Affaire Loomis France
Il est établi que le système EDA et son exploitation par le logiciel SIP, ont été utilisés par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité du salarié en recueillant et exploitant des informations le concernant tout au long de la journée, et ce, sans que l’employeur l’en informe préalablement, ne spécifie de limites temporelles ou spatiales à cette surveillance, ne consulte le comité d’entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin. Faute d’avoir respecté ces préalables, ce moyen de preuve tiré des données de géolocalisation du salarié est illicite et ne peut valoir comme mode de preuve des faits reprochés (licenciement sans cause réelle et sérieuse).
L ‘article L. 1121-1 du code du travail
Selon, l ‘article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. L’article L.1222-4 précise qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. L’article L. 2323-32 alinéa 3, dans sa version antérieure au 1er janvier 2016 applicable au litige, le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. L’exploitation des données du système EDAEn l’espèce, il résulte de la lecture de la lettre de licenciement que les faits fautifs résultent de l’exploitation des données du système EDA, via le logiciel SIP, que l’employeur a confronté tant aux fiches FISA remplies par le salarié qu’aux plannings remis. Les dispositions réglementaires du code de la sécurité intérieure prévoient effectivement la possibilité de géolocaliser des salariés dans le cas où ceux-ci assurent le transport de monnaie et de papier fiduciaires, de bijoux ou de métaux précieux en voiture banalisée, ce qui n’est pas le cas du salarié. Surtout, cette géolocalisation a pour but d’assurer la sécurité des salariés concernés, eu égard aux risques liés au transport de telles marchandises. Si un tel objectif peut justifier qu’une alarme soit à la disposition du salarié intimé, lequel intervient sur des DAB, afin de permettre sa géolocalisation s’il l’actionne, il en va autrement si ce système est utilisé aux fins de contrôler son activité et permet, finalement, de lui reprocher des faits fautifs justifiant une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Dans ce cas, la question de la licéité du moyen de preuve se pose. Or, il s’infère de la précision des extractions et relevés du logiciel SIP, des mois de janvier et février 2018, lesquelles ont analysé les données du système EDA que si celui-ci permet la gestion des interventions et au salarié de saisir des informations relatives à ses interventions, il permet également de contrôler l’activité du salarié tout au long de sa journée et notamment, ses horaires de début et de fin d’intervention, la durée de son temps de trajet entre deux lieux d’intervention. L’employeur ne justifie aucunement avoir informé clairement et préalablement le salarié de l’usage du système EDA pour contrôler son temps de travail tout au long de la journée, alors même que le contrôle des horaires de travail était possible et effectué par un autre moyen (les fiches FISA). De plus, si la société soutient avoir porté à la connaissance des instances représentatives du personnel ledit système EDA et le logiciel d’exploitation SIP, la lecture des procès-verbaux des réunions du comité central d’entreprise ne précisent aucunement que ces outils serviront au contrôle du temps de travail du salarié mais seulement qu’ils sont des outils de pilotage de l’activité des techniciens. Enfin, la société ne justifie pas avoir déclaré son dispositif de géolocalisation à la CNIL afin qu’elle s’assure de sa finalité et, partant, se prononce sur sa conformité.
