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Jurisprudence sur le Contrat de Sauvegarde informatique
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
8e chambre
ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2020
APPELANT :
M. Z X
[…]
[…]
Représenté par Me Raphaël PEUCHOT de la SELARL FOURMANN & PEUCHOT, avocat au barreau de LYON, toque : 1786
INTIMÉE :
S.A.S. D E SERVICE dont le nom commercial est G
[…]
[…]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine CONNELLY et Laure GONTIER de la SCP BERNARD-HERTZ-BEJOT, avocats au barreau de PARIS
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Date de clôture de l’instruction : 02 Septembre 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Septembre 2020
Date de mise à disposition : 10 Novembre 2020
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
— Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président
— Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
— B C, vice-président placé près le premier président de la cour d’appel de LYON, délégué par ordonnance du 31 août 2020 pour exercer les fonctions de conseiller de la cour d’appel de Lyon, affecté à la 8e chambre civile
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, B C a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Le 27 avril 2007, Z X a fondé la société D E Service dont le nom commercial est G pour exploiter un service de conciergerie d’entreprise dont il était président et directeur commercial jusqu’à la révocation de ses fonctions par l’assemblée générale des actionnaires du 14 octobre 2009.
Z X disposait d’une ligne téléphonique portable souscrite préalablement à la création de la société G et dont l’abonnement a été pris en charge par cette dernière à compter de sa création.
La société G a décidé de la suppression de cette ligne téléphonique mobile utilisée par Monsieur X pour l’exercice de ses fonctions professionnelles ainsi que son accès à sa messagerie professionnelle. Le 4 décembre 2019, Z X a restitué à la société G son téléphone et son ordinateur portable.
Selon procès verbal dressé les 14 et 20 novembre 2019, Maître Y, huissier de justice, mandaté unilatéralement par la société G a constaté avoir effacé des supports informatiques de la société, les données personnelles de Z X, et lui avoir remis une clef USB contenant ces données.
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Sauvegarde informatique et effacement de données personnelles
Par acte d’huissier du 22 novembre 2019, Monsieur X a fait délivrer assignation en référé à la société D E Service, (G) devant le Président du Tribunal de commerce de Lyon en vue de voir :
Sur la restitution de son numéro de téléphone mobile :
• constater qu’il était titulaire du numéro de téléphone mobile 06.61.82.99.63 dès avant l’immatriculation de la société G,
• constater qu’il n’a pas fait apport ni cédé son numéro de téléphone mobile à la société G,
• dire et juger en conséquence que le numéro de téléphone mobile 06.61.82.99.63 lui appartient,
• interdire à la société G l’utilisation dudit numéro de téléphone mobile,
• ordonner à la société G de lui restituer la pleine et entière jouissance ainsi que l’entière disposition dudit numéro de téléphone mobile,
• dire que cette dernière obligation sera assortie d’une astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la date de signification de l’ordonnance à intervenir,
• se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte.
Sur la restitution de ses messages et fichiers personnels :
• dire et juger nul et non avenu le constat d’huissier établi en violation des règles légales aux fins de collecte, de tri, de sauvegarde, puis de suppression des messages, fichiers et de ses données personnelles,
• ordonner à la société G de procéder à son contradictoire, au tri des messages électroniques, des fichiers et des données stockés sur le réseau informatique de l’entreprise et appartenant à ce dernier,
• dire que cette obligation sera assortie d’une astreinte de 1 000 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de quinze jours calendaires courant à compter de la date de signification de l’ordonnance à intervenir,
• à l’issue du tri contradictoire, ordonner à la société G de lui remettre sans délai sur un support et sous un format numérique exploitable, l’ensemble des données ainsi identifiées comme étant la propriété de ce dernier,
• dire qu’il en sera référé au Juge des référés en cas de difficulté,
• de réserver le pouvoir de liquider l’astreinte.
La société G s’est opposée à l’ensemble des demandes, la ligne téléphonique est devenue sa propriété puis celle de TDS support. Elle a donné toutes les garanties au demandeur. L’huissier de justice a respecté les normes de la CNIL. Elle a sollicité la restitution de son IPAD et l’indemnisation des frais d’huissier outre des frais irrépétibles et les dépens.
