Contester le montant des redevances pour copie privée : l’affaire ACER

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Le montant des redevances dues par les constructeurs à Copie France au titre de la copie privée est difficilement contestable. Les barèmes fixés par la Commission de la copie privée ont été validés par les juges y compris sur le volet de l’usage de supports vierges pour des actes de piratage. Les copies illicites ne sont pas assujetties à la rémunération pour copie privée conformément aux articles L.122-5 et L.211-3 du code de la propriété intellectuelle, et à l’article 5.2 b de la directive 2001/29 du 22 mai 2001.

Affaire Acer  

Le montant d’un million d’euros du par la société ACER à Copie France a été confirmé par la juridiction. La société Acer est constructeur d’une large gamme de matériels informatiques, et notamment de cartes mémoires vendues ‘en bundle’ c’est-à-dire de façon groupée avec d’autres matériels tels que des téléphones ou des disques durs, et des tablettes multimédia. Elle est en conséquence redevable de la rémunération pour copie privée, appelée par la société Copie France au moyen de notes de débit sur la base des déclarations de sorties de stock de matériels qu’elle lui a transmises.  La société Acer a contesté sans succès les factures émises par la société Copie France.

Piratage sans incidence sur la rémunération pour copie privée

Les copies de sauvegarde ou de synchronisation ne sont pas exclues de la rémunération pour copie privée.  En effet, l’auteur a le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction de son oeuvre sans distinction de la finalité de cette reproduction. La réalisation d’une copie par une personne physique agissant à titre privé doit être considérée comme un acte de nature à engendrer un préjudice pour l’auteur de l’oeuvre concernée reproduite sans son autorisation préalable, et ce sans exclure certaines copies en raison de leur prétendue finalité de sauvegarde ou de synchronisation, lesdites copies pouvant au demeurant être lues ou visionnées ultérieurement. Un acte par lequel un titulaire de droits a autorisé la reproduction de son oeuvre ou d’un autre objet protégé n’a aucune incidence sur la compensation équitable, que cette dernière soit prévue à titre obligatoire ou à titre facultatif.  Ni le téléchargement direct, ni la vidéo à la demande, ne sont en eux-mêmes pris en compte dans la détermination des barèmes de rémunération.

Rappel sur la redevance pour copie privée

La rémunération pour copie privée prévue par l’article L.311-1 du code de la propriété intellectuelle correspond à la compensation équitable instituée comme condition de l’exception de copie privée par la directive 2001/29 du 22 mai 2001. Elle doit être interprétée dans toute la mesure du possible par les juridictions nationales à la lumière du texte et de la finalité de ladite directive, telles qu’interprétées par la CJUE. La Cour de justice a jugé (arrêt Stichting de Thuiskopie du 16 juin 2011 – point 23). Les  Etats membres disposent d’une large marge d’appréciation pour déterminer la forme, les modalités et le niveau éventuel de cette compensation. Le juste équilibre entre les personnes concernées par la rémunération pour copie privée implique que la compensation équitable soit nécessairement calculée sur la base du critère du préjudice causé aux auteurs des oeuvres protégées à la suite de l’introduction de l’exception de copie privée (arrêt Padawan du 21 octobre 2010).

Les exonérations de redevances

Dans son arrêt Copydan du 5 mars 2015, la CJUE a considéré que la directive 2001/29 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose le paiement de la redevance destinée à financer la compensation équitable au titre de l’exception au droit de reproduction pour les copies à usage privé aux fabricants et aux importateurs qui vendent des cartes mémoire de téléphones mobiles à des professionnels tout en sachant que ces cartes sont destinées à être revendues par ces derniers mais en ignorant si les acheteurs finaux desdites cartes sont des particuliers ou des professionnels, à condition que i) la mise en place d’un tel système soit justifiée par des difficultés pratiques ; ii) les redevables soient exonérés du paiement de ladite redevance s’ils établissent qu’ils ont fourni les cartes mémoire de téléphones mobiles à des personnes autres que des personnes physiques, à des fins manifestement étrangères à celle de reproduction pour un usage privé, étant entendu que cette exonération ne saurait être limitée à la livraison aux seuls professionnels qui sont inscrits auprès de l’organisation chargée de la gestion des mêmes redevances.  

Le système prévoie un droit au remboursement de la même redevance qui est effectif et ne rend pas excessivement difficile la restitution de la redevance payée, ce remboursement pouvant être versé au seul acquéreur final d’une telle carte mémoire qui, à cette fin, doit adresser une demande à ladite organisation.

Les conventions d’exonération conclues en application de l’article L.311-8 du code de la propriété intellectuelle avec l’acquéreur du support, seul à même de garantir l’usage à des fins professionnelles exclusives de copie privée, permettent d’exonérer un redevable, telle que la société Acer, du paiement de la rémunération pour copie privée, lorsque ce redevable vend des supports à une personne morale ou physique bénéficiant d’une telle convention, établissant en conséquence comme l’exige la jurisprudence susvisée que les supports d’enregistrement qu’il a fourni l’ont été à des fins manifestement étrangères à celle de reproduction pour un usage privé.

Le mécanisme ainsi mis en place par l’article L.311-8, qui permet à Acer en sa qualité de redevable d’être exonérée du paiement de la rémunération pour copie privée lorsqu’elle établit avoir fourni du matériel utilisé à des fins manifestement étrangères à celle de reproduction pour un usage privé, est en conséquence conforme au droit de l’Union dont il faut rappeler qu’il accorde aux Etats de larges marges d’appréciation quant à la détermination de la forme et des modalités de la compensation équitable. Télécharger la décision

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