Contrôle de l’activité du salarié : affaire Marionnaud

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Un système de vidéosurveillance qui a uniquement pour objet d’assurer la sécurité des biens et des personnes n’est pas soumis aux obligations imposées par le code du travail. Il en va différemment si le système sert aussi à contrôler l’activité des salariés.  

Tout système de contrôle de l’activité du salarié doit faire l’objet d’une information des salariés en application de l’article L.1222-4 du code du travail, d’une information et consultation des représentants du personnel en application des articles L. 2323-27 et L. 2323-32 dans leur version applicable au litige, relatifs au comité d’entreprise et d’une déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

À défaut, le procédé est illicite et le juge doit apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Dans un litige contre l’une de ses salariées, la société Marionnaud Lafayette a fait valoir qu’elle n’était pas tenue d’informer et consulter le comité d’entreprise et d’informer les salariés puisque son dispositif visait uniquement à assurer la sécurité des biens et des personnes. Elle a produit à cet égard l’arrêté préfectoral du 29 juillet 2010 l’autorisant à installer des caméras de surveillance pour une durée de 5 ans au sein du magasin sous réserve du respect des dispositions dudit arrêté.   

En application de l’arrêté l’information du public de l’existence d’un système de vidéosurveillance apparaissait de manière claire et permanente à chaque point d’entrée du public et qu’ainsi les salariés avaient connaissance de l’existence du dispositif.

Or, il ressortait du procès-verbal de constat d’huissier contenant des images issues du système de vidéosurveillance litigieux que des caméras de vidéosurveillance étaient positionnées au-dessus du comptoir de caisse de sorte qu’elles permettaient de filmer le client réglant ses achats et le conseiller vendeur lors de ses activités liées à l’encaissement des sommes dues.

Si par ce positionnement, les caméras assuraient et la sécurité des biens et des personnes au moment sensible du paiement des achats et la surveillance des caisses où notamment étaient déposées des espèces, elles permettaient aussi de surveiller les salariés lorsqu’ils encaissaient les achats et ont été utilisées à cette fin dans le cadre de l’audit «’démarque ». Comme tel, le système de surveillance aurait dû faire l’objet d’une information personnelle des salariés et d’une consultation du comité d’entreprise. Le système était donc illicite.

Toutefois, dès lors que la salariée savait que le magasin faisait l’objet d’une vidéosurveillance et que, pouvant se déplacer dans l’espace commercial, elle n’était pas soumise à une surveillance permanente, l’atteinte à sa vie privée, destinée à assurer la sécurité des opérations réalisées était proportionnée à l’objectif recherché. Les images issues de la vidéo surveillance et produites dans le cadre d’un constat d’huissier ont donc été jugées opposables à la salariée.

_______________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS  

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

17e chambre

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2021

N° RG 19/00486

N° Portalis DBV3-V-B7D-S62D

AFFAIRE :

Z A B épouse X

C/

SASU MARIONNAUD LAFAYETTE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 juillet 2018 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : C

N° RG : F14/01713

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Yannick LUCE

Me Véronique LAVALLART

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame Z A B épouse X

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représentant : Me Yannick LUCE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0509

APPELANTE

****************

SASU MARIONNAUD LAFAYETTE

N° SIRET : 348 674 169

[…]

[…]

Représentant : Me Véronique LAVALLART de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L097

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 octobre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et Madame Nathalie GAUTIER, conseiller chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

Par jugement du 25 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section

commerce) a :

— débouté Mme Z A B, épouse X, de ses demandes,

— débouté la société Marionnaud Lafayette de sa demande reconventionnelle,

— mis les dépens à la charge des parties à part égale.

Par déclaration adressée au greffe le 16 février 2019, Mme X a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 15 juin 2021.

Par dernières conclusions remises au greffe le 11 mai 2019, Mme X demande à la cour de’:

— la recevoir en l’ensemble de ses demandes, l’y déclarée recevable et fondée,

— infirmer le jugement rendu le 25 juillet 2018, par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,

et statuant de nouveau,

— déclarer l’illicéité des images de vidéosurveillance,

— constater l’absence de cause réelle et sérieuse et le caractère abusif du licenciement,

en conséquence,

— condamner la société Marionnaud Lafayette à lui payer, avec intérêt au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil de prud’hommes, le 16 octobre 2014 :

. 1 960,16 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 4 789,56 euros à titre d’indemnité de préavis,