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Par ordonnance du 14 janvier 2020, le Tribunal de commerce de Lyon a :
• rejeté la demande de Monsieur X d’interdire à la société G l’utilisation du numéro de téléphone mobile professionnel,
• désigné le Président de la chambre départementale des huissiers de justice ou tout autre huissier de justice désigné par lui aux fins de procéder dans les locaux de l’huissier, les parties dûment convoquées, au tri des messages, données et fichiers de la messagerie professionnelle de Monsieur X, ceux à caractère personnel, et à remettre à ce dernier sur un support ou sur un format numérique exploitable l’ensemble des données ainsi identifiées comme étant la propriété de Monsieur X,
• condamné Monsieur X à restituer à la société G l’IPAD actuellement entre ses mains, sous astreinte de 100 euros par jour à compter du huitième jour suivant la signification de la présente décision,
• condamné Monsieur X à payer à la société G la somme de 2 851,41 euros au titre des frais d’huissier engagés pour la restitution du matériel et de la voiture de fonction,
• rejeté le surplus des demandes de la société G à titre reconventionnel,
• dit qu’il n’y a pas lieu à condamnation en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
• dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.
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Selon déclaration d’appel par voie électronique enregistrée au greffe de la Cour le 5 février 2020 sous le n°20/00667, Z X a interjeté appel de cette ordonnance sauf en ce qu’elle l’a condamné à restituer à la société G l’IPAD actuellement entre ses mains, sous astreinte de 100 euros par jour à compter du huitième jour suivant la signification de l’ordonnance.
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Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 28 août 2020, Z X demande à la Cour d’appel, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, de l’article 9 du Code civil, des articles L.32-3 et L.44 du Code des postes et communications électroniques, de l’article 226-15 du Code pénal, et de l’article 873 du code de procédure civile,
Sur la restitution du numéro de téléphone mobile :
• réformer l’ordonnance en ce qu’elle a refusé d’interdire à la société G l’utilisation du numéro de téléphone mobile personnel de Z X à savoir le 06.61.82.99.63,
• déclarer recevables ses demandes dirigées contre la société G,
• interdire à la société G l’utilisation dudit numéro de téléphone mobile,
• ordonner à la société G de lui restituer la pleine et entière jouissance ainsi que l’entière disposition dudit numéro de téléphone mobile,
En tant que de besoin,
• ordonner à la société G d’obtenir de sa filiale, la société TDS SUPPORT, de lui restituer la pleine et entière jouissance ainsi que l’entière disposition dudit numéro de téléphone mobile,
• prononcer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir pour la bonne exécution de cette décision,
Sur la restitution des messages et fichiers informatiques personnels :
• réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné la désignation d’un huissier de justice aux fins de tri,
• dire et juger nul et non avenu le constat d’huissier établi en violation des règles légales aux fins de collecte, de tri, de sauvegarde, puis de suppression de ses messages, fichiers et données personnels,
• ordonner à la société G d’organiser le tri contradictoire des messages électroniques, des fichiers bureautiques et de toutes données à caractère personnel lui appartenant, relevant de sa vie personnelle qu’elle soit privée ou professionnelle, sans la présence d’un huissier de justice, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
Subsidiairement, au cas où la Cour désignerait tout huissier aux fins de tri contradictoire,
• dire que ce tri sera effectué intégralement aux frais de la société G,
• ordonner à la société G de lui remettre, à la suite dudit tri contradictoire, sur un support amovible et sous un format exploitable, l’ensemble de ses données à caractère personnel, issues de sa messagerie électronique mise à sa disposition pendant l’exercice de ses fonctions de Président, et issues du réseau informatique de l’entreprise,
• ordonner à la société G de justifier, sous un délai de 15 jours à compter du tri contradictoire des données, et sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de la suppression effective des messages électroniques, des fichiers bureautiques et de toutes données à caractère personnel lui appartenant, relevant de sa vie personnelle qu’elle soit privée ou professionnelle, sur tous supports informatiques, tous réseaux et toutes sauvegardes informatiques, même externalisées.
