Contexte de l’affaire
En application de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Dispositions contractuelles en cause
L’article 14 du Cahier des clauses administratives particulières stipule que l’entrepreneur doit prévoir une provision pour compte prorata sur la base de 1,5% hors TVA du montant de son marché. Ces montants sont prélevés mensuellement sur chaque situation pour les reverser à l’entreprise gestionnaire du compte prorata. L’entreprise gestionnaire du compte prorata devra établir une convention de compte prorata à faire accepter par toutes les autres entreprises sous quinze jours.
Contentieux entre les parties
Il est constant qu’aucune convention de compte prorata n’est produite mais que l’entreprise gestionnaire du compte prorata réclame un solde restant dû auprès de la SARL les Hauts de Beyris. L’arriéré de factures réclamées par la société CA2B désormais représentée par la selarl Firma, liquidateur judiciaire, résulte d’un décompte produit en pièce 6.
Contestation sur les montants réclamés
Pour obtenir le montant réclamé, la société CA2B a établi une facture de juillet 2019. Cependant, l’apurement des comptes entre les parties se heurte à une contestation sérieuse qui empêche le juge des référés de statuer. De plus, le compte interentreprise réclamé n’est étayé par aucun document.
Décision du tribunal
L’ordonnance initiale est infirmée en toutes ses dispositions et la SELARL Firma représentée par Maître [A] [H] en qualité de liquidateur de la société CA2B est déboutée de ses demandes. Aucune indemnité n’est allouée aux parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CF/SH
Numéro 23/03124
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 27/09/2023
Dossier : N° RG 22/03140 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IL55
Nature affaire :
Demande en paiement du prix formée par le constructeur contre le maître de l’ouvrage ou son garant
Affaire :
S.A.R.L. LES HAUTS DE BEYRIS
C/
S.A.R.L. CA2B
S.E.L.A.R.L. FIRMA
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 27 Septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 21 Juin 2023, devant :
Madame FAURE, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame FAURE, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. LES HAUTS DE BEYRIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Maître MIRANDA de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
Société CA2B prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître FRANCISCO, avocat au barreau de BAYONNE
assistée de Maître TRASSARD, de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
S.E.L.A.R.L. FIRMA représentée par Maître [A] [H] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, ès qualités de liquidateur de la SARL CA2B
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Maître FRANCISCO, avocat au barreau de BAYONNE
assistée de Maître TRASSARD, de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Intervenante volontaire
sur appel de la décision
en date du 23 MARS 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 20/00452
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d’engagement du 19 juin 2015, la SARL Les hauts de Beyris a conclu un contrat de louage d’ouvrage avec la SARL CA2B pour des travaux de construction d’un ensemble immobilier comprenant 69 logements collectifs situés à [Localité 6], pour un montant total forfaitaire HT de 3 020 000 euros, soit 3 624 000 euros TTC.
Le contrat initial a fait l’objet de trois avenants qui ont eu pour conséquence de porter le montant total du marché à 3 161 683,72 euros HT, soit 3 794 020,46 euros TTC.
Le 1er juin 2017, la SARL Les Hauts de Beyris a procédé à la réception des travaux du volume 3 de l’opération, laquelle s’est faite avec réserves.
Le 13 juin 2017, la réception, avec réserves, est intervenue sur les travaux de parking et des sous-sols de l’opération.
Par acte d’huissier le 22 mars 2018, M. [E] [B] et Mme [Y] [R] épouse [B], M. [M] [O] et Mme [N] [D] épouse [T] et M. [X] [S], ont fait assigner la SARL Les hauts de Beyris devant le président du tribunal judiciaire de Bayonne statuant en référé, sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, aux fins d’ordonner l’organisation d’une mesure d’expertise technique concernant les désordres et vices affectant leurs différents logements acquis en l’état futur d’achèvement.
Par décision en date du 15 mai 2018, le juge des référés a ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise et commis pour y procéder Mme [K] [F], expert près la cour d’appel de Pau.
Par ordonnance du 9 octobre 2018, rectifiée par ordonnance du 9 avril 2019, les opérations d’expertises ont été rendues communes et opposables à Mme [Z] [W] et M. [E] [W].