N° RG 21/02154 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IY7S COUR D’APPEL DE ROUEN CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE ARRET DU 08 JUIN 2023 DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 03 Mai 2021 APPELANTE : Société LOOMIS FRANCE [Adresse 11] [Localité 3] représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Arnaud DE SAINT LEGER, avocat au barreau de LYON INTIME : Monsieur [S] [C] [Adresse 1] [Localité 2] représenté par Me Franck ROGOWSKI de la SELARL CONIL ROPERS GOURLAIN-PARENTY ROGOWSKI ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIDEAULT, Présidente Madame ALVARADE, Présidente Madame POUGET, Conseillère GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme WERNER, Greffière DEBATS : A l’audience publique du 13 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2023 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé le 08 Juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière. EXPOSÉ DU LITIGE La Société Loomis France (la société) exerce une activité de transport de fonds et de valeurs sur l’ensemble du territoire national et relève de la convention collective nationale étendue des transports. Elle emploie plus de 3 500 salariés. Le 9 juillet 1997, M. [S] [C] (le salarié) a été engagé par la société Euroguard, aux droits de laquelle vient la société Loomis, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de technicien de maintenance, coefficient 150, statut employé, au sein de l’agence de [Localité 5]. Le 8 août 2017, M. [C] s’est vu notifier un avertissement pour non utilisation et/ou mauvaise utilisation de l’EDA et pour des absences injustifiées au cours de ses journées de travail. Après un entretien préalable qui s’est tenu le 27 mars 2018, M. [C] a été licencié par courrier du 3 avril suivant. Contestant en vain cette décision par courrier du 19 mai 2018, il a finalement saisi, le 26 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Rouen qui, par jugement du 3 mai 2021, a : – fixé son salaire de référence à 3 209,80 euros, – dit et jugé sans cause réelle et sérieuse son licenciement, – condamné la société à lui verser : 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 7 500 euros pour non-respect de l’article L. 1121-1 du code du travail, 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – ordonné la remise des documents sociaux de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 10 euros par jour et par document, et ce, un mois après la notification du présent jugement, – ordonné l’exécution provisoire sur ce qui est de droit, – débouté de ses autres demandes, – laissé les dépens de la présente instance à la charge de la société. Le 25 mai 2021, la société a interjeté appel de cette décision et par conclusions remises le 17 janvier 2022, demande à la cour de : – la déclarer recevable et bien fondée en son appel et d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a : dit et jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à M. [C] le 4 avril 2018 ; condamné la société à lui verser : 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 7 500 euros pour non-respect de l’article L 1121-1 du code du travail ; 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; ordonné la remise des documents sociaux de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 10 euros par jour et par document, et ce, un mois après la notification du présent jugement ; ordonné l’exécution provisoire sur ce qui est de droit ; laissé les dépens de la présente instance à sa charge ; statuant à nouveau : – juger que M. [C] a volontairement manqué à ses obligations professionnelles en ne respectant pas de façon répétée les horaires de travail fixés et imposés par la société entraînant un allongement anormal de son amplitude horaire, – juger qu’il a exécuté de mauvaise foi son contrat de travail qui s’est traduit par peu d’interventions dans une amplitude horaire pourtant très élevée, – juger que, de façon récurrente, le temps de trajet mis par le salarié entre deux interventions est anormalement long, – juger qu’il a fait des déclarations mensongères de temps de travail, – juger qu’elle n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 1121-1 du code du travail et n’a pas manqué à son obligation de formation ; – juger qu’il ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle aurait intentionnellement dissimulé certaines de ses interventions ; En conséquence, à titre principal, – juger que le licenciement pour faute est bien fondé, – débouter purement et simplement le salarié de l’intégralité de ses demandes, – le condamner à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, à titre subsidiaire, – cantonner la somme éventuellement allouée à M. [C] à hauteur de 3 