. 478,95 euros au titre des congés payés sur l’indemnité de préavis,

. 481,79 euros au titre de la prime du 13e mois,

. 1 596,52 euros à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire,

. 159,65 euros au titre des congés payés sur mise à pied conservatoire,

. 19 158,24 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois),

. 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

— condamner la société Marionnaud Lafayette à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Marionnaud Lafayette aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions remises au greffe le 29 juillet 2019, la société Marionnaud Lafayette demande à la cour de’:

à titre principal,

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt le 25 juillet 2018 en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes,

en conséquence,

— débouter en conséquence Mme X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire la cour estimait le licenciement litigieux dénué de cause réelle et sérieuse,

— limiter à la somme de 9 579,12 euros une éventuelle condamnation sur le fondement de l’article L1235-3 du code du travail,

— réduire à de plus justes proportions une éventuelle condamnation au titre du préjudice moral,

en tout état de cause,

— condamner Mme X au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— condamner également Mme X aux entiers dépens.

LA COUR,

Mme Z A B, épouse X, a été engagée par la société Marionnaud Lafayette, en qualité de conseillère, par contrat de travail à durée indéterminée du 5 juin 2008 à effet au 9 juin 2008.

Mme X percevait une rémunération brute mensuelle de 1 596,52 euros (moyenne calculée les 12 derniers mois).

L’effectif de la société était de plus de 10 salariés.

Par courrier du 25 mars 2014, Mme X a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 15 avril 2014 et a fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat.

Mme X a été licenciée par courrier du 28 avril 2014 pour faute grave dans les termes suivants :

«

(‘)

Suite à un audit Démarque Inconnue en date du jeudi 20 mars 2014, nous avons contrôlé les lignes annulées du mois de mars 2014 de manière aléatoire. Lors du contrôle, nous avons constaté qu’en date du 7 et 18 mars 2014, des produits correspondant aux lignes annulées saisis sous votre code caissière étaient manquants.

Par conséquent nous avons visionné les vidéos correspondant aux dates et heures de ces tickets annulées et nous avons constaté les faits suivants’:

– En date du 7 mars 2014, vous avez annulé 2 lignes produits, un ticket à 17h39 mn (EDP la vie est belle pour une valeur de 56’90) et un autre à 18h07 mn (EDT Invictus pour une valeur de 55’90), lors de ces 2 manipulations, vous étiez en caisse avec un client, vous bipez le produit en caisse, vous prenez des espèces que le client vous remet, vous lui donnez le produit et échantillons mais aucun ticket de caisse, une fois le client parti, vous annulez la ligne produit et jetez le ticket ensuite vous mettez les espèces correspondants à l’achat du produit dans votre poche.

– En date du 18 mars 2014, vous avez annulé 1 ligne produit, un ticket à 19h44 mn (EDT miss Dior pour une valeur de 69’90 , lors de cette manipulation, vous étiez en caisse avec un client, vous bipez le produit en caisse, vous prenez les espèces que le client vous remet, vous lui donnez le produit et échantillons mais aucun ticket de caisse, une fois le client parti, vous annulez la ligne produit et jetez le ticket ensuite vous mettez les espèces correspondants à l’achat du produit dans votre poche.

Vous avez sciemment pratiqué des manipulations frauduleuses en caisse, celles-ci ont lésé les clients car aucun passage en caisse de leur article donc pas de cumul de point sur leur carte fidélité et aucune possibilité de faire un échange car aucune trace de leur achat.

De plus, non seulement vous avez détourné les encaissements pour votre compte donc lésé l’entreprise Marionnaud en terme de chiffre d’affaires (montant 182’70) ainsi que généré une démarque pour le magasin et faussé les stocks.

Ainsi, votre comportement délictueux (vol) ne peut s’accorder avec l’honnêteté que nous sommes en droit d’attendre de nos collaborateurs. En détournant des encaissements clients et en ne sortant pas du stock les produits donnés à notre clientèle, vous avez gravement porté préjudice au fonctionnement commercial du point de vente et lésé la société Marionnaud.

Compte tenu de la gravité de la faute commise, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, votre licenciement pour faute grave prendra donc effet à la date de la présentation de ce courrier et votre solde de tout compte sera arrêté à cette même date, sans indemnité de préavis ni de licenciement. La période de mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée’»

Le 16 octobre 2014, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes.