Par actes en date des 31 janvier, 3, 4, et 6 février 2020, la SARL Les hauts de Beyris a fait assigner la SARL côte basque d’études -COBET, la SA Aviva assurances, la SARL MAT plâtrerie, la SARL entreprise menuiseries aménagement 64, la SASU Les souscripteurs du Lloyd’s, la SARL Pau peintures, la SAS constructions Saint Eloi, la SA SMA, la SARL BAT-étanche-résine » BER », la SBR gros oeuvre (anciennement CA2B) et la SARL CEBATI en déclaration d’expertise commune.
Cette affaire a été enrôlée sous le n° RG 20/00052.
Par acte en date du 27 février 2020, la SASU Les souscripteurs du Lloyd’s a appelé en déclaration d’expertise commune la compagnie d’assurances AXA France IARD.
Cette affaire a été enrôlée sous le n° RG 20/00113, puis jointe à l’instance principale du RG 20/00052 par mention au dossier.
Le 24 février 2020, la SARL CA2B est intervenue volontairement à l’instance.
Par ordonnance du 6 octobre 2020, la partie d’instance relative à la demande reconventionnelle de provision formulée par la SARL CA2B à l’encontre de la SARL Les Hauts de Beyris a été disjointe et enrôlée sous le numéro de répertoire général 20/00452 en application des dispositions de l’article 367 du code de procédure civile.
Suivant ordonnance contradictoire en date du 23 mars 2021
(RG n°20/00452), le juge des référés a, notamment :
– renvoyé les parties à se pourvoir au principal ainsi qu’elles en aviseront,
– condamné la SARL Les Hauts de Beyris à verser à la SARL CA2B, à titre de provision, la somme de 55 474,75 euros au titre du solde du marché de travaux conclu entre les parties,
– condamné la SARL Les hauts de Beyris à verser à la SARL CA2B une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision,
– condamné la SARL Les hauts de Beyris aux entiers dépens de l’instance.
Le juge des référés a considéré que le montant du compte prorata évoqué par la société CA2B n’était ni fictif, ni calculé de manière unilatérale mais résultat des conditions du marché fixées contractuellement entre les parties, que le montant des travaux était incontestablement de 3 853 279,30 € sur laquelle seul un total de 3 797 804,54 € avait été versé et qu il restait donc dû la somme de 55 474,76 €.
La SARL Les Hauts de Beyris a relevé appel par déclaration du 19 mai 2021 (RG n°21/01675), critiquant l’ordonnance dans l’ensemble de ses dispositions.
Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l’affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.
Par ordonnance du 17 novembre 2021, le premier président de la cour d’appel de Pau a prononcé la radiation du rôle de la procédure, a débouté la SARL Les Hauts de Beyris de ses demandes et l’a condamnée à payer à la SARL CA2B la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire a été réinscrite au rôle après une demande de réinscription de la SARL Hauts de Beyris du 22 novembre 2022.
Par conclusions du 20 juin 2023, la SARL Les Hauts de Beyris, appelante, entend voir la cour :
réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 23 mars 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne (RG 20/00452),
statuant à nouveau,
débouter la société CA2B de l’intégralité de ses demandes,
débouter la SELARL Firma es qualité de liquidateur de la société CA2B de l’intégralité de ses demandes,
condamner la société CA2B à payer à la SARL Les Hauts de Beyris la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société CA2B les condamnations prononcées à son encontre.
Par conclusions déposées le 19 juin 2023, la SELARL Firma représentée par Maître [A] [H] en qualité de liquidateur de la société CA2B, intervenante volontaire sur le fondement des articles 835 du code de procédure civile et 1er et 2 de la loi n°71-584 du 16 juillet 1971, entend voir la cour :
déclarer recevable l’intervention volontaire de la SELARL Firma es qualité de liquidateur de la CA2B,
confirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire du 23 mars 2021;
statuant à nouveau :
– Constater l’absence de contestation sérieuse de la dette de la CA2B par la SARL les Hauts de Beyris
– Constater l’absence de contestation des factures lors de leur réception par la SARL les Hauts de Beyris
– Dire que la Société CEBATI disposait du droit d’imposer une convention prorata
– Reconnaître la légalité de la facture comportant le cachet de la SBE
– Constater le non-paiement des factures du compte prorata par la SARL Les Hauts de Beyris
– Juger que la libération de la retenue de garantie était de droit
– Constater que le compte inter-entreprise a été fixé d’un commun accord avec la SARL Les Hauts de Beyris
– Rejeter toutes les demandes de la SARL Les Hauts de Beyris
– Condamner la SARL Les Hauts de Beyris à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamner la SARL Les Hauts de Beyris aux entiers dépens.
