Contrefaçon d’oeuvres d’art : pratiquez un nantissement

Notez ce point juridique

En présence d’une contrefaçon d’œuvre d’art au sein d’une galerie, optez pour le nantissement sur fonds de commerce pour vous garantir.

Aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. Conformément à l’article L. 512-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies.

Par ordonnance du 28 août 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a autorisé les consorts Y à faire procéder à l’inscription d’un nantissement provisoire sur les deux fonds de commerce d’un galeriste, pour sûreté d’une créance évaluée à la somme de 1 110 390,40 euros, dont 1’000 000 d’euros de dommages-intérêts, le surplus étant constitué de frais et honoraires.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 25 MARS 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/09356 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBHH

Décision déférée à la cour : jugement du 30 juin 2020 -juge de l’exécution de Paris – RG n° 20/80439

APPELANTS

Madame I X Y

née le […]

[…]

[…]

SUISSE

représenté par Me Stéphane Fertier de la Selarl Jrf avocats & associés, avocat au barreau de Paris, toque : L0075

ayant pour avocat plaidant Me Corinne Khayat de la Scp Uggc avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0261,

Monsieur F Y

né le […]

[…]

[…]

SUISSE

représenté par Me Stéphane Fertier de la Selarl Jrf avocats & associés, avocat au barreau de Paris, toque : L0075

ayant pour avocat plaidant Me Corinne Khayat de la Scp Uggc avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0261,

Madame A Y

née le […]

Beily Ouest

[…]

[…]

représenté par Me Stéphane Fertier de la Selarl Jrf avocats & associés, avocat au barreau de Paris, toque : L0075

ayant pour avocat plaidant Me Corinne Khayat de la Scp Uggc avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0261,

Madame Z Y

née le […]

[…]

71330 Saint-Germain-du-Bois

représenté par Me Stéphane Fertier de la Selarl Jrf avocats & associés, avocat au barreau de Paris, toque : L0075

ayant pour avocat plaidant Me Corinne Khayat de la Scp Uggc avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0261,

INTIMÉ

Monsieur K-L C

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Bruno Régnier de la SCP Régnier – Béquet – Moisan, avocat au barreau de Paris, toque : L0050,

ayant pour avocat plaidant Me Eric Azoulay de la Scp Finkelstein-Darel-Azoulay-Rolland-Cisse, avocat au barreau du Val d’Oise, toque : 10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Bertrand Gouarin, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de présidente de chambre

M. Gilles Malfre, conseiller

M. Bertrand Gouarin, conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Juliette Jarry

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M Gilles Malfre, conseiller, la présidente empêchée et par Juliette Jarry, greffière, présente lors de la mise à disposition

M. H D, sculpteur de nationalité helvétique, est décédé sans descendance et sans testament le […] à Paris. Lui ont succédé en dernier lieu Mme X, épouse Y, Mmes Z, A et M. F Y (les consorts Y).

En mars 2017, les consorts Y ont été informés par M. B, expert, que la galerie C située […] à Paris 6e, exploitée en nom propre par M. C, proposait à la vente vingt et une oeuvres que l’expert attribuait à M. D.

Par actes des 23 et 2 juin mai 2017, les consorts Y ont fait procéder à une saisie-contrefaçon des biens suivants : 2 tables grecques, 3 appliques à deux branches, 2 lampes bougeoir, 2 lampes coupelles et oiseaux, 1 table feuilles et grenouilles, […], […], […] à pommeaux de canne, 2 tabourets X et 1 bibliothèque au Mexique, en exécution d’une ordonnance sur requête du 18 mai 2017, en ce que ces objets exposés par M.’C constituent des faux de M. H D.

Par actes du 23 juin 2017, les consorts Y ont fait assigner M. C devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir, à titre principal, dire et juger que M. C a porté atteinte aux droits patrimoniaux et moraux des requérants sur les oeuvres de M. D, à titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire, en tout état de cause, condamner M.’C à payer la somme de 750 000 euros de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte aux droits patrimoniaux et celle de 250 000 euros de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte au droit moral et ordonner à M. C, sous astreinte, de remettre les objets litigieux pour destruction et lui faire interdiction, également sous astreinte, de représenter, reproduire et diffuser lesdits objets.

Par ordonnance du 28 juin 2018, le juge de la mise en état a désigné M. E en qualité d’expert judiciaire, qui a déposé son rapport le 16 juillet 2019.

Par ordonnance du 28 août 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a autorisé les consorts Y à faire procéder à l’inscription d’un nantissement provisoire sur les deux fonds de commerce de M. C situés […] et […], pour sûreté d’une créance évaluée à la somme de 1 110 390,40 euros, dont 1’000 000 d’euros de dommages-intérêts, le surplus étant constitué de frais et honoraires. Ces nantissements ont été inscrits par acte déposé au greffe de tribunal de commerce de Paris le 26 novembre 2019 et dénoncés à M. C le 3 décembre 2019.

Par jugement du 30 juin 2020, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a rétracté son ordonnance du 28 août 2019, a donné mainlevée des nantissements, ordonné la radiation de cette inscription par le service compétent et condamné les consorts Y à payer à M. C la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts Y ont interjeté appel de ce jugement, selon déclaration du 13 juillet 2020.

Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sauf en ses dispositions relatives à la remise des oeuvres contrefaisantes pour destruction, ainsi qu’à la publication du dispositif de la présente décision, a jugé que M. C s’était rendu coupable d’actes de contrefaçon et l’a condamné à payer aux consorts Y la somme de 90 000 euros en réparation de l’atteinte au droit moral de l’auteur, outre celle de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens comprenant les frais d’expertise. Le tribunal a rejeté la demande de condamnation au titre de la réparation du préjudice patrimonial.

Il a par ailleurs ordonné, aux frais de M. C, la remise aux consorts Y des scellés n° 4 à 21, pour destruction, sous astreinte de 1 000 euros par jour à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant le jour où le jugement sera passée en force de chose jugée et il a été fait interdiction à M. C, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement, de représenter ou reproduire et d’une manière générale de diffuser les scellés n° 4 à 21 ou toute autre oeuvre susceptible de constituer une atteinte aux droits d’auteur de M. H D.

Par conclusions du 24 février 2021, les appelants poursuivent l’infirmation du jugement en ce qu’il a rétracté l’ordonnance du 28 août 2019, donné mainlevée des nantissements et ordonné la radiation de cette inscription et demandent à la cour de les autoriser à procéder à une inscription provisoire de nantissement sur les deux fonds de commerce de M. C sis […] et […], en garantie de la somme de 1 110 390,40 euros ou, en tout état de cause, de celle 140’125 euros, de débouter M. C de ses demandes et de le condamner à leur payer la somme de 10 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 16 février 2021, M. C poursuit la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il a omis de statuer sur sa demande de condamnation à des dommages-et intérêts. Ajoutant au jugement, il demande à la cour de condamner in solidum les consorts Y à lui payer, à ce titre, la somme de 20 000 euros, outre la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur les nantissements judiciaires provisoires’:

Aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. Conformément à l’article L. 512-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies.

Pour ordonner mainlevée de ces nantissements, le premier juge a rappelé que, si la certitude de la créance n’est pas une condition pour autoriser une mesure conservatoire, encore faut-il que la créance ne soit pas affectée d’une trop grande indétermination quant à sa cause, son objet et son montant, qu’en l’espèce, la créance de dommages-intérêts dont se prévalent les consorts Y implique un examen des responsabilités et une évaluation du préjudice subi qui ne ressortent pas de l’expertise judiciaire du 16 juillet 2019, qu’en effet, cette expertise conclut uniquement que les scellés 1 à 3 ne sont pas des oeuvres de H D mais des modèles de Félix Agostini et que les scellés 4 à 21 ne sont pas des oeuvres originales de H D, sans se prononcer sur une quelconque responsabilité ou sur l’existence d’un préjudice.

À hauteur d’appel, compte tenu de l’autorité de la chose jugée tirée du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 28 janvier 2021 qui s’impose au juge de l’exécution, il existe une créance fondée en son principe mais d’un montant de 110 000 euros (90 000 euros de dommages-intérêts et 20 000 euros de frais irrépétibles), outre les 20 125 euros de frais d’expertise mis à la charge de M.’C, soit une somme totale de 130 125 euros.

Sur les menaces dans le recouvrement de la créance, les appelants versent aux débats un constat d’huissier des 12 et 13 mars 2020 dont il résulte que les deux fonds de commerce de M.’C sis […] et […] ne présentaient à cette date aucune trace d’activité, étant précisé que, contrairement à ce que soutient l’intimé, ce constat a été pratiqué avant le premier confinement ordonné dans le cadre de la crise sanitaire, qui est en date du 16 mars 2020.

Ils produisent également un extrait du « Art Newspaper daily » du 11 janvier 2019 mentionnant que M.’C entendait vendre son fonds de commerce, précisant à cette occasion que sa galerie était fermée depuis 2 ans, sauf organisation d’exposition.

Pour contester ces éléments, l’intimé se contente de produire une attestation d’un expert-comptable du 4 décembre 2019, indiquant que M. C a une activité «’auprès du Trésor public et des organismes sociaux’» en 2017, 2018, 2019, sans que la dite activité ne soit précisée, outre que ces éléments sont antérieurs à ceux produits par les appelants. Par ailleurs, M. C ne saurait exciper de la valeur des biens finalement jugés contrefaits, à titre de garantie, alors que ces biens sont hors du commerce.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement et d’autoriser les consorts Y à pratiquer la mesure conservatoire levée par le premier juge.

Sur les autres demandes :

Les appelants étant autorisés à pratiquer la mesure levée par le premier juge, l’intimé ne peut qu’être débouté de sa demande de dommages-intérêts, du fait des préjudices subis à la suite des nantissements.

Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, M. C sera condamné à payer la somme globale de 7 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau ;

Autorise Mme I X, épouse Y, Mme Z Y, Mme A Y et M. F Y à faire procéder à l’inscription d’un nantissement provisoire sur les deux fonds de commerce de M. K-L C situés […] et […], pour sûreté d’une créance évaluée à la somme de 130 125 euros ;

Rejette la demande de dommages-intérêts de M. K-L C ;

Condamne M. K-L C à payer à Mme I X, épouse Y, Mme Z Y, Mme A Y et M. F Y la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. K-L C aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

la greffière le président

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