1. Attention à bien respecter les dispositions de l’article L. 1242-6 du code du travail, qui prohibe le recours au travail temporaire ou au contrat à durée déterminée pour remplacer des salariés en grève. Toute violation de cette règle peut entraîner des sanctions et compromettre la légitimité de vos actions en cas de conflit social.
2. Il est recommandé de s’assurer que toutes les déclarations préalables de détachement des salariés étrangers soient effectuées conformément à l’article L. 1262-2-1 du code du travail. Un retard ou une omission dans ces déclarations peut être interprété comme une tentative de travail dissimulé, ce qui pourrait avoir des conséquences juridiques graves. 3. À partir de l’article L. 1114-3 du code des transports, veillez à ce que les informations issues des déclarations individuelles des salariés grévistes soient utilisées uniquement pour l’organisation de l’activité durant la grève et pour informer les passagers. Toute autre utilisation de ces informations est passible de sanctions pénales et peut constituer une atteinte illicite au droit de grève. |
→ Résumé de l’affaireRésumé des faits de l’affaire
Parties en présence : Contexte : Procédure initiale : Appel : Réponse de Volotea : Procédure d’appel : Conclusion : |
→ Les points essentielsLes articles du code de procédure civile invoquésAux termes des articles 834 et 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peuvent ordonner en référé des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d’une contestation sérieuse. Les revendications du syndicat appelantLe syndicat appelant demande l’infirmation de l’ordonnance de référé, arguant que la société VOLOTEA a porté atteinte au droit de grève en utilisant des déclarations individuelles d’intention de grève pour remplacer les grévistes par des non-grévistes, en recourant à des salariés d’autres pays de l’Union européenne sans déclarations préalables, et en recrutant des salariés en contrat à durée déterminée saisonnier pour remplacer les grévistes. La défense de la société VOLOTEALa société VOLOTEA soutient qu’aucun changement de planning n’a été effectué avant le début de la grève et que les remplacements ont été faits en fonction de l’absence effective des salariés grévistes. Elle affirme que les salariés de substitution étaient soit des salariés français embauchés avant la grève, soit des salariés étrangers régulièrement détachés, et que la grève n’est plus suivie, rendant les demandes du syndicat sans objet. Le cadre légal du remplacement des grévistesLe code du travail interdit le recours au travail temporaire ou au contrat à durée déterminée pour remplacer des salariés en grève. Cependant, l’employeur peut organiser l’entreprise pour assurer la continuité de son activité, y compris en réaffectant des salariés non-grévistes. Utilisation des déclarations individuelles de grèveLes déclarations individuelles de grève, selon l’article L1114-3 du code des transports, ne peuvent être utilisées que pour l’organisation de l’activité durant la grève et sont couvertes par le secret professionnel. Le syndicat n’a pas pu prouver que VOLOTEA a utilisé ces déclarations à d’autres fins avant le début effectif du mouvement de grève. Recours à des salariés détachés sans déclaration préalableLe syndicat a affirmé que VOLOTEA a utilisé des salariés détachés sans déclarations préalables pour remplacer les grévistes. Cependant, les retards dans les déclarations de détachement ont été attribués à des oublis dus à la période des congés et n’ont pas été prouvés comme étant liés à une atteinte au droit de grève. Recrutement de salariés saisonniersLe syndicat a également soutenu que VOLOTEA a recruté des salariés en contrat à durée déterminée saisonnier pour remplacer les grévistes. Toutefois, les dates d’embauche de ces salariés étaient antérieures à l’annonce de la grève, excluant la possibilité qu’ils aient été recrutés spécifiquement pour remplacer les grévistes. Conclusion de la décisionLes pièces versées par le syndicat n’ont pas permis d’établir que VOLOTEA a violé les prescriptions légales concernant l’emploi de travailleurs détachés ou de salariés en contrat à durée déterminée pour remplacer les grévistes, ni l’utilisation des déclarations individuelles à des fins autres que l’information des usagers. L’ordonnance de référé a donc été confirmée, et le syndicat a été débouté de ses demandes. Les montants alloués dans cette affaire:
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→ Réglementation applicable– Article 834 du Code de procédure civile :
