Contrat d’agent commercial : l’écrit est facultatif

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La jurisprudence considère que le contrat d’agent commercial est un contrat consensuel, la loi du 25 juin 1991 ne faisant pas de l’écrit une condition de validité dudit contrat.

C’est ainsi à juste titre que le tribunal a précisé qu’il est admis que le contrat écrit peut être remplacé par des échanges de correspondances entre les parties, indiquant les éléments essentiels de la relation, notamment la liste des clients à démarcher et les modalités de la collaboration, ce qui est le cas en l’espèce.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre M. [F] [W] et la SARL [P] [W] Diffusion concernant un contrat verbal d’agent commercial. La SARL FBD a reproché à M. [W] d’avoir outrepassé ses pouvoirs, refusé de se plier aux instructions de la société, référencé des produits indisponibles, transmis de fausses informations et fait preuve de déloyauté. Suite à cela, la SARL FBD a résilié le contrat pour faute grave, ce qui a conduit à un différend entre les parties. M. [W] a réclamé le paiement de commissions, d’une indemnité de préavis, d’une indemnité compensatrice de perte de clientèle et des dommages et intérêts. Le tribunal judiciaire de Périgueux a rejeté l’ensemble des demandes de M. [W] et de la SARL FBD. Les parties ont fait appel de cette décision et l’affaire est en attente d’être jugée par la cour d’appel.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des pièces n°158, 160, 161 et 167 de M. [W]

Il est constant qu’il résulte des dispositions des articles 9 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, qu’il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en observant le principe de loyauté de la preuve.

M. [W] ne remet finalement aps en cause le jugement netrepris qui a écarté des débats la pièce n° 161, ce en quoi le jugement entrepris est confirmé.

La société [P] [W] reproche au contraire au jugement de n’avoir rejeté que la pièce numérotée 161 sur le bordereau de communication de pièces de M. [W] et demande de rejeter des débats les pièces n°158, 160, 161 et 167 versées par M. [W] comme étant manifestement fausses ou dénuées de force probante.

S’agissant de la pièce n°158 de M. [W], régulièrement communiquée, constituée d’un mail de Mme [C], la société FBD ne développe aucun argument au soutien de sa prétention, étant précisé que ce mail est également versé en pièce n°179 par M. [W], qui reprend l’échange complet avec Mme [C]. Il n’y a donc pas lieu de l’écarter des débats.

Les pièces n°160 et 167, qui sont des déclarations sur l’honneur, ne respectent pas les formes prescrites par l’article 202 du code de procédure civile, ce dont le tribunal a exactement déduit qu’elles ne pouvaient constituer que des commencements de preuves par écrit devant être corroborés par d’autres éléments, sans pour autant être écartées des débats.

En revanche, la pièce n°161, constituée d’une copie ainsi que de la traduction d’un jugement rendu le 20 septembre 2018 par la chambre civile du tribunal de première instance d’Atananarivo, ne comporte aucune mention officielle, signature ou sceau. Cette pièce, dont la traduction n’est au surplus pas certifiée, est susceptible de constituer un faux, eu égard aux pièces versées aux débats par la société FBD, dont, en pièces n°97 et 98, une attestation du Président du tribunal de première instance d’Atananarivo du 13 août 2019, un courrier de maître Richard Rafanomezantsoa, avocat au barreau de Madagascar, faisant état d’anomalies et d’irrégularités affectant le document en cause et une traduction certifiée conforme de la décision rendue le 20 septembre 2018, comportant les mentions officielles, notamment un tampon daté, signature et sceau.

Le jugement qui a écarté des débats la seule pièce numérotée 161 sur le bordereau de pièces de M. [W] et intitulée ‘Jugement du tribunal de Madagascar du 20 septembre 2018’, sera ainsi confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat d’agence commerciale

Aux termes de l’article L.134-4 du code de commerce, ‘Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties. Les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information. L’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat’.

L’article L.134-12, alinéa 1er, du même code, dispose : ‘En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi’.

L’article L.134-13, 1°, du même code, prévoit que la réparation prévue à l’article L.134-12 n’est pas due dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial.

