Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 juin 2016, 15-87.752, Publié au bulletin

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 juin 2016, 15-87.752, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– M. Akim X…,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 4e section, en date du 16 décembre 2015, qui, dans l’information suivie contre lui du chef de tentative d’assassinat, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 10 mai 2016, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 116-1 du code de procédure pénale, 171 et 591 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de l’interrogatoire de première comparution de M. X… ;

 » aux motifs que le procès-verbal de première comparution porte la mention : « informons l’intéressé et son conseil qu’en l’absence de matériel technique approprié, nous ne pouvons filmer le présent interrogatoire en application des articles 16 et D32-2 du code de procédure pénale » ; qu’informé du droit de se taire, de faire des déclarations ou d’être interrogé, M. X… déclarait : « sur les conseils de mon avocat, je préfère garder le silence aujourd’hui » ; que lors de sa première comparution, M. X… a choisi de se taire ; que le défaut d’enregistrement audiovisuel, en l’absence de simples déclarations ou d’un interrogatoire, n’a pu lui faire grief ;

 » 1°) alors que le défaut d’enregistrement audiovisuel, hors les cas où l’article 116-1 du code de procédure pénale l’autorise, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; que l’absence de matériel technique approprié ne constitue pas une impossibilité technique au sens de l’article 116-1 du code de procédure pénale ; qu’en se refusant à annuler l’interrogatoire de première comparution de M. X…, réalisé dans le cadre d’une procédure criminelle sans enregistrement audiovisuel, la chambre de l’instruction a violé l’article 116-1 du code de procédure pénale et les principes de respect des droits de la défense et d’égalité ;

 » 2°) alors que l’absence d’enregistrement audiovisuel de l’interrogatoire de première comparution est susceptible de conditionner ou d’influencer le choix de la personne mise en examen de se taire ou de répondre aux questions des magistrats instructeurs en sorte qu’elle n’est plus à même d’exercer librement ce droit ; que, dès lors, l’arrêt attaqué ne pouvait exclure tout grief parce qu’informé de cette absence d’enregistrement, l’intéressé avait choisi d’exercer son droit au silence ;

 » 3°) alors que le respect du droit de garder le silence, droit fondamental de la procédure pénale, et celui du principe d’égalité, supposent que les mêmes garanties soient accordées à toutes les personnes mises en examen interrogées dans le cadre d’une procédure criminelle ; qu’en privant le mis en examen d’une garantie au motif qu’il avait exercé son droit de se taire, la chambre de l’instruction a méconnu les principes exposés ci-dessus  » ;

Vu l’article 116-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, en matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d’instruction y compris l’interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l’objet d’un enregistrement audiovisuel ; que l’omission de cette formalité, hors les cas où ce texte l’autorise, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée, même si celle-ci a déclaré faire usage de son droit de se taire ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, lors de la première comparution de M. X…, le juge d’instruction, après avoir informé l’intéressé et son avocat que l’interrogatoire ne ferait pas l’objet d’un enregistrement audiovisuel, faute de matériel disponible, lui a fait connaître qu’il envisageait de le mettre en examen du chef de tentative d’assassinat et l’a averti qu’il avait le choix de se taire, de faire de simples déclarations ou d’être interrogé ; que M. X… ayant déclaré vouloir se taire, le magistrat lui a ensuite notifié sa mise en examen du chef précité et les droits afférents ;

Attendu que, pour écarter le moyen d’annulation proposé par M. X…, pris de l’absence d’enregistrement audiovisuel de son interrogatoire de première comparution, l’arrêt attaqué retient que celle-ci n’a pu lui faire grief dès lors qu’il n’a pas été interrogé et qu’il n’a fait aucune déclaration ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que l’obligation de procéder en matière criminelle à l’enregistrement audiovisuel de la première comparution s’applique, aux termes de l’article 116-1 du code de procédure pénale, sans distinction à l’ensemble de l’interrogatoire et que sa violation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne que le juge d’instruction envisage de mettre en examen, peu important que celle-ci ait déclaré à ce magistrat, dans le cours de cet acte, faire usage de son droit de se taire, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe énoncé ci-dessus ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 16 décembre 2015, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2016:CR03788

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