« `markdown Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. « ` – Article 835 du Code de procédure civile : Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. – Article L. 1242-6 du Code du travail : – Article L. 1114-3 du Code des transports : Le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation à la grève afin que celui-ci puisse l’affecter. Cette information n’est pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève. Le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l’affecter. Cette information n’est pas requise lorsque la reprise du service est consécutive à la fin de la grève. Par dérogation au dernier alinéa du présent article, les informations issues de ces déclarations individuelles peuvent être utilisées pour l’application de l’article L. 1114-4. Sont considérés comme salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols les salariés des exploitants d’aérodrome et des entreprises, établissements ou parties d’établissement mentionnés à l’article L. 1114-1 qui occupent un emploi de personnel navigant ou qui assurent personnellement l’une des opérations d’assistance en escale mentionnée au même article L. 1114-1, de maintenance en ligne des aéronefs, de sûreté aéroportuaire, de secours et de lutte contre l’incendie ou de lutte contre le péril animalier. Les informations issues des déclarations individuelles des salariés ne peuvent être utilisées que pour l’organisation de l’activité durant la grève en vue d’en informer les passagers. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. – Article L. 1262-2-1 du Code du travail : |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/03066
ARRÊT N°04
N° RG 22/03066 –
N° Portalis DBVL-V-B7G-SX6K
SYNDICAT NATIONAL DU PERSONNEL NAVIGANT COMMERCIAL
C/
Société SL VOLOTEA
Confirmation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Juillet 2022
devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET et Madame Gaëlle DEJOIE, magistrats tenant l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
Le SYNDICAT NATIONAL DU PERSONNEL NAVIGANT COMMERCIAL pris en la personne de son Secrétaire en exercice et ayant son siège :
[Adresse 4]
[Localité 2]
Ayant Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et représentée par Me Sarah DJABRI substituant à l’audience Me Fiodor RILOV, Avocats plaidants du Barreau de PARIS
INTIMÉE :
La Société de droit étranger SL VOLOTEA prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 3]
[Adresse 1] (ESPAGNE)
Ayant Me Lionel AGOSSOU de la SELARL CANOPEE AVOCATS, Avocat au Barreau de TOULOUSE, pour postulant et représentée à l’audience par Me Thomas FERNANDEZ-BONI, Avocat plaidant du Barreau de TOULOUSE
La société VOLOTEA est une compagnie aérienne espagnole basée dans quatre pays dont la France où elle compte sept sites de base ([Localité 9], [Localité 5], [Localité 11], [Localité 8], [Localité 7] [Localité 10], [Localité 6]).
Le 6 avril 2022, le Syndicat National du Personnel Navigant Commercial a avisé la société VOLOTEA d’un appel à la grève sur la période du 15 au 30 avril 2022. Le mouvement de grève a débuté le 16 avril 2022 à 00h00.
Sur autorisation d’assigner en référé d’heure à heure délivrée par ordonnance du 20 avril 2022, le SNPNC a fait assigner la société VOLOTEA en dénonçant un remplacement illicite de salariés grévistes par des salariés non-grévistes comme étant constitutif d’une atteinte au droit de grève et a sollicité la cessation de ce trouble manifestement illicite.
L’audience s’est tenue le 21 avril 2022 et les parties ont été autorisées à adresser des notes en délibéré.
La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par le SNPNC le 13 mai 2022 contre l’ordonnance de référé du 5 mai 2022 par laquelle le président du tribunal judiciaire de Nantes a :
‘ Dit n’y avoir lieu à référé,
‘ Condamné le syndicat national du personnel navigant commercial aux dépens,
‘Condamné le syndicat à payer à la société VOLOTEA une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’avis de fixation au visa des articles 904-1, 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile, fixant la clôture au 6 juillet 2022 et l’audience de plaidoiries au 7 juillet 2022,
Vu le report de l’ordonnance de clôture au 7 juillet 2022,
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 6 juillet 2022, suivant lesquelles le syndicat national du personnel navigant commercial demande à la cour de :
‘ Infirmer l’ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
‘ Condamner la société VOLOTEA du fait qu’elle a :
– Utilisé les déclarations d’intention de grève pour remplacer par anticipation les salariés grévistes par des non-grévistes afin de reconstituer les équipages des vols dont elle savait qu’ils étaient affectés par le mouvement,
– Eu recours à des salariés venus d’un autre pays de l’Union européenne afin de remplacer les grévistes sans effectuer les déclarations préalables au détachement exigées par la loi,
– Recruté des salariés dans le cadre d’un contrat à durée déterminée saisonnier dans le seul but de remplacer les grévistes,
‘ Condamner la société VOLOTEA à cesser de substituer aux salariés grévistes des salariés non-grévistes en utilisant les informations contenues dans les déclarations d’intention de grève des salariés grévistes ou en recourant sans déclaration préalable au détachement des salariés non-grévistes employés par la société dans un autre pays de l’union européenne ou encore en recourant à des salariés recrutés par CDD, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée,