Sur les frais d’huissier imputés à Monsieur X :
• réformer l’ordonnance en ce qu’elle a mis à sa charge la somme de 2 851,41 euros au titre des frais d’huissier,
• ordonner à la société G de conserver la charge intégrale des frais d’huissier qu’elle a engagés pour l’accomplissement d’un constat d’huissier par ailleurs jugé illicite,
En toute hypothèse,
• condamner la société G à lui verser la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile,
• condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.
S’agissant de sa demande d’interdiction de la société G d’utiliser son numéro de téléphone, il
fait valoir qu’il est titulaire de ce numéro de téléphone mobile personnel au motif que :
• avant même l’immatriculation de la société G il était titulaire de ce numéro comme en atteste la facture de livraison du 18 décembre 2006,
• il était titulaire d’un abonnement personnel et depuis lors il n’a cessé d’en faire un usage privé,
• lors de la création de la société G, il a conservé l’usage personnel de ce numéro et a consenti à en faire un usage partiellement professionnel dans le cadre de ses activités de dirigeant social de la société,
• il n’a pas fait apport de ce numéro à la société G lors de sa constitution mais a consenti à son utilisation pour des besoins professionnels en échange du paiement de l’abonnement par la société, de sorte que c’est à tort que le juge des référés a estimé que l’attribution du numéro de téléphone au bénéfice de l’utilisateur ne peut se faire qu’avec l’acceptation du détenteur de la ligne.
Vie privée et données informatiques du cadre dirigeant
Il considère donc que la privation de ce numéro de téléphone et son utilisation par la société G portent atteinte à sa vie privée dont il constitue un attribut en ce qu’elles permettent notamment l’accès à ses contacts, à ses SMS et à son agenda électronique, atteinte amplifiée par la réattribution de la ligne au nouveau directeur général, qui s’est notamment abstenu de lui communiquer la liste des appels entrants qui lui étaient personnellement destinés. Il ajoute qu’elle traduit une intention de nuire manifeste dès lors que contrairement à ce que soutient l’intimée, il ne s’agissait pas de reprendre la main sur les dossiers en cours.
Il soutient encore que cette privation et réaffectation à autrui de son numéro de téléphone constitue une violation du secret des correspondances pénalement sanctionnée et porte atteinte à son droit d’accès, son droit d’information, son droit d’opposition aux traitements et son droit à l’effacement garanti par le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
En réponse au moyen d’irrecevabilité soulevé par la société G au terme de son appel incident, il expose que cette dernière exerce la présidence de sa filiale TDS SUPPORT de sorte qu’elle peut lui donner toute instruction d’avoir à transférer le numéro de téléphone litigieux dont cette dernière acquitte désormais le paiement de l’abonnement. Il ajoute que la société G qui propose à titre subsidiaire le transfert du numéro RIO, ne peut donc prétendre que la demande de restitution ne peut être formée contre elle.
Pour s’opposer à la désignation d’un huissier aux fins de procéder au tri des messages, données et fichiers de sa messagerie professionnelle, Monsieur X fait d’une part valoir que cette demande de désignation n’a jamais été formulée devant le juge des référés qui a ainsi statué ultra petita et que les parties sont en capacité elles-mêmes de procéder contradictoirement au tri des données, sans qu’il soit nécessaire de recourir à un huissier.
Au soutien de sa demande de nullité du constat d’huissier dressé par Maître Y il indique que seule une décision de justice peut autoriser un huissier à collecter des données personnelles à l’insu de la personne concernée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Au soutien de son moyen fondé sur l’absence de caractère probatoire du constat d’huissier, il indique que celui-ci est incomplet et approximatif et de ce fait dépourvu de tout caractère probatoire comme ne respectant pas la norme NF Z76 147 relative aux constats sur internet qui inspire les règles relatives aux constats informatiques.
Au soutien de sa demande sous astreinte de voir la société G justifier de la suppression de ses données personnelles de tous supports et équipements informatiques et tous réseaux et sauvegardes
informatiques à compter du tri contradictoire des données, il se prévaut du caractère approximatif du tri non contradictoire opéré par l’huissier à l’initiative de la société G, lequel ne lui garantit donc pas qu’aucune de ses données ne sera pas conservée d’une quelconque façon par la société G.
