Contrefaçon de médicaments : où en est-on ?

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Les trafics de médicaments dans le monde seraient alimentés à 95 % par des réseaux mafieux. Selon les études, les faux médicaments représenteraient aujourd’hui entre 10 % et 20 % du marché pharmaceutique mondial et leur nombre connaîtrait une hausse exponentielle depuis 5 ans, mettant des vies humaines en jeu.

Coordination d’Interpol

Face à ce phénomène rapide et global, les États se coordonnent, depuis 2008, sous l’égide d’Interpol pour mener l’opération PANGEA qui a permis, en 2018, la fermeture de 3 671 sites internet, l’arrestation de 859 personnes et la saisine de 500 tonnes de médicaments illicites.

L’Union européenne a également mis en place des dispositifs de sécurité pour permettre, notamment, la vérification de l’authenticité des médicaments. Ces dispositifs ne permettent, cependant, pas d’enrayer l’augmentation spectaculaire des contrefaçons de médicaments. Les cartels de la drogue portent un intérêt croissant à ce marché très lucratif. Alors que pour 1 000 dollars investis le trafic d’héroïne génère en moyenne 20 000 dollars de gain, le même investissement dans la contrefaçon de l’un des médicaments les plus consommés peut rapporter entre 250 000 et 450 000 dollars.

Les faux médicaments représentent également un risque moindre pour les réseaux criminels car ils relèvent du droit de la contrefaçon et non du trafic de stupéfiant.

Missions prioritaires de la DGDDI

La lutte contre les trafics de médicaments est également une des missions prioritaires de la DGDDI au même titre que la lutte contre la vente illégale de tabac, de stupéfiants ou d’armes. La DGDDI saisit chaque année 2 à 3 millions de faux médicaments, principalement des médicaments sans autorisation de mise sur le marché ou des médicaments détournés à des fins stupéfiantes.

Ces produits présentent un risque pour l’usager et les trafiquants de médicaments peuvent se voir infliger des sanctions lourdes. Du fait de son positionnement aux frontières, la DGDDI assure un rôle majeur face à des faux médicaments majoritairement produits en Asie et destinés à des pays tiers. Il en est de même pour les produits de confort (médicaments contre le dysfonctionnement érectile, amincissants, etc.) et produits assimilables à des stupéfiants, destinés à un public français cherchant à éviter le circuit de distribution légal.

Ces substances, pour des raisons diverses (mauvais dosages, non-conformités avec les standards de production, etc.), représentent une menace importante pour la santé des consommateurs. Ces produits demeurent aujourd’hui majoritairement interceptés dans les centres de traitement des flux postaux (commandes réalisées sur internet) malgré un accroissement des saisies sur le vecteur routier.

Le réseau MEDIFRAUDE

Afin de développer son expertise en matière de lutte contre les faux produits de santé, la DGDDI a mis en place le réseau MEDIFRAUDE. Ce réseau agit sous la coordination de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), principal outil de lutte contre la fraude de la DGDDI. Plus de 50 experts ont été désignés au sein de ce réseau pour en assurer la réactivité.

Dans ce cadre, l’action douanière est menée par :

– les directions régionales avec les services présents dans les aéroports, les centres de tri postaux, les ports et sur les routes ;

– un observatoire des médicaments implanté au sein de la DNRED dont les missions permettent l’identification et le démantèlement des réseaux criminels.

L’observatoire des médicaments et le réseau MEDIFRAUDE travaillent en étroite collaboration avec tous les acteurs de la filière et développent des liens opérationnels avec l’ensemble des services de l’État pour réguler et contrôler la circulation et la commercialisation des produits de santé ;

– le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF). Les officiers de douane judiciaire de ce service, disposent, dans leurs domaines de compétences, des mêmes pouvoirs que les officiers de police judiciaire ou de gendarmerie et effectuent des enquêtes judiciaires confiées par le parquet ou le juge d’instruction. Un inspecteur pharmacien y est affecté afin de renforcer l’expertise de ce service sur les fraudes aux médicaments ;

– le réseau des attachés douaniers implantés à l’étranger ;

– le service commun des laboratoires (SCL), constitué d’un réseau de 11 laboratoires sur l’ensemble du territoire qui apportent leur expertise aux services douaniers ;

– Cyberdouane qui lutte contre les trafics de médicaments sur internet. Ce service participe au démantèlement de certains trafics et procède à la fermeture de sites non autorisés en partenariat avec l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération).

