S’il ne saurait y avoir contrefaçon de marque en l’absence d’usage dans la vie des affaires, cette notion doit être comprise largement comme s’opposant à ce qui relève du domaine privé. Ainsi, la vie des affaires englobe les activités commerciales mais également celles qui produisent un avantage économique direct ou indirect.
1. Il est essentiel de constituer un avocat pour assurer une défense adéquate en cas de procédure judiciaire, afin de garantir que les droits de la partie défenderesse soient pleinement protégés.
2. Il est important de vérifier la recevabilité de la demande en cas de litige, en s’assurant que toutes les conditions légales sont remplies pour agir en justice. Cela permet d’éviter des contestations ultérieures sur la validité de la procédure.
3. Lorsqu’il s’agit de contrefaçon de marque, il est crucial de démontrer l’usage du signe litigieux dans la vie des affaires pour établir la responsabilité de la partie défenderesse. Il est également important de prouver les préjudices subis pour obtenir une réparation adéquate.
En 2012, la société IM a ouvert un restaurant sous l’enseigne « INTERMEZZO » à [Localité 6]. Elle détient les droits sur la marque INTERMEZZO déposée en 2012. En 2018, le CROUS [Localité 5] ALPES a ouvert un restaurant portant le même nom. IM a mis en demeure le CROUS de cesser l’utilisation du nom INTERMEZZO, sans réponse de ce dernier. IM a alors assigné le CROUS et l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES en contrefaçon et concurrence déloyale. IM demande l’interdiction d’utilisation du nom INTERMEZZO par le CROUS et l’UNIVERSITE, ainsi que des dommages et intérêts. Le CROUS conteste les accusations et demande des dommages et intérêts pour abus de procédure de la part d’IM. L’affaire a été fixée à l’audience du 7 novembre 2023.
Sur la contrefaçon de la marque INTERMEZZO
En l’espèce, la société IM [Adresse 4] conteste la recevabilité de la demande au motif que l’inscription de la cession de marque dont se prévaut la société IM [Adresse 4] serait tardive.
Il résulte des pièces produites que Monsieur [G] a transmis la marque INTERMEZZO à la société IM [Adresse 4] par contrat du 25 mai 2012 (pièce n° 2B).
De plus, la société demanderesse produit la notice extraite de la base de données marques sur laquelle figure l’inscription de la transmission totale de propriété au bénéfice de la société IM [Adresse 4] sollicitée le 8 avril 2019 et publiée au BOPI 2019-20. La société défenderesse souligne, à juste titre, que les données fournies par la base de données de l’INPI ne sont communiquées qu’à titre indicatif et peuvent comporter des erreurs, de sorte qu’il peut être préférable de communiquer des copies officielles. Toutefois, l’extrait de la base de données marques, qui se trouve communiqué en l’espèce, bénéficie d’une force probante (pièce 2C), et ce d’autant plus que la partie demanderesse communique sa demande d’inscription en ligne datée du 8 avril 2019 faisant état de la transmission totale de propriété à son bénéfice (pièce 2D) et l’accusé de réception de cette demande (pièce 2E). La société défenderesse n’est donc pas fondée à quereller l’inscription de ladite cession au registre national des marques, laquelle est intervenue en avril 2019 (pièce 2C), soit antérieurement à l’assignation en justice le 8 juillet 2019.
La société IM [Adresse 4] était donc recevable à agir au jour de l’assignation.
Sur le bien-fondé de la demande
En l’espèce, la marque INTERMEZZO n° 12 3 900 340 se trouve déposée en classe 3 pour les “services de restauration (alimentation)”.
Le signe L’INTERMEZZO étant exploité par le CROUS pour désigner un service de restauration (pièce n° 5A), les services doivent être considérés comme identiques.
S’agissant de l’usage dans la vie des affaires et de l’atteinte aux fonctions de la marque
Ces éléments permettent de considérer que le CROUS [Localité 5] ALPES fait un usage du signe L’INTERMEZZO dans la vie des affaires. La contrefaçon de la marque INTERMEZZO n° 12 3 900 340 par le CROUS [Localité 5] ALPES est donc établie.