Pour s’opposer au paiement des frais d’huissier engagés pour la restitution de ses données personnelles, Monsieur X, soutient que le juge des référés qui a jugé illégal le tri des données ainsi opéré par l’huissier de manière non contradictoire à la seule demande de la société G tout en mettant à sa charge le paiement de ces frais, s’est contredit. Il ajoute que les parties sont convenues amiablement que ces frais resteraient à la charge de la société G.
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Dans ses conclusions d’appel incident et récapitulatives, notifiées par voie électronique le 29 juillet 2020, la société D E Service demande à la Cour d’appel, sur le fondement de l’article 873 du Code de procédure civile de :
• débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Sur la demande relative au numéro de téléphone :
• réformer l’ordonnance en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande tendant à ce que les demandes relatives au numéro de téléphone formées par Monsieur X à l’encontre de la société G soient jugées irrecevables,
• juger que le numéro de portable étant un numéro professionnel appartenant à TDS Support après que Monsieur X l’ait cédé à la société G dans le cadre de sa constitution, la demande d’interdiction d’usage et de restitution adressée à la société G est irrecevable,
A titre subsidiaire, si la Cour devait juger recevable la demande de Monsieur X à son encontre :
• juger que le numéro de téléphone dont il est demandé la restitution étant un numéro professionnel dont la société TDS Support supporte l’intégralité des coûts et dont elle est propriétaire, Monsieur X est mal fondé dans sa demande de restitution et l’en débouter puisque les conditions de l’article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile ne sont pas réunies en l’espèce, confirmant l’ordonnance sur ce point,
• confirmer l’ordonnance en déboutant Monsieur X de sa demande d’interdiction pour la société G d’utiliser le numéro de téléphone mobile professionnel 06.61.82.99.63,
• donner acte au groupe G qu’il réitère par l’intermédiaire de la société G sa proposition de communiquer à Monsieur X le numéro RIO correspondant à la ligne téléphonique 06.61.82.99.63, afin que celui-ci puisse souscrire l’abonnement téléphonique correspondant, et du fait que tous les SMS et messages vocaux personnels de Monsieur X existant à la date du constat dressé par Maître Y lui ont été restitués.
Sur la demande relative au tri, à la restitution et à la suppression des données personnelles de Monsieur X :
• réformer l’ordonnance,
• constater que le tri et la restitution des fichiers et éléments à caractère personnel de Monsieur X sollicités par ce dernier et leur suppression ont été réalisés par Maître Y
les 14 et 20 novembre 2019 dans le respect des droits et des prescriptions,
• juger en conséquence que les demandes de Monsieur X qui a reçu communication de ses fichiers et éléments personnels et la confirmation par l’huissier de leur suppression des systèmes du groupe G sont sans objet,
• le débouter en conséquence de l’ensemble de ses demandes d’annulation du constat d’huissier de Maître Y de faire procéder à nouveau au tri contradictoire de ces éléments sans la présence d’un huissier, de remise de l’ensemble de ses données à caractère personnel issue de sa messagerie électronique professionnelle et du réseau informatique de la société, et de la justification de cette destruction sous astreinte,
À titre subsidiaire, si la Cour considérait que le tri et la restitution des données et fichiers personnels de Monsieur X et leur suppression auraient dû être réalisés contradictoirement :
• confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a désigné le Président de la chambre départementale des huissiers ou tout huissier désigné par lui pour procéder au tri des messages, données et fichiers de la messagerie professionnelle de Monsieur X, ceux à caractère personnel, et à remettre à ce dernier sur un support numérique exploitable les données ainsi identifiées comme étant la propriété de Monsieur X issues de sa messagerie professionnelle et du réseau informatique d’G et ce aux frais de Monsieur X,
• préciser que le tri ne portera que sur les données, fichiers, éléments identifiés comme étant personnel par Monsieur X conformément aux prescriptions de la CNIL,
En conséquence,
• débouter Monsieur X de sa demande d’annulation du constat d’huissier de Maître Y compte tenu que Monsieur X a reçu communication de ses messages, données et fichiers personnels et la confirmation par l’huissier de leur suppression des systèmes du groupe G,
• débouter Monsieur X de sa demande tendant à ce qu’il soit procédé à nouveau aux frais d’G au tri contradictoire de ces messages, données et fichiers sans la présence d’un huissier, de tri des données privées ‘entendues comme les données privées présentant un caractère personnel ou professionnel (i.e étranger à G)’ et de justification sous astreinte de la suppression effective des données personnelles de Monsieur X,
En tout état de cause,
• confirmer la condamnation de Monsieur X à régler à la société G la somme de 2 851,41 euros au titre des frais d’huissier qu’elle a été contrainte d’engager pour obtenir la restitution de son matériel et de la voiture de fonction de Monsieur X et y ajoutant condamner Monsieur X à régler à la société G la somme de 147 euros au titre du commandement de payer qu’elle a été contrainte de lui faire délivrer pour obtenir l’exécution de l’ordonnance, soit une somme totale de 2 998,43 euros,
• condamner Monsieur X à régler à la société G la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que tous les dépens de première instance et d’appel, et le débouter de sa demande de condamnation de la société G au titre des dispositions du même article.
