L’affaire concerne le licenciement de Mme B pour insuffisance professionnelle et comportement incompatible avec la bonne marche de l’entreprise, selon sa lettre de licenciement. Mme B conteste ces motifs en soulignant des négligences de son employeur et en mettant en doute les observations de l’expert-comptable. De son côté, l’employeur soutient que les erreurs relevées sont graves et justifient le licenciement. La cour relève que l’insuffisance professionnelle n’est pas démontrée par l’employeur et que les comportements fautifs reprochés ne sont pas étayés par des preuves matérielles. Ainsi, le licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse. Mme B obtient une indemnité correspondant à son préjudice subi. Concernant le licenciement brutal et vexatoire, la cour rejette la demande de réparation de préjudice moral faute de démonstration de faute de l’employeur. Enfin, la demande de complément de salaire pendant l’arrêt maladie est également rejetée.
Les problématiques de cette affaire
1. Licenciement pour cause réelle et sérieuse
2. Contestation du licenciement devant le conseil de prud’hommes
3. Appel de la décision du conseil de prud’hommes
Les Avocats de référence dans cette affaire
Bravo à Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON, et à Me Cyrille LA BALME, avocat au barreau de TOULON, pour leur plaidoirie dans cette affaire.
Les Parties impliquées dans cette affaire
– Entreprise [V] [F] représentée par Me Cyrille LA BALME, avocat au barreau de TOULON
– Madame [I] [B] représentée par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON substitué à l’audience par Me Estelle VALENTI avocat au barreau de TOULON
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
24 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/08067
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 24 FEVRIER 2023
N°2023/ 058
Rôle N° RG 19/08067 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJFC
[I] [B]
C/
Entreprise [V] [F]
Copie exécutoire délivrée
le : 24/02/2023
à :
Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON constitué en lieu et place de Me Dominique IMBERT-REBOUL le 17/01/2023.
Me Cyrille LA BALME, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 04 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00644.
APPELANTE
Madame [I] [B], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON substitué à l’audience par Me Estelle VALENTI avocat au barreu de TOULON
INTIMEE
Entreprise [V] [F] à l’enseigne BABA YAGA, demeurant [Adresse 1] / FRANCE
représentée par Me Cyrille LA BALME, avocat au barreau de TOULON substitué à l’audience par Me Louis-marie LA BALME, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des éléments du dossier dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle DE REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023..
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er septembre 2015, Mme [I] [B] a été engagée en qualité de gestionnaire comptable, niveau 7, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel, par Mme [F] [V], exploitant en nom personnel un fonds de commerce de librairie, sous l’enseigne Baba Yaga.
Mme [B] a été placée en arrêt maladie le 5 juillet 2017 et son contrat de travail s’est trouvé suspendu.
Par courrier du 4 juillet 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 juillet suivant.
Le 21 juillet 2017, elle s’est vue notifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le 18 septembre 2017, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon en contestation de son licenciement et rappel de salaire.
Par jugement du 4 avril 2019, les juges prud’homaux ont :
‘DIT irrégulière la retenue effectuée sur le salaire concernant l’absence du 5 au 16 juin 2017;
CONDAMNE Mme [F] [V] à payer à Mme [I] [B] les sommes suivantes:
– 704,40 euros bruts à titre de rappel de salaire ;
– 70,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents;
-870,406 brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
DIT que le licenciemént de Mme [I] [B] pour insuffisance professionnelle est fondé;
DEBOUTE Mme [I] [B] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture;
ORDONNE à Mme [F] [V] de remettre A Mme [I] [B] une attestation Pôle Emploi rectifiée conforme à la présente décision ;
DECLARE mal fondées toutes les autres demandes de Mme [I] [B];
CONDAMNE Mme [F] [V] à payer à Mme [I] [B] la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Mme [F] [V] de sa demande reconventionnelle;
CONDAMNE Mme [F] [V] aux entiers dépens’.
