1. Attention à la qualification du contrat de construction : Il est recommandé de vérifier attentivement les termes du contrat de construction pour s’assurer qu’il respecte les dispositions légales en vigueur, notamment en ce qui concerne la fourniture de plans et la garantie de livraison. Dans le cas présent, la qualification du contrat de construction en tant que contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans a été contestée, soulignant l’importance de clarifier ces aspects dès le départ pour éviter des litiges ultérieurs.
2. Attention à l’obligation de conseil et d’information : Il est recommandé aux prêteurs, tels que la société BNP Paribas dans ce cas, de respecter scrupuleusement leurs obligations de conseil et d’information envers les emprunteurs. Dans le cas présent, le tribunal a retenu la faute de la banque pour défaut d’information des emprunteurs sur la véritable qualification du contrat principal et l’absence de souscription d’une garantie de livraison. Il est donc crucial pour les prêteurs de s’assurer de la conformité des contrats et de fournir toutes les informations nécessaires aux emprunteurs.
3. Attention à la délivrance des garanties contractuelles : Il est recommandé de veiller à ce que toutes les garanties contractuelles prévues soient effectivement délivrées et respectées. Dans le cas présent, l’absence de remise de l’attestation nominative de garantie de livraison par le constructeur a été soulignée comme une irrégularité manifeste. Il est essentiel pour toutes les parties impliquées dans un contrat de construction de s’assurer que les garanties prévues par la loi et les conventions soient effectivement mises en place pour éviter des litiges ultérieurs.
L’affaire concerne un contrat de construction d’une maison à ossature bois conclu entre les époux [O] et la société ELIGO MAISON BOIS, ainsi qu’un prêt accordé par la société BNP PARIBAS pour financer la construction. Le chantier a été abandonné sans être achevé, entraînant une procédure de liquidation judiciaire de la société ELIGO MAISON BOIS. Les époux [O] ont poursuivi la société BNP PARIBAS en justice pour faute au regard de son devoir de conseil et ont obtenu une condamnation en première instance. Suite au décès de Madame [X] [V] épouse [O], ses ayants droit ont interjeté appel du jugement. La CGI Bat a été également mise en cause dans l’affaire. Les parties demandent des réparations pour le préjudice subi.
Résumé de l’affaire
Le tribunal a jugé que le contrat de construction entre les époux [O] et la société Eligo Maison Bois devait être qualifié de contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans. La société BNP Paribas a été condamnée pour manquement à son devoir de conseil, notamment pour ne pas avoir informé les emprunteurs de la véritable nature du contrat et pour avoir débloqué des fonds sans attestation de garantie de livraison. Le préjudice matériel et moral des époux [O] a été reconnu, avec une perte de chance évaluée à 95 %.
Demande des époux [O]
Monsieur [F] [O] et Monsieur [E] [O] ont demandé la confirmation du jugement initial, soulignant que la banque BNP Paribas n’avait pas délivré de garantie de livraison. Ils ont également contesté le calcul du préjudice matériel, estimant que la banque aurait dû s’abstenir de débloquer les fonds. Ils ont réclamé une somme de 168 642,46 euros ou, subsidiairement, 54 072,46 euros, en plus de 50 000 euros pour le préjudice moral.
Appel incident de BNP Paribas
La société BNP Paribas a contesté toute faute, arguant que le contrat de construction n’était pas soumis à l’article L 231-10 du Code de la construction. La banque a soutenu qu’elle n’avait pas à vérifier les risques de l’opération financée et que la garantie de livraison n’était pas acquise. Elle a également contesté la proportion de 95 % de la perte de chance, estimant que les époux [O] devaient assumer une part des préjudices.
Position de la CGI Bat
La CGI Bat a rappelé qu’une convention de garantie avait été signée avec la société Eligo Maison Bois, mais qu’aucune attestation nominative de garantie de livraison n’avait été remise. La CGI Bat a demandé la condamnation des consorts [O] à lui régler une somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles.
Responsabilité de BNP Paribas
La cour a examiné la responsabilité de BNP Paribas, soulignant que le contrat de construction devait être qualifié de contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans. La banque a été jugée fautive pour avoir débloqué des fonds sans attestation de garantie de livraison, en violation des obligations légales.
Imputabilité de la faute
La cour a rappelé les dispositions légales stipulant que le prêteur ne peut débloquer les fonds sans attestation de garantie de livraison. BNP Paribas a été jugée responsable des conséquences préjudiciables de cette faute, engageant ainsi sa responsabilité pour réparer l’entier préjudice résultant de l’absence de garantie de livraison.
Préjudice matériel et moral
Les époux [O] ont sollicité la réparation de leur préjudice matériel et moral, en se basant sur une perte de chance évaluée à 95 %. La cour a décidé de rouvrir les débats pour examiner plus en détail les préjudices matériels et moraux subis par les époux [O].
Réouverture des débats
La cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur les préjudices matériels et moraux. Elle a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes en paiement dans l’attente de ces conclusions.
Conclusion
L’affaire met en lumière les obligations légales des prêteurs en matière de garantie de livraison dans les contrats de construction de maison individuelle. La responsabilité de BNP Paribas a été engagée pour manquement à son devoir de conseil et pour avoir débloqué des fonds sans attestation de garantie de livraison, entraînant des préjudices matériels et moraux pour les époux [O]. La cour a décidé de rouvrir les débats pour évaluer plus précisément ces préjudices.
Réglementation applicable
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Nicolas CHAIGNEAU de la SELARL CPNC Avocats
– Me Brigitte GUIZARD
– Me Michel GUIZARD
– Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES
Mots clefs associés
– Contrat de construction de maison individuelle
– Devoir de conseil
– Faute de la société BNP Paribas
– Garantie de livraison
– Préjudice matériel et moral
– Responsabilité de la banque
– Attestation de garantie de livraison
– Perte de chance
– Réparation du préjudice
– Obligations du prêteur
– Irrégularités du contrat
– Défaillance du constructeur
– Responsabilité de la CGI Bat
– Clause irrégulière du contrat
– Acte de caution solidaire
– Absence de garantie de livraison
– Devoir d’information et de conseil
– Réparation du préjudice certain
– Réouverture des débats
– Demande en paiement
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 24 AVRIL 2024
(n° /2024, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10085 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B76AD
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 avril 2019 – tribunal de grande instance de PARIS – RG n° 15/04085
APPELANTS
Monsieur [F] [O]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté et assisté à l’audience par Me Nicolas CHAIGNEAU de la SELARL CPNC Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230
INTIMEES
S.A. BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Brigitte GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, substitué par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS
S.A. CGI BAT prise en la personne de son directeur général y domicilié en cette qualité
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
PARTIES INTERVENANTES
M. [F] [O] en sa qualité d’ayant droits de Mme [X] [V] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté et assisté à l’audience par Me Nicolas CHAIGNEAU de la SELARL CPNC Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230
M. [O] [E] en sa qualité d’ayant droits de Mme [X] [V] épouse [O]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté et assisté à l’audience par Me Nicolas CHAIGNEAU de la SELARL CPNC Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0230
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport et Mme Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente
Mme Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère
Mme Séverine MOUSSY, conseillère
Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON
ARRET :
– contradictoire.
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 20 décembre 2023 et prorogé plusieurs reprises jusqu’au 24 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 7 juin 2011, Madame [X] [O] et Monsieur [F] [O] ont conclu avec la société ELIGO MAISON BOIS un contrat pour la réalisation d’un bâtiment à ossature bois par référence aux dispositions de la loi du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction, codifiée aux articles 1792 et suivants, 2270 du Code civil, L 241-1 et suivants du Code des assurances et L 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, dans une enveloppe financière prévisionnelle de 287 599,97 euros.
