Cour d’appel de Paris, 23 octobre 2024, RG n° 21/08468
Cour d’appel de Paris, 23 octobre 2024, RG n° 21/08468

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Le harcèlement moral dans le secteur de la coiffure.

 

Résumé

Le harcèlement moral dans le secteur de la coiffure est un sujet préoccupant, comme en témoigne l’affaire de Madame [G] épouse [K]. Employée par l’EURL ESPACE COIFFURE, elle a été licenciée pour faute grave après avoir reçu plusieurs avertissements. Contestant ces sanctions, elle a saisi le conseil de prud’hommes, arguant de harcèlement moral et de manquements à l’obligation de prévention des risques professionnels. Bien que le tribunal ait annulé un des avertissements et reconnu son licenciement sans cause réelle, ses demandes de dommages pour harcèlement ont été rejetées, illustrant la complexité des situations de travail dans ce secteur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/08468

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 23 OCTOBRE 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08468 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPPI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 21/00698

APPELANTE

E.U.R.L. ESPACE COIFFURE [E] [C]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe VOITURIEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1619

INTIMEE

Madame [O] [G] épouse [K]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Elisabeth JEANNOT, avocat au barreau de PARIS, toque: C0647

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/049696 du 26/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

PARTIE INTERVENANTE

S.E.L.A.R.L. ATHENA prise en la personne de Me [F] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la société E.U.R.L. ESPACE COIFFURE [E] [C]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Non représentée

Association AGS Ile de France Ouest

[Adresse 3]

[Localité 8]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

L’entreprise EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] était titulaire d’une convention d’autorisation temporaire du domaine public en vue de l’exploitation d’un salon de coiffure à l’Assemblée nationale. Cette société employait moins de 11 salariés et était soumise à la convention nationale de la coiffure.

Madame [O] [G] épouse [K] a été embauchée par l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C], le 6 novembre 2018, en qualité de coiffeuse qualifiée, par un contrat à temps partiel à durée indéterminée de droit privé, d’une durée de 93 heures par mois.

Un premier avertissement a été notifié à Madame [G] épouse [K] le 5 juin 2019 en raison notamment d’une erreur de caisse.

A l’issue du premier confinement débuté en mars 2020, divers échanges ont eu lieu entre les parties s’agissant des modalités de reprise d’activité.

Par courrier daté du 8 juin 2020, l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] a notifié à Madame [G] épouse [K] un second avertissement en raison de comportements inappropriés, à savoir son attitude jugée belliqueuse dans les échanges relatifs aux modalités de reprise et à ses congés du mois d’août 2020, ses demandes constantes et excessives, des infractions à son devoir de réserve, et le fait d’avoir laissé un mégot de cigarette dans un séchoir à la vue des clients.

Madame [G] épouse [K] a fait savoir à son employeur qu’elle contestait cet avertissement par courrier du 3 juillet 2020.

Le 15 juillet 2020, la salariée a été convoquée par son employeur à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire, lequel s’est tenu le 22 juillet 2020 en la présence d’un conseiller salarié.

Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre du 29 juillet 2020, au motif qu’elle avait fait prendre des photographies d’elle-même dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, et notamment dans l’hémicycle, en contradiction avec les dispositions de son contrat de travail qui le lui interdisait, et étant ajouté qu’elle avait publié ces photographies sur son compte Facebook. L’employeur considérait que cette violation de ses obligations contractuelles nuisait gravement à la bonne marche et à la réputation de l’entreprise, ceci d’autant plus qu’elle avait déjà fait l’objet de deux avertissements.

Madame [G] épouse [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 26 janvier 2021 afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, annuler les deux avertissements pris à son encontre, annuler l’article 10 de son contrat de travail, et condamner son employeur au paiement de diverses sommes à son profit.

L’employeur a sollicité reconventionnellement le retrait de la photo litigieuse du compte Facebook de la salariée, ainsi que la restitution sous astreinte des badge et clés détenus par la salariée, outre sa condamnation à des frais de procédure.

Par jugement en date du 16 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a :

-Annulé l’avertissement du 8 juin 2020,

-Condamné l’EURL à verser à la salariée :

-1.023 € d’indemnité compensatrice de préavis,

-426 € d’indemnité de licenciement,

-1.023 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Débouté la salariée du surplus de ses demandes,

-Condamné reconventionnellement la salariée à restituer les clés et badges de la société,

-Débouté l’employeur du surplus de ses demandes,

-Condamné l’employeur aux dépens.

L’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 octobre 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par jugement du 22 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C], et a désigné la SELARL ATHENA, prise en la personne de Maître [F] [H], en qualité de mandataire liquidateur.

Madame [O] [G] épouse [K] a assigné en intervention forcée :

-la SELARL ATHENA, prise en la personne de Maître [F] [H], en qualité de mandataire liquidateur de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C], par acte du 19 janvier 2024,

-l’AGS CGEA d’IDF OUEST, par acte du 17 janvier 2024.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement à la cour le 23 janvier 2024, et à l’AGS et au liquidateur de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] dans le cadre de l’assignation en intervention forcée, Madame [G] épouse [K] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a :

-limité à la somme de 1.023€ le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-débouté Madame [G] épouse [K] du surplus de ses demandes,

Statuant de nouveau :

-Annuler l’avertissement du 8 juin 2019,

-Fixer la créance de Madame [G] épouse [K] au passif de la liquidation judiciaire de L’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] aux sommes suivantes :

-1.023 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-426 € à titre d’indemnité de licenciement,

-à titre principal, 23.009 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-à titre subsidiaire, 6.574 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8.000€ en dédommagement des pratiques d’isolement et de maintien à l’écart de l’information ainsi que de différence de traitement d’avec sa collègue, constitutives de faits de harcèlement moral et de perte de chance,

– 8.000€ à titre d’indemnité pour manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels qui incombe à l’employeur,

– 10.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par des man’uvres dilatoires,

-3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Fixer les entiers dépens de première instance et d’appel au passif de la liquidation judiciaire de L’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C],

-Dire le jugement opposable à l’AGS CGEA D’ILE DE France,

-Condamner l’AGS CGEA D’ILE DE FRANCE à garantir Madame [G] épouse [K] du paiement des sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] ;

-Condamner l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C], représentée par son liquidateur judiciaire, à lui restituer ses peignes et autres effets personnels qu’elle n’a pu récupérer depuis son licenciement, sous astreinte journalière de 100€ par jour, portant intérêts au taux légal,

-Débouter l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] de l’intégralité de ses demandes.

Bien que régulièrement assignés en intervention forcée, ni l’AGS ni le liquidateur de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] n’ont constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2024.

Par écritures notifiées électroniquement le 18 juin 2024, le conseil de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C] demande :

-A titre principal, de rabattre la clôture prononcée et ordonner en conséquence la réouverture des débats,

-A titre subsidiaire, de prendre acte de l’intervention de Maître Christophe VOITURIEZ, avocat au barreau de Paris pour le compte de la SELARL ATHENA prise en la personne de Maître [F] [H], mandataire liquidateur de l’EURL ESPACE COIFFURE [R] [C].

Il fait valoir qu’il conviendrait de rabattre l’ordonnance de clôture afin de matérialiser son intervention pour le compte du mandataire liquidateur désigné par le tribunal de commerce de Paris, et qu’à défaut la procédure serait irrégulière.

Par écritures notifiées électroniquement en réponse le 20 juin 2024, Madame [G] épouse [K] s’oppose à la demande de rabat de clôture au motif que le liquidateur judiciaire a été régulièrement assigné en intervention forcée par acte du 19 janvier 2024 et qu’il n’a ni constitué avocat, ni conclu dans le délai de trois mois imposé par l’article 910 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la demande de rabat de clôture

L’article 914-4 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

L’article 910 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que l’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande d’intervention formée à son encontre lui a été notifiée pour remettre ses conclusions au greffe. L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.

En l’espèce, la SELARL ATHENA, liquidateur judiciaire de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C], a été régulièrement assignée en intervention forcée dans la présente instance d’appel par acte du 19 janvier 2024. Le procès-verbal de signification mentionne que la signification a été faite à personne.

Cet acte a été transmis par RVPA à la cour le 23 janvier 2024, et le conseil de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C], Maître [T], était en copie du message, dont il a accusé réception.

La SELARL ATHENA n’ayant pas constitué avocat et conclu dans le délai imparti de trois mois à compter de l’assignation, elle est irrecevable en sa demande de rabat de clôture, étant hors délai pour conclure. Par ailleurs, la constitution d’avocat n’apparaît pas une cause de révocation de la clôture, étant relevé qu’aucune cause grave révélée postérieurement à la clôture n’est invoquée.

