Le contrat de volontariat de solidarité internationale est difficilement requalifiable en contrat de travail.
Ni l’indemnité versée par une association bénéficiaire, ni la fourniture d’un travail ne doit entrer en ligne de compte comme critère du contrat de travail, puisqu’elles sont définies par la loi comme des composantes du contrat de mission internationale exclusive de tout contrat de travail.
La somme perçue mensuellement ne fait que la dégrever de ses frais le volontaire pour lui permettre de mener une ‘vie décente’ et le travail qu’il fournit s’inscrit, selon les termes mêmes de l’accord, dans une démarche bénévole de participation à une mission de solidarité internationale. Ces seuls éléments suffisent à écarter le contrat de travail.
L’appelante demande à la cour de dire que l’effet dévolutif de l’appel joue sur les chefs de jugement critiqués, tandis que les intimées soutiennent que l’appelante a acquiescé à la décision en ne critiquant pas un chef de jugement spécifique. L’affaire a été fixée à l’audience du 31 octobre 2023. Les parties ont également formulé des demandes subsidiaires et de condamnation.
Il appartient à la salariée qui revendique la requalification du contrat de volontariat en contrat de travail, de prouver que sa relation de travail s’analyse non pas selon la dénomination que lui donne le contrat tripartite, mais comme un contrat de travail.
Il résulte des articles L. 1221 – 1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En cas de désaccord entre le volontaire et l’association, la seule issue permise résulte de l’article II de l’accord de volontariat qui précise que les origines de cessation valable de l’engagement pouvaient être la force majeure ou le non-respect des dispositions de l’accord et donc en particulier le non-respect par le volontaire de ses engagements.
Sur l’effet dévolutif de l’appel
Les associations contestent l’effet dévolutif de l’appel en raison d’une omission dans la déclaration d’appel. Cependant, la jurisprudence permet une régularisation de cette omission dans un délai de trois mois. L’effet dévolutif de l’appel ne s’opère que si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Sur l’existence du contrat de travail
Mme [N] [H] revendique l’existence d’un contrat de travail, tandis que les associations soutiennent qu’il s’agit d’un contrat de volontariat excluant tout lien de subordination. La loi du 23 février 2005 encadre le contrat de volontariat de solidarité internationale, excluant les règles du code du travail. Il appartient à la salariée de prouver l’existence d’un lien de subordination, ce qui n’est pas le cas ici. Le conseil des prud’hommes était incompétent et les demandes des parties sont rejetées.
– Aucune somme spécifique allouée à chaque partie n’est mentionnée.
– Mme [N] [H] est condamnée aux dépens.
– Rejet des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile (pas de somme allouée).
Réglementation applicable
Aux termes de l’article 1er de la loi du 23 février 2005 relative au contrat de volontariat de solidarité internationale :
‘Toute association de droit français agréée dans les conditions prévues à l’article 9 ayant pour objet des actions de solidarité internationale, peut conclure un contrat de volontariat de solidarité internationale avec une personne majeure.
‘Ce contrat est un contrat écrit qui organise une collaboration désintéressée entre l’association et le volontaire. Il ne relève pas, sauf dispositions contraires prévues par la présente loi, des règles du code du travail. Il est conclu pour une durée limitée dans le temps. Ce contrat exclusif de l’exercice de toute activité professionnelle a pour objet l’accomplissement d’une mission d’intérêt général à l’étranger dans les domaines de la coopération au développement et de l’action humanitaire.
‘Ce contrat constitue un service civique effectué à l’étranger et obéissant aux règles spécifiques de la présente loi’.
Plus précisément aux termes des articles L. 120-3 et L. 120-7 du code du service national, le contrat de service civique organise une collaboration exclusive de tout lien de subordination entre l’un des organismes et l’une des personnes morales agréées et la personne volontaire.
Aux termes de l’article 4 de la loi précitée du 23 février 2005 : ‘Une indemnité est versée au volontaire. Elle lui permet d’accomplir sa mission dans des conditions de vie décente. Cette indemnité n’a pas le caractère d’un salaire ou d’une rémunération. Elle n’est soumise en France, ni à l’impôt sur le revenu, ni aux cotisations et contributions sociales’.