Ils ont parallèlement obtenu, selon offre du 9 juin 2011 contractée le 26 juin 2011 par l’intermédiaire d’une SCI A4, un prêt de la société BNP PARIBAS d’un montant de 301.500 euros destiné à assurer le financement complémentaire de la construction de la maison pour lequel les époux [O] disposaient d’un apport personnel de 130 000 euros.
La livraison de la maison, initialement prévue au mois de mai 2012, a été successivement reportée par le constructeur en novembre 2012 puis mars 2013 avant que le chantier soit abandonné sans être achevé en avril 2013.
Par jugement du 24 juin 2013, le tribunal de commerce de MELUN a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société ELIGO MAISON BOIS et désigné Monsieur [T] [D], en qualité de mandataire liquidateur.
Le 24 juin 2013, un procès-verbal de constat d’huissier a été dressé, à la demande des époux [O], sur l’état d’avancement du chantier.
Par courrier du 15 juillet 2013, Maître [D] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ELIGO MAISON BOIS a dénoncé le contrat de construction.
Par courrier du 12 juillet 2013, les époux [O] ont reproché à la société BNP Paribas de leur avoir consenti un prêt sans garantie de livraison financière d’achèvement ni assurance dommages-ouvrage et lui ont indiqué que, ce faisant, elle avait engagé sa responsabilité à leur égard.
Le 15 juillet 2013, le mandataire liquidateur judiciaire de la société Eligo a notifié aux époux [O] la souscription par la société Eligo Maisons Bois auprès de la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment (ci-après dénommée CGI Bat) d’une garantie de livraison dénoncée par cette dernière le 2 septembre 2012.
Le 30 juillet 2013, le mandataire judiciaire de la société Eligo a procédé à la résiliation du contrat de construction conclu avec les époux [O]. A cette date les époux [O] avaient versé à cette société la somme de 177 518,38 euros.
Le 25 septembre 2013, les époux [O] ont souscrit un nouveau contrat de prêt de
112 750 euros auprès de la Caisse d’Épargne afin de pouvoir poursuivre leurs travaux.
Par courrier du 15 octobre 2013, la société BNP Paribas a contesté avoir engagé sa responsabilité à l’égard des époux [O].
Par acte d’huissier du 5 mars 2015, les époux [O] ont saisi le tribunal de grande instance de PARIS aux fins de voir condamner la société BNP PARIBAS à leur payer la somme de 226.317,40 euros, correspondant aux fonds débloqués à tort à leur profit, outre 50.000 euros de dommages et intérêts.
Par jugement du 18 avril 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
– Dit que le contrat conclu par M. et Mme [O] avec la société Eligo est un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans ;
– Dit que la société BNP Paribas a commis une faute au regard de son devoir de conseil à l’égard de M. et Mme [O] ;
– Avant-dire droit sur le préjudice de M. et Mme [O] et le lien de causalité avec la faute de la BNP Paribas, invité M. et Mme [O] à mettre en cause la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment et à conclure sur le préjudice résultant de l’absence de mise en ‘uvre de la garantie de livraison et sur le lien de causalité entre cette absence de mise en ‘uvre de garantie de livraison et la faute de la banque.
Par acte d’huissier de justice du 11 août 2017, M. et Mme [O] ont assigné en intervention forcée avec dénonciation la CGI Bat, devant le tribunal de grande instance de Paris.
Les deux procédures ont été jointes par mention aux dossiers le 15 janvier 2018.
Par jugement du 2 avril 2019, le tribunal de grande instance de Paris a statué en ces termes :
Condamne la société BNP Paribas à payer Mme et M. [O] les sommes suivantes :
– 4 672,46 euros en réparation de leur préjudice matériel,
– 10 000 euros au titre du préjudice moral ;
Condamne la société BNP Paribas à payer à Mme et M. [O] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les autres parties conserveront à leur charge les frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente procédure ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Prononce l’exécution provisoire ;
Déboute les parties de leurs autres demandes, comprenant les demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration en date du 9 mai 2019, Mme [V] et M. [O] ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d’appel de Paris la SA BNP Paribas et la SA Caisse de garantie immobilière du bâtiment.
