Cour d’appel de Paris, 15 novembre 2024, n° RG 22/07368
Cour d’appel de Paris, 15 novembre 2024, n° RG 22/07368

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Imputabilité des Accidents du Travail : Éclaircissements sur la Charge de la Preuve et la Présomption d’Imputabilité

 

Résumé

Le 15 octobre 2020, M. [U], employé de la société [6], a subi un malaise dans son véhicule sur le parking de l’entreprise, entraînant un AVC ischémique. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie a pris en charge cet accident, mais la société a contesté l’imputabilité des arrêts de travail. Le tribunal de Bobigny a d’abord donné raison à la société, déclarant inopposable la décision de la caisse. Cependant, en appel, la cour a infirmé ce jugement, rappelant que la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’incapacité, et a condamné la société aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/07368

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/07368 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFRM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Juin 2022 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 21/01210

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ORNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société [6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparante, non représentée, ayant pour conseil Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, président de chambre

Mme Fabienne ROUGE, présidente de chambre

Mme Sophie COUPET, conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de Procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Orne ( la Caisse ) d’un jugement rendu le 22 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l’opposant à la [6] ( [6] )

MOTIFS

– Sur la dispense de comparution

En application des dispositions des articles R.142-10-9 du code de la sécurité sociale et 446-1 du code de Procédure civile les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit, sans se présenter à l’audience.

Il sera fait application de ces dispositions à la demande de la société [6] qui a sollicité une dispense de comparaître, par e mail en date du 10 septembre 2024, l’arrêt rendu sera rendu contradictoirement.

– Sur la péremption d’instance

L’article 386 du code de Procédure civile, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

L’article R. 142-10-10 du code de la sécurité sociale, prévoit que l’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 86 du code de Procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. La péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

La société [6] soutient que la caisse n’ayant pas conclu dans le délai de deux ans de son appel, l’instance serait périmée .

Il sera constaté ainsi que le souligne la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Orne qu’aucune diligence n’a été mise à la charge des parties et que la Procédure étant orale, les conclusions écrites ne sont pas obligatoires. Dès lors la péremption ne peut être constatée.

– Sur la demande d’inopposabilité

L’article R142-8 du code de la sécurité sociale prévoit que ‘ pour les contestations formées dans les matières mentionnées au 1° en ce qui concerne les contestations d’ordre médical formées par les employeurs et au 4°,5° et 6°de l’article L 142-1 et sous réserve des dispositions de l’article R 711-21, le recours préalable mentionné à l’article L142-4 est soumis à une commission médicale de recours amiable’.

L’article R.142-8-2 du Code de la sécurité sociale prévoit : ‘Le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet dés sa réception la copie du recours préalable au service du contrôle médical fonctionnant auprès de l’organisme dont la décision est contestée.

Dans un délai de dix jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, le praticien-conseil transmet à la commission, par tout moyen conférant date certaine, l’intégralité du rapport mentionné à l’article L. 142-6 ainsi que l’avis transmis à l’organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.’

Par ailleurs, l’article R.142-8-3 du Code de la sécurité sociale dispose : ‘ Lorsque le recours préalable est formé par l’employeur, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l’introduction du recours, par tout moyen conférant date certaine, le rapport mentionné à l’article L. 142-6 accompagné de l’avis au médecin mandaté par l’employeur à cet effet. Le secrétariat informe l’assure ou le bénéficiaire de cette notification.’

Le rapport mentionné par l’article L.142-6 du Code de la sécurité sociale comprend : l’intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de I’examen clinique de l’assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision.

La société [6] demande que la totalité des arrêts et soins prescrits au titre de l’accident du 15 octobre 2020 soient déclarés inopposables à l’employeur en raison du non respect du principe du contradictoire par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie puisque’à l’expiration du délai de 4 mois, aucun rapport médical n’a été envoyé au médecin qu’elle a mandaté en violation des dispositions des articles L. 142-8 et suivants du code de la sécurité sociale et L. 142-6 du même code.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie soutient à juste titre que l’inobservation de la transmission du rapport médical qu’elle ne conteste pas n’entraîne pas l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu’à la date de consolidation ou de guérison dés lors que celui-ci dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l’expiration du délai de rejet implicite de 4 mois.

En l’espèce, la société ayant pu saisir le juge d’un recours la juridiction compétente aux fins d’inopposabilité de la décision, il ne sera pas fait droit à sa demande d’inopposabilité fondée sur l’absence de transmission du rapport médical au stade du recours préalable. (c cass 11janvier 2024).

Le jugement sera infirmé .

– Sur la présomption d’imputabilité et la cause étrangère

Il résulte de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.

Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir que les soins et arrêts contestés sont totalement étrangers au travail, peu important le caractère continu ou non des soins ou symptômes qui n’est pas de nature à remettre en cause les conditions de la présomption d’imputabilité des arrêts et des soins à l’accident du travail.

En l’espèce, le certificat médical initial étant assorti d’un arrêt de travail, la présomption d’imputabilité à l’accident du travail du15 octobre 2020 s’étend à l’ensemble des soins et arrêts de travail jusqu’à la date de consolidation de l’état de santé de la victime et l’employeur ne peut contester cette présomption qu’en justifiant que ces soins et arrêts ont une cause totalement étrangère au travail ou sont exclusivement imputables à un état pathologique antérieur qui a évolué pour son propre compte.

Au demeurant, il sera rappelé que l’existence d’un état antérieur n’exclut pas le jeu de la présomption d’imputabilité des lésions à l’accident du travail dès lors que celui-ci a concouru à l’aggravation de cet état de santé.

Il appartient à l’employeur de prouver que les arrêts de travail prescrits à M. [U] et les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail et résultent d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte en dehors de toute relation avec le travail.

La société [6] rappelle que M.[U] a eu un malaise alors qu’il était arrivé sur le parking de l’entreprise à 12h 40 avant de prendre son service à 13h. Elle verse aux débats une note de son médecin conseil qui relève au vu du certificat médical initial que l’AVC est intervenu sur une étiologie athéromateuse et qui affirme que ces lésions athéromateuses ne sont en aucun cas la conséquence du déplacement en voiture. Il considère que M. [U] n’a fait que décompenser un état pré existant.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie considère que la preuve d’un état pathologique préexistant et évoluant pour son propre compte n’est pas apportée par l’employeur.

Le docteur [L] médecin conseil de l’entreprise, au vu du certificat médical initial du CHU de [Localité 5], indique que M. [U] qui n’avait fait qu’un déplacement en voiture avant son malaise n’a fait que décompenser un état préexistant qui aurait pu décompenser dans les mêmes conditions à son domicile , lors d’une activité personnelle quelconque ou même la nuit dans son sommeil.

Sous couvert de contester les soins et arrêts imputables à l’accident, la société conteste que la lésion prise en charge soit en lien direct avec l’accident et tend à en remettre en cause l’existence.

Dès lors, la note médicale ne démontre pas que les soins et arrêts prescrits sont sans rapport avec la lésion initiale et constituent une cause étrangère ou un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte.

Dès lors, l’ensemble des soins et arrêts prescrit consécutivement à l’accident doit être déclaré opposable à la société.

La société [6], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Orne ;

REJETTE le moyen tiré de la péremption d’instance ;

INFIRME le jugement rendu le 22 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT À NOUVEAU ;

DÉCLARE opposable à la [6] l’ensemble des soins et arrêts prescrit à M. [U] consécutivement à l’accident du travail dont il a été victime le 15 octobre 2020 ;

CONDAMNE la [6] aux dépens.

La greffière Le président


 


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