Sur l’illicéité des images de vidéosurveillance’:

Mme X fait valoir que la société Marionnaud Lafayette ne justifie pas l’avoir informée, en amont et de manière individuelle, de la mise en place d’un système de vidéosurveillance, rendant ainsi ce moyen de preuve et les éléments qui en sont issus illicites. Par ailleurs, elle indique qu’il n’existait pas un juste équilibre entre les droits et intérêts en jeu permettant à l’employeur d’installer un système de vidéosurveillance et ainsi de capter les paroles et actions des salariés.

L’employeur réplique que le système de vidéosurveillance a été installé pour assurer la sécurité des biens et des personnes et non le contrôle de l’activité des salariés. Il ajoute qu’au cours d’un audit «’démarque inconnue » effectué le 20 mars 2014, pour procéder à des vérifications il a consulté les images de vidéosurveillance. Il affirme qu’il n’était pas tenu d’appliquer la réglementation applicable aux dispositifs de contrôle de l’activité des salariés. Il précise que les salariés étaient informés de l’existence d’un dispositif de vidéosurveillance destiné à assurer la sécurité des personnes et des biens que la salariée avait d’autant plus connaissance de l’existence de ce système qu’elle a exercé sa fonction pendant plusieurs années et a essayé de dissimuler ses agissements de la vue de la caméra.

Tout système de contrôle de l’activité du salarié doit faire l’objet d’une information des salariés en application de l’article L.1222-4 du code du travail, d’une information et consultation des représentants du personnel en application des articles L. 2323-27 et L. 2323-32 dans leur version applicable au litige, relatifs au comité d’entreprise et d’une déclaration à la Commission nationale de

l’informatique et des libertés (CNIL) en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

À défaut, le procédé est illicite et le juge doit apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La société Marionnaud Lafayette soutient qu’elle n’était pas tenue d’informer et consulter le comité d’entreprise et d’informer les salariés puisque ce dispositif visait uniquement à assurer la sécurité des biens et des personnes. Elle produit à cet égard l’arrêté préfectoral du 29 juillet 2010 l’autorisant à installer des caméras de surveillance pour une durée de 5 ans au sein du magasin sous réserve du respect des dispositions dudit arrêté (pièce E n°10).

Il n’est pas discuté qu’en application de l’arrêté l’information du public de l’existence d’un système de vidéosurveillance apparaissait de manière claire et permanente à chaque point d’entrée du public et qu’ainsi les salariés avaient connaissance de l’existence du dispositif.

Un système de vidéosurveillance qui a uniquement pour objet d’assurer la sécurité des biens et des personnes n’est pas soumis aux obligations imposées par le code du travail.

Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier du 25 janvier 2018 (pièce E n°8) contenant des images issues du système de vidéosurveillance litigieux que des caméras de vidéosurveillance étaient positionnées au-dessus du comptoir de caisse de sorte qu’elles permettaient de filmer le client réglant ses achats et le conseiller vendeur lors de ses activités liées à l’encaissement des sommes dues.

Par ce positionnement, les caméras assuraient et la sécurité des biens et des personnes au moment sensible du paiement des achats et la surveillance des caisses où notamment étaient déposées des espèces. Elles permettaient aussi de surveiller les salariés lorsqu’ils encaissaient les achats et ont été utilisées à cette fin dans le cadre de l’audit «’démarque ».

Comme tel, le système de surveillance aurait dû faire l’objet d’une information personnelle des salariés et d’une consultation du comité d’entreprise.

La société Marionnaud Lafayette produit une convocation à une réunion ordinaire du comité d’entreprise du 24 juillet 2008 contenant, dans l’ordre du jour, une information et consultation sur l’état du système de vidéosurveillance dans l’entreprise (pièce E n°15).

Toutefois, cette information et consultation du comité d’entreprise réalisée en 2008 ne permet pas d’établir que le comité d’entreprise a été informé et consulté sur le système de vidéosurveillance présent au sein du magasin situé à Issy-les-Moulineaux qui n’a fait l’objet d’une autorisation préfectorale qu’en 2010.

Au surplus, l’employeur ne prétend pas que la salariée a bénéficié d’une information individuelle.

Le système est donc illicite.

Cependant, dès lors que la salariée savait que le magasin faisait l’objet d’une vidéosurveillance et que, pouvant se déplacer dans l’espace commercial, elle n’était pas soumise à une surveillance permanente, l’atteinte à sa vie privée, destinée à assurer la sécurité des opérations réalisées était proportionnée à l’objectif recherché.