Madame [X] [V] épouse [O] est décédée le 20 septembre 2020.
Monsieur [F] [O] et Monsieur [E] [O] sont intervenus volontairement à l’instance en qualité d’ayants droit de Feu Madame [X] [V] épouse [O].
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2020, Monsieur [F] [O] agissant à titre personnel et en qualité d’ayant droit de Madame [X] [V] épouse [O] et Monsieur [E] [O] en sa qualité d’ayant droit de Madame [X] [V] épouse [O], demandent à la cour de :
Recevoir M. [O] dans ses demandes, fins, prétentions, et conclusions et l’en déclarer bien fondé ;
Recevoir M. [F] [O] en qualité d’ayant droit son épouse feu Mme [X] [V], M. [E] [O] en sa qualité d’ ayant droit de sa mère, feu Mme [V] dans leur intervention volontaire ;
Y faisant droit,
Les recevoir en leurs demandes, fins, prétentions, et conclusions et les déclarer bien fondés ;
Confirmer le jugement du 2 avril 2019 de la 6 ème chambre 1ère section (RG 15/04085) en ce qu’il a :
Constaté qu’aucune garantie de livraison n’a été délivrée à la société Eligo Maison Bois au titre du contrat de construction signé avec Mme et M. [O] ;
Débouté la société BNP Paribas de l’ensemble de ses moyens et prétentions ;
Dit et déclaré que la responsabilité de la société BNP Paribas est engagée du fait de sa
négligence fautive à l’égard de Mme et M. [O] ;
Condamné la société BNP Paribas à verser à M. et Mme [O] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société BNP Paribas aux dépens de la première instance ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
Reformer le jugement du 2 avril 2019 de la 6ème chambre 1ère section (RG 15/04085) sur le quantum des condamnations prononcées à l’encontre de la société BNP Paribas.
Statuant à nouveau,
o CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [F] [O], ayant droit de son épouse feu Madame [X] [V], et Monsieur [E] [O], ayant droit de sa mère feu Madame [X] [V] et Monsieur [F] [O] à titre personnel la somme de 168.642,46 euros au titre du préjudice matériel subi (perte de chance) ;
o CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [F] [O], ayant droit de son épouse feu Madame [X] [V], et Monsieur [E] [O], ayant droit de sa mère feu Madame [X] [V] et Monsieur [F] [O] à titre personnel la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral subi ;
A titre subsidiaire,
o CONFIRMER le jugement du 2 avril 2019 de la 6ème Chambre 1ère section (RG 15/04085) en ce qu’il a condamné la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [F] [O], ayant droit de son épouse feu Madame [X] [V], et Monsieur [E] [O], ayant droit de sa mère feu Madame [X] [V] et Monsieur [F] [O] à titre personnel la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi ;
o CONFIRMER le jugement du 2 avril 2019 de la 6ème Chambre 1ère section (RG 15/04085) en ce qu’il a condamné la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [F] [O], ayant droit de son épouse feu Madame [X] [V], et Monsieur [E] [O], ayant droit de sa mère feu Madame [X] [V] et Monsieur [F] [O] à titre personnel la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
o REFORMER le jugement sur le quantum de la condamnation prononcée au titre de la perte de chance à l’encontre de la société BNP PARIBAS ;
Statuant à nouveau,
o CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [F] [O], ayant droit de son épouse feu Madame [X] [V], et Monsieur [E] [O], ayant droit de sa mère feu Madame [X] [V] et Monsieur [F] [O] à titre personnel la somme de 54.072,46 euros au titre de la perte de chance ;
En tout état de cause,
– REJETER la société BNP PARIBAS et la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment en leur appels incidents et toute demande ;
– DEBOUTER la société BNP PARIBAS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [F] [O], ayant droit de son épouse feu Madame [X] [V], et Monsieur [E] [O], ayant droit de sa mère feu Madame [X] [V] et Monsieur [F] [O] à titre personnel la somme de 7.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– CONDAMNER la société BNP PARIBAS aux entiers dépens d’appel
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2021, la CGI Bat demande à la cour de :
Constater qu’aucune demande de condamnation n’est formée à l’encontre de la CGI Bat.