‘ Condamner la société VOLOTEA à verser, à titre de provision, la somme de 20.000 € au syndicat SNPNC pour atteinte au droit de grève,
‘ Condamner la société VOLOTEA à verser la somme de 3.000 € au syndicat SNPNC au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 juin 2022, suivant lesquelles la société VOLOTEA demande à la cour de :
‘ Confirmer, dans sa totalité, l’ordonnance de référé entreprise,
‘ Débouter le syndicat national du personnel navigant commercial de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile’:
Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Aux termes de l’article 835 du même code :
Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le syndicat appelant sollicite l’infirmation de l’ordonnance de référé sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile en faisant valoir l’existence d’atteintes injustifiées portées au droit de grève d’abord par l’utilisation des déclarations individuelles d’intention de grève pour remplacer par anticipation les salariés grévistes par des non-grévistes en reconstituant les équipages, ensuite par le recours pour le remplacement des grévistes à des salariés venus d’un autre pays de l’Union européenne sans effectuer les déclarations préalables au détachement exigées par la loi, enfin par le recrutement de salariés dans le cadre d’un contrat à durée déterminée saisonnier dans le seul but de remplacer les grévistes. Il y a donc lieu, dans ces circonstances d’enjoindre à la société de faire cesser ce trouble manifestement illicite, lequel perdure tant que le mouvement de grève est en cours.
La société VOLOTEA soutient qu’aucun changement de roster (planning) ne s’est fait pendant le délai de 48 heures et que c’est uniquement en considération de l’absence effective de chaque salarié après début de la grève qu’elle a procédé à l’affectation de salariés non grévistes, ce qui n’est nullement interdit ; que les salariés de substitution sont soit des salariés français, embauchés avant la grève (en contrats à durée déterminée conclus avant même l’information de la grève et dont la formation a eu lieu en mars), soit des salariés étrangers régulièrement détachés ; que la grève n’est plus suivie de sorte qu’il ‘y a plus de remplacement nécessaire et plus de trouble à faire cesser, même hypothétique, les demandes de l’appelant étant devenues sans objet.
Il est établi que le code du travail prohibe le recours au travail temporaire ou au contrat à durée déterminée pour remplacer des salariés en grève et priver le mouvement de toute efficacité (article L. 1242-6 du code du travail).
Mais, sous cette réserve, il n’est pas interdit à l’employeur en cas de grève d’organiser l’entreprise pour assurer la continuité de son activité, cette attribution relevant du pouvoir de direction. Il est également admis qu’un salarié précédemment recruté en contrat à durée déterminée pour remplacer un salarié en congé maladie soit ensuite affecté au poste d’un salarié gréviste.
Il revient au syndicat appelant de démontrer concrètement les atteintes par l’employeur au droit de grève par l’utilisation de données individuelles contrairement aux limites posées par la loi, et il ne saurait se déduire du seul remplacement d’un salarié gréviste la conclusion que l’employeur, qui n’est pas privé de toute initiative, aurait nécessairement détourné les déclarations individuelles des salariés non grévistes de leur finalité.
* Quant à l’atteinte au droit de grève par l’utilisation des déclarations individuelles
Aux termes de l’article L1114-3 du code des transports (en vigueur depuis le 21 mars 2012):
En cas de grève et pendant toute la durée du mouvement, les salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d’entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer.
Le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation à la grève afin que celui-ci puisse l’affecter. Cette information n’est pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève.
Le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l’affecter. Cette information n’est pas requise lorsque la reprise du service est consécutive à la fin de la grève.
Par dérogation au dernier alinéa du présent article, les informations issues de ces déclarations individuelles peuvent être utilisées pour l’application de l’article L. 1114-4.
Sont considérés comme salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols les salariés des exploitants d’aérodrome et des entreprises, établissements ou parties d’établissement mentionnés à l’article L. 1114-1 qui occupent un emploi de personnel navigant ou qui assurent personnellement l’une des opérations d’assistance en escale mentionnée au même article L. 1114-1, de maintenance en ligne des aéronefs, de sûreté aéroportuaire, de secours et de lutte contre l’incendie ou de lutte contre le péril animalier.
Les informations issues des déclarations individuelles des salariés ne peuvent être utilisées que pour l’organisation de l’activité durant la grève en vue d’en informer les passagers. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.