Les images issues de la vidéo surveillance et produites dans le cadre d’un constat d’huissier sont donc

opposables à la salariée.

Sur le licenciement’:

Sur la faute’:

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance qu’elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis.

Le licenciement pour faute grave implique donc une réaction immédiate de l’employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.

En cas de faute grave, il appartient à l’employeur d’établir les griefs qu’il reproche à son salarié et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

La salariée fait valoir que la lecture du procés-verbal montre que les images versées au débat sont incomplètes et affirme que les images manquantes auraient expliqué les gestes considérés à tort comme révélant un vol.

L’employeur produit les rapports des transactions et articles annulés de l’entreprise des 7 et 18 mars 2014 (pièces E n°6 et 7) qui établissent que les 7 et 18 mars 2014, Mme X a annulé les produits Invictus, la Vie est Belle et Miss Dior pour un montant total de 182,70 euros et le dépôt de plainte pour vol de la société Marionnaud Lafayette du 10 avril 2014 (pièce E n°9).

Mais, l’examen des photos tirées de la vidéosurveillance faisant l’objet d’un procès-verbal d’huissier ne permet pas de constater que la salariée mettait les espèces dans sa poche. En outre, effectivement, la salariée sort parfois de l’image ce qui crée une incertitude sur le déroulement exact des faits.

Dans ses commentaires du procès-verbal (pièce S n°6) la salariée soumet à la cour ses explications, notamment qu’elle attendait que la responsable sorte du bureau pour procéder à l’annulation du ticket et qu’elle a dû aller la chercher, que les tickets annulés étaient mis dans une pochette spéciale, que le client avait changé d’avis et que la consigne était de ne pas mettre les espèces dans la caisse tant que la responsable n’avait pas annulé l’opération.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il existe un doute qui doit profiter à la salariée.

Il convient donc, infirmant le jugement et statuant à nouveau, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’:

Mme X qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article

L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Compte-tenu de son âge au moment du licenciement (54 ans) de son ancienneté dans l’entreprise (5 ans et 10 mois), du montant de la rémunération qui lui était versée et de l’absence de justificatif de sa

situation professionnelle ultérieure, son préjudice sera réparé par l’allocation d’une somme de 12 000 euros.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur les indemnités de rupture, le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et les congés payés afférents :

Mme X sollicite les sommes de 1’960,16 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, de 4’789,56 euros à titre d’indemnité de préavis, de 478,95 euros à titre de congés payés sur préavis, de 1’596,52 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de

159,65 euros au titre des congés payés afférents.

Dès lors que le licenciement pour faute grave de Mme X n’est pas fondé et que les montants suscités ne sont pas discutés par l’employeur, infirmant le jugement et statuant à nouveau, il sera fait droit aux demandes de Mme X tant dans leur principe que dans leur quantum.

Sur la prime de 13e mois’:

Mme X sollicite la somme de 481,79 euros à titre de rappel de prime de 13e mois.

L’employeur fait valoir que la salariée ne justifie pas du montant de son calcul et qu’ayant été licenciée pour faute grave, elle ne peut se prévaloir d’une prime de 13e mois correspondant au préavis.

Toutefois, dès lors que le licenciement pour faute grave de Mme X n’est pas fondé,

Mme X aurait dû percevoir sa prime de 13e mois.

L’employeur qui fait valoir que le montant calculé par la salariée n’est pas justifié par ses soins ne propose aucun calcul contradictoire.

Ainsi, infirmant le jugement et statuant à nouveau, il sera fait droit à la demande de

Mme X tant dans son principe que dans son quantum.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral’:

Mme X sollicite la somme de 5’000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral sans pour autant justifier d’un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tel que le soulève l’employeur.

Ajoutant au jugement, la salariée sera déboutée de cette demande.

Sur les intérêts :

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Succombant, la société Marionnaud Lafayette sera condamnée aux dépens.

La société Marionnaud Lafayette sera condamnée à payer à Mme X la somme de

2’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Marionnaud Lafayette à payer à Mme X les sommes suivantes:

. 12’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 4 789,56 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 478,95 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 1 960,16 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 1 596,52 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,

. 159,65 euros à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire,

. 481,79 euros à titre de rappel de 13e mois,

avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

ORDONNE d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

Ajoutant au jugement,

DÉBOUTE Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Marionnaud Lafayette à payer à Mme X la somme de 2’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Marionnaud Lafayette aux dépens.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente

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