Confirmer la décision du tribunal en ce qu’il n’a prononcé aucune condamnation à l’encontre de la CGI Bat.
Condamner Mme et M. [O] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner M. [F] [O] et M. [E] [O] en tous les dépens dont distraction au profit de Me Vignes.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2020, la BNP Paribas demande à la cour de :
Accueillir BNP Paribas en son appel incident, en ses conclusions et les déclarer recevables et bien fondées.
En conséquence
Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 2 avril 2019.
Débouter M. [F] [O] et M. [E] [O] de l’intégralité de leur argumentation et de leurs demandes.
Subsidiairement les réduire dans de sensibles proportions.
Les condamner solidairement à payer à BNP Paribas la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de Me Guizard, avocat aux offres de droit conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance le 21 février 2023.
SUR QUOI,
LA COUR,
Le tribunal, au rappel que le jugement du 18 avril 2017 a qualifié le contrat de construction en contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans et de la faute retenue à l’encontre de la société BNP Paribas au titre de son devoir de conseil du fait du défaut d’information des emprunteurs sur la véritable qualification du contrat principal, sur les conséquences encourues ensuite de l’absence de souscription par l’entrepreneur d’une garantie de livraison et pour n’avoir pas relevé les irrégularités du contrat au regard des exigences posées par l’article L 232-1g) du Code de la construction et de l’habitation sur la fourniture d’une garantie de livraison, a condamné la société BNP Paribas à réparer le préjudice matériel et le préjudice moral subis par les époux [O] du fait du défaut de mention dans le contrat de construction d’une attestation de garantie de livraison dont il a estimé qu’elle est à l’origine d’une perte de chance conséquente de résilier ce contrat évaluée à 95 % au regard des risques encourus par l’acquéreur. Il a limité le préjudice matériel subi par les époux [O] au montant des fonds versés en pure perte et estimé leur préjudice moral en conséquence du retard de livraison subi de plus de deux ans les ayant contraints à être hébergés par des tiers.
Monsieur [F] [O] et Monsieur [E] [O] demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a constaté qu’aucune garantie de livraison n’a été délivrée au titre du contrat de construction, dit et déclaré que la responsabilité de la société BNP Paribas est engagée du fait de sa négligence fautive à l’égard de Madame [X] [O] et Monsieur [F] [O] et condamné la banque au règlement d’une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Ils font valoir, au soutien de la réformation partielle du jugement, que le calcul opéré par le tribunal ne prend pas en considération leur réel préjudice matériel alors que le souci de remplir les obligations que le législateur a imposé au prêteur aurait dû conduire la banque à ne pas débloquer les fonds.
Au rappel que la BNP Paribas a délivré une somme de 177 518,38 euros, que la perte de chance a été appréciée à 95 %, ils soutiennent que c’est une somme de 168 642,46 euros que la banque doit être condamnée à leur régler ou, subsidiairement, 54 072,46 euros, somme évaluée sur la base du montant total des travaux acquittés à hauteur de 40 % de leur avancement soit 120 600 euros, à déduire de la somme débloquée par la banque à hauteur de 177 518,38 euros, soit 56 918,38 euros ramenée à 95% de cette somme.
Ils estiment leur préjudice moral à 50 000 euros au regard du retard de livraison de plus de 2 ans, des grandes périodes d’anxiété et de stress et de la dégradation de l’état de santé de Madame [O], décédée des suites d’un cancer après avoir sombré dans une dépression.
La société BNP Paribas, à l’appui de son appel incident, conteste toute faute qui lui soit imputable, soulignant que le contrat n’étant pas soumis à l’article L 231-10 du Code de la construction, la banque pouvait, au seul vu des demandes des époux [O], débloquer les fonds en l’absence d’attestation de garantie de livraison. Elle soutient que la banque n’a pas à prendre parti sur les risques de l’opération financée et que même si la mention relative à la fourniture de la justification de la garantie de livraison, au plus tard à la date d’ouverture du chantier, avait été portée sur le contrat de construction, l’effectivité de la garantie de livraison n’était pas acquise.