mois de salaire, indemnité minimale prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail, soit 9 629,40 euros, – déclarer M. [C] non fondé en son appel incident et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a fixé son salaire de référence à 3 209,80 euros, En conséquence, – débouter purement et simplement le salarié de l’intégralité de ses demandes. Par conclusions remises le 18 octobre 2021, le salarié demande à la cour de : – débouter la société de ses demandes, – juger recevable et bien fondé son appel incident , – fixer son salaire de référence à la somme de 3 385,52 euros bruts, – confirmer le jugement en ce qu’il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, – condamner la société à lui payer la somme de 50 063,25 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, – confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement de la somme de 7 500 euros pour non-respect de l’article L. 1121-1 du code du travail, – condamner la société à lui payer la somme de 20 313,12 euros en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, – ordonner la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 10 euros à compter du 15ème jour suivant la date de signification de la décision à intervenir, – condamner la société au paiement des intérêts au taux légal sur l’ensemble des demandes à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes, – condamner la société à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, – confirmer l’indemnité octroyée à ce titre en première instance, – condamner la société aux dépens. L’ordonnance de clôture a été fixée au 23 mars 2023. Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens et arguments. MOTIFS DE LA DÉCISION A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, de sorte qu’elle n’est pas valablement saisie de la demande de rappel d’indemnité de licenciement énoncé dans le motif des conclusions de M. [C], mais non repris dans son dispositif. 1) Sur le licenciement Par lettre du 3 avril 2018 qui fixe les limites du litige, la société a licencié M. [C] dans les termes suivants : « (‘) Il nous a été exposé les faits suivants qui ont justifié notre décision de vous convoquer à cet entretien. Nous notons notamment les éléments suivants : ‘ une incohérence entre les heures planifiées et vos heures réalisées ; ‘ une incohérence entre vos amplitudes horaires et le nombre et la difficulté des interventions à réaliser ; ‘ une incohérence envoûtant trajet entre deux interventions. Nous citons, à titre d’exemple pour illustrer nos propos, les journées suivantes : ‘ le 2 janvier 2018 : vous étiez planifié de 7 heures à 15 heures. Après analyse de votre EDA, nous remarquons une prise de service à 7h03 et une fin de service à 21h10, soit une amplitude horaire de 14h07 pour ne réaliser que cinq interventions (…). Par ailleurs, sur cette journée, vous quittez le site de LCL PT Arche à 16h33 et n’arrivait sur le site du LCL [Localité 10] AGE qu’à 17h25, soit 52 minutes de trajet alors qu’il ne faut, selon Mappy, que 32 minutes pour s’y rendre. Enfin, toujours sur cette journée nous constatons que vous avez mis 3h15 pour opérer à la SG Louviers le chargement de trois DAB et un ABVR. ‘ Le 3 janvier 2018 : vous quittez le site de C.E. [Localité 10] AGE à 7h51 une arrivée sur le site SG [Localité 9] qu’à 9h44, soit 1h53 de trajet alors qu’il ne faut, selon Mappy, que 33 minutes pour s’y rendre. Vous récidivez ensuite du site LCL que vous quittez à 13h02 pour vous rendre sur le site Cultura à [Localité 4] à 14h38 soit 1h36 de trajet alors que selon Mappy, ces deux sites ne sont distants que de 13 minutes. Enfin, toujours sur cette journée, nous constatons que vous avez mis 2h56 pour opérer à la SG Elbeuf une intervention de N1. ‘ Le 4 janvier 2018 : vous étiez planifié de six heures à 14 heures. Après analyse de votre EDA, nous remarquons une prise de service à 7h08, soit une heure plus tard que votre horaire planifié, et une fin de service à 17h37, soit une amplitude horaire de 10h36 sur cette journée pour ne réaliser que quatre interventions (…). De plus sur cette journée, vous quittez le site de C.E. [Localité 7] à 10h15 et n’arrivait sur le site de LCL [Localité 8] qu’à 10h52, soit 37 minutes de trajet alors qu’il ne faut, selon Mappy, que huit minutes. Vous récidivez ensuite du site LCL [Localité 8] que vous quittez à 11h46 pour vous rendre sur le site LCL [Localité 6] à à 13h43, soit 1h57 de trajet, alors que selon Mappy, ces deux sites ne sont distants que de 1h24 (…) » L’employeur fait également des constats similaires pour les journées analysées des 5, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17, 18, 19, 22, 23, 24, 25, 29, 30, et 31 janvier 2018, ainsi que pour les 1er, 2, 6, 21, 