L’article L. 1114-7 du code des transports impose par ailleurs aux entreprises et établissements entrant dans le champ d’application de la loi d’informer gratuitement les passagers du service qui sera assuré en cas de perturbation, c’est-à-dire, de refus d’embarquement, de retard ou d’annulation liés à une grève et cela au plus tard 24 heures avant le début de la perturbation ; que ce faisant il permet de garantir aux voyageurs aériens un service pendant la perturbation, sans pour autant imposer un service minimum dans le cadre du transport aérien.
Le conseil constitutionnel a, dans sa décision du 15 mars 2012, pour retenir que l’article 2 de la loi était conforme à la Constitution, rappelé qu’en imposant aux salariés d’informer leur employeur de leur intention de participer à un mouvement de grève, le législateur avait entendu mettre en place un dispositif permettant l’information des entreprises de transport aérien ainsi que de leurs passagers afin, notamment, d’assurer le bon ordre et la sécurité des personnes dans les aérodromes et par suite la préservation de l’ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle.
Il est établi que ces dispositions interdisent sous peine de sanction pénale l’utilisation des déclarations individuelles des salariés à une fin étrangère à la seule information des passagers.
Si la société ne pouvait dans ces conditions, sauf à porter atteinte illicite à l’exercice du droit de grève, utiliser les déclarations préalables individuelles avant le début du mouvement, en l’occurrence avant le 16 avril 2022, rien ne lui interdisait d’organiser le service en fonction du nombre de salariés effectivement grévistes sur un jour ou une période déterminée, aucune disposition de la loi n’interdisant à un transporteur aérien de réaffecter les salariés non-grévistes sur les destinations qu’il détermine.
Le SNPNC produit au soutien de sa demande notamment ses pièces n°1 (déclarations individuelles de plusieurs salariés) et n° 2 qu’il intitule «’Affectation salariés étrangers non-grévistes sur des vols affectés par des salariés’», documents sur lesquels il n’est pas permis d’une part de déterminer la date à laquelle la nouvelle constitution des équipages aurait été organisée, de sorte qu’il n’en ressort nullement la preuve que la société employeur aurait pour ce faire utilisé les informations résultant des déclarations individuelles avant le début effectif du mouvement au lieu de seulement se baser sur la réalité des effectifs présents après le début du mouvement, alors même d’autre part que plusieurs des salariés «’remplacés’» sur les vols en question n’apparaissent nulle part comme s’étant déclaré grévistes (pièce n°2). Ainsi la circonstance que les salariés affectés en remplacement seraient arrivés le 14 ou le 15 avril sur la base de départ de chaque vol n’est pas probante.
Les pièces n°8 à 26 du syndicat (dossiers individuels de plusieurs salariés déclarés comme grévistes) qui ne précisent pas non plus les conditions dans lesquelles les équipages ont été reformés et qui font apparaître des remplacements de salariés non grévistes ne permettent pas davantage de rapporter la preuve du caractère illégal de leur remplacement.
La pièce n°27 produite par le syndicat qu’elle intitule «’Imprimé écran site web et Twitter Volotea attestant que les vols ne seront pas impactés par la grève’», qui fait figurer l’information le 14 avril 2022 «’avis de grève en France : nous prévoyons d’opérer avec normalité’» ne rapporte nullement la preuve de l’absence de perturbation effective consécutive à la grève ni surtout de l’utilisation par la société des informations ressortant des déclarations individuelles pour la reconstitution des équipages.
C’est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré que les pièces versées par le SNPNC n’étaient pas de nature à établir que les prescriptions légales ont été violées, de sorte que n’est pas caractérisée l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il conviendrait de faire cesser.
* Quant à l’atteinte au droit de grève par le recours à des salariés détachés sans déclaration préalable
Le SNPNC soutient que les dernières pièces produites par VOLOTEA (Pièces n°18 à 22 et 29 adverses en première instance) démontrent la mauvaise foi de la société et son choix délibéré de contrecarrer la grève de ses salariés en recourant au travail dissimulé, les salariés détachés depuis un autre pays de l’union européenne pour remplacer les grévistes n’ayant pas fait l’objet de déclarations « préalables » au détachement puisque huit des salariés n’ont été l’objet de déclarations faites auprès de l’inspection du travail postérieurement à leur prise de fonction sur les postes en remplacement.