Mme [B] a relevé appel de la décision le 16 mai 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, Mme [B] demande à la cour de :
‘RECEVOIR Madame [B] dans son appel et le dire comme particulièrement bien fondé;
EN CONSEQUENCE;
INFIRMER le jugement prud’homal entrepris en ce qu’il a :
– Dit que son licenciement était fondé;
– Débouté Madame [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– Débouté Madame [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct;
– Débouté Madame [B] de sa demande de rappel de salaire au titre du complément de salaire pendant l’arrêt maladie et au titre des congés payés afférents;
– Débouté Madame [B] de sa demande de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés
– Débouté Madame [B] de sa demande au titre de la perte subie dans le versement des ISS;
– Débouté Madame [B] de sa demande au titre de la perte subie dans le versement des allocations chômage;
– Limité à la somme de 400 euros l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
PAR CONSEQUENT;
DECLARER, DIRE ET JUGER que le contexte et les pressions subies par Madame [B] préalablement à son licenciement sont révélateurs du caractère abusif de cette mesure;
DECLARER, DIRE ET JUGER que l’insuffisance professionnelle invoquée à l’appui du licenciement de Madame [B] n’est pas établie;
DECLARER, DIRE ET JUGER que le comportement fautif de Madame [B] invoqué à l’appui de son licenciement n’est pas établi;
DECLARER, DIRE ET JUGER que les circonstances dans lesquelles est intervenu le licenciement de Madame [B] sont brutales et vexatoires et ont causé un préjudice moral à Madame [B] qu’il convient de réparer;
DECLARER, DIRE ET JUGER que Madame [V] aurait dû mettre en ‘uvre la procédure de licenciement pour motif économique et proposer à Madame [B] le contrat de sécurisation professionnelle;
EN CONSEQUENCE;
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [B] est sans cause réelle et sérieuse CONDAMNER Madame [V] à verser à Madame [B] les sommes suivantes :
7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct;
311.26 euros à titre de complément de salaire pendant la maladie, outre 31.12 euros au titre des congés payés afférents;
180.61 euros au titre du solde de l’indemnité compensatrice de congés payés (méthode maintien de salaire);
161.70 euros au titre de la perte subie dans le versement des IJSS;
1664.40 euros au titre de la perte subie dans le versement des allocations chômage;
CONDAMNER Madame [V] à remettre à Madame [B] son attestation pôle emploi, son solde de tout compte et son dernier bulletin de paie rectifiés conformément au jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision;
CONDAMNER Madame [V] à verser à Madame [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance;
CONDAMNER Madame [V] à verser à Madame [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d’appel;
CONDAMNER Madame [V] aux entiers dépens;
DEBOUTER Madame [V] de l’ensemble de ses demandes incidentes’
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, Mme [F] [V] demande à la cour de :
‘Confirmer le jugement rendu le 4 avril 2019 par le Conseil de Prud’Hommes de TOULON en toutes ses dispositions;
Débouter Madame [I] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions;
Condamner Madame [I] [B] à payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.’
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur le licenciement
L’article L.1226-1 du code du travail prévoit que tout salarié ayant une année d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition:
1° D’avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l’article L. 169-1 du code de la sécurité sociale’;
2° D’être pris en charge par la sécurité sociale;
3° D’être soigné sur le territoire français ou dans l’un des autres États membres de la Communauté européenne ou dans l’un des autres États partie à l’accord sur l’Espace économique européen.
La convention collective concernant l’indemnisation des absences stipule que sous réserve d’avoir justifié dans les 2’jours ouvrables de l’incapacité par l’envoi d’un certificat médical, d’être pris en charge par la sécurité sociale au titre’des indemnités’journalières et d’être soignés dans l’un des États membres de l’Union européenne, les salariés bénéficient d’indemnités complémentaires à celles de la sécurité sociale et de régimes complémentaires de prévoyance dans les conditions suivantes :
Après 1’an d’ancienneté dans l’entreprise, ils reçoivent pendant 30’jours à partir du 8e’jour d’arrêt 90’% de la rémunération brute qu’ils auraient perçue s’ils avaient continué à travailler, puis 66’% de cette rémunération pendant les 30’jours suivants.
Ces temps d’indemnisation sont augmentés de 10’jours par période entière de 5’ans d’ancienneté en sus de celle requise à l’alinéa précédent sans que chacun d’eux puisse dépasser 90’jours.
En l’espèce, Mme [B] qui a été embauchée le 1er septembre 2015, avait une ancienneté de plus d’un an et s’est trouvée en arrêt de travail à compter du 5 juillet 2017 jusqu’à la rupture du contrat.
Il est constant qu’elle a perçu la somme de 1 623,79 euros, soit 140,88 euros en juillet 2017 et 1482,91 euros en août 2017, au titre du complément de salaire.
Le salaire mensuel brut de la salariée, non autrement contesté, s’élève à 1 831,43 euros.
Les calculs produits par la salariée sont conformes aux bulletins de salaires.
Au vu de ces éléments non autrement contestés, Mme [B] aurait dû percevoir la somme de 680,93 euros au titre du mois de juillet 2017 et 1 254,12 euros au titre du mois d’août 2017.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande à hauteur de 311,26 euros, outre 31,12 euros au titre des congés payés afférents.