Elle expose que si Monsieur X a souscrit un abonnement correspondant à ce numéro de téléphone avant la constitution de la société G, il lui a, dès le 7 juin 2007, transféré cet
abonnement en lui faisant prendre en charge son coût, et lui a donc, de ce fait, transféré la propriété de ce numéro.
A ce titre, elle indique que c’est à juste titre que le juge des référés a relevé que l’attribution du numéro au bénéfice de l’utilisateur ne peut se faire qu’avec l’acceptation du détenteur de la ligne, alors d’une part, qu’un numéro qui ne fait pas l’objet d’un abonnement est perdu et que la procédure de portabilité qui nécessite de souscrire d’abord un nouvel abonnement et de communiquer le relevé d’identité opérateur (RIO) (identifiant unique attribué à chaque ligne de téléphonie destiné en cas de changement d’opérateur, à faciliter l’identification de la ligne lors des demandes de portabilité du numéro) au nouvel opérateur avant de résilier la ligne, n’est ouverte qu’à l’abonné c’est à dire au détenteur de la ligne.
Compte tenu du transfert de l’abonnement à la société TDS Support, elle soutient que cette dernière est désormais propriétaire de ce numéro, de sorte que la demande formée contre la société G est irrecevable.
A titre subsidiaire, elle soutient que, si la demande devait être déclarée recevable, en tout état de cause, le refus de restitution du numéro de téléphone portable à Monsieur X ne constitue pas un trouble manifestement illicite puisque :
• en sa qualité de propriétaire du numéro de téléphone, le groupe G était bien fondé à en suspendre l’usage par Monsieur X à compter de sa révocation alors que cette ligne était mise à sa disposition pour des raisons professionnelles, et qu’elle cherchait ainsi à protéger ses intérêts notamment à prévenir toute difficulté avec les clients et prospects, eu égard au climat d’hostilité entretenu avec elle par l’appelant après sa mise à pied,
• il n’existe aucune atteinte à la vie privée de Monsieur X alors que Maître Y dans son acte d’huissier dressé les 14 et 20 novembre 2019 constate que le téléphone ne contient aucun SMS, aucun historique dans le journal d’appel, aucun message dans la messagerie et aucun contact dans le répertoire,
• les messages vocaux et SMS chargés par suite de l’introduction par l’huissier d’une nouvelle carte SIM dans le téléphone ont été écoutés par elle seule, puis copiés et restitués à Monsieur X,
• Maître Y confirme avoir supprimé ces messages vocaux et SMS,
• il n’existe aucune intention de nuire à Monsieur X alors que c’est sur ses propres instructions qu’après la cessation de ses fonctions, la société a cessé de communiquer à ses interlocuteurs son nouveau numéro de téléphone.
Elle réitère sa proposition de communiquer à Monsieur X le numéro RIO correspondant à la ligne téléphonique litigieuse dès lors que les motifs qui justifiaient l’usage de cette ligne par la société G et résultant de la nécessité de recevoir les appels des clients et prospects sur cette ligne, ont cessé, alors que ces appels sont aujourd’hui quasi inexistants.
