Cour d’appel de Paris, 22 mars 2019
Cour d’appel de Paris, 22 mars 2019

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Créations gratuites : attention à la contrefaçon

Résumé

La contrefaçon de modèles de tenues soulève des enjeux juridiques importants. Une compagnie aérienne a été condamnée à 15 000 euros pour avoir utilisé sans autorisation les créations d’une dessinatrice, qui n’avait pas consenti à cette exploitation gratuite. La protection des œuvres de l’esprit est automatique dès leur création, mais il incombe à l’auteur de prouver l’originalité de son œuvre. Dans ce cas, bien que certains éléments des croquis soient communs, leur agencement unique conférait une identité distincte, justifiant ainsi la protection contre la contrefaçon.

Contrefaçon de modèles de tenues

En matière de réalisation gratuite de dessins / modèles, la formalisation s’impose ne serait-ce que pour délimiter les exploitations autorisées de l’œuvre par le bénéficiaire. Une compagnie aérienne a été condamnée à 15 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon de modèles de tenues de personnel aérien. Une employée de la compagnie avait proposé les services de sa sœur pour réaliser gratuitement les nouvelles tenues du personnel.   La société avait remercié la dessinatrice des uniformes pour avoir fait preuve de créativité, reconnaissant que les modèles de cette dernière avaient servi de base à la fabrication des uniformes pour le personnel de la compagnie et l’invitant à l’inauguration.

Question de la contrepartie

En l’espèce, il n’était pas démontré que la dessinatrice avait accepté l’utilisation de ses créations sans autre contrepartie ou rémunération pour son travail, ni partant qu’elle avait consenti sans équivoque à l’exploitation de ses croquis.

Protection autonome

L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il s’en déduit le principe de la protection d’une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d’une forme originale. Il incombe toutefois à celui qui entend se prévaloir des droits de l’auteur, de caractériser l’originalité de cette création, le bien-fondé de l’action en contrefaçon étant subordonné au fait que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est à dire originale.

En l’occurrence, si certains des éléments qui composaient ces croquis étaient effectivement connus (robe unie avec galons ou fleurs, foulard pouvant être fleuri) et que, pris séparément, ils appartenaient au fonds commun de l’univers de l’uniforme des compagnies aériennes (vêtement confortable présentant des éléments d’identification notamment d’une culture ou d’un pays), en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l’appréciation du juge doit s’effectuer de manière globale, en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement, conférait à ces croquis une physionomie d’alliance de modernité et de tradition particulière qui les distinguait des autres uniformes du même genre et qui traduisait  un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

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