La société VOLOTEA fait valoir pour confirmation que le retard de la déclaration du détachement ne concerne que quatre salariés espagnols ou italiens vers la France et que ces oublis, dus à la période des congés (vacances de Pâques), ont immédiatement été corrigés par la société’; que cette erreur n’a strictement aucun lien avec une prétendue atteinte au droit de grève des salariés grévistes’; que par ailleurs ces retards démontrent parfaitement que la société n’a aucunement profité des informations issues des déclarations individuelles préalables des salariés grévistes pour organiser à l’avance leur remplacement, auquel cas aucun retard n’aurait précisément été à relever.
L’article L.1262-2-1 du code du travail dispose notamment que :
I.- L’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article L. 1262-1 et à l’article L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation.
Le SNPNC fait valoir que pour les huit salariés dont les déclarations « préalables » au détachement ont été faites auprès de l’inspection du travail française postérieurement à la prise de fonction de ces personnels sur les postes en remplacement de salariés grévistes la violation de l’article L.1262-2-1 du code du travail est donc patente. Il désigne d’abord les salariés suivants:
– [G] [M], détachée du 17/04/2022 au 19/04/2022 avec une déclaration faite uniquement le 17/04/2022. Mais force est de constater qu’au regard de ces dates il n’est à constater aucun retard dans la déclaration. Il est en est de même pour [Z] [NI], détaché du 14/04/2022 au 11/05/2022, avec une déclaration le 14/04/2022, pour [HL] [LJ] [F], détaché du 14/04/2022 au 11/05/2022, avec une déclaration le 14/04/2022 et pour [T] [S], détaché du 17/04/2022 au 11/05/2022, avec une déclaration le 17/04/2022, soit des déclarations effectuées le jour de leur détachement, de sorte qu’aucune infraction n’est établie.
Le syndicat désigne également les salariés suivants :
– [YG] [N] [C] : détachée du 16/04/2022 au 11/05/2022, avec une déclaration effectuée seulement le 25/04/2022, mais dont le nom n’apparaît sur aucune des pièces produites comme ayant remplacé un ou plusieurs salariés grévistes,
– [G] [FM], détachée du 13/04/2022 au 11/05/2022, avec une déclaration tardive effectuée le 17/04/2022 mais qui apparaît (pièce n°15 du syndicat) sur des documents dont il a déjà été dit qu’ils ne permettent pas de déterminer la date de modification du roster, sur le vol 2260 du 16 avril parmi 6 personnes dont deux seulement étaient initialement prévues alors qu’un seul des personnels initiaux n’est déclaré gréviste, de sorte que rien ne permet d’établir que son affectation soit contraire aux dispositions précitées ; de même la présence de cette salariée sur un vol 2164 du 17 avril ayant donné lieu à trois modifications dont une seule concernant un salarié déclaré gréviste n’est pas davantage probante ;
– [E] [UF], détaché du 15/04/2022 au 18/04/2022, avec une déclaration le 19/04/2022, mais que la pièce n°2 du syndicat fait apparaître sur un vol 2434 du 17 avril comprenant deux changements dont un concerne un salarié non gréviste et alors qu’il est déjà intervenu la veille 16 avril sur le vol 2442 pour un seul des trois changements dont un seul d’une salariée gréviste ; que ces éléments ne permettent pas de démontrer son affectation en remplacement d’un gréviste ;
– [R] [P], détaché du 15/04/2022 au 19/04/2022 , avec une déclaration le 19/04/2022, mais dont la pièce n°2 précitée montre qu’il n’est pas intervenu en remplacement du salarié gréviste (M. [Y]) sur le vol 2828 du 16 avril puisque son nom apparaissait déjà aux cotés de celui de ce salarié gréviste sur le planning d’origine, de sorte qu’il n’a manifestement pas été détaché pour cela et que le retard dans la déclaration préalable le concernant est sans rapport avec une atteinte au droit de grève ; de même la participation de ce salarié détaché à un vol du 18 avril n°2122 en remplacement d’une salariée gréviste ([K] [AJ]) alors qu’il avait déjà été détaché pour un autre motif, alors encore que les pièces produites (n°19) ne permettent pas de déterminer la date de modification du roster, n’est pas de nature à démontrer l’infraction alléguée.
Il n’est dans ces conditions pas démontré que la société VOLOTEA ait eu recours à l’emploi irrégulier de travailleurs détachés pour assurer illégalement le remplacement de salariés grévistes, de sorte que la SNPNC ne démontre pas là non plus l’existence d’un trouble manifestement illicite.
* Sur le recrutement de salariés saisonniers pour remplacer des salariés grévistes
Le SNPNC soutient pour information que les pièces produites par la société VOLOTEA montrent également qu’elle a recruté plusieurs salariés en contrat à durée déterminée saisonniers dans le but de remplacer le personnel en grève.