Dans l’hypothèse où une perte de chance serait retenue par la cour, elle observe que celle-ci ne pourrait être admise dans la proportion de 95 % mais dans une proportion bien moindre
puisque les époux [O] qui ont expressément autorisé les paiements, doivent prendre en charge une part conséquente des préjudices qu’ils revendiquent et qu’il doit être tenu compte des travaux exécutés, le préjudice matériel n’étant en définitive constitué qu’au titre du surcoût subi du fait de la disparition de la société Eligo Maison Bois.
Sur le préjudice moral, la banque souligne qu’il n’est pas possible, au vu notamment du certificat médical produit, d’imputer le décès de Madame [O] à BNP Paribas, le préjudice moral n’étant que la conséquence directe de la défaillance de la société Eligo Maison Bois.
La CGI Bat rappelle qu’une convention de garantie a bien été signée le 2 septembre 2011 entre la société Eligo Maison Bois et la CGI Bat le 2 septembre 2011prévoyant la délivrance pour chaque contrat de construction d’une attestation nominative de garantie or, en l’espèce, aucune attestation nominative de garantie de livraison n’a été remise au maître d’ouvrage, le constructeur n’ayant pas été en mesure de satisfaire à son engagement de paiement à première demande à hauteur de 100 000 euros ce qui a motivé la dénonciation, le 10 septembre 2012, de la convention de garantie intialement signée.
Constatant sa mise en cause alors qu’aucune demande n’est formulée à son encontre la CGI Bat sollicite la condamnation des consorts [O] à lui régler une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Réponse de la cour
1- La responsabilité de la société BNP Paribas
1-1 la qualification du contrat de construction
Les dispositions de l’article L 231-1 alinéa 1 du Code de la Construction et de l’Habitation énoncent que : » Toute personne qui se charge de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage, d’après un plan qu’elle a proposé ou fait proposer, doit conclure avec le maître de l’ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l’article L. 231-2. « Cette personne est dénommée constructeur au sens du présent chapitre et réputée constructeur de l’ouvrage au sens de l’article 1792-1 du code civil reproduit à l’article L. 111-14. »
L’article L 230-1 du même code énonce que ces règles sont d’ordre public.
En l’espèce, si le contrat sur la base duquel la BNP Paribas a délivré son offre de prêt le 26 juin 2011 intitulé : » Contrat pour la Réalisation d’un Bâtiment à Ossature Bois » ne fait aucune référence aux dispositions d’ordre public précitées, son objet est déterminé par la clause Article 7 Eléments de la mission qui met à la charge du constructeur l’obligation, dans une enveloppe financière prévisionnelle déterminée, d’arrêter les plans, coupes et façades, établir le dossier et le suivi du permis de construire, procéder aux élévations des études de projet de conception générale sous forme d’une notice descriptive détaillée lot par lot, avec un niveau de définition à l’échelle maximale de 1/50 (2cm par mètre), délivrer le visa des études d’exécution, assurer la direction de l’exécution des contrats de travaux, les visites hebdomadaires du chantier, la coordination inter-entreprises et l’assistance aux opérations de réception.
Par ce contrat le constructeur s’oblige à l’exécution de travaux de gros-oeuvre, mise hors d’eau et hors d’air pour la construction d’une maison individuelle ne regroupant pas plus de deux logements, aux vus des plans fournis par lui. Il doit donc être qualifié de contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans,soumis aux dispositions de l’article L 231-10 du Code de la construction et de l’habitation et non, ainsi que cela a été jugé à tort, sans fourniture de plans, dès lors que le constructeur s’y est obligé, que l’avancement des travaux témoignent de leur réalisation sur plans et qu’il n’est pas allégué que ceux-ci aient été confiés à un tiers, la circonstance que ces plans n’aient pu être communiqués par les Maîtres de l’Ouvrage alors que le constructeur est en liquidation judiciaire, ne pouvant leur être imputée comme une faute.
