7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°
N° RG 22/04065 – N° Portalis DBVL-V-B7G-S4VU
Mme [V] [F]
C/
S.A.R.L. CTC DISTRIBUTIONS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 31 Octobre 2022
En présence de Monsieur [W], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANTE :
Madame [V] [F]
née le 10 Mars 1964 à [Localité 6] ([Localité 3])
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Dominique LE GUILLOU-RODRIGUES de la SELARL SELARL LE GUILLOU RODRIGUES, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER substituée par Me GERVOIS, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.R.L. CTC DISTRIBUTIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Arnaud MOQUIN de l’AARPI OXYNOMIA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Exposé du litige
EXPOSÉ DU LITIGE
La Sarl CTC Distributions exerce une activité de présentation et de vente directe à domicile de produits de scrapbooking, au cours d’ateliers réunissant des consommateurs.
Depuis 2004, Mme [V] [F], qui avait demandé le 3 novembre 2003 un agrément d’animateur ‘[X]'(produits distribués) participait au réseau de vente à domicile des services et produits de scrapbooking commercialisés par la société Ctc Distributions selon un contrat de mandat de vendeur à domicile indépendant (VDI).
Les relations entre les parties étaient régies par un ‘contrat d’animateur VDI’ conclu en application des articles L. 135-1 et suivants du code de commerce relatifs aux vendeurs à domicile indépendants, renouvelé annuellement.
Mme [F] était chargée de représenter la société Ctc Distributions auprès d’une clientèle de particuliers, en vue de la présentation et de la vente de ses produits et services.
Mme [F] n’a pas renouvelé le contrat de vendeur à domicile pour l’année 2020 et par courrier en date du 25 mars 2020 elle a, par l’intermédiaire de son conseil, dénoncé les conditions de son exercice professionnel, considérant être unie à la société Ctc Distributions par un contrat de travail.
***
Sollicitant la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Quimper par requête en date du 22 mars 2021 afin de voir :
– Reconnaître l’existence d’une relation de travail l’unissant à la société Ctc Distributions pour la période de novembre 2003 à avril 2020 ;
– Dire et juger que le conseil de prud’hommes de Quimper est compétent ;
– Condamner la société Ctc Distributions à lui payer les sommes suivantes :
Au titre de la requalification de la collaboration en contrat de travail de droit commun
– 55 964,88 euros brut de rappel de salaire pour la période des 3 dernières années de contrat ;
– 5 596,48 euros brut au titre des congés payes afférents ;
– 9 327,48 euros net d’indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L8823-1 du code du travail ;
– 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral occasionné du fait de l’exécution déloyale et fautive de la relation de travail par la société Ctc Distributions ;
Au titre de la rupture abusive du contrat
– 3 109,16 euros brut au titre du préavis
– 310,91 euros brut au titre des conges payes y afférents
– 1 554,58 euros de dommages-intérêts au titre de l’irrégularité de procédure ;
– 10 000 euros net pour rupture abusive ;
– 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;
– Dire que les sommes à caractère non salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir;
– Condamner la Sarl Ctc Distributions à lui remettre l’ensemble des bulletins de salaire pour la période du mois de novembre 2003 à avril 2020 ;
– un certificat de travail
– une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans les 15 jours de la notification du jugement ;
– Dire que le conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte ;
– Condamner la Sarl Ctc Distributions aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d’exécution forcée de la décision à intervenir;
– Condamner la même aux entiers dépens de l’instance.
La SARL Ctc Distributions a demandé au conseil de :
In limine litis
– Se déclarer incompétent matériellement pour connaître des demandes de Madame [V] [F] au profit du tribunal de commerce de Lille,
Si le conseil par extraordinaire s’estimait compétent pour connaître du présent litige, vu l’article 78 du code de procédure civile,
– Renvoyer à une audience ultérieure sur le fond afin de permettre à Ctc Distributions, sous réserve d’un recours sur la compétence, de présenter ses explications au fond,
En tout état de cause
– Condamner Madame [V] [F] à payer à la société Ctc Distributions la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement en date du 13 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Quimper a statué ainsi qu’il suit:
– Constate qu’il n’existe pas de lien de subordination juridique entre les parties, qu’aucun contrat de travail ne lie juridiquement les parties ;
– Déclare le conseil de prud’hommes de céans matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille pour connaître du litige qui lui est soumis et dit qu’à défaut de recours, le dossier sera transmis à cette juridiction ;
– Réserve les dépens.
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Mme [F] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 29 juin 2022.
Moyens
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Mme [F] critique le jugement entrepris en ce qu’il a considéré, par une motivation lapidaire, que la preuve du lien de subordination n’était pas suffisamment justifiée, et en ce que, par une mauvaise appréciation des faits de l’espèce, il a estimé qu’elle ne rapportait pas suffisamment la preuve de sa qualité de salariée, alors qu’elle apporte, selon elle, tous les éléments caractérisant le lien de subordination et l’existence d’une relation de travail salariée.
Elle fait valoir au soutien de l’infirmation du jugement entrepris :
-que Mme [B], vendeuse qui travaillait dans les mêmes conditions qu’elle, a bénéficié d’un accord transactionnel avec la société, ce qui démontre le bien fondé de sa propre action,
-qu’elle ne gérait pas librement l’organisation de son travail et ne déterminait pas seule son niveau d’activités et ses objectifs,
-que sa fonction principale était de dispenser des cours de loisirs créatifs (scrapbooking), programmés à l’année avec un planning établi, vendus comme des prestations et qui ne sont pas à proprement parler de la vente de produits ou de services à domicile, mais sont néanmoins présentés comme un article classique ce qui permet à la société de détourner le statut de VDI, la vente de matériel [X], qui est purement accessoire, se faisant en fonction des besoins du cours et des clientes et non au cours de réunions de démonstration du matériel,
-que les prix des cours sont imposés avec une obligation de chiffre d’affaires et qu’à défaut le contrat peut être rompu,
-qu’il y a une condition d’atteinte de chiffre d’affaires pour donner des cours techniques et de ‘table de conseil’ (cours durant lequel la conseillère conseille ses élèves sur leurs projets en cours),
-que la ‘charte des cours et table de conseil’résume exactement la situation de subordination et le rôle des team manager et team leader, sous la subordination desquels elle était placée, l’organisation mise en oeuvre étant basée sur un organigramme hiérarchique bien établi,
-qu’en dehors de l’activité de dispense de cours, il est également demandé à ce que la formatrice participe au recrutement des animatrices,
-qu’elle était contrainte de participer aux salons de loisirs créatifs ou autres manfestations, ce qui ne peut se faire sous contrat de VDI, et qu’en cas d’absence elle ne pouvait plus avoir accès aux derniers articles sortis,
-qu’elle était contrainte à des objectifs puisque le PRP(plan de rémunération et de progression) est rempli de contraintes liées au chiffre d’affaires et que si le compte est à 0 pendant 3 mois et que le 4 ème mois n’équilibre pas les 3 premiers, le contrat peut être rompu,
-que c’est la société, non la collaboratrice, qui gère intégralement la comptabilité, établit les factures, adresse chaque année aux services fiscaux la somme à déclarer, et impose le système de cotisations forfaitaires, écartant volontairement le calcul de droit commun selon la rémunération réelle,
-qu’elle faisait l’objet de menaces manageriales systématiques, et que les contrats sont rompus dès que l’animatrice émet un désaccord sur un point.
La société Ctc Distributions réplique que fin 2019, Mme [F], malgré des relances en raison du risque de blocage de son compte en cas d’atteinte de la date limite, n’a jamais répondu, ni contacté la société pour lui indiquer qu’elle entendait arrêter de représenter Ctc Distribution et les offres Ctc, mais a fait adresser en mars 2020 par son conseil un courrier par lequel elle prétendait voir requalifier le contrat de VDI en contrat de travail, démarche particulièrement malhonnête dans la mesure où elle avait, en réalité, rejoint une autre structure, en l’espèce Art’Istes créations, entreprise concurrente animée par Mme [B], ancienne salariée de Ctc.
