L’Essentiel : Les contestations relatives à la régularité en la forme d’un acte de poursuite, comme une saisie administrative à tiers détenteur, relèvent de la compétence du juge de l’exécution. En revanche, la contestation sur la notification préalable du titre de perception concerne l’exigibilité de la créance de majoration. Le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de statuer sur des créances non fiscales de l’État, et les demandes de la société JCDecaux, excédant ses pouvoirs, sont déclarées irrecevables.
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Résumé de l’affaire : Le 10 août 2023, le ministère de la justice a émis un titre de perception à l’encontre de la société JCDecaux, lui réclamant la somme de 2 458 000,80 euros pour les recettes générées par l’affichage publicitaire sur le dôme du tribunal de commerce de Paris entre juillet 2022 et février 2023. En réponse à ce non-paiement, le 13 novembre 2023, un comptable public a adressé une mise en demeure à la société JCDecaux, lui demandant de régler une majoration de 10%, soit 245 800 euros.
Le 18 décembre 2023, une saisie administrative à tiers détenteur a été effectuée par le comptable public auprès de la Société Générale pour le même montant de 245 800 euros, et cette saisie a été notifiée à la société débitrice le même jour. En réaction, la société JCDecaux a assigné le comptable public, l’État et l’agent judiciaire de l’État devant le juge de l’exécution, demandant l’annulation de la saisie, la décharge de son obligation de paiement et une indemnité de procédure de 4 000 euros. En réponse, le comptable public a soulevé une exception d’incompétence, arguant que le juge de l’exécution n’était pas compétent pour traiter de telles demandes, qui relèvent des juridictions administratives. Il a également demandé le rejet des demandes de la société JCDecaux et a réclamé une indemnité de procédure de 2 000 euros. L’agent judiciaire de l’État a également demandé à être mis hors de cause et a conclu au rejet des prétentions adverses. Le juge de l’exécution a statué que les demandes de la société JCDecaux étaient irrecevables, précisant que la contestation de la notification du titre de perception ne relevait pas de sa compétence. La société JCDecaux a été condamnée aux dépens et à verser des indemnités de procédure aux défendeurs. |
![]() Il résulte des articles L. 281 du livre des procédures fiscales et L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire que les contestations relatives à la régularité en la forme d’un acte de poursuite tel qu’une saisie administrative à tiers détenteur relève de la compétence du juge de l’exécution.
Néanmoins, la contestation par laquelle le redevable fait valoir que le comptable public ne justifie pas de la notification préalable du titre de perception a trait non à la régularité en la forme de l’acte de poursuite mais à l’exigibilité de la créance de majoration. Par ailleurs, saisi d’une demande d’annulation d’une mesure d’exécution, il n’entre pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution de statuer sur l’obligation au paiement d’une créance non fiscale de l’Etat ni sur une action indemnitaire contre l’Etat avec exception de compensation. C’est en conséquence à juste titre que le comptable public soutient que de telles demandes, qui relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives, excèdent les pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution. Compétence du juge de l’exécutionLes contestations relatives à la régularité en la forme d’un acte de poursuite, tel qu’une saisie administrative à tiers détenteur, relèvent de la compétence du juge de l’exécution, conformément à l’article L. 281 du livre des procédures fiscales et à l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire. Exigibilité de la créanceLa contestation portant sur la notification préalable du titre de perception ne concerne pas la régularité en la forme de l’acte de poursuite, mais l’exigibilité de la créance de majoration. Cette distinction est essentielle pour déterminer la compétence juridictionnelle appropriée. Limites des pouvoirs du juge de l’exécutionLe juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de statuer sur l’obligation de paiement d’une créance non fiscale de l’État ni sur une action indemnitaire contre l’État, sauf en cas d’exception de compensation. Cette règle est fondée sur le principe de séparation des compétences entre les juridictions judiciaires et administratives. Irrécéabilité des demandesLes demandes de la société JCDecaux, qui excèdent les pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution, sont déclarées irrecevables, ce qui souligne l’importance de respecter les compétences respectives des juridictions. Condamnation aux dépensLa société JCDecaux, ayant succombé dans ses demandes, est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions du code de procédure civile relatives à la condamnation aux frais de justice. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement de la compétence du juge de l’exécution pour les contestations relatives à une saisie administrative à tiers détenteur ?Il résulte des articles L. 281 du livre des procédures fiscales et L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire que les contestations relatives à la régularité en la forme d’un acte de poursuite tel qu’une saisie administrative à tiers détenteur relèvent de la compétence du juge de l’exécution. Ces articles précisent que le juge de l’exécution est compétent pour examiner les contestations portant sur la régularité des actes de poursuite, ce qui inclut les saisies administratives. Ainsi, toute contestation qui vise à remettre en cause la forme de la saisie doit être portée devant ce juge. Quel est le caractère de la contestation relative à la notification préalable du titre de perception ?La contestation par laquelle le redevable fait valoir que le comptable public ne justifie pas de la notification préalable du titre de perception a trait non à la régularité en la forme de l’acte de poursuite mais à l’exigibilité de la créance de majoration. Cela signifie que cette contestation ne relève pas de la compétence du juge de l’exécution, car elle ne concerne pas la forme de la saisie mais l’existence même de la créance. En effet, l’exigibilité d’une créance est une question qui doit être tranchée par les juridictions