Pour contester toute nullité du constat de Maître Y, elle indique que :
• la norme relative aux constats d’huissier sur internet n’est pas applicable en l’espèce, alors que la mission de l’huissier consistait uniquement à trier à partir d’un ordinateur de la société et des systèmes de la société, les fichiers ou documents personnels à Monsieur X sur les bases de données et serveurs de la société,
• l’huissier a en tout état de cause effacé des serveurs et autres équipements du groupe les
données à caractère personnel de Monsieur X, de sorte que tout retour en arrière est impossible,
• l’intervention de l’huissier n’entrait pas dans le cadre de l’article 145 du Code de procédure civile puisqu’il ne s’agissait pas de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige mais de répondre à la demande de l’appelant de se voir restituer ses données personnelles figurant sur les serveurs de la société,
Pour s’opposer à la demande de suppression définitive de ses données personnelles et de certification de leur suppression, elle fait valoir que :
• Monsieur X ne démontre pas que l’un des motifs d’effacement stipulé à l’article 17 du Règlement général des données personnelles soit en l’espèce applicable,
• conformément à l’article 17.3 de ce même règlement, elle est en droit de refuser l’effacement de certains échanges de mails contenus dans la messagerie professionnelle de l’appelant qui sont nécessaires à l’exercice de ses droits en justice dans le cadre de la procédure au fond existant entre les parties.
La clôture de la procédure est intervenue par ordonnance du 2 septembre 2020.
A l’audience, les conseils des parties ont fait leurs observations et remis leurs dossiers.
Monsieur X a été autorisé par la Cour à produire une note en délibérée afin de justifier de la formulation de sa demande de nullité du constat d’huissier dressé par Maître Y devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon.
La société D E Services a été autorisée par la Cour à produire une note en délibéré pour justifier de la formulation devant le juge des référés de Lyon de son moyen d’irrecevabilité tiré du transfert du numéro de téléphone à la société TDS SUPPORT qui n’est pas dans la cause.
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 10 novembre 2020.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes de ‘constatations’, de ‘dire et juger que’ et de ‘donner acte’ qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du Code de procédure civile, ne saisissent par la Cour d’appel.
Sur la recevabilité de la demande d’interdiction de la société G d’utiliser le numéro de téléphone mobile xxx et de la demande de restitution par la société G à Monsieur X de la pleine et entière jouissance et disposition dudit numéro
Il convient d’abord de relever que la société D E Services (G) produit en délibéré les écritures déposées devant le juge de première instance aux termes desquelles elle sollicite l’irrecevabilité de la demande de transfert du numéro de téléphone formée contre elle.
Cette demande régulièrement formée devant le premier juge, lequel a cependant omis de statuer, ne constitue donc pas une demande nouvelle, de sorte qu’elle est parfaitement recevable.
A ce titre, il n’est pas contesté que la ligne de téléphone qui correspond au numéro xxxx dont Z X revendique la propriété et par conséquent la restitution de la part de la société D E Service a été transférée à sa filiale, la société TDS Support, de sorte que
Monsieur X, est irrecevable à agir en restitution de la jouissance de cette ligne contre l’intimée, qui constitue une personne morale distincte de sa filiale.
Le moyen d’irrecevabilité fondé sur le défaut de qualité société D E Service doit en conséquence être accueilli.
Sur la nullité du constat d’huissier dressé par Maître Y
A titre liminaire il convient de relever que Z X produit en délibéré les écritures déposées devant le juge de première instance aux termes desquelles il sollicite la nullité du constat d’huissier dressé par Maître Y le 14 et le 20 novembre 2019.
Cette demande a été régulièrement formée devant le premier juge, lequel a cependant omis de statuer, de sorte qu’elle ne constitue pas une demande nouvelle. Elle est donc recevable.
Droit de regard de l’employeur sur les données du salarié
Il est de jurisprudence constante que les courriels adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.
De même, les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les a identifiés comme étant personnels.