S’agissant des demandes d’interdiction
Compte tenu de la contrefaçon, il convient d’interdire au CROUS [Localité 5] ALPES tout usage de la dénomination “L’INTERMEZZO” ou “INTERMEZZO”, à quelque titre et sur quelque support que ce soit tels que des documents commerciaux et publicitaires, site internet, pour une activité de restauration.
S’agissant des demandes de réparation
En l’état de ces éléments, le CROUS [Localité 5] ALPES sera condamné à verser à la société IM [Adresse 4] la somme forfaitaire de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la contrefaçon de marque.
Sur le parasitisme
En conséquence, la société IM [Adresse 4] sera déboutée de son action en concurrence déloyale fondée sur le parasitisme.
Sur la demande reconventionnelle présentée au titre de la procédure abusive
En l’espèce, aucun élément ne permettant de retenir que l’exercice par la société IM [Adresse 4] de son droit fondamental d’agir en justice ait dégénéré en abus, ce d’autant qu’elle obtient partiellement gain de cause. La demande de ce chef doit donc être rejetée.
Sur les demandes accessoires
La société CROUS [Localité 5] ALPES, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Le CROUS [Localité 5] ALPES sera également condamné à payer à la société IM
– Condamnation du CROUS [Localité 5] ALPES à verser à la société IM [Adresse 4] :
– 9 000€ pour indemnisation de la contrefaçon de marque.
– 6 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– CROUS [Localité 5] ALPES condamné aux dépens.
Réglementation applicable
Aux termes de l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur jusqu’au 11 décembre 2019, l’action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Toutefois le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peut agir en contrefaçon, sauf stipulation contraire du contrat si, après mise en demeure, le titulaire n’exerce pas ce droit.
De plus, en application de l’article L. 714-7 du même code, dans sa version en vigueur jusqu’au 15 décembre 2019, toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques. Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l’acquisition de ces droits.
Cette disposition doit être interprétée en ce sens que le cessionnaire n’a pas qualité à agir en contrefaçon tant que l’acte duquel il tient ses droits n’a pas été publié. A l’inverse, il est recevable à agir dès publication de la cession, et ce même pour des faits antérieurs à cette publication.
L’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version ancienne applicable jusqu’au 14 décembre 2019, que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
L’article L. 713-2 du même code, dans sa version applicable à compter du 15 décembre 2019, “interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque”.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Nicolas MARTIN-TEILLARD
– Maître Frank SAUNIER-PLUMAZ
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Recevabilité de la demande
– Transmission de la marque INTERMEZZO
– Inscription au registre national des marques
– Bien-fondé de la demande
– Comparaison des produits et services
– Comparaison des signes
– Usage dans la vie des affaires
– Atteinte aux fonctions de la marque
– Interdiction d’usage de la dénomination « L’INTERMEZZO » ou « INTERMEZZO »
– Demandes de réparation
– Dommages et intérêts
– Parasitisme
– Concurrence déloyale
– Demande reconventionnelle pour procédure abusive
– Demandes accessoires
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Exécution provisoire
– Motifs de la décision : Raisons juridiques et factuelles qui justifient la décision rendue par un tribunal.
– Recevabilité de la demande : Critère selon lequel une demande doit répondre à certaines conditions formelles et substantielles pour être examinée par un tribunal.
– Transmission de la marque INTERMEZZO : Processus de transfert des droits de propriété d’une marque d’une partie à une autre.
– Inscription au registre national des marques : Enregistrement officiel d’une marque auprès de l’office national compétent, conférant des droits exclusifs à son titulaire.
– Bien-fondé de la demande : Évaluation de la légitimité et de la justesse des arguments et des preuves présentés dans une demande judiciaire.
– Comparaison des produits et services : Analyse visant à déterminer si les produits ou services en conflit sont similaires ou susceptibles de créer une confusion chez le consommateur.
– Comparaison des signes : Évaluation de la similitude entre deux marques ou signes commerciaux pour déterminer le risque de confusion.
– Usage dans la vie des affaires : Utilisation d’une marque ou d’un signe dans le cadre d’activités commerciales.
– Atteinte aux fonctions de la marque : Action qui nuit aux fonctions essentielles de la marque, telles que l’identification de l’origine et la garantie de qualité.
– Interdiction d’usage de la dénomination « L’INTERMEZZO » ou « INTERMEZZO » : Mesure légale empêchant l’utilisation de ces dénominations spécifiques dans un contexte commercial.