Il résulte des articles L. 1221 – 1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Flore GATEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1046
– Me Dominique DELANOE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0192
Mots clefs associés
– Effet dévolutif de l’appel
– Déclaration d’appel
– Formule du dispositif
– Incompétence de la juridiction
– Dévolution des chefs de jugement
– Réformation du jugement
– Vice de forme
– Indivisibilité du litige
– Contrat de travail
– Contrat de volontariat international
– Subordination
– Rémunération
– Indemnité
– Mission d’intérêt général
– Service civique
– Cessation de l’engagement
– Pouvoir hiérarchique
– Sanctions disciplinaires
– Rétrogradation
– Avertissement
– Lien de subordination
– Conseil des prud’hommes
– Irrecevabilité des demandes
– Frais irrépétibles
– Dépens
– Effet dévolutif de l’appel : Transfert de la compétence pour juger une affaire de la juridiction de première instance à la juridiction d’appel, permettant un nouvel examen du litige dans son intégralité ou partiellement selon les limites fixées par les parties.
– Déclaration d’appel : Acte par lequel une partie mécontente du jugement rendu en première instance manifeste sa volonté de faire rejuger l’affaire par une juridiction supérieure.
– Formule du dispositif : Partie finale d’une décision de justice qui énonce les décisions tranchées par le juge concernant les demandes des parties.
– Incompétence de la juridiction : Situation où une juridiction se déclare non qualifiée pour juger un litige en raison de la nature de l’affaire ou de la répartition géographique des compétences.
– Dévolution des chefs de jugement : Principe selon lequel l’appel remet en cause uniquement les points du jugement expressément contestés par les parties.
– Réformation du jugement : Modification par la cour d’appel d’un jugement rendu par une juridiction inférieure.
– Vice de forme : Irrégularité dans les modalités de procédure qui peut entraîner l’annulation d’un acte juridique.
– Indivisibilité du litige : Caractéristique d’un litige qui ne peut être scindé en plusieurs parties indépendantes pour être jugé.
– Contrat de travail : Accord entre un employeur et un employé où ce dernier s’engage à travailler sous la direction et contre rémunération de l’employeur.
– Contrat de volontariat international : Contrat par lequel une personne s’engage à effectuer une mission à l’étranger pour le compte d’une organisation sans lien de subordination juridique.
– Subordination : Lien juridique entre un employeur et un employé, caractérisé par le pouvoir de donner des ordres et de contrôler leur exécution.
– Rémunération : Contrepartie financière versée par un employeur à un employé en échange de son travail.
– Indemnité : Somme d’argent versée pour compenser un préjudice ou en contrepartie d’une prestation.
– Mission d’intérêt général : Activité réalisée dans l’intérêt de la collectivité, souvent encadrée par des dispositions légales spécifiques.
– Service civique : Engagement volontaire au service de l’intérêt général ouvert aux jeunes, permettant de réaliser des missions d’intérêt général.
– Cessation de l’engagement : Fin d’un contrat ou d’un engagement, qu’il soit volontaire ou imposé par les circonstances.
– Pouvoir hiérarchique : Autorité exercée par une personne ou une institution sur ses subordonnés dans une structure organisée.
– Sanctions disciplinaires : Mesures prises par un employeur ou une institution contre un individu en raison de manquements à des règles ou obligations.
– Rétrogradation : Sanction disciplinaire consistant à abaisser le grade ou la position d’un employé.
– Avertissement : Sanction légère consistant en une réprimande formelle adressée à un employé pour un comportement répréhensible.
– Lien de subordination : Relation de dépendance d’un employé vis-à-vis de son employeur, caractérisée par le pouvoir de commandement, de contrôle et de sanction.
– Conseil des prud’hommes : Juridiction spécialisée chargée de résoudre les litiges entre employeurs et employés dans le domaine du droit du travail.
– Irrecevabilité des demandes : Rejet d’une demande en justice pour des raisons de non-respect des formes ou des délais légaux.
– Frais irrépétibles : Frais engagés par une partie dans un procès et qui ne sont pas susceptibles d’être récupérés même en cas de victoire.
– Dépens : Frais de procédure que la partie perdante est condamnée à payer à la partie gagnante, incluant les frais de justice et certains honoraires.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 13 MARS 2024
(n° /2024, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05078 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ4T
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/10419
APPELANTE
Madame [N] [H]
Chez [L] [H],
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Flore GATEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1046
INTIMEES
Association PASSERELLES NUMERIQUES – PN
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Dominique DELANOE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0192
Association GUILDE EUROPEENNE DU RAID
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Dominique DELANOE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0192
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre
Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère
Mme Florence MARQUES, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Rappel des faits, procédure et prétentions des parties
Mme [N] [H], née en 1983, s’est engagée auprès des associations Passerelles numériques – PN et la Guilde Européenne du Raid, par un accord de volontariat international tripartite à durée déterminée en date du 15 septembre 2016, prenant effet à compter du 4 novembre 2016, en qualité de ‘Education and selection manager’.
La Guilde Européenne du Raid est une organisation non gouvernementale reconnue d’utilité publique agréée par le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Elle a la possibilité d’envoyer des volontaires en mission dans le cadre du statut légal de volontariat et de solidarité internationale.
L’engagement de Mme [N] [H] avait pour objet l’expatriation de Mme [H] auprès d’un partenaire de l’association Passerelles numériques – PN, au Vietnam. Cette association a pour mission de permettre à des jeunes gens défavorisés d’accéder grâce à leur capacité et à leur volonté, à une éducation et à une formation technique et professionnelle, dans le secteur du numérique.
L’accord de volontariat tripartite a été initialement conclu pour une période de 24 mois, soit du 4 novembre 2016 au 3 novembre 2018.
Dans le cadre d’un avenant au contrat initial en date du 20 août 2018, la mission de Mme [H] a été prorogée jusqu’au 31 juillet 2019, toujours en qualité de ‘Education and selection manager’.
En dernier lieu, l’indemnisation mensuelle de subsistance de Mme [H] s’élevait à la somme de 1 100 dollars US soit 963 euros.
Par lettre datée du 26 décembre 2018, l’association Passerelles numériques – PN Vietnam a mis un terme à l’accord de volontariat de Mme [H].
A la date de la rupture de l’accord de volontariat, Mme [H] avait une ancienneté de 2 ans et 1 mois.
Mme [H] a saisi le 25 novembre 2019 le conseil de prud’hommes de Paris, aux fins de requalification de l’accord de volontariat en contrat à durée indéterminée et de condamnation solidaire des associations Passerelles numériques – PN et la Guilde Européenne du Raid à lui payer les sommes suivantes :
– 2 190,55 euros d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
– 13 143,30 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 095,27 euros d’indemnité légale de licenciement ;
– 4 381,10 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 438,11 euros d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
– 13 143,30 euros d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
– 36 134,17 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée du 4 novembre 2016 au 26 décembre 2018 ;
– 3 613,41 euros d’indemnité de congés payés afférents ;
– 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– avec remise de bulletin de paie, d’un certificat de travail, de l’attestation d’employeur destiné au Pôle Emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;
– avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
– et mise des dépens à la charge des défenderesses.
Celles-ci se sont opposées à ces prétentions et ont sollicité chacune l’allocation de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 7 avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a dit et jugé que l’accord de volontariat international de Mme [H] n’est pas un contrat de travail, déclaré la demanderesse irrecevable en ses demandes, renvoyé celle-ci à mieux se pourvoir, débouté les défenderesses de leurs demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et a condamné Mme [N] [H] aux dépens.
Par déclaration du 8 juin 2021, Mme [H] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 31 mai 2021.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 janvier 2022, l’appelante demande à la cour de dire que l’effet dévolutif de l’appel joue sur les chefs de jugement critiqués quoique la déclaration d’appel ne vise pas le renvoi de la demanderesse à mieux se pourvoir, prie la cour d’infirmer celui-ci et reprend l’intégralité de ses prétentions de première instance.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 novembre 2021, les intimées demandent à la cour de constater que le chef de jugement « Renvoie Madame [H] à mieux se pourvoir» n’a pas été critiqué dans sa déclaration d’appel, de sorte qu’il se trouve exclu du périmètre de l’effet dévolutif de l’appel et de juger qu’en conséquence l’appelante a nécessairement acquiescé à la décision et considéré que le litige ne relevait pas de sa compétence d’attribution. Subsidiairement, au fond, elle prie la cour de confirmer le jugement entrepris. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 31 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
1 : Sur l’effet dévolutif de l’appel
Les associations soulèvent l’absence d’effet dévolutif de l’appel par application combinée des articles 562 et 901 du code de procédure civile en ce que la déclaration d’appel ne vise pas dans les chefs de jugement critiqués la formule du dispositif par laquelle le conseil renvoie les parties à mieux se pourvoir, point essentiel par lequel la juridiction s’est déclarée incompétente. Elle souligne que cette omission n’a pas été régularisée dans les trois mois de la déclaration, comme le permet la jurisprudence.