Par ailleurs, Cyberdouane mène une activité intense de veille sur le darkweb, lieu privilégié de vente de médicaments détournés. La lutte contre les falsifications de médicaments passe par une bonne coopération entre les acteurs nationaux et internationaux en charge de la sécurisation des flux de produits de santé, en particulier lorsque de nouvelles menaces sont identifiées.

Mise en place de plusieurs protocoles

Dans le but de renforcer les coopérations nationales existantes, plusieurs protocoles ont été signés par la DGDDI. Le premier en 2011 entre la douane et le LEEM (Les Entreprises du Médicament), qui précise le cadre d’échanges d’informations et des bonnes pratiques sur les médicaments contrefaisants ou falsifiés et la nécessité de sensibiliser le public au travers de la médiatisation des saisies et destructions de médicaments. En 2013, dans le cadre du Comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), la douane a signé deux protocoles de coopération avec la Fédération française des industries de santé (Fefis) d’une part, et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’autre part.

Enfin, un accord a été signé en 2014 entre la douane (DNRED) et l’Agence française de Lutte contre le Dopage (AFLD) dans le but de favoriser les échanges pour lutter contre les trafics de produits dopants.

La DGDDI participe aux différentes opérations internationales qui visent à coordonner l’action des États contre la diffusion de médicaments illicites. Il s’agit de PANGEA mais également de l’opération MISMED qui a eu lieu pour la première fois en 2017 et portait sur les détournements de médicaments. Cette opération, gérée par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) et par la douane finlandaise avec un financement européen a réuni, pour la première édition, 11 pays de l’Union.

Pour sa part, la DGDDI a mis l’accent sur les détournements de médicaments à finalités stupéfiantes ou dopantes. Au total, la DGDDI a saisi plus de 300 000 unités de médicaments détournés durant la période de l’opération. Les saisies les plus importantes ont porté sur des cargaisons d’anxiolytiques à destination de pays voisins de la France (comme la Grande-Bretagne).

Les flux vers des pays sensibles comme le Moyen-Orient et la Libye ont fait l’objet d’une veille particulière et d’une enquête du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), qui se poursuit actuellement.

Sur le plan légal, la DGDDI fait respecter le code de la santé publique et le code de la propriété intellectuelle qui prévoient de lourdes sanctions en cas d’importation de médicaments à usage humain sans autorisation de même que pour le cas de contrefaçons des produits de santé portant atteinte à la santé de l’homme ou de l’animal.

Les dispositions spécifiques du code des douanes permettent d’adopter des sanctions douanières en cas de contrebande, importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées.

Le code des douanes prévoit :

– la confiscation des marchandises de fraude, des moyens de transport et des objets ayant servi à dissimuler la fraude, de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction ;

– une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de la fraude. Lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé ou sont commis en bande organisée, l’amende peut aller jusqu’à dix fois la valeur de l’objet de fraude ;

– un emprisonnement de trois ans, qui peut être porté à dix ans lorsque d’importation ou d’exportation portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, ou lorsque les faits sont commis en bande organisée. Il s’agit de peines alourdies par rapport au droit commun des marchandises prohibées du fait de l’atteinte à la santé publique.

Enfin, dans le but de faire constamment évoluer la législation, la DGDDI participe, en lien avec les autres administrations françaises concernées par la répression de ces fraudes, aux réflexions qui visent à faire évoluer la législation applicable.

La DGDDI, par le biais de l’observatoire du médicament, participe au côté de la direction générale de la santé (DGS), l’OCLAESP, l’ANSM et l’AFLD, aux travaux qui visent à renforcer la lutte contre les trafics et promouvoir la mise en place, à terme, d’un arsenal juridique du même niveau que celui de la lutte contre les stupéfiants.

En particulier, la DGDDI et la DGS étudient actuellement la possibilité pour les services douaniers de relever également les infractions d’importation sans autorisation au titre des substances vénéneuses ou au titre de la falsification (au sens de la directive 2011/62/UE). Il est également discuté, toujours en lien avec la DGS, de la possibilité juridique pour la douane de pouvoir accéder aux bases de données des dispositifs de sécurité et de traçabilité, nouvellement mis en place par les sociétés du médicament. Cet accès permettrait aux agents des douanes de vérifier immédiatement l’authenticité et la provenance des médicaments qu’ils contrôlent.

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