Contrat de Livreur 2021/2022 à télécharger

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Jurisprudence sur le Contrat de Livreur  

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 07 AVRIL 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/02846 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5D7R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/03607

APPELANT

Monsieur Y X

Représenté par Me Caroline LEGROS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1735

INTIMEE

SAS DELIVEROO FRANCE

Représentée par Me Aurélien LOUVET de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Monsieur Olivier MANSION, conseiller

Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Requalification du Contrat de Livreur

La SAS Deliveroo France est une plateforme numérique de mise en relation dans le domaine de la restauration qui assure le contact entre les partenaires restaurateurs et des clients voulant se faire livrer leur repas à domicile ou sur leur lieu de travail.

Elle collabore avec plusieurs milliers de partenaires restaurateurs et plusieurs milliers de partenaire livreurs.

Un contrat de prestation de service a été signé entre M. Y X, auto-entrepreneur, et la société le 8 janvier 2016.

Par lettre du 30 mars 2017, la société a notifié au prestataire la résiliation de leur contrat.

M. Y X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 11 mai 2017 pour solliciter la requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail et obtenir la condamnation de la société Deliveroo France à lui payer les sommes suivantes :

—  26.040 euros de rappel de salaire pour heures travaillées non rémunérées ;

—  6.630,46 euros d’indemnité de requalification ;

—  3.978,27 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

—  19.891,38 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

—  5.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à l’existence du travail

dissimulé ;

—  19.891,38 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  3.315,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  331,52 euros d’indemnité de congés payés sur préavis ;

—  2.000 euros d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

—  5.000 euros à titre d’indemnité pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat ;

—  2.000 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la visite médicale ;

—  3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

Contrat de livreur

Il demandait aussi d’ordonner la délivrance d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de paie sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.

La société Deliveroo France s’est opposée à ces prétentions et a sollicité l’allocation de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 19 décembre 2017, le conseil des prud’hommes de Paris a débouté les parties de leurs demandes.

Appel a régulièrement été interjeté par le prestataire le 12 février 2018 contre le jugement qui lui avait été notifié le 22 janvier 2021.

Par conclusions signifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 14 février 2020, l’appelant reprend ses demandes de première instance, en précisant que les intérêts des sommes de nature salariale courent à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes et à compter de l’arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.

Preuve du contrat de travail de livreur

M. Y X soutient que l’existence du contrat de travail est caractérisée par la fourniture d’un travail à savoir la réalisation de courses pour le compte de la société Deliveroo France, moyennant une rémunération qui était versée par celle-ci, selon des factures émises par la même société, dans le cadre d’un service organisé. En effet, il rappelle qu’il était soumis à des instructions strictes notamment quant aux tarifs à appliquer et à la tenue vestimentaire, la fixation des horaires de travail, pour une zone géographique déterminée, au moyen d’un contrôle par géolocalisation, lui notifiant en outre unilatéralement des changements du planning hebdomadaire, que la société était maîtresse des prises de congés, lui a proposé une assurance responsabilité civile professionnelle gratuite, pouvait lui infliger des sanctions par des retenues tarifaires prévues au contrat ou en résiliant le contrat.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats, le 24 février 2020, l’intimée a maintenu son opposition aux demandes adverses et a sollicité l’allocation de la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Deliveroo France contredit l’analyse du prétendu salarié en relevant qu’il déterminait chaque semaine lui-même les jours et plages de travail et les modifiait à sa convenance, qu’elle propose d’émettre les factures, mais que ce n’est pas obligatoire, que certains prestataires les établissent eux-mêmes, que la retrait sur ses factures de 20 euros pour prestation non effectuée n’est pas significative, que les prestataires pouvaient négocier le prix de leurs courses comme un certain nombre l’ont fait et qu’enfin l’intéressé travaillait aussi avec d’autres plateformes.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Présomption d’exclusion du Contrat de travail de coursier

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 8221-6-1 du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux. Aux termes du second alinéa du même article l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées précédemment fournissent directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Aux termes du contrat de prestation de service liant les parties, son objet est la livraison par le prestataire aux clients Deliveroo des repas commandés par ces derniers auprès de restaurateurs partenaires de Deliveroo.

Il convient d’analyser chacun des indices soulevés par M. Y X de nature à justifier selon lui d’un lien de subordination.