Mme [N] [H] répond que les chefs de jugement ont bien été énumérés, sauf la mention relevée par les parties adverses, qui n’est qu’une conséquence inévitable des autres chefs de jugement critiqué. Aussi soutient-t-elle que l’effet dévolutif joue bien pour le tout.
Sur ce
En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.
Par ailleurs, l’obligation prévue par l’article 901 du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d’appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d’ambiguïté, encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel.
Enfin, la déclaration d’appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.
L’indivisibilité du litige nécessite l’impossibilité d’exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige.
Or il était impossible de considérer que l’accord de volontariat international était un contrat de travail et partant de considérer que la demande en paiement de diverses indemnités était recevable et de juger en même temps que l’on devait renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
Si le conseil a également déclaré les demandes en paiement d’indemnité irrecevables, ce ne peut être que par l’effet d’une confusion entre les notions d’irrecevabilité et d’incompétence.
Par suite, l’appel est total.
Sur l’existence du contrat de travail
Mme [N] [H] soutient que le contrat de volontariat international s’analyse comme un contrat de travail, dés lors qu’elle était soumise à une fiche de poste stricte et à des directives précises, que ses fonctions étaient modifiées, qu’elle était réprimandée, qu’elle était contrôlée par un système de notation avec objectifs, qu’elle était soumise à des entretiens d’évaluation, que ses congés et son emploi du temps devaient être validés par un accord exprès, qu’elle était intégrée dans organisation hiérarchisée, exerçant un pouvoir de sanction avec rétrogradation et avertissement.
Les associations contestent l’existence d’un contrat de travail, soutenant que l’accord de volontariat liant les parties n’étant que celui prévu par la loi du 23 février 2005, exclusif de tout lien de subordination et que c’est dans ce cadre juridique que la supérieure hiérarchique de Mme [N] [H] a procédé à une mise au point qui n’est pas disciplinaire, que l’association lui versait une simple indemnité, l’a affectée en fonction des besoins de l’entité, puis a rompu le contrat en raison du comportement inacceptable de l’intéressée.
Sur ce
Aux termes de l’article 1er de la loi du 23 février 2005 relative au contrat de volontariat de solidarité internationale :
‘Toute association de droit français agréée dans les conditions prévues à l’article 9 ayant pour objet des actions de solidarité internationale, peut conclure un contrat de volontariat de solidarité internationale avec une personne majeure.
‘Ce contrat est un contrat écrit qui organise une collaboration désintéressée entre l’association et le volontaire. Il ne relève pas, sauf dispositions contraires prévues par la présente loi, des règles du code du travail. Il est conclu pour une durée limitée dans le temps. Ce contrat exclusif de l’exercice de toute activité professionnelle a pour objet l’accomplissement d’une mission d’intérêt général à l’étranger dans les domaines de la coopération au développement et de l’action humanitaire.
‘Ce contrat constitue un service civique effectué à l’étranger et obéissant aux règles spécifiques de la présente loi’.
Plus précisément aux termes des articles L. 120-3 et L. 120-7 du code du service national, le contrat de service civique organise une collaboration exclusive de tout lien de subordination entre l’un des organismes et l’une des personnes morales agréées et la personne volontaire.
Aux termes de l’article 4 de la loi précitée du 23 février 2005 : ‘Une indemnité est versée au volontaire. Elle lui permet d’accomplir sa mission dans des conditions de vie décente. Cette indemnité n’a pas le caractère d’un salaire ou d’une rémunération. Elle n’est soumise en France, ni à l’impôt sur le revenu, ni aux cotisations et contributions sociales’.
Il appartient à la salariée qui revendique la requalification du contrat de volontariat en contrat de travail, de prouver que sa relation de travail s’analyse non pas selon la dénomination que lui donne le contrat tripartite, mais comme un contrat de travail.
Il résulte des articles L. 1221 – 1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il a été vu que, ni l’indemnité versée par l’association bénéficiaire, ni la fourniture d’un travail ne doit entrer en ligne de compte comme critère du contrat de travail, puisqu’elles sont définies par la loi comme des composantes du contrat de mission internationale exclusive de tout contrat de travail. La somme perçue mensuellement ne fait que la dégrever de ses frais le volontaire pour lui permettre de mener une ‘vie décente’ et le travail qu’il fournit s’inscrit, selon les termes mêmes de l’accord, dans une démarche bénévole de participation à une mission de solidarité internationale.
Ces seuls éléments suffiraient à écarter le contrat de travail.
En cas de désaccord entre le volontaire et l’association, la seule issue permise résulte de l’article II de l’accord de volontariat qui précise que les origines de cessation valable de l’engagement pouvaient être la force majeure ou le non-respect des dispositions de l’accord et donc en particulier le non-respect par le volontaire de ses engagements.
Dés lors que Mme [N] [H] s’était engagée à accomplir un certain nombre de tâches nécessaires à l’activité de l’association, elle s’engageait aussi à s’intégrer dans l’organisation de l’entreprise et à en suivre les principes de fonctionnement, sans pour autant avoir l’encadrement d’un pouvoir hiérarchique et notamment sanctionnateur avec des ordres et des directives contraignantes.
Ainsi, les négociations sur les dates de congés ou le rappel de l’importance de la présence de Mme [N] [H] à des heures données, les courriels, fiches de poste et fixations d’objectifs et bilan de son activité, fût-ce par l’intermédiaire d’un imprimé évoquant la qualité de salariée de l’intéressée, ne sauraient suffire à caractériser un pouvoir hiérarchique, en ce qu’il ne s’agit que de la mise en oeuvre de ses engagements.
Les courriels versés aux débats ne reflètent pas l’exercice d’un pouvoir hiérarchique avec menaces de sanctions notamment.
Il n’apparaît pas que l’association ait demandé à l’intéressée de démissionner, mais lui a simplement demandé de confirmer officiellement sa volonté de démissionner.
C’est dans ce même esprit que doit être considérée la modification de la tâche de la salariée qui après avoir été chargée de l’éducation et de la sélection des étudiants, a été limitée à celle de l’éducation, en raison, selon l’association, de l’attribution de la charge qui lui était enlevée à une autre personne, mieux à même d’entrer en contact avec écoles locales et les ONG tout en allégeant la tâche trop lourde de la volontaire.
L’intéressée ne peut faire état d’une rétrogradation disciplinaire, puisque d’une part elle n’était pas titulaire d’un poste comme une salariée et d’autre part il n’apparaît pas que cette modification ait eu une connotation disciplinaire.
Le document intitulé ‘avertissement’ par Mme [N] [H] s’analyse comme une menace de rupture de l’accord de la part d’une partie qui n’est pas satisfaite de la collaboration d’une autre partie en raison de son attitude négative avec les salariés de l’association et son manque de contrôle d’elle-même. Elle se situe dans la logique contractuelle, qui rend nécessaire lorsqu’une partie envisage de mettre fin à un accord, qu’elle mette en demeure l’autre partie de respecter ses engagements avant de dénoncer celui-ci.
Ainsi, le lien de subordination n’est pas établi, ni le contrat de travail et le conseil des prud’hommes était bien incompétent.
En revanche, c’est par erreur qu’il a retenu l’irrecevabilité des demandes, puisqu’il n’avait pas à se prononcer sur celles-ci.
Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes formées par les différentes parties au titre des frais irrépétibles.
Mme [N] [H] qui succombe sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement sauf sur l’irrecevabilité ;
DIT que l’appel est total ;
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité des demandes de Mme [N] [H] ;
REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [N] [H] aux dépens.
Le greffier Le président de chambre