Il est constant que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel. Il incombe au mandant de rapporter la preuve d’une telle faute.

En outre, pour déterminer si un agent commercial a droit, lors de la rupture du contrat d’agence, à l’indemnité compensatrice légalement prévue, il appartient au seul juge et non à la convention des parties, de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis (Com. 28 mai 2002 ; n°00-16.857).

En l’espèce, aucun contrat d’agence commerciale n’a été régularisé. Pour autant, les parties ne contestent pas cette qualification et la jurisprudence considère qu’il s’agit d’un contrat consensuel, la loi du 25 juin 1991 ne faisant pas de l’écrit une condition de validité dudit contrat. C’est ainsi à juste titre que le tribunal a précisé qu’il est admis que le contrat écrit peut être remplacé par des échanges de correspondances entre les parties, indiquant les éléments essentiels de la relation, notamment la liste des clients à démarcher et les modalités de la collaboration, ce qui est le cas en l’espèce.

Sur la rupture du contrat d’agence commerciale, M. [F] [W] fait valoir qu’il n’a commis aucune faute justifiant la rupture du contrat d’agence commerciale sans indemnité ni préavis. Il soutient avoir apporté à la SARL FBD une part importante et croissante de son chiffre d’affaires dès 2015, que les commandes qu’il a prises l’ont toutes été en référence aux produits présents et tarifés dans le catalogue de la SARL FBD et qu’il appartient au mandant de permettre à l’agent commercial d’exécuter son mandat.

En réponse, la SARL FBD fait valoir que M. [W] n’a pas respecté ses instructions, qu’il a manqué à son devoir de loyauté et d’information et qu’elle l’a mis en demeure à quatre reprises dans les six mois précédent la rupture, sans réponse. La société intimée demande la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que la nature des fautes de l’agent justifie une rupture sans indemnité.

Il ressort des pièces du dossier que la SARL FBD a adressé à M. [W] quatre lettres recommandées avec accusé de réception, les 6 novembre et 12 décembre 2017, puis les 4 et 12 avril 2018. Ces lettres contiennent toutes un rappel des obligations de loyauté, de réserve et d’information liant M. [W] à son mandant la société FBD et démontrent que cette dernière mettait en cause le comportement de l’agent, ainsi que son absence de respect de la politique commerciale de l’entreprise.

La lettre de rupture du contrat d’agence commerciale, produite en pièce n°3 par l’appelant et en pièce n°5 par l’intimée, reproche à M. [W] de ne pas avoir tenu compte des rappels et mises en demeure précédemment adressées et formule à son égard les griefs suivants :

– refus de fournir les éléments d’information indispensables à l’activité de la société ;

– refus de se plier aux instructions de la société ;

– conditions de vente accordées au client sans l’accord de la société ;

– prises d’engagements que la société ne pourra pas tenir ;

– communication de fausses informations à la société et absence de reddition de comptes ;

– attitude insultante et dénigrante vis à vis de la société.

Sur ces points, il ressort des différentes pièces versées à la procédure que M. [W] a pris des initiatives sans respecter la politique commerciale de la société et sans en informer cette dernière.

Ainsi, dans un mail du 21 septembre 2017 produit par elle en pièce n°44, la SARL FBD indique : ‘Les paniers régionaux ne feront pas partie du permanent […] Donc ne pas les mettre car ils ne seront pas au catalogue 2018. Ça ne sera à rien de rabâcher les mêmes choses notre position ne changera pas’, auquel M. [W] a répondu : ‘Trop tard il est déjà codifié. Si tu ne veux pas livrer tu risques de perdre le client’.