administratives. Quel est le pouvoir du juge de l’exécution concernant les créances non fiscales de l’État ?Il n’entre pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution de statuer sur l’obligation au paiement d’une créance non fiscale de l’Etat ni sur une action indemnitaire contre l’Etat avec exception de compensation. Cela signifie que le juge de l’exécution ne peut pas se prononcer sur des créances qui ne relèvent pas du domaine fiscal, ce qui inclut les créances résultant d’une majoration. Les demandes d’indemnisation contre l’État doivent également être portées devant les juridictions administratives, ce qui exclut leur examen par le juge de l’exécution. Quel est le résultat de la décision du juge de l’exécution concernant les demandes de la société JCDecaux ?Les demandes de la société JCDecaux seront par conséquent déclarées irrecevables. En raison de l’irrecevabilité de ses demandes, la société JCDecaux sera condamnée aux dépens. De plus, elle devra payer une indemnité de procédure au comptable public et à l’agent judiciaire de l’État, conformément à l’article 700 du code de procédure civile. Cette décision souligne l’importance de la compétence des juridictions administratives pour traiter les questions relatives aux créances non fiscales. |
AFFAIRE : La SAS JCDECAUX FRANCE / DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ESSONNE, L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT, MONSIEUR LE GARDE DES [Localité 9], MINISTRE DE LA JUSTICE- MINISTERE DE LA JUSTICE
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 08 AVRIL 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Cécile CROCHET
GREFFIER : Marie-Christine YATIM
DEMANDERESSE
La SAS JCDECAUX FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Maître Alice LERAT de l’AARPI PRACTICE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : D0605, Me Esther LELLOUCHE, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 187
DEFENDERESSES
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE L’ESSONNE
Services produits divers
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître Florence FRICAUDET de la SARL FRICAUDET LARROUMET SALOMONI, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN 706
L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Frédéric GABET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : BOB139
MONSIEUR LE GARDE DES [Localité 9], MINISTRE DE LA JUSTICE- MINISTERE DE LA JUSTICE
[Adresse 1]
[Localité 6]
non représentée
Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 04 Mars 2025 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 08 Avril 2025, par mise à disposition au Greffe.
Le 10 août 2023, le ministère de la justice a émis à l’encontre de la société JCDecaux un titre de perception pour le paiement de la somme de 2 458 000,80 euros correspondant au versement des recettes générées par l’affichage de publicité sur le dôme du tribunal de commerce de Paris pour la période de juillet 2022 à février 2023.
Le 13 novembre 2023, une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer a été adressée par le comptable public à la société JCDecaux pour paiement de la somme de 245 800 euros correspondant à une majoration de 10%.
Le 18 décembre 2023, le comptable public a fait pratiquer une saisie administrative à tiers détenteur entre les mains de la Société Générale pour un montant de 245 800,00 euros.
Le même jour, cette saisie a été dénoncée à la débitrice.
Par actes des 30 avril et 2 mai 2024, la société JCDecaux a assigné le comptable public, l’Etat et l’agent judiciaire de l’Etat devant le juge de l’exécution en annulation de la saisie administrative à tiers détenteur, en décharge de son obligation de payer et en condamnation solidaire des défendeurs à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros.
In limine litis, le comptable public a soulevé une exception d’incompétence du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre au profit des juridictions de l’ordre administratif. Subsidiairement, il soulève l’irrecevabilité des demandes indemnitaires et de décharge de l’obligation de paiement de la société JCDecaux. Il conclut en tout cas au rejet des prétentions adverses et réclame une indemnité de procédure de 2 000 euros.
L’agent judiciaire de l’Etat demande quant à lui sa mise hors de cause ainsi que du ministère de la justice. Il conclut également au rejet des prétentions adverses et à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1 200 euros.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l’assignation aux conclusions prises pour les défendeurs et visées à l’audience.
Il résulte des articles L. 281 du livre des procédures fiscales et L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire que les contestations relatives à la régularité en la forme d’un acte de poursuite tel qu’une saisie administrative à tiers détenteur relève de la compétence du juge de l’exécution.
Néanmoins, la contestation par laquelle le redevable fait valoir que le comptable public ne justifie pas de la notification préalable du titre de perception a trait non à la régularité en la forme de l’acte de poursuite mais à l’exigibilité de la créance de majoration.
Par ailleurs, saisi d’une demande d’annulation d’une mesure d’exécution, il n’entre pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution de statuer sur l’obligation au paiement d’une créance non fiscale de l’Etat ni sur une action indemnitaire contre l’Etat avec exception de compensation.
C’est en conséquence à juste titre que le comptable public soutient que de telles demandes, qui relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives, excèdent les pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution.
Les demandes de la société JCDecaux seront par conséquent déclarées irrecevables.
Succombant, la société JCDecaux sera condamnée aux dépens. Il sera également alloué aux défenderesses l’indemnité de procédure fixée au dispositif.
Le juge de l’exécution, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,
Déclare irrecevable les demandes de la société JCDecaux ;
Condamne la société JCDecaux aux dépens ;
Condamne la société JCDecaux à payer au comptable public la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société JCDecaux à payer à l’agent judiciaire de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le juge de l’exécution
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