Il en résulte que les messages, les dossiers et fichiers stockés dans l’ordinateur professionnel du salarié ont par principe un caractère professionnel et que l’employeur peut les consulter. Par exception, lorsque le salarié les a identifiés comme personnels, l’employeur doit l’inviter à être présent lors de leur ouverture. Une telle identification ne peut résulter que de l’apposition d’une mention spécifique ou de la création d’un fichier ad hoc par le salarié, et non du simple classement dans le fichier ‘Mes documents’ que comportent automatiquement la plupart des programmes.
En l’espèce, il ressort du constat d’huissier litigieux que Maître Y a été mandaté par la société G afin de rechercher dans la messagerie professionnelle de Z X (correspondant à l’adresse f.X@G.fr) et sur les serveurs du groupe G, des fichiers et documents susceptibles de lui être personnels, grâce à la communication par l’employeur de mots clefs tels que des adresses mails personnelles ou encore le nom de l’école de ses enfants, et ce, afin de lui restituer ces données.
Or, contrairement à ce que soutient Z X, l’absence d’autorisation judiciaire de l’huissier pour procéder à la collecte de ces données n’est pas une cause de nullité du constat d’huissier, alors que ces messages et fichiers, qui étaient stockés dans l’ordinateur professionnel de ce dernier et sur le serveur de la société ont par principe un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut les consulter. En outre, quand bien même, Z X aurait identifié certains de ces messages ou documents comme étant personnels, il n’est ni allégué, ni a fortiori démontré qu’il n’aurait pas été informé de l’intervention de l’huissier de justice.
La demande de nullité du constat dressé par Maître Y le 14 et le 20 novembre 2019 n’est donc pas fondée. La Cour déboute Z X de ce chef de demande.
Sur la restitution des messages et fichiers personnels de X
Z X sollicite la condamnation de la société G à organiser le tri contradictoire des messages électroniques, des fichiers bureautiques et de toutes données à caractère personnel lui appartenant, relevant de sa vie personnelle qu’elle soit privée ou professionnelle, sans la présence d’un huissier de justice, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard et subsidiairement par un huissier et aux frais de l’intimée.
La société G sollicite pour sa part la désignation du Président de la chambre départementale des huissiers ou tout huissier désigné par lui pour procéder au tri des messages, données et fichiers de la messagerie professionnelle de Monsieur X, ceux à caractère personnel, et à remettre à ce dernier sur un support numérique exploitable les données ainsi identifiées comme étant la propriété de Monsieur X issues de sa messagerie professionnelle et du réseau informatique d’G et ce aux frais de Monsieur X.
Or, si le constat dressé par Maître Y n’encourt pas la nullité, cette procédure de restitution des données mise en place par la société G de manière unilatérale, dans un contexte très conflictuel, n’a pas permis de respecter l’exigence du contradictoire que requiert une telle démarche. Ce constat n’est donc pas de nature à faire la preuve de la restitution par l’employeur de l’intégralité des données personnelles de Z X présentes dans sa messagerie professionnelle et dans les fichiers des serveurs de la société.
En conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a désigné le Président de la chambre départementale des huissiers ou tout autre huissier désigné par lui aux fins de procéder au tri parmi les messages, données et fichiers de la messagerie professionnelle de Monsieur X de ceux à caractère personnel, et à remettre à ce dernier sur un support numérique exploitable les données ainsi identifiées comme étant sa propriété. Il convient ainsi de confirmer l’ordonnance déférée sur ce point.
En revanche, ces opérations, qui nécessitent notamment un accès aux serveurs informatiques de l’intimée, se dérouleront donc dans les locaux de la société G, et la collecte des données ne portera que sur les fichiers et messages identifiés comme étant personnels par Z X et issus de sa messagerie professionnelle et du réseau informatique d’G.
Enfin, il n’y a pas lieu d’ordonner à la société G de justifier, sous un délai de 15 jours à compter du tri contradictoire des données, et sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de la suppression effective des messages électroniques, des fichiers bureautiques et de toutes données à caractère personnel appartenant à Z X et relevant de sa vie personnelle qu’elle soit privée ou professionnelle, sur tous supports informatiques, tous réseaux et toutes sauvegardes informatiques, même externalisées, alors que le caractère contradictoire de la mission confiée à l’huissier qui doit être menée en présence des parties doit permettre à l’appelant de s’assurer de la suppression définitive des serveurs de la société G des données identifiées par lui comme personnelles.