De même, M. [W] a passé une commande pour un hypermarché Leclerc à [Localité 4] portant sur plus d’une centaine de paniers hors catalogue en fabrication spéciale, sans bon de commande signé ni écrit du magasin, alors que la société FBD lui avait signifié que cette procédure était nécessaire pour lancer la fabrication. M. [W] répondait alors dans son mail du 6 avril 2018 : ‘Tu n’auras pas de cachet sur la commande du Leclerc de [Localité 4], c’est le PDG en personne qui m’a passé la commande au téléphone […] Soit tu prends la commande, soit tu ne la prends pas’. Le gérant de la société FBD lui indiquait alors qu’il allait prendre contact avec le magasin pour vérifier la véracité de la demande, tandis que l’appelant annulait les commandes pour ce magasin : ‘Tu peux annuler toutes les commandes concernant le Leclerc de [Localité 4]’, sans en informer ledit magasin, ainsi que cela lui a été reproché par la société FBD : ‘Nous avons contacté Mme [Z], responsable textile Lerclerc [Localité 4], qui ne comprend pas pourquoi vous avez demandé d’annuler ses commandes et a semblé très étonnée de votre mail’ (pièces n°74 et 75 intimée).

Ainsi que l’a relevé le tribunal, ces éléments, qui ne sont pas utilement contredits, traduisent un mauvais service rendu à la clientèle, mettant le mandant devant le fait accompli et risquant de remettre en cause son image auprès de ses clients et de son réseau de distribution.

Par ailleurs, il est également démontré que M. [W] a retenu des informations ou communiqué des informations erronées à son mandant.

C’est notamment le cas d’une opération commerciale avec le client Système U, pour laquelle M. [W] a donné à la société FBD la date du 2 juin, alors que l’opération avait en réalité lieu à compter du 12 juin, ce qui n’est pas contesté par l’appelant, qui indique dans ses écritures ‘c’est pour tenir compte des besoins du client que la date du 2 juin a été annoncée par le requérant à la SARL FBD’.

De plus, il ressort des mails échangés les 1er et 3 avril 2018 (pièce n°68 et 69 intimée), que la société FBD a dû réclamer à plusieurs reprises, la copie des éléments d’une offre faite à l’enseigne Système U par M. [W], qui a persisté à ne pas la transmettre, indiquant : ‘Les offres se font sur fichier spécifique, je m’en occupe’, ajoutant ensuite que cette offre a été : ‘adressée, réceptionnée et validée par Système U’, puis écrivant au gérant de la société FBD : ‘Avant de vouloir te mêler de ce que tu ne connais pas, il vaut mieux que tu te contentes de gérer tes stocks correctement car il y a encore beaucoup de boulot […]’.

Il est ainsi également établi que M. [W] a manqué à son devoir de loyauté et n’a pas communiqué à son mandant toutes les informations nécessaires à la bonne exécution de son mandat.

Par ailleurs, c’est à bon droit que le tribunal a rappelé que, quelles que soient les conditions d’indépendance dans lesquelles il exerce son activité, M. [W] était tenu, en qualité qu’agent commercial, de respecter les instructions de son mandant, tenant notamment aux tarifs et aux conditions des remises commerciales, lesquels sont fixés par le mandant.

Ainsi, il ressort des mails produits en pièces 58 à 61 par l’intimée, que M. [W] n’a pas respecté cette obligation, concernant plusieurs contrats :

– ‘Vous nous avez fait déduire 3% sur facture alors que les accords signés en 2017 stipulent 2% si livraison entrepôt uniquement ‘ Qu’en est-il des 3% que vous nous avez fait déduire sur facture dans vos transmissions de commande alors que ces remises ne sont pas conformes aux accords signés’.

– ‘Comme indiqué par téléphone et précédents mails, nous souhaiterions avoir des éclaircissements concernant les remises supplémentaires que vous auriez accordé aux clients APEX à hauteur de 1% du chiffre d’affaire en 2018. Engagement de participation au salon KIRIEL alors que la politique commerciale de la société [P] [W] Diffusion est de ne pas disposer de budget pour ce genre d’événement qui ne rapporte pas de chiffre d’affaire additionnel chez ce client’.

– ‘Nous vous rappelons que l’octroi de budget ou remise supplémentaire ne vous est pas délégué et ne peut pas être prise de votre propre chef, nécessitant un accord préalable de la société [P] [W] Diffusion’.

