Les juges ont eu l’opportunité de se prononcer sur la validité d’une clause de non concurrence et de non affiliation insérée à un contrat de franchise.
Contrat de Franchise, concurrence et droit communautaire
Selon le franchisé, en matière de franchise, le texte de référence est le règlement européen n°2790/1999 du 22 décembre 1999 relatif aux accords verticaux et pratiques concertées; les clause de non-concurrence sont autorisées si elles remplissent une série de conditions cumulatives; qu’ainsi elles doivent être indispensables à la protection d’un savoir faire transféré par le fournisseur; qu’en cas de non respect de ce critère, elle doit être annulée par le juge; que selon l’article 1er du règlement d’exemption, le savoir-faire doit être défini de façon suffisamment complète afin de permettre de vérifier qu’il remplit les conditions de secret et de substantialité; qu’en l’espèce, aucun savoir-faire n’a été défini ni transmis; qu’elle ne doit pas comporter de restrictions excessives et donc être strictement proportionnée à la fonction qu’elle remplit; qu’elle doit être limitée et prévoir une rémunération.
Pour le franchiseur, le droit communautaire de la concurrence n’était pas applicable en l’espèce; la validité de la clause de non concurrence devant s’apprécier au regard du droit interne et non au regard du règlement d’exemption du 22 décembre 1999.
Contrat de franchise et Traité UE
Aux termes de l’article 81 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté Européenne, sont interdits les accords entre entreprises qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.
Selon une communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81 susdit, parue au JO des Communautés européennes le 22 décembre 2001, ‘les accords entre petites et moyennes entreprises…sont rarement en mesure d’affecter sensiblement le commerce entre Etats membres. Les petites et moyennes entreprises sont actuellement définies… comme les entreprises ayant moins de 250 salariés et soit un chiffre d’affaires annuel de 40 millions d’euros au maximum soit un bilan annuel de 27 millions d’euros au maximum…Les accords entre entreprises qui affectent le commerce entre Etats membres ne restreignent pas sensiblement la concurrence au sens de l’article 81 paragraphe 1 du Traité si la part de marché détenue par chacune des parties à l’accord ne dépasse pas 15% sur chacun des marchés en cause affectés par l’accord, lorsque l’accord est passé entre des entreprises qui ne sont pas des concurrents existants ou potentiels sur aucun de ces marchés (accords entre non concurrents)’.
Cependant, un règlement d’exemption aux dispositions de l’article 81, paragraphe 1 du Traité CE n’établit pas de prescriptions contraignantes ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat, mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l’interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit prévues par l’article 81, paragraphe 1 du Traité CE.
En l’espèce, il n’était pas établi que la clause de non-concurrence incriminée exerçait une influence sur le commerce entre Etats membres. Aucun élément ne permettant d’établir qu’elle était susceptible d’affecter le commerce entre les Etats membres et qu’elle avait pour objet ou d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. De même rien ne permettait d’établir que le contrat de franchise entrait dans le champ d’application du droit communautaire en ce qu’il aurait été conclu entre des entreprises en mesure d’affecter sensiblement le commerce entre Etats membres au regard de leur taille des entreprises contractantes.
Aucune des deux conditions cumulatives d’application du droit communautaire de la concurrence n’étant remplie, la validité de la clause de non-concurrence doit s’apprécier au regard du droit interne. Au demeurant, le franchiseur a développé un savoir-faire s’agissant de la commercialisation en vente libre-service de fleurs coupées, qu’il est nécessaire de protéger. Le contrat de franchise n’est pas tenu de contenir une définition du savoir-faire. En l’espèce, la définition du savoir-faire est tout d’abord contenue dans le préambule du contrat de franchise qui prévoit qu »il s’agit d’un savoir-faire mis au point portant sur la commercialisation d’une gamme de produits, à savoir la vente de fleurs, offrant le meilleur service possible à la clientèle en lui permettant d’accéder à une plus large gamme de produits, aux meilleurs prix possibles et en bénéficiant de prestations et d’un accueil originaux.’
Il est par ailleurs stipulé que le franchiseur concède le droit d’exploiter la franchise, c’est-à-dire d’utiliser la marque et ses signes distinctifs, ainsi que son savoir-faire pour l’exploitation exclusive du magasin, la description de la marque la description de la marque. La transmission de ce savoir-faire au franchisé est par ailleurs établi par la réception non contestée du manuel opérationnel comprenant la transmission du savoir-faire, le cahier des charges et des normes ainsi qu’un guide pratique d’ouverture d’un magasin. Il est également justifié de l’existence d’une formation comprenant non seulement un enseignement tant sur la technique d’exploitation et de gestion propres que sur les pratiques professionnelles apprentissages du nom des fleurs et plantes, confection de bouquets.
Aucun élément ne vient établir qu’il serait aisé pour tout novice d’ouvrir un magasin de fleur en libre-service. En effet, le savoir-faire diffère des techniques de vente traditionnelles utilisées dans un commerce traditionnelle de vente de fleurs, non seulement en termes d’aménagement du point de vente, mais également en termes de méthodes de vente, offrant au franchisé un concept global portant sur tous les aspects de l’exploitation d’un point de vente, relations clientèle, qualification du personnel, stockage, organisation, approvisionnement.
Validité de la clause de non concurrence
Le franchiseur rapportait ainsi la preuve du caractère indispensable de la clause à la protection du savoir-faire. Selon le droit interne la validité de la clause de non concurrence post-contractuelle insérée dans le contrat de franchise n’est subordonnée qu’à la condition que cette clause soit limitée dans le temps et dans l’espace et qu’elle soit proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat.
En l’espèce, la clause de non concurrence est limitée aux douze mois qui suivent la rupture du contrat quelle qu’en soit la cause, la date ou la partie qui en aura pris l’initiative, le franchisé étant tenu à une obligation de non concurrence à l’égard du franchiseur et/ou des autres franchisés de l’enseigne, s’interdisant également de s’affilier, d’adhérer ou de participer directement ou indirectement à un réseau national ou international concurrent. Il est ainsi interdit au franchisé l’exploitation d’une activité de vente de fleurs coupées et/ou de plantes en libre service, l’affiliation, l’adhésion ou la participation à un réseau national ou international de vente du même produit sous les mêmes formes, ce pendant une période d’une année. L’interdiction est limitée à la seule vente en libre-service, pratique commerciale du point de vente, ce qui n’empêche nullement l’accès à des commerces plus traditionnels de vente de fleurs. Cette interdiction est également limitée dans l’espace au territoire de la ville concernée. La clause de non concurrence stipulée au contrat de franchise est ainsi limitée dans le temps à une année et dans l’espace, au seul territoire de la ville concernée. Elle est par ailleurs conforme, voire nécessaire, aux intérêts légitimes du franchiseur, notamment de protéger son savoir-faire. Il s’ensuit qu’elle est proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat.
A noter que la validité d’une clause de non concurrence n’est pas subordonnée à la stipulation d’une contrepartie financière accordée au débiteur de la non-concurrence. Ainsi l’indemnisation du franchisé à l’issue du contrat de franchise face à la perte de la clientèle n’est pas une condition de validité de la clause de non concurrence. Dès lors, la nullité de la clause de non-concurrence n’est pas encourue du fait de l’absence de prévision d’une telle indemnisation du franchisé à l’issue du contrat.
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