En conséquence, il n’y a pas lieu de révoquer l’ordonnance de clôture.

Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 8 juin 2019

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

En l’espèce, Madame [G] épouse [K] sollicite dans le dispositif de ses écritures l’annulation d’un avertissement du 8 juin 2019, alors qu’elle n’a été sanctionnée d’aucun avertissement à cette date, ses deux avertissements datant :

-du 5 juin 2019,

-du 8 juin 2020, cet avertissement ayant été annulé par le jugement déféré.

A défaut de viser la date exacte de l’avertissement concerné dans le dispositif, et le corps de ses écritures ne permettant pas de déterminer quel avertissement serait concerné, puisqu’elle semble remettre en cause les deux, la salariée sera déboutée de sa demande d’annulation de l’avertissement du 8 juin 2019.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s’en approprier les motifs.

En l’espèce, le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 16 septembre 2021 a retenu que le licenciement de Madame [G] épouse [K] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l’EURL à verser à la salariée :

-1.023 € d’indemnité compensatrice de préavis,

-426 € d’indemnité de licenciement,

-1.023 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

eu égard à sa rémunération, son ancienneté et le préjudice subi consécutivement au licenciement.

-Sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement

La salariée sollicite la confirmation de leur montant, et la fixation de ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Compte tenu de la liquidation judiciaire intervenue, il y a lieu de fixer les sommes déterminées par le jugement déféré au passif de la liquidation.

-Sur l’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée sollicite la fixation au passif de la liquidation à ce titre, à titre principal, de la somme de 23.009 €, et à titre subsidiaire, de la somme de 6.574 €.

Elle justifie de 1 an et 9 mois d’ancienneté et l’entreprise emploie habituellement moins de 11 salariés.

En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel brut de 1.023 €.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, elle est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 0,5 et 2 mois de salaire, soit entre 511,5 € et 2.046 €.

Au moment de la rupture, elle était âgée de 48 ans et elle justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’en août 2022.

Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il convient d’évaluer son préjudice à 2.046€.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement sur ce point et statuant de nouveau, de fixer au passif de la société la somme de 2.046 € au bénéfice de la salariée, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts en dédommagement des pratiques d’isolement et de maintien à l’écart de l’information ainsi que de différence de traitement d’avec sa collègue, constitutives de faits de harcèlement moral et de perte de chance

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l’article L. 1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l’article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles.

En l’espèce, Madame [G] épouse [K] fait état des éléments suivants :

-Alors que le déconfinement a eu lieu le 11 mai 2020, son employeur a refusé de l’informer des conditions de reprise de l’activité :

Il ressort toutefois des échanges de SMS produit par la salariée elle-même qu’elle a pu échanger avec son employeur à ce sujet et que celui-ci l’a tenue informée de sa date et des modalités de reprise, le 1er juillet 2020, mettant même en place une réunion d’information le 2 juin 2020, faisant suite à leurs conversations. Cet élément ne peut donc pas laisser supposer l’existence d’un harcèlement.

-Elle a fait l’objet d’une différence de traitement injustifiée par rapport à sa collègue, Madame [S] [L], qui a repris le travail dès le 12 mai 2020 :

Elle produit en ce sens des échanges de mails aux termes desquels elle s’étonne de ce que sa collègue ait repris le travail et non elle, et demande à son employeur pour quelles raisons il n’a pas partagé les jours de travail possibles entre elle et sa collègue. Son employeur lui a fait un long mail en réponse en lui expliquant les raisons de la diminution d’activité (très peu de députés présents en raison des contraintes sanitaires) et de la reprise de travail à temps partiel de sa collègue et non d’elle (collègue ayant dix ans d’ancienneté, titulaire d’un brevet professionnel contrairement à l’intimée, et travaillant habituellement à temps plein, alors que Madame [G] épouse [K] était à temps partiel, le reste étant payé pour elle comme sa collègue par le chômage partiel). Ces motifs expliquent la différence de traitement, de sorte que la reprise de sa collègue ne constitue pas un élément laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

-Son employeur lui a envoyé le 8 juin 2020 un avertissement non justifié, qui a été annulé par le conseil de prud’hommes en première instance. Le fait de prendre à l’encontre d’un salarié une sanction non justifiée peut laisser supposer l’existence d’un harcèlement.