– Demandes de réparation : Requêtes formulées par une partie lésée pour obtenir compensation ou rectification d’un préjudice.
– Dommages et intérêts : Compensation financière accordée pour réparer le préjudice subi.
– Parasitisme : Pratique consistant à tirer profit sans contrepartie de la valeur économique, de l’effort ou de la notoriété d’autrui.
– Concurrence déloyale : Ensemble de pratiques commerciales malhonnêtes qui causent un préjudice à un concurrent.
– Demande reconventionnelle pour procédure abusive : Contre-demande déposée par le défendeur accusant le demandeur d’avoir initié une procédure judiciaire sans fondement légitime, souvent avec intention de nuire.
– Demandes accessoires : Demandes complémentaires formulées dans le cadre d’une procédure principale, telles que les demandes de publication de la décision.
– Dépens : Frais de justice que la partie perdante peut être condamnée à payer à la partie gagnante.
– Article 700 du code de procédure civile : Disposition permettant à une partie de demander une indemnisation pour les frais non couverts par les dépens.
– Exécution provisoire : Mesure permettant l’application immédiate d’une décision de justice, avant que tous les recours ne soient épuisés.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 3 cab 03 D
N° RG 19/07443 – N° Portalis DB2H-W-B7D-UETC
Jugement du 23 Janvier 2024
Notifié le :
Grosse et copie à :
Me Nicolas MARTIN-TEILLARD – 1087
la SELARL NS AVOCATS – 1142
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 23 Janvier 2024 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement réputé contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 24 Avril 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 Novembre 2023 devant :
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Ce magistrat siégeant en qualité de juge rapporteur, en application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile,
Assisté de Patricia BRUNON, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par :
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Delphine SAILLOFEST, Vice-Présidente,
Dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSE
S.A.S. IM [Adresse 4],
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Nicolas MARTIN-TEILLARD, avocat au barreau de LYON
DEFENDERESSES
E.P.I.C. CENTRE RÉGIONAL DES OEUVRES UNIVERSITAIRES (CROUS) [Localité 5] ALPES,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Frank SAUNIER-PLUMAZ de la SELARL NS AVOCATS, avocats au barreau de LYON
Etablissement public UNIVERSITE DE [Localité 5],
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 3]
défaillant
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
En 2012, la société IM [Adresse 4] a ouvert un restaurant situé dans le quartier de [Adresse 4] à [Localité 6] exploité sous l’enseigne « INTERMEZZO ».
Elle se prévaut de droits sur la marque INTERMEZZO n° 12 3 900 340 déposée le 25 février 2012 pour les « services de restauration (alimentation) ; services de bars ; services de traiteur”.
Le 10 octobre 2012, la société IM [Adresse 4] a présenté oralement à l’UNIVERSITE DE [Localité 5] un projet de restaurant “INTERMEZZO” intégré au projet de bâtiment proposé par la société VINCI. Ce projet n’a pas été retenu.
Le 10 janvier 2018, le CENTRE REGIONAL DES OEUVRES UNIVERSITAIRES (CROUS) [Localité 5] ALPES a ouvert un restaurant à enseigne INTERMEZZO.
Par lettres des 3 mai et 15 juin 2018, la société IM [Adresse 4] a mis en demeure le CROUS [Localité 5] ALPES de cesser l’exploitation du signe INTERMEZZO. La relance en date du 6 septembre 2018 n’a donné lieu à aucune réponse.
C’est dans ce contexte que, par exploit d’huissier de justice du 8 juillet 2019, la société IM [Adresse 4] a assigné devant le tribunal de grande instance de LYON le CROUS [Localité 5] ALPES et l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES en contrefaçon et concurrence déloyale par parasitisme.
Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, la société IM [Adresse 4] sollicite qu’il plaise :
Vu le Livre VII du Code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article 1240 du Code civil,
DEBOUTER le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROUS) [Localité 5] ALPES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
INTERDIRE à L’UNIVERSITÉ [Localité 5] ALPES et au Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROUS) [Localité 5] ALPES tout usage de la dénomination « INTERMEZZO », à quelque titre et sur quelque support que ce soit (documents commerciaux et publicitaires, site Internet, etc.) pour une activité similaire à celle de la société IM [Adresse 4] ;
CONDAMNER le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROUS) [Localité 5] ALPES à verser à la SAS IM [Adresse 4] la somme de 20 000 € au titre de la contrefaçon de marque verbale française n° 3900340 ;
CONDAMNER solidairement L’UNIVERSITÉ [Localité 5] ALPES et le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROUS) [Localité 5] ALPES à verser à la SAS IM [Adresse 4] la somme de 30 000€ au titre du parasitisme ;
CONDAMNER solidairement L’UNIVERSITÉ [Localité 5] ALPES et le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROUS) [Localité 5] ALPES au paiement de la somme de 15 000 € à la SAS IM [Adresse 4] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
ORDONNER l’exécution provisoire.
Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 19 avril 2023, le CROUS [Localité 5] ALPES sollicite qu’il plaise
vu les anciennes dispositions des articles L. 713-3, L.714-7, alinéa 1er , et L. 716-14 du code
de la propriété intellectuelle ;
vu celles des articles 1240 et 1382 du code civil ;
vu les dispositions des articles 6, 9, 32-1, 122 à 124, 515 (ancien), 696, alinéa 1, et 700 du code de procédure civile ;
vu les dispositions de l’article 5 alinéa 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques ;
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES DE LA SOCIÉTÉ IM [Adresse 4]
À TITRE PRINCIPAL, JUGER que la société IM [Adresse 4] est en l’état irrecevable à agir, faute de prouver sa qualité de titulaire actuel de la marque « intermezzo » n°12 3 900 340 par la communication de la publication au Registre National des Marques incluant l’acte relatif à la transmission de Monsieur [G] à la société IM [Adresse 4] de ladite marque tel que publié ;
À TITRE SUBSIDIAIRE, JUGER que le CROUS [Localité 5] n’a pas commis d’actes de contrefaçon de la marque n°12 3 900 340 ;
À TITRE SUBSIDIAIRE, JUGER qu’il n’y a pas parasitisme de la part du CROUS [Localité 5] ;
DÉBOUTER la société IM [Adresse 4] de l’ensemble de ses prétentions ;
PLUS SUBSIDIAIREMENT ENCORE, JUGER qu’aucune somme ne saurait être allouée à la société IM [Adresse 4] à titre de dommages et intérêts, faute de preuve d’un quelconque préjudice, sauf à réduire cette somme à un montant quasiment symbolique ;
À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, JUGER qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire en cas de condamnation du CROUS [Localité 5] ;
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DU CROUS [Localité 5]
JUGER abusive l’action de la société IM [Adresse 4] ;
CONDAMNER la société IM [Adresse 4] au paiement d’une somme de 15.000 € au CROUS [Localité 5] à titre de dommages et intérêts forfaitaires pour abus dans l’exercice d’une voie de droit ;
SUR LE RESTE
CONDAMNER la société IM [Adresse 4] aux entiers dépens de l’instance, avec distraction au profit de Maître Frank SAUNIER, avocat associé constitué de la SELARL NS AVOCATS, sur ses offres de droit ;
CONDAMNER la société IM [Adresse 4] au paiement d’une somme de 20.000 €, à parfaire le cas échéant au cours de la procédure, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Bien que régulièrement citée, l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 24 avril 2023, le juge de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure et l’affaire a été fixée à l’audience du 7 novembre 2023. Le délibéré a été fixé au 23 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
L’article 472 du code de procédure civile dispose que, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce, l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES n’ayant pas constitué avocat , le jugement sera réputé contradictoire.
Sur la contrefaçon de la marque INTERMEZZO
Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur jusqu’au 11 décembre 2019, l’action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Toutefois le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peut agir en contrefaçon, sauf stipulation contraire du contrat si, après mise en demeure, le titulaire n’exerce pas ce droit.
De plus, en application de l’article L. 714-7 du même code, dans sa version en vigueur jusqu’au 15 décembre 2019, toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques. Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l’acquisition de ces droits.
Cette disposition doit être interprétée en ce sens que le cessionnaire n’a pas qualité à agir en contrefaçon tant que l’acte duquel il tient ses droits n’a pas été publié. A l’inverse, il est recevable à agir dès publication de la cession, et ce même pour des faits antérieurs à cette publication.
En l’espèce, la société défenderesse conteste la recevabilité de la demande au motif que l’inscription de la cession de marque dont se prévaut la société IM [Adresse 4] serait tardive.
Il résulte des pièces produites que Monsieur [G] a transmis la marque INTERMEZZO à la société IM [Adresse 4] par contrat du 25 mai 2012 (pièce n° 2B).
De plus, la société demanderesse produit la notice extraite de la base de données marques sur laquelle figure l’inscription de la transmission totale de propriété au bénéfice de la société IM [Adresse 4] sollicitée le 8 avril 2019 et publiée au BOPI 2019-20. La société défenderesse souligne, à juste titre, que les données fournies par la base de données de l’INPI ne sont communiquées qu’à titre indicatif et peuvent comporter des erreurs, de sorte qu’il peut être préférable de communiquer des copies officielles. Toutefois, l’extrait de la base de données marques, qui se trouve communiqué en l’espèce, bénéficie d’une force probante (pièce 2C), et ce d’autant plus que la partie demanderesse communique sa demande d’inscription en ligne datée du 8 avril 2019 faisant état de la transmission totale de propriété à son bénéfice (pièce 2D) et l’accusé de réception de cette demande (pièce 2E). La société défenderesse n’est donc pas fondée à quereller l’inscription de ladite cession au registre national des marques, laquelle est intervenue en avril 2019 (pièce 2C), soit antérieurement à l’assignation en justice le 8 juillet 2019.
La société IM [Adresse 4] était donc recevable à agir au jour de l’assignation.
Sur le bien-fondé de la demande
L’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, auquel se réfère la société demanderesse, disposait dans sa version ancienne applicable jusqu’au 14 décembre 2019, que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
L’article L. 713-2 du même code, dans sa version applicable à compter du 15 décembre 2019, “interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque”.
Les faits argués de contrefaçon ayant commencé en 2018 pour ne jamais cesser, ces deux textes s’appliquent de manière distributive, étant précisé que leur substance ne varie pas fondamentalement.
S’agissant de la comparaison des produits et services
En l’espèce, la marque INTERMEZZO n° 12 3 900 340 se trouve déposée en classe 3 pour les “services de restauration (alimentation)”.
Le signe L’INTERMEZZO étant exploité par le CROUS pour désigner un service de restauration (pièce n° 5A), les services doivent être considérés comme identiques.
S’agissant de la comparaison des signes
La marque déposée est constituée du signe “INTERMEZZO”. Le service de restauration litigieux est exploité sous la dénomination “L’INTERMEZZO”. Les signes ne diffèrent que d’une seule lettre, différence imperceptible pour le consommateur d’attention moyenne, la lettre “L”constituant un article introduisant la dénomination centrale. Au surplus, le terme INTERMEZZO se trouve également exploité sans la lettre L (pièce n° 5B de la demanderesse).
Les signes doivent être considérés comme identiques.
S’agissant de l’usage dans la vie des affaires et de l’atteinte aux fonctions de la marque
Le CROUS fait valoir que le signe “L’INTERMEZZO” n’est pas exploité dans la vie des affaires, ce qui fait échec à la qualification de contrefaçon. Il se prévaut pour se faire de son statut d’établissement public administratif exploitant un service public de la vie étudiante.
S’il ne saurait y avoir contrefaçon en l’absence d’usage dans la vie des affaires, cette notion doit être comprise largement comme s’opposant à ce qui relève du domaine privé. Ainsi, la vie des affaires englobe les activités commerciales mais également celles qui produisent un avantage économique direct ou indirect.
En l’espèce, il ressort des pièces produites que le CROUS [Localité 5] ALPES utilise le signe “L’INTERMEZZO” pour faire la promotion d’une activité de restauration payante. La description de cette activité de restauration reprend d’ailleurs les codes de n’importe quel service de restauration, avec la proposition de quatre pôles comprenant notamment un “salad bar” et un grill (pièce n° 5A). Le signe est particulièrement mis en avant dans les opérations publicitaires, comme lors du jeu instagram “#monintermezzo” consistant à poster des photos du restaurant INTERMEZZO ou du burger dénommé le “p’tit Mezzo” pour gagner un repas gratuit (pièce n° 5A). Cette exploitation tend nécessairement à mettre en lumière l’activité de restauration proposée par le CROUS [Localité 5] ALPES, afin de susciter l’envie d’y faire escale. Le positionnement du CROUS dénote donc sa volonté compréhensible de multiplier le nombre de visiteurs, puisque les services proposés sont payants (Pour le burger : pièce n° 5A). Elle retire donc un avantage économique direct de l’exploitation qu’elle fait du signe litigieux.