Par le contrat liant les parties est stipulé un certain nombre d’obligations de la part du prestataire et notamment celle énoncée par l’article 2.3 selon laquelle la réalisation de la prestation de service se fera dans le respect des pratiques vestimentaires de Deliveroo et le prestataire s’engage en tout état de cause à porter une tenue propre et en bon état général.

Cette formule ne permet pas de tirer d’autre obligation pour le prestataire que celle d’avoir une tenue propre et en bon état général, et ne comporte pas l’exigence d’une tenue portant le logo ou le nom de Deliveroo. Cette clause contractuelle ne permet pas de caractériser un lien de subordination.

S’agissant des congés, pour toute preuve de ce que ceux-ci seraient soumis à l’approbation de la société, M. Y X verse aux débats une formule affichée le 23 février 2017 par un logiciel ainsi libellée : ‘Prista Ramorasata’ a approuvé la demande de congé’. La société Deliveroo France répond que cette formule imposée par le logiciel dont elle usait alors signifie seulement que les congés étaient enregistrés. Ainsi il n’est pas établi que les congés devaient être avalisés par la société.

Quant à l’exigence de travailler aux heures et lieux imposés par la société, 14 attestations produites par celle-ci établissent que les prestataires choisissent leurs plages de travail et leurs lieux de travail, peuvent modifier ou annuler les desiderata, comme trois courriels de M. Y X lui-même le démontrent d’ailleurs.

La géolocalisation des coursiers a pour objet de déterminer dans quelles zones sont les coursiers et où en est le déroulement de leurs prestations et d’assurer le lien avec le restaurateur et le client final. Ceci est inhérent au service demandé et ne peut donc s’assimiler à un système de contrôle hiérarchique.

L’octroi d’une assurance gratuite aux coursiers grâce à un accord avec AXA peut correspondre à un mode de fidélisation et n’a pas plus de portée qu’une amélioration de leur situation matérielle pour assurer un meilleur équilibre entre les parties au contrat.

S’agissant de la fixation des tarifs par la société, ce point n’a pas de rapport avec le lien de subordination, étant précisé que tout salarié et tout prestataire accepte ou refuse de contracter en fonction la rétribution proposée par son cocontractant. En tout état de cause, la société Deliveroo France prouve par des échanges de courriels qu’un autre livreur a négocié sa rémunération et que M. Y X lui-même a fait valoir une augmentation de la sienne convenue avec la société.

S’agissant du pouvoir de sanction, M. Y X invoque l’article 5.3 du contrat de prestation de services qui dispose que le prestataire subit une retenue tarifaire en cas de non-respect des pratiques vestimentaires ou de l’utilisation d’un matériel inadapté, d’articles manquant dans une livraison, de renversement d’un article lors d’une livraison, d’absences injustifiées pendant un créneau horaire convenu entre les parties pour l’exécution de la prestation ou en raison d’une absence de réponse à trois appels au service clients pendant un créneau horaire convenu entre les parties.

Ceci ne caractérise par un pouvoir disciplinaire qui permet à un employeur de sanctionner un salarié à sa disposition permanente pour toute faute commise sans limitation en fonction de l’échelle des sanctions. Il s’agit en l’espèce seulement d’une pénalité financière, expressément prévue par contrat dans certains cas seulement. Par ailleurs, les rappels à l’ordre par la société traduits par certains courriers à M. Y X ne font que lui reprocher légitimement dans le cadre contractuel qui les lie de ne pas respecter les tranches horaires pour lesquelles il s’était engagé.

Absence de lien de subordination

Aucun lien de subordination ne ressort des pièces du dossier. Dans ces conditions, M. Y X sera débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre du temps passé, d’indemnité de requalification, d’indemnité de congés payés, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis, d’indemnité de congés payés y afférents, d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, de dommages-intérêts pour non-respect par l’employeur de l’obligation de sécurité de résultat, de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale et de délivrance de documents de fin de contrat.

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de condamner M. Y X à payer à la société Deliveroo France la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel. Les autres demandes fondées sur ce texte seront rejetées.

Dès lors qu’il succombe, Monsieur X sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Condamne M. Y X à payer à la société Deliveroo France la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Déboute M. Y X de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne M. Y X aux dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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