Toutefois, le harcèlement suppose l’existence d’agissements répétés. Il ne peut donc être constitué dès lors qu’un seul évènement vient laisser supposer son existence.

En conséquence, il convient de débouter la salariée de sa demande d’indemnisation au titre du harcèlement moral.

Sur la demande d’indemnité pour manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels qui incombe à l’employeur

Aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.

En l’espèce, la salariée fait valoir qu’alors qu’il connaissait son inquiétude quant à la reprise d’activité suite un confinement lié au covid-19, l’employeur l’a délibérément placée dans l’incertitude pendant plus de vingt jours avant de lui indiquer qu’elle ne reprendrait que le 1er juillet 2020 à temps partiel. Elle ajoute que l’employeur a refusé de lui répondre clairement à propos de ses congés du mois d’août.

S’agissant de la date et des modalités de reprise d’activité, ainsi qu’il a été examiné plus haut, il ressort des échanges produits que l’employeur a échangé régulièrement avec la salariée, en lui exposant les éléments dont il disposait dans une période d’incertitude liée à l’évolution de l’épidémie elle-même. Il lui a indiqué les modalités et la date de sa reprise tout en l’assurant qu’elle serait indemnisée au titre du chômage partiel pour la partie non travaillée. Il n’a donc pas manqué à son obligation de sécurité.

S’agissant des congés du mois d’août, il ressort des échanges produits que l’employeur a indiqué à la salariée qu’elle pourrait prendre ses congés au mois d’août pendant la période de suspension des travaux parlementaires, au regard du nombre de jours acquis. La salariée n’a par ailleurs transmis aucune demande datée de congés sur ladite période. Elle ne démontre donc pas que le comportement de son employeur lui aurait créé un stress ou constituerait un manquement à l’obligation de sécurité.

En considération de ces éléments, il convient de débouter la salariée de sa demande d’indemnisation.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par des man’uvres dilatoires

Le préjudice causé par l’abus de droit d’agir en justice peut être réparé, mais suppose la démonstration de la faute commise et du préjudice subi.

La salariée fait valoir que l’appel de l’EURL est dilatoire et visait uniquement à se soustraire au paiement des sommes qu’elle a été condamnée à lui verser en première instance. Toutefois, elle ne caractérise pas l’abus du droit de faire appel d’une décision de justice, dont elle se prétend victime.

Elle sera donc déboutée de sa demande d’indemnisation.

Sur la demande de remise de ses affaires personnelles et professionnelles

La salariée sollicite la restitution de ses peignes et autres effets personnels, qu’elle n’a pu récupérer depuis son licenciement, sous astreinte journalière de 100€ par jour, portant intérêts au taux légal.

Elle ne produit toutefois aucun élément permettant de retenir qu’elle aurait effectivement laissé lesdits effets, auxquels elle n’a jamais fait référence avant la procédure d’appel, dans les locaux du salon de coiffure.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et y ajoutant, de fixer au passif de la liquidation de l’ EURL ESPACE COIFFURE [E] [C]:

-les dépens de l’appel,

-la somme de 1.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d’appel.

Sur la garantie de l’AGS

Il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France Ouest qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

L’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France Ouest devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties, à l’exception de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Dit n’y avoir lieu à révoquer l’ordonnance de clôture,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le quantum de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déboute Madame [G] épouse [K] :

-de sa demande d’annulation de l’avertissement du 8 juin 2019,

-de sa demande en dédommagement des pratiques d’isolement et de maintien à l’écart de l’information ainsi que de différence de traitement d’avec sa collègue, constitutives de faits de harcèlement moral et de perte de chance,

-de sa demande d’indemnité pour manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels qui incombe à l’employeur,

-de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par des man’uvres dilatoires,

-de sa demande de remise de ses affaires personnelles et professionnelles,

Fixe au passif de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C], au bénéfice de Madame [G] épouse [K] :

-la somme de 1.023 € d’indemnité compensatrice de préavis,

-la somme de 426 € d’indemnité de licenciement,

-la somme de 2.046 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-la somme de 1.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d’appel,

Fixe les dépens de l’appel au passif de l’EURL ESPACE COIFFURE [E] [C],

Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France Ouest qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,

Dit que l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA Ile de France Ouest devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties, à l’exception de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.


 


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