’absence d’un interprète lors de la signature de l’avis d’audience le 28 juillet 2017, et comme tel irrecevable ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche ;
Attendu que M. B…, qui avait donné son accord écrit le 28 juillet 2017 à sa comparution, le 8 août suivant, devant la chambre de l’instruction pour qu’il soit statué sur l’appel qu’il avait interjeté d’une ordonnance ordonnant la prolongation de sa détention provisoire, ne pouvait pas, le jour de l’audience, modifier ce choix ;
Qu’en effet l’article 706-71 du code de procédure pénale énonce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, que lorsqu’il s’agit d’une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut, lorsqu’elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, refuser l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle, qu’il se déduit de cette disposition, qui trouve son fondement dans le souci d’une bonne administration de la justice, que l’intéressé ne peut plus revenir sur ce choix ultérieurement ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 137, 143-1, 144, 145, 145-3, 706-71, du code de procédure pénale, 3 et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale :
« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance entreprise du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille du 13 juillet 2017 en ce qu’elle avait prolongé la détention provisoire de M. B… pour une durée de six mois ;
« aux motifs propres qu’en dépit des dénégations de l’intéressé, les présomptions qui pèsent sur lui sont lourdes et résultent des éléments de l’enquête, en particulier des renseignements recueillis par les enquêteurs, des surveillances, notamment téléphoniques, du contentieux avéré qui l’avait opposé à la victime M. Vladimir A… et des mise en cause formelles ont il a été l’objet ; qu’il existe un risque de concertation frauduleuse avec ses co-auteurs ou complices, compte tenu de ses dénégations et alors que les investigations doivent se poursuivre afin de fixer le rôle et l’étendue des responsabilités de chacun et notamment les siens, certains comparses étant actuellement recherchés ; que les faits s’inscrivent sur fond de règlements de comptes dans un contexte de criminalité organisée, laissant craindre la mise en oeuvre de démarches frauduleuses destinées à peser sur la recherche de la vérité ; que pour les mêmes raisons, des pressons sur les témoins sont à craindre ; que le risque de réitération de ce type d’infraction est majeur, s’agissant de faits réitérés relevant de la criminalité organisée ; que la teneur des décisions rendues par la justice espagnole tend à confirmer l’implication réitérée de M. D… B… dans le banditisme ; que l’appelant, d’origine géorgienne, n’offre aucune garantie de représentation en justice ; qu’il pourrait être tenté d’échapper aux actes futurs de la procédure, eu égard au quantum de peine encouru, à son degré apparent d’implication, à ses dénégations et à sa situation personnelle non contraignante ; qu’il n’a aucune attache avérée en France, qu’il est de nationalité étrangère, qu’il résidait en Espagne et qu’il n’a pu être mise à la disposition des autorités françaises qu’après mise en oeuvre de procédures de coopération internationale ; qu’il apparaît disposer d’un réseau susceptible de pouvoir organiser sa fuite en plusieurs endroits en Europe ; que le certificat d’hébergement qu’il invoque constitue une gage très insuffisant au regard des lourds enjeux de la procédure ; que le fait qu’il s’est conformé en 2014 à la mesure de contrôle judiciaire à laquelle il avait été astreint lors de sa remise en liberté en Espagne, ce qui lui avait alors permis de reprendre le cours d’une vie familiale, ne saurait être regardé comme suffisant à garantir sa représentation dans le contexte bien différent de la présente procédure ; qu’à ce jour, quand bien même l’intéressé présente de sérieux problèmes de santé, il n’est pas démontré que son état serait incompatible avec son maintien en détention provisoire ; qu’il ressort des pièces transmises que l’intéressé bénéficie d’un suivi médical conséquent et régulier ; que la lettre de liaison du service de médecine en milieu pénitentiaire, en date du 31 mars 2017, (pièce annexée au mémoire de l’appelant) mentionne en conclusion la nécessité d’un suivi ORL et mentionne expressément qu’il n’y a « pas d’indication de chirurgie vasculaire du fait d’un état clinique stable » ; que compte tenu du contexte apparent de règlement de comptes entre bandes rivales, le risque de représailles est loin d’être théorique ; qu’en raison de la nature même des faits, et malgré leur relative ancienneté, il existe un trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public, s’agissant à titre principal d’une tentative d’assassinat puis d’un assassinat sur fond de criminalité organisée ; que, sans contredire le principe de la présomption d’innocence, la détention provisoire doit se poursuivre, étant démontré au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, ci-dessus exposés, qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique ; empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ; protéger la personne mise en examen ; garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ; mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ; mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé ; que la détention dure depuis plus d’un an ; que la poursuite de l’information est justifiée par les actes en cours (interrogatoire, exploitation de retour de demandes d’entraide internationale) ; que sauf élément nouveau, le délai prévisible d’achèvement de la procédure peut être fixé à deux mois ; que compte tenu de la nature de l’affaire, de son contexte international, du nombre de mise en cause et des investigations ainsi rendues nécessaires, la durée de la détention n’est pas excessive ;
