Contrefaçon : se mettre en liquidation pour échapper au paiement ?

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Le seul placement en liquidation judiciaire d’une société, condamnée in solidum avec deux autres sociétés, au paiement de certaines sommes au titre d’une contrefaçon, postérieurement à la décision de radiation ordonnée par le conseiller de la mise en état sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile, aujourd’hui article 524 du code de procédure civile, ne peut justifier automatiquement la remise au rôle de l’instance ainsi radiée.

Affaire Football Ticket Net

Le tribunal judiciaire de Paris en date du 28 juin 2019 a notamment condamné in solidum, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, les sociétés Football Ticket Net, GBG Sports Travel Iberia et GBG Sports Travel Ltd à payer à l’Union des Associations Européennes de Football (UEFA) les sommes de 650 000 euros en réparation d’actes de contrefaçon de marques, outre 60 000 euros en réparation de la violation des droits exclusifs d’exploitation sur la finale UEFA Europa League 2018.

Liquidation de la société GBS Sport Travel Limited

En appel, la société GBS Sport Travel Limited fait valoir qu’elle a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, que Maître [T] [S] a été désignée en qualité de liquidateur, qu’il lui est interdit de payer les condamnations en application des articles L.622-7 et L.641-3 du code du commerce compte tenu de la procédure collective en cours, et qu’elle entend en conséquence intervenir volontairement et solliciter le rétablissement de l’affaire, lequel s’impose sauf à violer l’article 6-1 de la CEDH, afin qu’il soit statué sur l’appel.

Les conditions de l’exécution provisoire

Selon les dispositions de l’article 526 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la cause, « Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. (…..)

Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s’il constate la péremption, la réinscription de l’affaire au rôle de la cour sur justification de l’exécution de la décision attaquée.»

La décision de radiation de l’affaire

Si la décision de radiation de l’affaire peut priver un requérant du double degré de juridiction, cette décision ne constitue pas, ipso facto, une entrave disproportionnée au droit d’accès à la cour d’appel, qu’il convient d’examiner in concreto, les buts poursuivis par l’obligation d’exécuter une décision, à savoir notamment assurer la protection du créancier, éviter les appels dilatoires et assurer une bonne administration de la justice étant légitimes.

Le placement en liquidation judiciaire

De même, le seul placement en liquidation judiciaire d’une société, condamnée in solidum avec deux autres sociétés, au paiement de certaines sommes, postérieurement à la décision de radiation ordonnée par le conseiller de la mise en état sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile, aujourd’hui article 524 du code de procédure civile, ne peut justifier automatiquement la remise au rôle de l’instance ainsi radiée.

En l’espèce, le conseiller de la mise en état observe en premier lieu que la société GBS Sport Travel Limited ne rapporte pas la preuve de l’effectivité, de la date de son placement en liquidation judiciaire et de la désignation de Maître [T] [S] pour la représenter.

En effet, les seules pièces produites sont un affidavit en français du ‘propriétaire’ de la société GBG Sports Travel déclarant sous serment que la société n’est pas en mesure de régler ses dettes et qu’ ‘à moins que la société soit disssoute et liquidée, elle ne pourra pas faire appel avec succès du jugement’, un extrait traduit en français d’une requête aux fins de placer la société GBS Sport Travel en liquidation judiciaire adressée sans autre précision ‘au tribunal civil (partie commerciale) juge Hon. [B] [C]’, et un jugement d’une juridiction étrangère, probablement de l’Etat de Malte, dans une langue que ne connaît pas le conseiller de la mise en état, non traduit, de sorte que le conseiller de la mise en état est dans l’impossibilité de vérifier que la société GBS Sport travel a été régulièrement placée en liquidation judiciaire et qu’elle est régulièrement représentée par Maître [T] [S].

En tout état de cause, si effectivement l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire emporte de plein droit l’interdiction de payer toute créance antérieure, il n’en demeure pas moins que le jugement du tribunal judiciaire de Paris dont appel, prévoit une condamnation in solidum avec deux autres sociétés, dont il n’est ni démontré ni allégué qu’elles ne sont pas in bonis.

Par ailleurs, il n’est justifié d’aucun commencement d’exécution de cette décision, alors que le jugement de liquidation de la société GBS Sport Travel Limited est intervenu bien postérieurement à la déclaration d’appel, qui remonte à plus de quatre ans, et à la décision de radiation, qui remonte à plus de trois ans.

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