Contrefacon de thèse

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Un maître de conférences en droit public a poursuivi sans succès pour contrefaçon, une étudiante ayant soutenu une thèse sur le même sujet. La thèse de l’étudiante avait obtenu la mention très honorable et les félicitations du jury ainsi que le prix Jacques Mourgeon en 2000 puis le prix Georges SECLE en 2001. Cette thèse avait également été publiée.

Protection des travaux scientifiques

Sur le terrain du droit d’auteur, une thèse est assimilée à un travail scientifique. Aux termes de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial et ce droit est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit, en vertu de l’article L.112-2-1°, les écrits scientifiques.

Absence de contrefaçon

En l’espèce, le maître de conférences ne pouvait se voir reconnaître un monopole sur les idées ou les concepts juridiques du droit international public, qui sont de libre parcours, sauf à interdire à d’autres scientifiques de mener des travaux dans le même domaine que lui.

Les juges ont précisé que l’étude du droit pénal international devant les juridictions internationales sous l’angle du droit international public, matière dont est spécialiste l’étudiante poursuivie pour contrefaçon n’est pas réservée au demandeur. L’idée selon laquelle cette criminalité est constituée d’individus agissant pour le compte d’un Etat n’est pas protégeable par le droit d’auteur, en l’absence de revendication d’une formalisation plus précise d’une doctrine élaborée par le maître de conférences à ce sujet, mais constitue un postulat scientifique, de libre parcours.

Il en est de même de l’analyse croisée entre la responsabilité de l’Etat (le crime) et l’acte de l’individu (l’infraction pénale), dès lors que ces concepts constituent l’essence de l’aspect pénal du droit international. Les mots clés caractérisant les deux ouvrages sont forcément similaires dès lors que les travaux portent sur des notions juridiques identiques. Le maître de conférences arguait du fait que formellement, le plan général des deux ouvrages était le même. Cependant, le choix de deux parties, l’une liée à la définition des infractions et l’autre à l’application de la notion et à la répression n’est pas susceptible d’appropriation par le droit d’auteur, s’agissant d’une grille d’analyse banale pour un juriste.

Le maître de conférences ne pouvait pas non plus reprocher à l’étudiante de qualifier le droit pénal international de coutumier, d’impératif et de droit international public, toutes ces notions de base étant de libre parcours, et notamment l’emploi d’expressions telles que “jus cogens”. Ne constitue pas plus une contrefaçon le fait de reprendre, pour illustrer le contenu du droit international pénal, les crimes ressortant du statut du tribunal pénal de Nuremberg.

Ainsi, d’une manière générale, les 47 choix scientifiques revendiqués par le maître de conférences ne pouvaient donner prise au droit d’auteur, s’agissant de notions juridiques qui ne lui appartiennent pas et qui ont été construites progressivement par la doctrine, à partir notamment des statuts et du fonctionnement des premières juridictions internationales, dont la présence dans deux travaux universitaires en droit international pénal sur un sujet proche est légitime.

Mots clés : Contrefacon de thèse

Thème : Contrefacon de thèse

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 24 mai 2013 | Pays : France

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