La société VOLOTEA rétorque pour confirmation que sur les 8 contrats à durée déterminée visés par le SNPNC six ont conclus avant même l’information de la société d’un appel à la grève par le Syndicat le 6 avril 2022 et tous ont été conclus avec un terme au 31 août 2022, fin de la période estivale haute, démontrant parfaitement que les salariés n’ont pas été recrutés en vue de remplacer des salariés pour une grève annoncée du 15 au 30 avril 2022 mais bien en raison de la saison des vacances estivales’; que de telles embauches exigent un recrutement long et que les salariés ayant pris leur poste de travail au cours du mois d’avril 2022 ont débuté leur formation au mois de mars 2022, avant tout préavis de grève.
Le SNPNC soulève la situation de huit salariés en faisant référence aux pièces 31 de la société’qu’elle désigne ainsi (page 13 de ses écritures) :
‘ [U] [JK], en CDD saisonnier du 1/04/2022 au 31/08/2022 (signé le 1/04/2022),
‘ [J] [YJ] [A] : CDD Saisonnier 1/04/2022 au 31/08/2022 (signé le 1/04/2022),
‘ [V] [B] : CDD Saisonnier 05/04/2022 au 31/08/2022 (signé le 5/04/2022),
‘ [H] [NL] : CDD saisonnier du 5/04/2022 au 31/08/2022 (signé le 5/04/2022),
‘ [L] [SJ] : CDD saisonnier du 1/04/2022 au 31/08/2022 (signé le 1/04/2022),
‘ [D] [DN] : CDD saisonnier du 1/04/2022 au 31/08/2022 (signé le 1/04/2022).
Mais force est de constater concernant ces six salariés que les dates d’embauche, antérieures à l’annonce même par le syndicat (le 6 avril 2022) à la société employeur du mouvement de grève envisagé du 15 au 30 avril, excluent toute possibilité que ces personnels aient été recrutés par la société précisément pour procéder au remplacement de salariés grévistes, la société démontrant au demeurant pour deux d’entre eux (J. [JK] et J. [NL]) que leur embauche avait débuté dès le mois de mars (pièce n°40 de la société).
Le SNPNC soulève également la situation de [W] [I] dont le contrat à durée déterminée saisonnier se serait déroulé du 13/04/2022 au 31/08/2022 (contrat signé le 13/04/2022)’; mais force est de constater que cette salariée n’apparaît sur aucune des pièces produites (Pièces n°2, 8 à 26 du syndicat) comme susceptible d’avoir été affectée sur un ou plusieurs vols en remplacement de l’un ou l’autre des grévistes répertoriés, de sorte que rien ne démontre dans son emploi une atteinte de la part de la société au droit de grève dans les conditions susvisées.
Le SNPNC fait enfin référence à l’embauche de [X] [O] en contrat à durée déterminée saisonnier 08/04/2022 au 31/08/2022 (contrat signé le 8/04/2022); mais les pièces versées aux débats ne montrent son affectation que sur un vol 2482 du 20 avril 2022 prétendument en remplacement d’un salarié gréviste alors que le roster du vol (dont la date de modification n’est encore une fois pas précisée) a connu deux autres modifications dont l’une concerne un salarié non gréviste et alors que Mme [O] n’a pu simultanément remplacer et M. [PH] et Mme [PK] (pièces n°18 et 26).
Les pièces versées par le SNPNC ne sont donc pas de nature à établir que les prescriptions légales ont été violées, ni par l’emploi irrégulier de travailleurs détachés ou de salariés embauchés en contrat à durée déterminée pour le remplacement de salariés grévistes, ni par l’utilisation des données des déclarations individuelles de ces derniers à une autre fin que celle relative à l’information des usagers.
Par suite, l’ordonnance de référé doit être confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé, les conditions n’en étant pas réunies et a débouté par voie de conséquence le Syndicat National du Personnel Navigant Commercial de ses demandes en référé s’agissant d’une part de celles relatives à la cessation d’un trouble manifestement illicite dont il est n’est pas justifié, s’agissant d’autre part de l’indemnisation à titre provisionnel d’un préjudice résultant de l’atteinte au droit de grève dont l’existence est sérieusement contestable.
L’appelant qui succombe en appel doit être débouté de la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE le Syndicat National du Personnel Navigant Commercial de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le Syndicat National du Personnel Navigant Commercial aux dépens d’appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.