Elle fait valoir que Mme [F] reprend, pour l’essentiel, les arguments et pièces qu’elle avait fait valoir devant le conseil de prud’hommes qui a écarté à bon droit sa compétence, faute d’un quelconque lien de subordination, dont la preuve incombe à l’appelante laquelle, procédant par voie d’affirmations et considérations générales sans éléments concrets qui la concerneraient personnellement, se révèle d’une totale carence dans cette démonstration, et à laquelle elle réplique :
-que la transaction [B] qu’elle invoque est dénuée de toute pertinence et incidence sur le litige,
-que le prétendu service organisé n’est pas démontré et est en tout état de cause insuffisant pour caractériser un contrat de travail,
-qu’il n’existe aucune planification à l’avance des cours,
-qu’elle fait une présentation erronée de la nature de son activité en prétendant que son activité principale serait de dispenser des cours de loisirs créatifs programmés, alors que l’objet même du contrat de mandat vise tant la vente des produits commercialisés par Ctc que la vente des services, à savoir les cours de scrapbooking que l’animatrice est amenée à réaliser suivant les techniques Ctc,
-qu’en soutenant que les prix des prestations seraient imposés et qu’il en résulterait la preuve d’une subordination, l’appelante méconnait totalement le principe du mandat, qui est le pouvoir de représenter le mandant pour conclure en son nom un contrat, en appliquant non ses conditions commerciales mais celles du mandant,
-qu’il n’existe aucun objectif à atteindre mais un seuil minimum d’activité permettant de caractériser que le contrat continue à être exécuté,
-que ses affirmations sur sa participation au recrutement d’autres animatrices sont sans portée et en totale contradiction avec les dispositions de l’article L135-2 du code de commerce,
-que pour démultiplier ses créations la société propose aux meilleures animatrices sur le plan technique de participer à l’équipe créative, mais que cette pratique, basée sur le volontariat, consiste pour l’essentiel à adresser, sur les thématiques qui ont été retenues, 2 ou 3 modèles d’ouvrages créés par les animatrices de l’équipe de création, qui pourront ainsi servir de référence dans les catalogues et la revue de scrapbooking diffusée par Ctc,
-qu’il n’y avait aucune obligation de participer à des salons de loisirs créatifs,
-qu’il n’existait aucune obligation de suivre des consignes en ce qui concerne les cours, en dehors du rappel des règles du contrat et de la durée du cours, l’animatrice étant libre de ses invitations et de l’organisation de son activité,
-que s’il y a des entretiens entre les animatrices tête de réseau et les animatrices composant leur groupe, il s’agit uniquement d’échanges d’informations et d’aide, sans lien hiérarchique,
-que la charte des cours et tables de conseils n’est qu’un guide de mise en oeuvre des cours et de la prestation fournie pour que celle-ci soit conforme à ce qui a été vendu au client consommateur,
-que son affirmation d’un contrôle effectué sur son activité est dépourvu de fondement,
-que celle selon laquelle elle serait placée sous la responsabilité hiérarchique d’une team manager et d’une team leader est erronée, les différentes qualifications dans le plan de rémunération ne conférant aucun pouvoir hiérarchique,
-qu’il est faux d’affirmer que la facturation soit faite par la société, qui ne procède qu’à une mesure de simplification dite d’auto facturation pour éviter que l’animatrice doive établir chaque mois, sur la base du relevé qui lui est communiqué, une facture,
-que les vendeurs à domicile bénéficient d’un régime particulier de calcul en application d’un arrêté du 31 mai 2001,
-qu’aucune méthode de travail n’est imposée,
-que la pièce 27 qu’elle produit se rapporte aux conditions dans lesquelles une animatrice [X] peut obtenir, gratuitement, des catalogues, et un rappel à une règle de bon sens contournée par certaines animatrices.
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Mme [F] est inscrite au fichier SIRENE en qualité d’entrepreneur individuel depuis 2004.
Elle est donc, conformément à l’article L8221-6 du code du travail, présumée non salariée, sauf à établir qu’elle fournissait, directement ou par une personne interposée, des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui la plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Le lien de subordination est caractérisé par l’accomplissement d’un travail sous les ordres et directives de l’employeur qui a le pouvoir d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements. Le travail au sein d’un service organisé peut être un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. La qualification du contrat dépend non de celle donnée par les parties dans leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité.
Mme [F] a signé un contrat de vendeur à domicile, renouvelé chaque année de 2004 à 2019.
Aux termes de l’article L135-1 du code de commerce, ‘le vendeur à domicile indépendant est celui qui effectue la vente de produits ou de services dans les conditions prévues par la section 3 du chapitre 1 er du titre II du livre 1 er du code de la consommation, à l’exclusion du démarchage par téléphone ou par tout moyen technique assimilable, dans le cadre d’une convention écrite de mandataire, de commissionnaire, de revendeur ou de courtier, le liant à l’entreprise qui lui confie la vente de ses produits ou services.’
Aux termes de l’article L135 du même code, ‘le contrat peut prévoir que le vendeur assure des prestations de service visant au dévelopement et à l’animation du réseau de vendeurs à domicile indépendants, si celles-ci sont de nature à favoriser la vente de produits ou de services de l’entreprise, réalisée dans les conditions mentionnées à l’article L135-1. Le contrat précise la nature de ces prestations, en définit les conditions d’exercice et les modalités de la rémunération.
Pour l’exercice de ces prestations, le vendeur ne peut en aucun cas exercer une activité d’employeur, ni être en relation contractuelle avec les vendeurs à domicile indépendants qu’il anime.
Aucune rémunération, à quelque titre que ce soit, ne peut être versée par un vendeur à domicile indépendant à un autre vendeur à domicile indépendant, et aucun achat ne peut être effectué par un vendeur à domicile indépendant auprès d’un autre vendeur à domicile indépendant.’
La transaction conclue entre la société Ctc Distributions et Mme [B], en considération d’éléments propres à la situation de cette dernière, ne concerne en aucune façon Mme [F].
Contrairement à ce que soutient Mme [F], sa fonction principale, aux termes de son contrat de VDI mandataire de la société Ctc et selon ce qu’il appert des documents qu’elle verse aux débats relatifs à l’exécution de celui-ci, n’était pas de dispenser des cours de scrapbooking mais de vendre des produits de scrapbooking de l’entreprise Ctc et des prestations de conseil pour l’utilisation de ces produits, sous forme de cours de scrapbooking, ce qui est conforme à ce que prévoit l’article L135 du code de commerce ; il en est de même pour les participations au recrutement d’autres animatrices, ayant pour objet de favoriser le développement des produits et services de l’entreprise Ctc Distributions, l’appelante ne soutenant pas que ces prestations aient été réalisées dans des conditions qui ne seraient pas conformes au second alinea du même article ; aucune commande de ses clients ne se fait directement sur site sans passer par son compte VDI.
La vendeuse à domicile exerçant son activité de vente en qualité de mandataire, il est normal que les prix auxquels le mandant vend ses articles et prestations à ses clients soient fixés par lui-même et que la facturation soit faite à la clientèle par l’entreprise de vente, le fait que les relevés de vente effectuées par l’animatrice de vente soient adressés à celle-ci et tiennent lieu de facturation des commissions étant, comme le fait valoir l’intimée, une simple mesure de simplification, comme le permet la circulaire DSS/FSS/5B n°2001-286 du 22 juin 2001 relative à la situation des personnes assurant la vente de produits et services à domicile à l’égard de la législation sociale. Le système retenu contractuellement entre les parties est conforme au régime de cotisations sociales particulier applicable aux vendeurs à domicile(article L311-3 20° du code de la sécurité sociale) et à l’arrêté du 31 mai 2001y afférent, l’éventuel désaccord que pourrait exprimer Mme [F] et sa préférence pour un calcul des cotisations selon le droit commun n’étant qu’une discussion entre co contractants et non un élément révélateur d’une subordination indicative d’une relation de salariat.
La pièce 59 de Mme [F] démontre à la fois qu’elle n’était pas obligée de participer aux salons(‘j’y participerai car je m’y suis engagée mais sachez que c’est la dernière fois dans ces conditions’), que ses ateliers n’étaient pas fixés selon un programme pré établi et qu’elle les fixait elle-même(‘ sachant que notre engagement entraîne des frais (…) sans compter que j’aurais pu mettre en place à ces dates, des ateliers plus rémunérateurs que ce que vous nous payez’)
Mme [F] organisait son activité librement, sous la seule réserve de respecter le contenu du service vendu aux clients par la société (en termes de durée du cours et de schéma de présentation). La variation de ses revenus déclarés révélée par sa pièce 16 (22 209 euros en 2010, 16 660 euros en 2015, 13 652 euros en 2016, 10 201 euros en 2019, 9900 euros en 2018) illustre le fait qu’elle déterminait elle-même son volume d’activité et ses objectifs, et s’il est contractuellement prévu qu’un chiffre d’affaires minimum est convenu pour maintenir la relation contractuelle, il s’agit d’un chiffre très faible de 350 euros par trimestre, qui ne saurait constituer un objectif de développement de l’activité, mais uniquement le signe du maintien en activité du VDI, dont un certain nombre se livre à ce type d’activité pour une durée limitée ou à titre de complément de revenus, il en est de même du signal donné relatif au compte à zero pendant 3 mois. Les objectifs fixés pour donner des cours techniques et de ‘tables de conseil’ne concernent que les vendeuses intéressées pour se qualifier pour ce type de prestations et sont relatifs aux exigences de qualité nécessaires pour y prétendre, en vue de délivrer aux clients une prestation conforme aux attentes. La participation aux équipes créatives est basée sur le volontariat.
Le rôle des team manager et team leader est un rôle d’animation et d’organisation, de soutien aux vendeurs de leur équipe, mais Mme [F] n’établit pas qu’ils aient un rôle hiérarchique ou que les entretiens qu’ils peuvent mener aient une incidence sur la relation contractuelle pour le VDI.
Mme [F] ne démontre pas l’existence de ‘menaces manageriales’, ses pièces étant afférentes seulement au contrôle normal, exercé sur l’activité par le mandant, qui a également la faculté de rompre le contrat, comme le mandataire, avec un délai de prévenance d’un mois. La règle d’envoi de catalogues gratuits uniquement en cas de commandes groupées ne saurait s’analyser en une sanction.
Mme [F] n’établit en conséquence pas qu’elle exerçait son activité de vendeuse indépendante à domicile dans un lien de subordination par rapport à la société Ctc Distributions, dont elle ne rapporte pas la preuve que celle-ci avait le pouvoir de lui donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les éventuels manquements.
Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas de contrat de travail entre Mme [F] et la société Ctc Distributions.
Toutefois, Mme [F] ne forme que des demandes subséquentes à la reconnaissance d’un contrat de travail, et aucune demande qui relève de la compétence du tribunal de commerce, devant laquelle elle ne forme aucune demande de renvoi. La société Ctc Distributions, qui demande le renvoi devant le tribunal de commerce de Lille, conformément à la clause de compétence figurant au contrat entre les parties ne justifie pas, à l’appui de cette demande, que Mme [F] relève effectivement de la juridiction consulaire.
Il convient en conséquence de débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes et d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille.
La société Ctc ne caractérise pas en quoi l’action de Mme [F] a dégénéré en abus du droit d’ester en justice et elle doit par conséquent être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties ses frais irrépétibles de première instance et d’appel. Mme [F], partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel et il convient d’en autoriser le recouvrement dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’aucun contrat de travail ne lie Mme [F] et la Sarl Ctc Distributions,
L’infirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute Mme [V] [F] de l’ensemble de ses demandes,
Déboute La Sarl Ctc Distributions de ses demandes contraires et de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Condamne Mme [V] [F] aux dépens de première instance et d’appel et autorise leur recouvrement dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Conseiller
pour le Président empeché