« et aux motifs, à les supposer adoptés, que la détention provisoire de M. B… constitue l’unique moyen, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure et ci-après mentionnés, de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants, objectifs qui ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, étant précisé qu’il n’est pas établi que la détention soit incompatible avec son état de santé (il produit aux débats de nombreuses pièces médicales) : empêcher une concertation frauduleuse avec ses co-auteurs ou complices ainsi que des pressions, alors que les faits s’inscrivent dans un contexte de criminalité organisée laissant craindre la mise en oeuvre de démarches frauduleuses destinées à peser sur la recherche de la vérité, d’autant que l’intéressé conteste les faits ; que les déclarations de certains de ses co-mis en examen se sont révélées évolutives sur certains points le concernant ; garantir son maintien à la disposition de la justice alors qu’il est d’origine géorgienne, vit en Espagne et n’a aucune attache en France ; qu’il n’a pu être interrogé en France qu’après la délivrance d’un mandat d’arrêt européen ; que les risques de fuite à l’étranger sont évidents ; mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement, s’agissant de faits s’inscrivant dans une criminalité organisée ayant déjà donné lieu à trois faits criminels ayant pour victime M. Vladimir A… ; qu’en outre, il vient de faire l’objet d’une nouvelle mise en examen par un juge d’instruction de Nancy pour des faits de recels de vol en bande organisée et association de malfaiteurs, faits commis de septembre 2014 à juin 2015 ; mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public s’agissant à titre principal d’une tentative d’assassinat puis d’un assassinat sur fond de criminalité organisée utilisant des méthodes de grande violence ; que selon le juge d’instruction, la procédure pourrait être achevée en septembre 2017 ;
« 1°) alors qu’une prolongation de la détention provisoire ne peut être ordonnée si cette mesure est incompatible avec l’état de santé physique ou mental de la personne détenue ; qu’en l’espèce, devant la chambre de l’instruction, M. B… exposait de manière très circonstanciée, preuves à l’appui, les importants problèmes de santé auxquels il était confronté, continuellement aggravés par son maintien en détention provisoire ; qu’il expliquait notamment qu’une aggravation de son état de santé, révélée par une hospitalisation 28 au 31 mars 2017, avait conduit les médecins à renoncer à une opération jusqu’alors prévue, les risques étant désormais trop importants par rapport aux bénéfices attendus ; qu’il soulignait que le maintien en détention ne ferait que continuer à dégrader son état de santé déjà très amoindri, et que cette mesure mettait en péril son intégrité physique ; que la chambre de l’instruction a elle-même reconnu que le demandeur présentait « de sérieux problèmes de santé » ; que dès lors, en se bornant ensuite à affirmer qu’il n’était pas démontré que l’état de santé de M. B… serait incompatible avec son maintien en détention provisoire, qu’il bénéficiait d’un suivi médical conséquent et régulier, et que la lettre de liaison du service de médecine du 31 mars 2017 mentionnait qu’il n’y avait pas d’indication de chirurgie vasculaire, sans examiner ni s’expliquer sur l’ensemble des moyens articulés et des éléments de preuve produits aux débats par le demandeur pour justifier de l’incompatibilité de son état de santé avec le maintien en détention provisoire, et sans répondre aux articulations essentielles du mémoire de l’intéressé sur ce point, s’agissant notamment de l’aggravation continuelle de son état de santé causée par la mesure de détention, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
« 2°) alors que lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle, les décisions ordonnant sa prolongation doivent comporter les indications particulières qui justifient la poursuite de l’information ; qu’en l’espèce, le demandeur contestait fermement la nécessité de son maintien en détention provisoire en soulignant que l’information avait été ouverte en 2010, soit plus de six ans auparavant, ce qui rendait plus que douteuse la nécessité de poursuivre l’information tout en prolongeant la détention ; que dès lors, en se bornant à énoncer de manière imprécise, pour justifier le maintien en détention, que « la poursuite de l’information est justifiée par les actes en cours (interrogatoire, exploitation de retour de demandes d’entraide internationale) », la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
« 3°) alors, en tout état de cause, que devant la chambre de l’instruction, M. B… contestait fermement la nécessité de son maintien en détention provisoire en raison, en premier lieu, de l’ancienneté des faits et de l’ouverture de l’information qui excluait tout risque de pression sur les victimes et les témoins, de dépérissement des preuves, comme de trouble à l’ordre public, en deuxième lieu, de l’absence de risques de fuite et des garanties de représentation du demandeur qui s’était durablement établi en Espagne, y avait respecté son contrôle judiciaire, n’avait jamais tenté de fuir les autorités françaises, et qui disposait d’un hébergement en France, et en troisième lieu, de l’absence de risque de renouvellement, établie par le bulletin n° 1 néant de l’intéressé en France ainsi que par l’absence de toute autre procédure en cours quant à des faits de même nature et comportant une qualification criminelle ; que dès lors, en décidant de prolonger la détention provisoire, sans s’expliquer, par des considérations de droit et de fait, et au regard des éléments précités, sur le caractère insuffisant du placement sous contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence sous surveillance électronique, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés » ;
Sur le moyen, pris en sa première branche ;
Attendu que, pour écarter l’argumentation de l’intéressé soutenant que son état de santé n’était pas compatible avec la détention, au sens des articles 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et 147-1 du code de procédure pénale, l’arrêt expose que, quand bien même l’intéressé présente de sérieux problèmes de santé, il n’est pas démontré que son état serait incompatible avec son maintien en détention provisoire ; qu’il ressort des pièces transmises que l’intéressé bénéficie d’un suivi médical conséquent et régulier, que la lettre de liaison du service de médecine en milieu pénitentiaire en date du 31 mars 2017 mentionne en conclusion la nécessité d’un suivi ORL et ajoute expressément qu’il n’y a « pas d’indication de chirurgie vasculaire du fait d’un état clinique stable » ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la chambre de l’instruction, qui a analysé, par des motifs dépourvus d’insuffisance comme de contradiction, les éléments médicaux transmis par la défense du mis en examen, ainsi que les modalités de prise en charge de l’intéressé, compte tenu de son état de santé, a justifié sa décision au regard des dispositions légales et conventionnelles visées au moyen ;
D’où il suit que le grief doit être écarté ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et de l’ordonnance qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la chambre de l’instruction s’est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale :
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi DAR ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
ECLI:FR:CCASS:2017:CR03189