Par ordonnance du 3 mars 2023, la présidente de la chambre civile a dit que la caducité de la déclaration de saisine n’était pas encourue.
Vu l’ordonnance de clôture du 21 juin 2023.
MOTIFS
En application de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 14 du Cahier des clauses administratives particulières stipule que :
l’entrepreneur doit prévoir une provision pour compte prorata sur la base de 1,5% hors TVA du montant de son marché ..; que ces montants sont prélevés mensuellement sur chaque situation pour les reverser à l’entreprise gestionnaire du compte prorata;
L’entreprise gestionnaire du compte prorata devra établir dans les huit jours suivant l’ordre de service une convention de compte prorata à faire accepter par toutes les autres entreprises sous quinze jours, faute de quoi, le maître d »uvre imposera une convention qui sera applicable de plein droit.
Il est constant qu’aucune convention de compte prorata n’est produite mais que l’entreprise gestionnaire du compte prorata a été la société CA2B laquelle réclame un solde restant dû auprès de la SARL les Hauts de Beyris.
Il convient de relever que l’arriéré de factures réclamées par la société CA2B désormais représentée par la selarl Firma, liquidateur judiciaire, résulte d’un décompte produit en pièce 6 selon lequel le total du marché, y compris un compte prorata de 51 587,33 € et un compte inter entreprises de 7 671,51 €, s’élève à 3 853 279,30 € et sur lequel des règlements seraient intervenus à hauteur de 3 797 804, 54 €, laissant un solde de 55 474,75 €.
Pour obtenir ce montant de 51 587,33 €, la société CA2B a établi une facture de juillet 2019 à hauteur de 42 989,44 € HT. Indépendamment de l’erreur matérielle qui a pu se produire entre le bénéficiaire de la facture qui est la société CA2B et non la société SBE comme indiqué dans une première facture produite en pièce 8, il convient de reprendre l’historique du compte prorata.
Quatre factures de compte prorata ont été établies ainsi qu’il suit :
-compte prorata n° 1 du 09/09/2016 : 7 295,93 € HT soit 8 755,12 € TTC
-compte prorata n° 2 du 10/01/2017 : 14 526,85 € HT soit 17 432,22 €
-compte prorata n° 3 du 23/05/2017 : 39 595,44 € HT , déduction de la facture précédente de 21 822,76 €, soit 17 772,66 € HT soit 21 327,19 € TTC
-compte prorata n°4 du 27/09/2019 : 42 989,99 € HT, déduction à faire des trois factures précédentes HT ( 7 295,93 €, 14 526,85 € et 17 772,66 €)soit un total de 3 394 € net soit 4 072, 80 € TTC.
Aussi, la facture de juillet 2019 à hauteur de 42 989,44 € HT ne pouvait donner lieu à un compte prorata de 51 578,33 € dès lors que les trois comptes prorata n° 1 à 3 n’avaient pas été déduits. L’apurement des comptes entre les parties se heurte donc à une contestation sérieuse qui empêche le juge des référés de statuer.
Par ailleurs, le compte interentreprise qui est réclamé sur le décompte à hauteur de 7 671,51 € n’est étayé par aucun document et aucun accord n’est produit quant à son contenu et son montant. Il y a donc lieu de retenir également une contestation sérieuse.
L’ordonnance sera donc infirmée en toutes ses dispositions et la SELARL Firma représentée par Maître [A] [H] en qualité de liquidateur de la société CA2B sera débouté de ses demandes.
L’équité ne commande pas l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile aux parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l’intervention volontaire de la SELARL Firma représentée par Maître [A] [H] en qualité de liquidateur de la société CA2B,
Infirme l’ordonnance dans toutes ses dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau :
Constate l’existence de contestations sérieuses et déboute la SELARL Firma représentée par Maître [A] [H] en qualité de liquidateur judiciaire de la société CA2B de ses demandes,
Dit n’y avoir lieu à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SARL CA2B.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE