Contrefaçon en transit : le titulaire des droits peut agir  

Notez ce point juridique

Même si des produits contrefaisants sont en transit sur le territoire français, le fabricant lésé peut agir en contrefaçon s’il dispose de droits dans le pays de destination des produits en cause.    

Affaire Champion 

En l’occurrence, les étiquettes de vêtements sous marque « Champion » placées sous scellés par les douanes françaises provenaient de Chine et étaient destinées à un opérateur économique ayant son siège en République Dominicaine, et, entre ces deux pays, en transit sur le territoire de l’Union, en l’occurrence en France, où elles n’avaient pas vocation à être commercialisées. 

Droits établis dans le pays de destination

Toutefois, la société Champion Europe démontre que le groupe auquel elle appartient est titulaire de droits de marque « Champion » pour désigner des vêtements en République Dominicaine, tandis que la société défenderesse, défaillante n’offre pas de démontrer que les sociétés Champion n’ont pas le droit d’interdire la mise sur le marché des produits litigieux en République Dominicaine.

Les produits litigieux sont des étiquettes thermocollantes qui reproduisent les aspects essentiels des marques et en particulier le C allongé, barré d’un trait épais en son centre, et la police très particulière utilisée pour le reste du signe, le tout selon un agencement reproduisant celui des marques. En outre, ces étiquettes sont, par nature, destinées à être apposées sur des vêtements couverts par les enregistrements sur lesquels sont fondées pour partie les demandes.

La contrefaçon établie 

En faisant transiter sur le territoire français les planches d’étiquettes litigieuses, la société Jining Ruike Trading a commis des actes de contrefaçon des marques, française no1235249, et de l’Union européenne no000122531 et no000122598, appartenant à la société Champion et qui désignent les vêtements.

Contrefaçons en transbordement, entreposage et zones franches

Pour rappel, selon l’article 9 « Droit conféré par la marque de l’Union européenne », paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne : 

« Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est en outre habilité à empêcher tout tiers d’introduire des produits, dans la vie des affaires, dans l’Union sans qu’ils y soient mis en libre pratique, lorsque ces produits, conditionnement inclus, proviennent de pays tiers et portent sans autorisation une marque qui est identique à la marque de l’Union européenne enregistrée pour ces produits ou qui ne peut être distinguée, dans ses aspects essentiels, de cette marque. »

Le considérant (16) de ce texte enseigne que « les titulaires de marques de l’Union européenne devraient pouvoir empêcher l’entrée de produits de contrefaçon et leur placement dans toutes les situations douanières, y compris le transit, le transbordement, l’entreposage, les zones franches, le stockage temporaire, le perfectionnement actif ou l’admission temporaire, même lorsque de tels produits ne sont pas destinés à être mis sur le marché de l’Union. 

Lors de l’exécution des contrôles douaniers, il convient que les autorités douanières utilisent les pouvoirs et les procédures prévus dans le règlement (UE) no 608/2013 du Parlement européen et du Conseil (8), y compris à la demande des titulaires de droits. Il convient, en particulier, que les autorités douanières effectuent les contrôles appropriés sur la base de critères d’analyse de risque. »

S’agissant des marques nationales, la directive 2015/2436 prévoit un mécanisme identique à son article 10, paragraphe 4, transposé en droit interne par l’article L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2019-1169 du 13 novembre 2019.

Les articles 9 et 10, paragraphe 4, respectivement, du règlement et de la directive apportent toutefois, à leur deuxième alinéa, un tempérament que le droit interne a transcrit, en procédure interne, à l’article L. 716-4-4 du code de la propriété intellectuelle dans les termes suivants : 

« Est irrecevable toute action engagée conformément au règlement (UE) 608/2013 du 12 juin 2013 par le titulaire de la marque sur le fondement des dispositions de l’article L. 713-3-2 si, au cours de la procédure visant à déterminer s’il été porté atteinte à la marque enregistrée, le déclarant ou le détenteur des produits apporte la preuve que le titulaire de la marque enregistrée n’a pas le droit d’interdire la mise sur le marché des produits dans le pays de destination finale. »

Enfin, les articles L. 716-4 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle qualifient de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque par la violation des interdictions prévues notamment aux articles 9 du règlement, et L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle. 


TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS 

3ème chambre 

3ème section

No RG 21/13501 – 

No Portalis 352J-W-B7F-CVOQY

No MINUTE : 

Assignation du :

02 Novembre 2021

JUGEMENT 

rendu le 13 Septembre 2022 

DEMANDERESSE

Société CHAMPION PRODUCTS EUROPE LIMITED

Suite 8, [Adresse 5] 

[Adresse 3])

représentée par Maître Pierre-Emmanuel MEYNARD du CABINET LAVOIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626

DÉFENDERESSE

Société JINING RUIKE TRADING CO LTD

[Adresse 6], 

[Adresse 1] (CHINE)

défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe

Arthur COURILLON-HAVY, juge

Linda BOUDOUR, juge

assistés de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l’audience du 08 juin 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Réputée contradictoire

En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

1. La société de droit irlandais Champion Products Europe Limited ( ci après« Champion »), commercialise des vêtements, chaussures et accessoires de sport. Elle est la titulaire des marques suivantes :

 – la marque semi-figurative française no1235249, déposée le 6 mai 1983 régulièrement renouvelée, qui désigne en particulier les « Vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles » en classe 25, 

— la marque de l’Union européenne no000122531, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 16 juin 1998 et régulièrement renouvelée, qui désigne en particulier les «Vêtements, chaussures, chapellerie » en classe 25,

— la marque de l’Union européenne no000122598, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 6 octobre 1998 et régulièrement renouvelée, qui désigne en particulier les «Vêtements, chaussures, chapellerie » en classe 25,- la marque de l’Union européenne no011298262, déposée le 26 octobre 2012 et enregistrée le 25 mars 2013, qui désigne en particulier les « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes » en classe 24, 

— la marque de l’Union européenne no011298312 déposée le 26 octobre 2012 et enregistrée le 27 mars 2015, qui désigne en particulier les « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes » en classe 24, 

2. Le 5 octobre 2021, la Direction Régionale des Douanes de Roissy Fret a informé la société Champion que 2015 planches de 21 étiquettes thermocollantes chacune potentiellement contrefaisantes des marques CHAMPION avaient fait l’objet d’une retenue. Le 20 octobre 2021, la société Champion a sollicité la levée du secret afin de pouvoir introduire la présente action. En retour, les services des douanes lui ont transmis les informations suivantes, relatives aux marchandises objets de la retenue : 

« - Destinataire : TIENDA SUOFEIYA SRL, MANUELA DIEZ NO 168 VILLACONSULO DUARTE NO 180 MEJORAMIENTO SOCIAL SANTO DOMINGO RNC 1?32-10170-7 ;

– Expéditeur : JINING RUIKE TRADING CO LTD, ROOM 207, YUNHE NO 1 OFFICE BUILDING, RE‘NCHENG DISTRICT, JINING CITY, SHANGDONG PROVINCE.

– Détenteur des marchandises détenues : Société Air France Cargo-sise [Adresse 7]

– Quantité des marchandises : quarante deux mille trois cent quinze (42 315) transferts semblant contrefaire la marque Champion (2015 planches de 21 thermocollants par planche)

– Origine des marchandises : Chine

– Provenance des marchandises : Chine

– Destination des marchandises : République Dominicaine »

3. A réception de ces informations, la société Champion a exercé son droit d’inspection des produits litigieux et prélevé des échantillons des marchandises prétendues contrefaisantes pour examen. Et c’est dans ce contexte que, par acte d’huissier du 28 octobre 2021, la société Champion a fait assigner la société de droit chinois Jining Ruike Trading devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques française et de l’Union européenne. 

4. L’acte destiné à la société Jining Ruike Trading a, conformément à l’article 5 de la Convention signée à La Haye le 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes judiciaires et extra-judiciaires en matière civile et commerciale, été adressé à l’entité requise chinoise (International Legal Cooperation Center, Ministry of justice, [Adresse 2]), laquelle n’a jamais, en dépit des relances lui ayant été adressées par l’huissier les 16 décembre 2021, 27 janvier 2022 et 1er mars 2022, justifié des diligences accomplies aux fins de remise de l’acte à son destinataire. Il y a néanmoins lieu de considérer cette société comme régulièrement citée en application des dispositions de l’article 688 du code de procédure civile, vu la date de la clôture, quoique la société Jining Ruike Trading n’ait pas constitué avocat. 

5. Aux termes de son assignation, la société Champion Europe demande au tribunal, au visa des articles L. 713-3-2, L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle, 9 du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement Européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne et 700 du Code de procédure civile, de :

 – JUGER la société Champion Products Europe Limited recevable et bien fondée dans ses demandes ; 

 – JUGER que la société Jining Ruike Trading Co Ltd a commis des actes de contrefaçon de la marque française no1235249 ; 

 – JUGER que la société Jining Ruike Trading Co Ltd a commis des actes de contrefaçon des marques de l’Union européenne no011298262, no011298312, no000122531 et no000122598 ;

En conséquence, 

 – INTERDIRE à la société Jining Ruike Trading Co Ltd tout usage sous quelque forme, de quelque manière, et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement par toute personne morale ou physique interposée, des signes, et ou de tout autre signe identique ou ne s’en distinguant pas de façon essentielle ; 

 – ORDONNER la destruction, aux frais de la société Jining Ruike Trading Co Ltd , des 2015 planches d’étiquettes, se trouvant dans les locaux de la direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy Fret, sous contrôle d’un huissier; 

 – JUGER que le Tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées en application de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution 

 – ORDONNER à la société Jining Ruike Trading Co Ltd de communiquer à la société Champion Products Europe Limited : 

o le nom et l’adresse des producteurs, distributeurs, fournisseurs et tous autres détenteurs des produits couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que des grossistes, détaillants et clients desdits produits, 

o la quantité exacte des produits vendus, fournis, reçus ou commandés couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que les prix d’achat et de vente des produits incriminés,

sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la date de signification du jugement à intervenir ;

 – JUGER que le Tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées en application de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

 – CONDAMNER la société Jining Ruike Trading Co Ltd à verser à la société Champion Products Europe Ltd la somme de 2 115 750 € au titre du préjudice subi à raison des actes de contrefaçon ;

 – CONDAMNER la société Jining Ruike Trading Co Ltd à verser à la société Champion Products Europe Ltd la somme de 25 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

 – ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir et sans constitution de garanties ;

 – CONDAMNER la société Jining Ruike Trading Co Ltd Jining Ruike Trading Co Ltd à payer l’ensemble des frais de justice, en ce compris les frais de constat d’huissier, qui seront recouvrés par Lavoix, en la personne de Maître Pierre-emmanuel Meynard, selon l’article 699 du code de procédure civile. 

6. L’instruction a été clôturée par une ordonnance du 13 mai 2022 et l’affaire, plaidée à l’audience du 8 juin 2022, mise en délibéré au 13 septembre 2022. 

MOTIFS DE LA DÉCISION 

7. A titre liminaire, il est rappelé que selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

1o) Sur la contrefaçon

8. La société Champion soutient que les marchandises litigieuses correspondent en tout point à des marchandises dont l’introduction sur le territoire français doit être interdite en application de l’article L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 9 du règlement 2017/1001. Le signe dont les marchandises sont revêtues est selon elle identique aux marques enregistrées de Champion, pour des produits couverts par la protection, puisque les étiquettes thermocollantes sont des produits de l’industrie textile utilisées pour marquer et orner les vêtements. Elle soutient par conséquent qu’elles appartiennent à la classe 24. Elle estime, par ailleurs, que l’usage dans la vie des affaires ressort de la nature commerciale de l’échange entre deux sociétés commerciales et du volume des étiquettes permettant de marquer près de 42 315 produits.

