Recevabilité du recours
En application de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, la décision du Bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, dans le délai d’un mois.
En l’espèce, l’ordonnance, rappelant ces dispositions réglementaires, a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 4 juillet 2022 et le recours a été formé par Monsieur [R] [D] le 1er août 2022.
Il convient de le déclarer recevable.
Sur la licéité de la convention
L’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 encadre les conventions d’honoraires entre avocats et clients. En l’espèce, la convention signée par les parties prévoit des honoraires en fonction du résultat obtenu et des diligences effectuées. Malgré des contestations sur le consentement éclairé de Monsieur [D], aucun vice du consentement n’est établi. La convention d’honoraires doit donc être appliquée.
Montant des honoraires dus
La somme due par Monsieur [D] est déterminée par application du taux fixé par les parties sur le montant des cessions. Il est dû au titre des honoraires la somme de 28 800 € HT soit 34 560 € TTC. L’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats de Colmar sera confirmée.
Frais irrépétibles
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Maitre [U] la totalité des frais irrépétibles engagés au cours de présente instance. Monsieur [R] [D] sera condamné au paiement de la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
7 mars 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n° 22/03010
N° RG 22/03010 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H4T5
Minute N° : 8M 14/2023
Notification par
LRAR aux parties
Copie exécutoire à
Me [U]
le
Le greffier,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
ORDONNANCE DU 07 MARS 2023
Audience tenue par Madame DELNAUD, première présidente de la cour d’appel de Colmar, assistée de Mme HOUSER, greffière
APPELANT:
Monsieur [R] [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparant, représenté par Me Sophie PUJOL-BAINIER, avocat au barreau de MULHOUSE
INTIME:
Maître [N] [U], avocat inscrit au barreau de Colmar
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant
DEBATS en audience publique du 17 Janvier 2023
ORDONNANCE CONTRADICTOIRE du 07 Mars 2023
prononcée publiquement par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Nature de l’affaire : contestation d’honoraires d’avocat
Maitre [N] [U], avocat inscrit au barreau de Colmar, est intervenu au soutien des intérêts de Monsieur [R] [D], de la SCI SAINT MARTIN et de la SARL HOTEL SAINT MARTIN pour les assister dans une opération immobilière et de cession de fonds de commerce.
Les parties ont signé une convention d’honoraire datée du 18 novembre 2019.
Maitre [N] [U] a établi à Monsieur et Madame [D] une facture n°20211796 d’un montant de 28 800HT le 19 février 2021.
Le 2 novembre 2021, Maitre [N] [U] a saisi le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Colmar d’une demande de recouvrement d’honoraires.
Par ordonnance du 28 juin 2022, le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Colmar a fixé à 34 560 € TTC le montant de la rémunération restant due par Monsieur [R] [D] et a condamné ce dernier à payer la somme de 34 600 € TTC à Maitre [U], compte-tenu des frais de procédure s’élevant à 40 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2021.
Cette décision a été notifiée à Monsieur [R] [D] le 4 juillet 2022.
Par lettre recommandée avec accusé de réception enregistrée au greffe de la cour d’appel de Colmar le 1er août 2022, Monsieur [R] [D] a saisi le premier président d’un recours.