De plus, il n’est pas constesté que le service de restauration litigieux aurait pu être exploité par la société demanderesse, qui est pourtant une personne privée, cette dernière ayant été présentée à l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES par la société VINCI comme le gestionnaire pressenti du service de restauration moyennant un loyer annuel estimé à 30 000 euros et sur la base d’un bilan économique prévisionnel (pièce n° 4A). Le service proposé par le CROUS est en effet équivalent à celui des opérateurs économiques privés, qu’il vient concurrencer de manière d’autant plus importante qu’il est en mesure de proposer des tarifs attractifs dans l’enceinte même de l’université.
Par ailleurs, l’atteinte à la fonction de garantie d’origine de la marque est constituée, dès lors que le CROUS identifie auprès de sa clientèle les services de restauration qu’elle propose en faisant usage du signe litigieux. Ce signe se trouve d’ailleurs associé sur le moteur de recherche GOOGLE tant aux services de restauration proposés par le CROUS qu’à ceux de la demanderesse (pièce n° 5B). A ce titre, il convient de rappeler que la marque bénéficie d’une protection nationale et qu’il ne saurait être tiré argument de ce qu’un restaurant italien, tel que celui exploité par la demanderesse, n’aurait aucun lien avec une cantine universitaire ou encore que les parties en litige s’adresseraient à des clientèles différentes au sein de localités distinctes. L’atteinte à la fonction essentielle de la marque est donc caractérisée.
Ces éléments permettent de considérer que le CROUS [Localité 5] ALPES fait un usage du signe L’INTERMEZZO dans la vie des affaires. La contrefaçon de la marque INTERMEZZO n° 12 3 900 340 par le CROUS [Localité 5] ALPES est donc établie.
Toutefois, aucune pièce produite ne permet de considérer que l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES aurait fait un usage de ce signe. La société IM [Adresse 4] sera donc déboutée de sa demande en contrefaçon de marque en ce qu’elle se trouve dirigée contre l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES.
S’agissant des demandes d’interdiction
Compte tenu de la contrefaçon, il convient d’interdire au CROUS [Localité 5] ALPES tout usage de la dénomination “L’INTERMEZZO” ou “INTERMEZZO”, à quelque titre et sur quelque support que ce soit tels que des documents commerciaux et publicitaires, site internet, pour une activité de restauration.
S’agissant des demandes de réparation
En application de l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, anciennement L. 716-14 “pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée”.
En l’espèce, la société demanderesse ne distingue aucun poste de préjudice, de sorte qu’il y a lieu de considérer qu’elle sollicite une indemnisation forfaitaire de son préjudice.
La société demanderesse ne s’explique pas sur le montant des dommages et intérêts sollicités à hauteur de 20 000 euros. Toutefois, la contrefaçon de marque porte nécessairement atteinte au droit exclusif de son propriétaire et engendre une dilution du pouvoir distinctif de la marque. De plus, la durée de la contrefaçon doit être prise en compte, alors que le restaurant l’INTERMEZZO a ouvert ses portes le 10 janvier 2018 et qu’il n’est ni soutenu ni démontré que l’exploitation du signe litigieux aurait cessé. La contrefaçon dure donc depuis presque six ans.
En l’état de ces éléments, le CROUS [Localité 5] ALPES sera condamné à verser à la société IM [Adresse 4] la somme forfaitaire de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la contrefaçon de marque.
Sur le parasitisme
L’article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Le parasitisme, qui constitue une émanation de la concurrence déloyale, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, comportement dont la qualification peut résulter d’un faisceau d’indices appréhendés dans leur globalité et indépendante de la création d’un risque de confusion. Il s’infère nécessairement de la faute de concurrence déloyale retenue un préjudice, fût-il seulement moral. Toutefois, cette présomption de préjudice ne dispense pas le demandeur d’en démontrer l’étendue.
En présence d’une condamnation en contrefaçon, la demande en concurrence déloyale formée par la personne au bénéfice de laquelle une telle condamnation a été prononcée ne peut être accueillie qu’à la condition de s’appuyer sur des faits distincts de ceux qualifiés de contrefaisants.