– ‘Suite à la réception des accords APEX nationaux sur lesquels apparaît une remise palliative de 1% et pour laquelle aucun mandat ni accord vous a été donné, nous vous confirmons que ce budget sera déduit de vos commissions à réception de la facture correspondante à ce budget non autorisé’.

M. [W] soutient avoir informé la société FBD de cette remise consentie à APEX, mais aucun des éléments qu’il produit ne permet de le démontrer, son mail ultérieur du 9 avril 2018 dans lequel il écrit lui-même que les remises ‘ont toujours et sont toujours de 3%’ ne démontre nullement l’accord de la société mandante. En outre, concernant la participation au salon KIRIEL, M. [W] ne démontre pas davantage avoir obtenu l’accord préalable de la société FBD pour y participer et pour l’engager.

Enfin, il s’évince de l’échange de mails du 9 février 2018, produit en pièce n°63, que M. [W] s’est engagé sur un délai de livraison de marchandises qu’il a commandées trop tard, la société FBD lui rappelant alors :

‘Comme nous vous l’avions indiqué précédemment, nous ne pourrons livrer cette opération que semaine 18 car notre container partira le 13 mars pour une arrivée [Localité 3] 24 avril et notre entrepôt le 26 ou 27 avril.

Les commandes ayant été passées beaucoup trop tardivement, nous vous rappelons que pour une opération centrale régionale ou nationale, un délai de 70 jours est nécessaire pour assurer les livraison en plus de notre planning déjà programmé.

Merci de contacter Mme [D] [R] pour l’informer. Faute de retour de votre part nous la contacterons directement par mail pour savoir si cette opération est maintenue ou annulée’.

Enfin, outre les manquements ci-dessus développés, c’est à bon droit que le tribunal a rappelé que l’indépendance de l’agent commercial l’autorise à formuler au mandant des observations, qui ne doivent néanmoins pas relever du dénigrement ou de propos injurieux, agressifs et vulgaires, qui ont pu être tenus par M. [W] à l’égard de son mandant, la société FBD, ou de son gérant. Il a ainsi écrit par mail :

– en juillet 2017 : ‘je te conseille de ne pas jouer au con’.

– le 6 novembre 2017 : ‘Il est hors de question que tu me foutes le bordel. Contente toi de gérer la fabrication et d’assumer les livraisons. Tu devrais mieux aller casser les burnes à tes bons à riens’.

– le 19 septembre 2017 : ‘cela va dire que tes bourricots vont avoir de plus en plus de mal à avancer’.

– le 3 avril 2018 : ‘à agir de la sorte, tu ne vas que faire foutre le bordel il est vrai que pour cela tu est champion, apprends plutôt à gérer tes stocks correctement cela sera plus utile’.

M. [W] tenait aussi des propos dénigrants vis à vis de l’équipe commerciale de la société FBD, qu’il qualifiait régulièrement de ‘bourricots’, de ‘bons à riens’ ou encore de ‘tocard’.

Enfin, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que M. [W] laissait entendre à la société mandante que si elle voulait des commandes sur les enseignes qu’il visitait, elle devait le commissionner

Les montants alloués dans cette affaire: – SARL [P] [W] Diffusion : 2 000 euros
– Maître Lisiane Fenie-Baradat : dépens d’appel

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Convention européenne des droits de l’homme
– Code de commerce
– Code civil

Article 9 du code de procédure civile:
« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme:
« En observant le principe de loyauté de la preuve. »

Article L.134-4 du code de commerce:
« Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties. Les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information. L’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat. »

Article L.134-12 du code de commerce:
« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. »

Article L.134-13 du code de commerce:
« La réparation prévue à l’article L.134-12 n’est pas due dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial. »

Article 1240 du code civil:
« Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l’opération est principalement due à son activité au cours du contrat d’agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l’article L. 134-6, l’ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l’agent commercial avant la cessation du contrat. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Karine PERRET de la SELAS PERRET & ASSOCIES, avocat au barreau de BERGERAC
– Maître Lisiane FENIE-BARADAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
– Maître Gaël GRIGNON DUMOULIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

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