23, 26, et 28 février 2018. Après avoir examiné ces différentes journées, la société reproche au salarié les éléments suivants : « ‘ vous ne respectez que rarement les horaires de prise de service planifié. Nous tenons à vous rappeler que vous horaires planifiés sont imposés et que vous n’êtes pas maître de votre emploi du temps en démarrant et terminant votre journée à l’heure qui vous convient le mieux. – vous ne réalisez que peu d’interventions dans une amplitude horaire inacceptable qui constitue selon nous un manque de compétence et une extrême lenteur alors que vous effectuez ce métier depuis 11 ans et avez été formé comme tous vos collègues sur l’EDA. ‘ vous réalisez régulièrement des pauses dans votre travail entre deux interventions compte tenu des temps de trajets anormaux constatés entre plusieurs sites sur plusieurs journées. Si nous pouvons accepter quelques retards liés notamment à une circulation difficile ou autre, la récurrence des temps de trajet anormalement longs constatés font que nous n’avons pas de doute sur votre manque de sérieux dans l’accomplissement de vos missions et la réalisation d’activités personnelles durant vos heures de travail. Par ailleurs, nous constatons sur l’ensemble des jours précités que vos heures déclarées dans votre FISA ne correspondent ni aux horaires effectivement réalisés ni aux horaires planifiés. Ces incohérences démontrent, selon nous, deux éléments : ‘ une volonté de votre part de cacher votre incompétence/lenteur dans l’exercice de vos fonctions, ‘ une volonté délibérée de tricher sur vos heures réalisées car nous avons constaté que vous mentionnez parfois plus que ce que vous avez effectivement réalisé. Nous citons en ce sens, à titre d’exemple, la journée du 29 janvier 2018 vous avait déclaré sur votre FISA une fin de service à 16 heures alors que sur SIP votre journée se termine à 15h04. Ce constat a également été fait sur d’autres journées. Aussi, nous pouvons tolérer de tels agissements que nous considérons comme des actes graves et la répétition de vos fautes, nous vous notifions par la présente votre licenciement. Ce licenciement sera effectif le 4 avril 2018, date de votre période de préavis de deux mois, que nous vous dispensons d’effectuer (…). Il s’infère des termes de la lettre de licenciement et du paiement par l’employeur des indemnités de licenciement et compensatrice de préavis que le licenciement n’est pas fondé sur une faute grave ou lourde, comme soutenu à tort par le salarié, mais bien sur une faute simple pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Pour ces raisons, M. [C] n’est pas fondé à soutenir l’existence d’une prétendue incohérence résultant de l’absence de distinction des faits qui relèveraient de la faute grave ou lourde et ceux de la cause réelle et sérieuse, et, partant pour soutenir le caractère abusif de son licenciement. Par ailleurs, l’article L. 1332-4 du code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Se prévalant de ces dispositions, le salarié soutient, en premier lieu, que l’employeur ne peut invoquer les faits du 2 au 15 janvier 2018, puisqu’il a été convoqué après le 13 mars 2018, date de sa convocation à l’entretien préalable. Toutefois, il ressort des mails échangés le 12 février 2018 que l’employeur s’est interrogé sur les incohérences reprochées au salarié qu’à cette date, de sorte qu’il n’a eu une connaissance pleine et entière que postérieurement à celle-ci après avoir, notamment, examiné les documents d’exploitations de son appareil EDA et, partant, dans le délai ci-dessus rappelé. En outre, en toute hypothèse, l’employeur peut valablement se prévaloir de faits anciens de plus de deux mois à l’appui de faits récents puisqu’il s’agit d’établir la persistance d’un même comportement fautif. Ce moyen sera donc rejeté. En second lieu, le salarié relève que son licenciement est fondé exclusivement sur l’exploitation du système EDA, fourni par l’employeur et par lequel ce dernier a contrôlé son activité. Or, ce mode de preuve doit être, selon lui, écarté comme illicite, car il n’a pas été informé du contrôle de son activité par ce biais, que ce système n’a été ni déclaré à la CNIL, ni porté à la connaissance du comité économique et social de la société. L’employeur se prévaut des dispositions de l’article R. 613-39 du code de la sécurité intérieure et indique que l’EDA permettait la géolocalisation du salarié en cas d’activation par ses soins de l’alarme. Il indique qu’il s’agit d’un outil de gestion qui permet le suivi du portefeuille-clients de chaque technicien de maintenance (dabiste, intervenant sur un Distributeur Automatique de Billets, DAB), lequel renseigne ledit appareil dont les données sont retranscrites et exploitées via le logiciel SIP (Système Informatique Prédictionnel). Il réfute que l’EDA soit un système de géolocalisation. Il fait valoir que le logiciel SIP a fait l’objet d’une présentation aux élus en septembre 2015. Selon, l ‘article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. L’article L.1222-4 précise qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. L’article L. 2323-32 alinéa 3, dans sa version antérieure au 1er janvier 2016 applicable au litige, le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en ‘uvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. Il résulte de la lecture de la lettre de licenciement que les faits fautifs résultent de l’exploitation des données du système EDA, via le logiciel SIP, que l’employeur a confronté tant aux fiches FISA remplies par le salarié qu’aux plannings remis. Les dispositions réglementaires du code de la sécurité intérieure ci-dessus indiquées par l’employeur, prévoient effectivement la possibilité de géolocaliser des salariés dans le cas où ceux-ci assurent le transport de monnaie et de papier fiduciaires, de bijoux ou de métaux précieux en voiture banalisée, ce qui n’est pas le cas de M. [C]. Surtout, cette géolocalisation a pour but d’assurer la sécurité des salariés concernés, eu égard aux risques liés au transport de telles marchandises. Si un tel objectif peut justifier qu’une alarme soit à la disposition du salarié intimé, lequel intervient sur des DAB, afin de permettre sa géolocalisation s’il l’actionne, il en va autrement si ce système est utilisé aux fins de contrôler son activité et permet, finalement, de lui reprocher des faits fautifs justifiant une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Dans ce cas, la question de la licéité du moyen de preuve se pose. Or, il s’infère de la précision des extractions et relevés du logiciel SIP, des mois de janvier et février 2018, lesquelles ont analysé les données du système EDA que si celui-ci permet la gestion des interventions et au salarié de saisir des informations relatives à ses interventions, il permet également de contrôler l’activité du salarié tout au long de sa journée et notamment, ses horaires de début et de fin d’intervention, la durée de son temps de trajet entre deux lieux d’intervention. En effet, ces relevés indiquent les heures de service à la seconde près (pièce 2-9, exemple : 9 janvier 2018 : fin de service 18h32 et 4 secondes), les heures de début et de fin d’intervention à la minute près (début janvier 2018) voire à la seconde près à compter du mois de février 2018 (exemple : le 1er février : chargement SG PT Arche 13H04 et 6 sec (et 900 centièmes). Il ne peut être sérieusement soutenu que le salarié renseignait des horaires aussi précis, de sorte que lesdites données, reprises dans la lettre de congédiement, résultaient bien de la géolocalisation opérée par l’EDA. De plus, la cour relève que malgré les demandes du bureau de conciliation et du salarié, la société n’a pas versé aux débats les fiches techniques du système EDA se limitant à produire une attestation de M.[R] (responsable), dont le contenu est contesté par le salarié, et dans laquelle son auteur indique que le système EDA servait « à la gestion du portefeuille des dabistes et à leur sécurité » sans pour autant préciser que c’était l’usage exclusif dudit système. Or, M. [O], également dabiste, atteste qu’au-delà de l’absence de fiabilité du système EDA, « cet outil de sécurité servait aussi à nous surveiller officieusement nos prestations et déplacement et ce, sans notre consentement ». En effet, l’employeur ne justifie aucunement avoir informé clairement et préalablement le salarié de l’usage du système EDA pour contrôler son temps de travail tout au long de la journée, alors même que le contrôle des horaires de travail était possible et effectué par un autre moyen (les fiches FISA). De plus, si la société soutient avoir porté à la connaissance des instances représentatives du personnel ledit système EDA et le logiciel d’exploitation SIP, la lecture des procès-verbaux des réunions du comité central d’entreprise ne précisent aucunement que ces outils serviront au contrôle du temps de travail du salarié mais seulement qu’ils sont des outils de pilotage de l’activité des techniciens. Enfin, la société ne justifie pas avoir déclaré son dispositif de géolocalisation à la CNIL afin qu’elle s’assure de sa finalité et, partant, se prononce sur sa conformité. Ainsi, il est établi que le système EDA et son exploitation par le logiciel SIP, ont été utilisés par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité du salarié en recueillant et exploitant des informations le concernant tout au long de la journée, et ce, sans que l’employeur l’en informe préalablement, ne