Affaire Converse c/ Super U
Dans cette nouvelle affaire Converse, les juridictions ont de nouveau pointé le risque de cloisonnement des marchés autour de la revente des basquettes Converse. L’enseigne Super U, qui avait revendu des produits de la marque, hors réseau, a obtenu gain de cause contre la société Converse.
PV de constat d’achat validé
Pour établir la réalité d’une éventuelle contrefaçon, la pratique des procès-verbaux de constat d’achat a été validée. Une société est donc en droit d’envoyer un tiers acheter le produit en cause dès lors qu’un huissier est présent à l’entrée et à la sortie du magasin pour constater l’achat à l’aide du ticket de caisse. L’indication de la personne « tiers acheteur » n’est pas une mention impérative.
Copies parfaites ou modèle original ?
La société Converse étant en demande, il lui appartenait de rapporter la preuve du défaut d’authenticité des produits argués de contrefaçon, ce qu’elle n’a pas réussi à établir. Parfaite qualité de contrefaçon ou refus de communiquer des documents protégés par le secret des affaires, la juridiction a estimé que les paires de basquettes étaient authentiques. La société Converse n’a pas remis à l’expert désigné, sa charte de fabrication « emboss and heat-seal » et les 12 points de contrôle. Des investigations et essais chimiques, physiques ou colorimétriques, ont été effectués pour réaliser la mission d’expertise mais n’ont pas mis en évidence de différences entre les chaussures arguées de contrefaçon et les chaussures reconnues authentiques. Il ressortait des essais et tests réalisés auprès d’un laboratoire indépendant que les chaussures étaient fabriquées avec les mêmes matériaux que ceux utilisés par les usines des sociétés Converse et dans les mêmes proportions ; les couleurs des toiles des chaussures étaient exactement les mêmes ; les étiquettes apposées sur les chaussures étaient extrêmement semblables.
Risque de cloisonnement des marchés établi
La société Converse a mis en place un réseau de distribution sélective, ce qui en soi ne suffit pas à démontrer un risque réel de cloisonnement du marché. Toutefois, un refus de vente systématique était adressé aux acheteurs par les distributeurs exclusifs de la société, ce qui rendait impossible toute vente passive. Concrètement, la pratique d’une interdiction de vente hors réseau et en dehors du territoire de chaque distributeur exclusif était en place. Les juges ont été confortés dans leur conviction par le refus de la société Converse de présenter les contrats conclus avec ses distributeurs.
Le risque réel de cloisonnement du marché étant établi tant au niveau quantitatif qu’au niveau qualitatif, il appartenant à la société Converse d’établir que les basquettes authentiques, avaient été mises sur le marché sans son autorisation, ce qu’elle n’a pu prouver (preuve négative au demeurant difficile à établir).
Preuve de l’épuisement des droits
En matière d’épuisement des droits, la CJUE a eu l’opportunité de préciser (CJUE, 8 avril 2003, affaire C-244/00, Van Doren, Lifestyle sports) que la règle de preuve en vertu de laquelle l’épuisement du droit de marque constitue un moyen de défense pour le tiers poursuivi par le titulaire de la marque, de sorte que les conditions de cet épuisement doivent, en principe, être prouvées par le tiers qui l’invoque, est compatible avec le droit communautaire.
Cependant, les exigences découlant de la protection de la libre circulation des marchandises, peuvent nécessiter que cette règle de preuve subisse des aménagements. Ainsi, dans l’hypothèse où le tiers parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux si lui-même supporte la charge de cette preuve, en particulier lorsque le titulaire de la marque commercialise ses produits dans l’Espace économique européen au moyen d’un système de distribution exclusive, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’Espace économique européen. Si cette preuve est apportée, il incombe alors au tiers d’établir l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’Espace économique européen.
Distribution exclusive et ventes passives
La société Converse a donc organisé dans l’Espace économique européen un réseau de distribution exclusive (et non sélective), caractérisé par un seul distributeur par Etat ou par secteur comprenant plusieurs États membres. Les juges sont restés dans l’ignorance totale des stipulations contractuelles régissant le réseau de distribution exclusive mis en place par la société Converse avant 2009. Du fait de cette carence, n’a pu être apportée la preuve de l’existence d’éventuelles clauses contractuelles autorisant les ventes passives entre distributeurs du réseau et au profit de clients situés en dehors du territoire attribué à chaque distributeur ou au contraire l’absence d’éventuelles clauses limitant ou interdisant les ventes en dehors ou même à l’intérieur du réseau de distribution exclusive.
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