IV. Sur la perte subie dans le montant du versement des indemnités journalières de la sécurité sociale
Moyens des parties
La salariée réclame paiement d’une somme de 161,70 euros au titre de la perte qu’elle aurait subie dans le versement des indemnités journalières de sécurité sociale suite à la retenue sur salaire indûment faite par son employeur au mois de juin 2017 qui en a faussé le calcul.
Rappelant que les premiers juges ont invalidé cette retenue et condamné Mme [V] à lui payer le salaire restant dû, elle considère que ses indemnités auraient dû être plus élevées.
Mme [V] conteste la demande.
Réponse de la cour :
Les indemnités journalières versées par la sécurité sociale n’ont pas la nature d’un salaire.
L’indemnité journalière de la Sécurité sociale correspond à 50% du salaire journalier de base. Le calcul à opérer pour obtenir le salaire journalier est le suivant : salaire journalier de base = total des 3 derniers salaires bruts perçus avant l’arrêt ÷ 91,25.
Au vu des bulletins de salaire produits et du rappel de salaire décidé en première instance dont il n’a pas été fait appel, le total des trois derniers salaires s’élève à 5 494,26 euros bruts
Le salaire journalier de référence : 5 494,26 euros /91,25 = 60,21 euros
indemnité journalière : 60,21 X50% = 30,10 euros
Or, il ressort des pièces versées (attestation indemnité journalière de sécurité sociale) que l’indemnité journalière s’élevait à 26,25 euros, de sorte qu’il y a une différence de 3,85 euros/jour indemnisé.
Le conseil des prud’hommes a retenu que Mme [V] n’aurait pas dû considérer que Mme [B] avait abandonné son poste durant la période du 5 au 16 juin 2017 au vu des circonstances énoncées au jugement.
Il en résulte que la retenue sur salaire était donc fautive et que cette faute est en lien direct avec le versement d’indemnités journalières moindres que celles effectivement dues.
Il convient par conséquent de faire droit à la demande et de condamner Mme [V] à payer à Mme [B] la somme de 161,70 euros.
V. Sur la perte subie dans le versement des allocation de retour à l’emploi
Moyens des parties
Mme [B] réclame une somme de 1 664,40 euros consistant en la différence entre le montant de l’allocation journalière perçue au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, soit 28,86 euros /jour, et celle qu’elle aurait dû percevoir d’un montant de 30,37 euros, calculée sur une période de 1095 jours calendaires.
L’employeur conteste cette demande.
Réponse de la cour :
La cour relève que le 17 octobre 2017, Pôle Emploi a notifié à Mme [B] l’ouverture de ses droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi indiquant qu’après étude de son dossier, le montant de l’allocation journalière est de 28,86 euros, qu’elle est indemnisable à compter du 15 novembre 2017 pendant une durée de 1095 jours.
Il est indiqué que l’allocation a été calculée sur la base d’un salaire journalier brut de référence de 53,01 euros représentant 57% de ses salaires bruts antérieurs.
Il découle de ces éléments que la retenue sur salaire indûment opérée par Mme [V] a eu une incidence sur les droits de Mme [B] au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Cependant, faute pour celle-ci de justifier qu’elle a bénéficié de cette allocation pendant la totalité de la période, soit 1095 jours, par la production de ses relevés de compte bancaire sur lequel elle a été versée, elle ne justifie pas de son préjudice et ne met pas la cour en mesure de l’évaluer.
La demande est par conséquent rejetée et le jugement confirmé.
VI. Sur le solde de l’indemnité compensatrice de congés payés
Justifiant que l’indemnité due pour 34 jours de congés payés non pris est d’un montant de 2 451,30 euros alors qu’elle n’a perçu que la somme de 2 270,69 euros, Mme [B] est fondée à obtenir la somme de 180,61 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, non utilement contestée.
VII. Sur l’indemnité compensatrice de préavis
L’article 955 du code de procédure civile édicte que la cour n’est saisie que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
En l’espèce, Mme [B] qui réclame la somme 2 072,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, n’a pas repris cette prétention dans le dispositif de ses conclusions.
La cour n’en est donc pas saisie.
VIII. Sur les documents de fin de contrat
Il y a lieu d’ordonner à Mme [V] de remettre à Mme [B] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt.
Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d’une astreinte.
IX. Sur les autres demandes
Il convient de condamner Mme [V] qui succombe à payer à Mme [B] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande reconventionnelle est rejetée.
Mme [V] est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.