Il fait valoir que le travail attendu de son conseil se bornait à la rédaction de l’acte de cession de fonds, qu’il avait sollicité une facturation des honoraires à l’heure, au tarif mentionné dans la salle d’attente. En dépit de cette demande, une convention d’honoraires a été établie, illicite à raison d’une part de l’interdiction du pacte de quota litis intégral et d’autre part du consentement vicié, la convention ayant en réalité été signée « en catastrophe » le jour de la signature des actes notariés, Monsieur [D] étant dans un tel état de confusion qu’il ne pouvait donner de consentement éclairé. En outre, l’étendue de la mission confiée à l’avocat était impropre, le rôle de Maitre [U] devant se limiter à la rédaction de l’acte de cession de fonds de commerce, la rédaction des actes de vente étant de la compétence exclusive du notaire. En l’absence de preuve des diligences accomplies et de service rendu ainsi que de décompte de temps, Monsieur [D] sollicite l’infirmation de la décision du 28 juin 2022, le débouté de Maitre [U] et sa condamnation à payer à la SCI SAINT MARTIN la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 31 octobre 2022, Maitre [N] [U] a sollicité le rejet de l’appel formé par Monsieur [R] [D], la confirmation de la décision du 28 juin 2022 et la condamnation de Monsieur [D] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Maitre [U] souligne que la pratique d’un honoraire forfaitaire calculé par pourcentage appliqué sur le prix est usuelle et acceptée par l’appelant qui a négocié le taux, le ramenant de 2% à 1.6%. Il précise que l’opération était complexe, les murs de l’hôtel appartenant pour partie à Monsieur [D] et pour partie à une SCI en nue propriété, une SARL ayant l’usufruit de l’immeuble. Dans le cadre de sa mission de conseil, il était l’interlocuteur de Monsieur [D], lequel lui a déposé de nombreuses correspondances qu’il produit, et du notaire dans le cadre des travaux préparatoires à la rédaction de l’acte, celui-ci étant, suite à ses observations, conduit à procéder à un nouveau calcul de la plus-value. L’ensemble de ses diligences ont permis à Monsieur [D] d’augmenter le prix de cession, de percevoir les loyers du bail commercial et de neutraliser un impôt à payer sur la plus-value, ce qui représente un montant total de 1 690 000 €.
L’affaire a été retenue à l’audience du 17 janvier 2023, à laquelle les parties ont repris les éléments développés dans leurs conclusions auxquelles ils se réfèrent, en date des 31 octobre 2022 pour Maitre [U] et 11 janvier 2023 pour Monsieur [D].
Monsieur [D] souligne la jurisprudence constante de la Cour de cassation prohibant les conventions d’honoraires reposant sur le seul résultat, celle-ci ne se limitant pas aux avocats judiciaires. Il estime que Maitre [U] n’a établi aucun acte à son profit, le seul acte rédigé concernant la SCI SAINT MARTIN et constituant un bail commercial type.
Il observe qu’au total, les honoraires cumulés dus dans le cadre de cette opération par Monsieur [D], la SCI SAINT MARTIN et la SARL HOTEL SAINT MARTIN correspondraient, sur la base de 264 € TTC de l’heure à 356 heures de travail en deux mois. Il souligne que la cession de l’immeuble par la SCI SAINT MARTIN est prévue en 2028 pour des raisons d’optimisation fiscale et qu’il n’est pas certain que les loyers seront intégralement payés jusqu’à cette date. Il maintient sa demande d’infirmation de l’ordonnance et la condamnation de Maitre [U] à lui payer la somme de 3000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Maitre [U] souligne que Monsieur [D] est un commerçant aguerri, que le premier rendez-vous s’est tenu le 6 novembre 2019, et qu’au cours de ce rendez-vous les honoraires ont été évoqués, comprenant un honoraire forfaitaire et un honoraire sur le résultat final. Dès le lendemain, Monsieur [D] est revenu avec de nombreux documents, notamment un protocole. Il lui a conseillé dès le 7 novembre 2019 de dénoncer ce protocole au profit de l’organisation juridique finalement retenue. Il souligne qu’il n’y avait aucun aléa sur le montant de la rémunération, l’acte notarié étant signé en janvier 2020 et qu’un honoraire forfaitaire a été réglé par provision. Il sollicite la confirmation de la décision du bâtonnier et la condamnation de Monsieur [D] au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
En application de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, la décision du Bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, dans le délai d’un mois.
En l’espèce, l’ordonnance, rappelant ces dispositions réglementaires, a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 4 juillet 2022 et le recours a été formé par Monsieur [R] [D] le 1er août 2022.
Il convient de le déclarer recevable.
Sur la licéité de la convention
L’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 tel qu’il résulte de la modification de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoit que :
‘Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
[‘]
Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.
En l’espèce, la convention d’honoraires signée par Monsieur [R] [D], la SCI SAINT MARTIN et la SARL HOTEL SAINT MARTIN d’une part et Maitre [S] [U] et Maitre [N] [U] d’autre part prévoit à l’article 3 : « le montant des honoraires correspondant à la mission est fixé à 1.6 % des montants des cessions. Les diligences ainsi couvertes comprennent les consultations, les recherches et vérifications des documents, les réunions, la rédaction d’un protocole d’accord et l’assistance aux cessions. ».