spécifie de limites temporelles ou spatiales à cette surveillance, ne consulte le comité d’entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin. Faute d’avoir respecté ces préalables, ce moyen de preuve tiré des données de géolocalisation du salarié est illicite et ne peut valoir comme mode de preuve des faits reprochés. Or, les diverses incohérences reprochées par l’employeur au salarié résultent de l’exploitation des données de l’EDA. Si la société reproche à l’intimé un nombre insuffisant d’interventions sur l’amplitude horaire réalisée, aucun élément de comparaison n’est fourni permettant de l’établir voire de justifier d’une diminution soudaine de la performance de son salarié particulièrement expérimenté. La société fait valoir également que le salarié aurait reconnu, dans ses conclusions de première instance (page 28), a minima 15 retards, sans en justifier et la lecture de ladite page ne le confirme pas. Dans ces conditions, la décision déférée est confirmée en ce qu’elle a considéré le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’elle a ordonné la remise des documents de fin de contrat, sauf à dire que cette injonction ne sera pas assortie d’une astreinte. Compte tenu des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, de l’âge du salarié au moment de la rupture (53 ans), de son ancienneté (21 ans), de sa situation postérieure au licenciement dont il justifie et de son salaire moyen, il convient de constater que la somme allouée par les premiers juges réparent entièrement le préjudice subi du fait de la perte de son emploi, la décision sera confirmée sur ce chef. En revanche, elle sera infirmée en ce qu’elle a alloué des dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l’article L. 1121-1 du code du travail, sans constater l’existence d’un préjudice distinct dont il n’est pas plus justifié à hauteur de cour. Enfin, il convient de faire application des dispositions de l’article L. 1235-4 dont les conditions sont réunies et d’ordonner à l’employeur le remboursement des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, dans la limite de 6 mois. 2) Sur le travail dissimulé Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait, notamment, pour tout employeur : – soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; – soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. L’article L 8223-1 du même code dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Les précédents développements ont conduit à déclarer illicites les relevés de l’EDA mais ont également mis en exergue l’absence de fiabilité de ce système telle que soutenue par le salarié, de sorte que celui-ci ne peut, sans se contredire, se fonder sur ces mêmes et seuls documents pour soutenir l’existence d’heures de travail dissimulées et non rémunérées par l’employeur, alors qu’il ne formule aucune demande à ce titre. Il échoue pour ces mêmes raisons, à caractériser l’élément intentionnel de l’infraction reprochée à l’employeur. Le jugement doit être confirmé sur ce chef. 3) Sur l’obligation de formation En application de l’article L.6321-1 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, notamment au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. La société indique avoir fait bénéficier le salarié de formations en 2015, ce qui n’est pas discuté, et relève que le salarié se targuait dans son courrier du 19 mai 2018 d’avoir « une maîtrise à tout point de son emploi ». La cour constate que ce dernier n’explicite pas et ne justifie pas plus d’un préjudice en lien avec une difficulté à se réinsérer sur le marché de l’emploi. Le jugement sera en conséquence confirmé. 4) Sur les dépens et frais irrépétibles En qualité de partie succombante, l’appelante est condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles. Pour la même raison, elle est condamné à payer à l’intimée la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Rouen du 3 mai 2021, sauf en ses dispositions relatives au non-respect de l’article L. 1121-1 du code du travail et à la remise des documents de fin de contrat, Statuant dans cette limite et y ajoutant, Déboute M. [C] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l’article L. 1121-1 du code du travail ; Ordonne à la société Loomis France de lui remettre des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ; Dit n’y avoir lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ; Rappelle que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement déféré ; Condamne la société Loomis France à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, dans la limite de 6 mois ; La condamne à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel. La greffière La présidente
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