Sur ce, 

9. Selon l’article 9 « Droit conféré par la marque de l’Union européenne », paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, « Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est en outre habilité à empêcher tout tiers d’introduire des produits, dans la vie des affaires, dans l’Union sans qu’ils y soient mis en libre pratique, lorsque ces produits, conditionnement inclus, proviennent de pays tiers et portent sans autorisation une marque qui est identique à la marque de l’Union européenne enregistrée pour ces produits ou qui ne peut être distinguée, dans ses aspects essentiels, de cette marque. »

10. Le considérant (16) de ce texte enseigne que « les titulaires de marques de l’Union européenne devraient pouvoir empêcher l’entrée de produits de contrefaçon et leur placement dans toutes les situations douanières, y compris le transit, le transbordement, l’entreposage, les zones franches, le stockage temporaire, le perfectionnement actif ou l’admission temporaire, même lorsque de tels produits ne sont pas destinés à être mis sur le marché de l’Union. Lors de l’exécution des contrôles douaniers, il convient que les autorités douanières utilisent les pouvoirs et les procédures prévus dans le règlement (UE) no 608/2013 du Parlement européen et du Conseil (8), y compris à la demande des titulaires de droits. Il convient, en particulier, que les autorités douanières effectuent les contrôles appropriés sur la base de critères d’analyse de risque. »

11. S’agissant des marques nationales, la directive 2015/2436 prévoit un mécanisme identique à son article 10, paragraphe 4, transposé en droit interne par l’article L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2019-1169 du 13 novembre 2019.

12. Les articles 9 et 10, paragraphe 4, respectivement, du règlement et de la directive apportent toutefois, à leur deuxième alinéa, un tempérament que le droit interne a transcrit, en procédure interne, à l’article L. 716-4-4 du code de la propriété intellectuelle dans les termes suivants : « Est irrecevable toute action engagée conformément au règlement (UE) 608/2013 du 12 juin 2013 par le titulaire de la marque sur le fondement des dispositions de l’article L. 713-3-2 si, au cours de la procédure visant à déterminer s’il été porté atteinte à la marque enregistrée, le déclarant ou le détenteur des produits apporte la preuve que le titulaire de la marque enregistrée n’a pas le droit d’interdire la mise sur le marché des produits dans le pays de destination finale. »

13. Enfin, les articles L. 716-4 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle qualifient de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque par la violation des interdictions prévues notamment aux articles 9 du règlement, et L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle. 

14. Il est établi que les étiquettes placées sous scellés par les douanes françaises provenaient de Chine et étaient destinées à un opérateur économique ayant son siège en République Dominicaine, et, entre ces deux pays, en transit sur le territoire de l’Union, en l’occurrence en France, où elles n’avaient pas vocation à être commercialisées. Toutefois, la société Champion Europe démontre que le groupe auquel elle appartient est titulaire de droits de marque « Champion » pour désigner des vêtements en République Dominicaine, tandis que la société défenderesse, défaillante n’offre pas de démontrer que les sociétés Champion n’ont pas le droit d’interdire la mise sur le marché des produits litigieux en République Dominicaine.

15. Les produits litigieux sont enfin des étiquettes thermocollantes qui reproduisent les aspects essentiels des marques et en particulier le C allongé, barré d’un trait épais en son centre, et la police très particulière utilisée pour le reste du signe, le tout selon un agencement reproduisant celui des marques. En outre, ces étiquettes sont, par nature, destinées à être apposées sur des vêtements couverts par les enregistrements sur lesquels sont fondées pour partie les demandes.

16. Il en résulte que, en faisant transiter sur le territoire français les planches d’étiquettes litigieuses, la société Jining Ruike Trading a commis des actes de contrefaçon des marques, française no1235249, et de l’Union européenne no000122531 et no000122598, appartenant à la société Champion et qui désignent les vêtements.