L’article 4 mentionne « l’honoraire de diligences fera l’objet d’appels de provisions successifs, en fonction de la mission. [‘] L’honoraire de résultat sera exigible dès encaissement des sommes. »
Il est constant qu’une demande de provision de 36 000 € TTC a été formée par Maitre [U] le 19 novembre 2019, adressée à la SARL HOTEL SAINT MARTIN. Il résulte de la note d’honoraires en date du 28 janvier 2020, qui déduit la provision de la somme due, que cette provision a été réglée.
Il résulte de ce versement qu’en dépit de la rédaction perfectible de la convention, les honoraires dus à Maitre [U] ne sont pas constitués des seuls honoraires de résultats, mais bien d’un honoraire de diligence, appelé par provision et d’un honoraire de résultat.
Il n’est pas contesté que cette convention, bien que datée du 18 novembre 2019, a été finalement signée le 9 janvier 2020, jour de la signature des actes authentiques chez le notaire. Il en résulte qu’il n’existait aucun aléa sur la rémunération de l’avocat et les honoraires étaient parfaitement connus au moment de la signature de la convention.
Par ailleurs, il n’est pas contesté que le taux initialement prévu par l’avocat était de 2%. Ce taux ne convenant pas à Monsieur [D], alors accompagné par une personne de son entourage, Madame [K], celle-ci a joint par téléphone une de ses relations. A la suite de cet échange, le taux a été ramené à 1.6%, conformément à la préconisation de cet interlocuteur.
Ces éléments sont contraires à l’affirmation selon laquelle des pressions auraient été exercées et que Monsieur [D] n’aurait pas été en mesure de demander conseil pour lui pemettre la signature éclairée de la convention.
En outre, il est mentionné que Monsieur [D], « très perturbé par la vente de l’objet de toute sa vie » présentait un état de confusion tel qu’il ne pouvait donner un consentement éclairé, et deux attestations, rédigées par Monsieur [C] [D] et Madame [F] [K] sont produites. Force est de constater que Monsieur [D] a signé le jour même l’acte notarié et que le notaire, qui a l’obligation de s’assurer de la capacité des parties à consentir, n’a pas relevé de telle confusion chez Monsieur [R] [D].
Enfin, neuf mois plus tard, le 2 septembre 2020, alors que les opérations étaient finalisées, Monsieur [D] a sollicité Maitre [U] en ces termes « Maitre, avant que vous ne fassiez le virement du montant de la vente du fonds de commerce, je souhaiterais que vous m’apportiez conseil ». Ce courrier atteste de la relation de confiance entre Monsieur [D] et son conseil, bien après la négociation de la convention.
L’existence d’un vice du consentement n’est pas conséquent pas établie.
Par suite, la convention d’honoraires doit être appliquée, étant souligné que l’intervention de l’avocat ne s’est pas limitée à la rédaction d’un acte mais qu’au contraire, il a été sollicité à de nombreuses reprises sur des points nécessitant son expertise, notamment par courrier de Monsieur [D] du 11 novembre 2019 listant 7 points « à voir », demandant « calculs et arguments des différentes solutions et limites fiscales ». Maitre [U] était également l’interlocuteur des notaires et a, à ce titre, sollicité plusieurs corrections importantes concernant le projet d’acte authentique.
La somme due par Monsieur [D] est déterminée par application du taux fixé par les parties sur le montant des cessions. Il n’est pas contesté que l’immeuble a été vendu 1 800 000 €, il est dû au titre des honoraires la somme de 28 800 € HT soit 34 560 € TTC.
L’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats de Colmar sera confirmée.
Sur la demande au titre des frais irrépétibles
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Maitre [U] la totalité des frais irrépétibles engagés au cours de présente instance. Monsieur [R] [D] sera condamné au paiement de la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe,
Déclarons l’appel recevable,
Confirmons l’ordonnance du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Colmar du 28 juin 2022,
Y ajoutant,
Condamnons Monsieur [R] [D] à payer à Maitre [N] [U] la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons Monsieur [R] [D] aux dépens.
La présente ordonnance a été signée par Mme Valérie Delnaud première présidente et Mme Anne Houser, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, La première présidente,