En l’espèce, la société IM [Adresse 4] fait valoir que la reprise de son projet sans son consentement et sans contrepartie financière constitue un acte parasitaire.
Dans ses conclusions, elle reproduit le concept qu’elle avait présenté dans les termes suivants :
“Au-delà d’une offre spécifiquement axée vers les acteurs internes du site, l’objectif est d’apporter une prestation de restauration au sens large, tournée vers l’ensemble du campus universitaire voir au-delà si possible. Ceci afin de recruter un maximum de clientèle interne et externe au site et ainsi de participer au rayonnement du projet.
Il est donc impératif de réussir le “pari” d’une offre à la fois originale, haut de gamme, rentable, en adéquation avec la qualité architecturale et fonctionnelle des bâtiments, qui réponde aux attentes de tous, et enfin qui fédère un maximum d’utilisateurs potentiels.
Le concept INTERMEZZO répond pleinement à ce cahier des charges :
* une offre très complète et plébiscitée,
* un concept souple, modulable, et évolutif” (pièce n° 4G de la demanderesse).
L’énoncé de ce concept sans aucune autre démonstration, essentiellement fondé sur des adjectifs généraux pouvant renvoyer à une multitude de réalités, ne permet pas d’identifier une proposition précise qui aurait été reprise par le CROUS [Localité 5] ALPES. Il est en tout état de cause exclu de considérer qu’il serait parasitaire de proposer à sa clientèle une offre originale, haut de gamme, rentable ou encore plébiscitée, ces objectifs étant assez classiques dans la restauration.
Au contraire, si l’on se fie à la communication du CROUS, le restaurant qu’il exploite est organisé autour de quatre pôles – Salad bar, grill, pâtes et pizza et plats du jour – (pièce 5A) que l’on ne retrouve pas sous cette forme dans la proposition soumise par la société demanderesse via la société VINCI (pièce 4G).
La demanderesse souligne également que le nom et la marque INTERMEZZO étaient mentionnés dans le rapport remis à l’UNIVERSITE DE [Localité 5] et au CROUS, de telle sorte qu’ils ne pouvaient en ignorer l’existence. Toutefois, la connaissance de cette exploitation antérieure par la demanderesse ne saurait caractériser à elle seule un acte de parasitisme.
En conséquence, la société IM [Adresse 4] sera déboutée de son action en concurrence déloyale fondée sur le parasitisme.
Sur la demande reconventionnelle présentée au titre de la procédure abusive
Une demande en justice constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant ouvrir droit à réparation par l’allocation de dommages et intérêts que s’il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice, ou erreur équivalente au dol.
En l’espèce, aucun élément ne permettant de retenir que l’exercice par la société IM [Adresse 4] de son droit fondamental d’agir en justice ait dégénéré en abus, ce d’autant qu’elle obtient partiellement gain de cause. La demande de ce chef doit donc être rejetée.
Sur les demandes accessoires
La société CROUS [Localité 5] ALPES, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Le CROUS [Localité 5] ALPES sera également condamnée à payer à la société IM [Adresse 4] la somme totale de 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire. Il convient de l’ordonner.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
Déclare la société IM [Adresse 4] recevable en ses demandes ;
Dit qu’en faisant usage des signes “L’INTERMEZZO” et “INTERMEZZO” pour un service de restauration, le CROUS [Localité 5] ALPES a contrefait la marque INTERMEZZO n° 12 3 900 340 ;
Condamne en conséquence le CROUS [Localité 5] ALPES à verser à la société IM [Adresse 4] la somme totale de 9 000€ en indemnisation de la contrefaçon de marque ;
Déboute la société IM [Adresse 4] de sa demande dirigée contre l’UNIVERSITE DE [Localité 5] ALPES ;
Déboute la société IM [Adresse 4] de sa demande en concurrence déloyale fondée sur le parasitisme ;
Déboute le CROUS [Localité 5] ALPES de sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive ;
Condamne le CROUS [Localité 5] ALPES à verser à la société IM [Adresse 4] la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le CROUS [Localité 5] ALPES aux dépens ;
Rejette le surplus des demandes.
En foi de quoi le Présient et le greffier ont signé la présente décision.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Patricia BRUNONMarc-Emmanuel GOUNOT