2o) Sur les mesures indemnitaires et réparatrices

17. La société Champion fait valoir que les 42 315 étiquettes avaient manifestement vocation à être apposées sur autant de produits. Aussi, en prenant en compte le prix moyen de ses produits de 50 euros HT, elle sollicite le paiement de (42 315 X 50=) 2.115.750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. 

18. La société Champion demande également que soit prononcée l’interdiction pour la société Jining Ruike Trading de faire usage des marques invoquées et de tout signe similaire, la destruction des produits litigieux et la communication des informations permettant de remonter l’intégralité de la chaîne de distribution et d’identifier l’ensemble de ses acteurs ainsi que sur la quantité des produits vendus, reçus ou commandés couverts par des marques identiques ou similaires. 

Sur ce, 

19. Selon l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle,  » Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. »

20. L’article L. 716-4-11 du même code ajoute qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur. 

21. Il convient en l’occurrence de retenir en premier lieu l’important préjudice moral subi par la demanderesse, l’étendue de la contrefaçon mise en évidence ici apparaissant révélatrice d’une véritable organisation frauduleuse particulièrement difficile à déceler s’agissant d’étiquettes. Il convient de retenir ensuite le prix moyen des vêtements que la demanderesse commercialise et sur lesquels ces étiquettes avaient vocation à être apposées (sweat shirts et tee-shirts) calculé par elle, soit 50 euros, et d’appliquer à ce prix le taux habituel de marge du secteur des vêtements de sport de 25 %, multiplié par le nombre d’étiquettes saisies (42315), et enfin d’appliquer un taux de report de 25 %. Le préjudice subi par la demanderesse s’établit donc à la somme de 135.000 euros, cette somme incluant la réparation du préjudice moral.

22. Des mesures d’interdiction, de destruction et de communication seront ordonnées selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision et sans qu’il y ait lieu pour le tribunal de se réserver la liquidation des astreintes prononcées. 

3o) Sur les mesures accessoires 

23. Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société Jining Ruike Trading sera condamnée aux entiers dépens, ainsi qu’à payer à la société Champion la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

24. Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire ici y compris en ce qui concerne la mesure de destruction ordonnée laquelle se réalisera aux risques de la demanderesse.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

DIT qu’en faisant transiter des étiquettes reproduisant les marques de la société Champion Products Europe Limited sur le territoire européen, la société Jining Ruike Trading Co Ltd a commis des actes de contrefaçon ;

CONDAMNE la société Jining Ruike Trading Co Ltd à payer à la société Champion Products Europe Limited la somme de 135.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon ; 

FAIT INTERDICTION à la société Jining Ruike Trading Co Ltd de faire usage sous quelque forme, de quelque manière, et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement par toute personne morale ou physique interposée, dans leurs territoires respectifs, des signes en cause, pour des produits identiques ou similaires à ceux protégés par les marques française no1235249 et européennes no000122531, no000122598, dont la société Champion Products Europe Limitedest titulaire ;

ORDONNE la destruction, sous le contrôle d’un huissier de justice, des planches d’étiquettes thermocollantes se trouvant dans les locaux de la Direction Régionale des Douanes de Roisy Fret, aux frais de la société Jining Ruike Trading Co Ltd ;

ORDONNE à la société Jining Ruike Trading Co Ltd de communiquer à la société Champion Products Europe Limited : le nom et l’adresse des producteurs, distributeurs, fournisseurs et tous autres détenteurs des produits couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que des grossistes, détaillants et clients desdits produits, ainsi que la quantité exacte des produits vendus, fournis, reçus ou commandés couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que les prix d’achat et de vente des produits incriminés,et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; 

CONDAMNE la société Jining Ruike Trading Co Ltd à payer à la société Champion Products Europe Limited la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Jining Ruike Trading Co Ltd aux entiers dépens, et autorise Maître Pierre-Emmanuel Meynard, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit. 

Fait et jugé à [Localité 4] le 13 Septembre 2022.

La Greffière La Présidente

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