Du chef de la qualification du contrat contestée à hauteur d’appel par la banque, le jugement sera infirmé et le contrat qualifié de contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans.
1-2 L’imputabilité de la faute
Selon les dispositions de l’article L 231-10 alinéa 1 du Code de la Construction et de l’Habitation : » Aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L. 231-2 qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication de l’attestation de garantie de livraison.
Dans les cas de défaillance du constructeur visés au paragraphe II de l’article L. 231-6 et nonobstant l’accord du maître de l’ouvrage prévu au premier alinéa du paragraphe III de l’article L. 231-7, le prêteur est responsable des conséquences préjudiciables d’un versement excédant le pourcentage maximum du prix total exigible aux différents stades de la construction d’après l’état d’avancement des travaux dès lors que ce versement résulte de l’exécution d’une clause irrégulière du contrat. »
La garantie de livraison prévue au k de l’article L. 231-2 stipulée par l’article L 231-6 du même code dans sa version en vigueur du 1er janvier 2006 au 1er janvier 2014, applicable au litige, » couvre le maître de l’ouvrage, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus » et met à la charge du garant » en cas de défaillance du constructeur » :
« a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d’une franchise n’excédant pas 5 % du prix convenu ;
b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix ;
c) Les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixés par décret. »
Selon ce même texte, » la garantie est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit ou une entreprise d’assurance agréés à cet effet. »
En l’espèce une convention de garantie a été soucrite par la société Eligo Maisons Bois auprès de la CGI Bat le 2 septembre 2011 en la forme d’un acte de caution solidaire dont les dispositions des articles 6 et 11 prévoient que le constructeur se verra remettre par le garant pour chaque contrat de construction, un acte de cautionnement nominatif ( garantie de livraison), sous réserve de réalisation des conditions suspensives propres au contrat qui prendra effet automatiquement à l’ouverture du chantier.
Cependant le contrat de construction ne fait aucune mention de l’attestation nominative de garantie qui n’a de fait jamais été délivrée au constructeur alors que sa délivrance est une obligation impérative à charge pour le constructeur de la fournir aux Maîtres d’Ouvrage.
L’absence de garantie de livraison est constitutive d’une irrégularité manifeste au regard des stipulations d’ordre public de l’article L 230-10 précitées qui s’imposent au prêteur.
Aux termes des dispositions de l’article 1147 du Code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La société BNP Paribas est débitrice d’un devoir d’information et de conseil à l’égard de ses clients or, elle a débloqué la somme de 177 518,38 euros alors qu’aucune attestation nominative de garantie de livraison n’avait été délivrée par le constructeur aux maîtres d’ouvrage au mépris des obligations lui incombant au titre des dispositions de l’article 230-10 précitées.
Ce faisant la BNP Paribas a commis une faute qui engage sa responsabilité et l’oblige à réparer l’entier préjudice en résultant. ( Cass civ. 3ème 11 mai 2023 n° 21-23.859)
Les appelants sollicitent par référence à un arrêt rendu par cette cour le 6 octobre 2010 n°07/12595 la réparation de leur préjudice matériel sous l’impact d’une perte de chance évaluée à 95 %.
Le moyen de droit tiré de la réparation intégrale du préjudice certain résultant de l’absence de garantie de livraison soulevé par la cour n’ayant pas été débattu, il convient d’ordonner la réouverture des débats et d’inviter les parties à conclure sur les préjudices de ce chef.
Il sera sursis à statuer dans cette attente sur l’ensemble des demandes en paiement.
PAR CES MOTIFS
La Cour
ORDONNE la réouverture des débats et renvoie les parties à la mise en état du 14 mai 2024 aux fins de conclure sur le moyen tiré de la réparation intégrale du préjudice certain résultant de l’absence de garantie de livraison ;
Sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes en paiement ;
Réserve les dépens et les frais irrépétibles.
La greffière, La présidente,