Enfin, compte tenu des circonstances de la présente affaire, les frais d’huissier seront partagés par moitié entre Z X et la société G.
Sur la condamnation de Monsieur X à régler à la société Easy Life la somme de 2 851,41 euros au titre des frais d’huissier
Si le premier juge a condamné Z X au paiement de la somme de 2 851,41 euros au titre des frais d’huissier exposés par la société G pour obtenir restitution du véhicule de fonction et des autres matériels informatiques, il ressort des propres déclarations de cette dernière, corroborées par la facture de l’huissier du 5 décembre 2019 produite aux débats que ce montant inclut les frais d’huissier relatifs au tri des données personnelles de l’intimée. Il ressort également des déclarations concordantes des parties qu’aux termes d’un accord amiable, la société G a accepté de n’être
réglée, en exécution de cette ordonnance, que de la somme correspondant strictement aux frais d’huissier relatifs à la restitution du véhicule et du matériel, soit la somme de 427,32 euros.
En conséquence, il convient de réformer l’ordonnance déférée s’agissant du montant des frais d’huissier mis à la charge de Z X et de limiter cette condamnation à la somme de 427,32 euros.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
L’équité commande au regard des circonstances de la présente affaire de laisser à chaque partie la charge des frais exposés au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et l’appel. Il convient de confirmer l’ordonnance déférée sur ce point.
Il convient en revanche de condamner Z X, partie succombante en ses principales demandes, aux entiers dépens qui incluront les frais d’exécution forcée de l’ordonnance, en l’espèce les frais de commandement de payer délivré par la société G et dont elle justifie à hauteur de 147 euros.
La Cour infirme l’ordonnance déférée sur les dépens, condamne Z X aux dépens de première instance et y ajoute ceux d’appel, dont les frais du commandement de payer pour 147 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant sur les omissions de statuer,
Déclare irrecevable la demande d’interdiction de la société G d’utiliser le numéro de téléphone mobile 06.61.82.99.63 et la demande de restitution par la société G à Z X de la pleine et entière jouissance et disposition dudit numéro,
Déboute Z X de sa demande de nullité du constat d’huissier dressé par Maître Y le 14 et le 20 novembre 2019,
Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a désigné le Président de la chambre départementale des huissiers ou tout autre huissier désigné par lui aux fins de procéder, les parties dûment convoquées, au tri des messages, données et fichiers de la messagerie professionnelle de Z X, ceux à caractère personnel, et à remettre à ce dernier sur un support numérique exploitable les données ainsi identifiées comme étant sa propriété.
Statuant à nouveau,
Dit que ces opérations, qui nécessitent notamment un accès aux serveurs informatique de l’intimée, se dérouleront dans les locaux de la société G,
Y ajoutant,
Dit que la collecte des données ne portera que sur les fichiers et messages identifiés comme étant personnels par Z X et issus de sa messagerie professionnelle et du réseau informatique d’G,
Déboute Z X de sa demande de condamnation de la société G à justifier, sous un délai de 15 jours à compter du tri contradictoire des données, et sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de la suppression effective des messages électroniques, des fichiers bureautiques et de
toutes données à caractère personnel lui appartenant et relevant de sa vie personnelle qu’elle soit privée ou professionnelle, sur tous supports informatiques, tous réseaux et toutes sauvegardes informatiques, même externalisés,
Dit que les frais d’huissier seront partagés par moitié entre Z X et la société G,
Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné Z X à payer à la société G la somme de 2 851,41 euros au titre des frais d’huissier,
Statuant à nouveau,
Condamne Z X à payer à la société G la somme de 427,32 euros au titre des frais d’huissier exposés pour la restitution du véhicule automobile et des équipements informatiques,
Laisse à chaque partie la charge des frais exposés au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel, et confirme l’ordonnance déférée de ce chef,
Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a partagé les dépens par moitié entre les parties,
Statuant à nouveau,
Condamne Z X, partie succombante, aux entiers dépens de première instance et d’appel qui inclurons les frais d’exécution forcée de l’ordonnance, en l’espèce les frais de commandement de payer délivré par la société G d’un montant de 147 euros.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT