Communication des relevés de compte d’une indivision

Notez ce point juridique

Un co-indivisaire est en droit de contraindre, par saisine du juge des référés, la banque, de lui transmettre les relevés des comptes dont il est co-indivisaire, ses réclamations préalables étant demeurées vaines, alors qu’il dispose d’un droit à l’information et que, n’ayant pas internet, elle a toujours sollicité la remise de documents papier.

– Il est recommandé de vérifier régulièrement les relevés de compte pour détecter toute anomalie ou frais non justifiés.
– Il est conseillé de demander la communication des informations personnelles détenues par une institution financière en cas de doute sur leur exactitude.
– Il est recommandé de se renseigner sur ses droits en matière de protection des données personnelles et de demander des explications en cas de désaccord avec une institution financière.


L’affaire concerne un litige entre Mme [P] [B] et la société BNP Paribas concernant la communication de documents relatifs aux comptes de l’indivision successorale de feu [G] [P]. Mme [P] [B] a demandé à la société BNP Paribas de lui fournir divers documents et informations, mais sa demande a été rejetée par le juge des référés. Mme [P] [B] a interjeté appel de cette décision et demande à la cour de lui accorder les documents demandés, assortis d’une astreinte en cas de retard, ainsi qu’une indemnité et le remboursement des dépens. La société BNP Paribas, de son côté, demande à la cour de confirmer la décision du juge des référés et de condamner Mme [P] [B] à lui verser une indemnité et les dépens.

Sur la demande de communication de l’ensemble de la documentation contractuelle

Mme [P] [B] demande la communication de l’ensemble de la documentation contractuelle des comptes de l’indivision successorale, mais la BNP Paribas explique qu’aucune convention d’ouverture des comptes n’a été signée entre elle et les co-indivisaires. De plus, les conditions tarifaires de la banque sont accessibles aux clients, et Mme [P] [B] a déjà reçu tous les relevés de compte en première instance. Aucun litige potentiel ne justifie la demande de communication de la documentation contractuelle, qui est donc rejetée.

Sur la demande de communication de l’ensemble des relevés de compte non communiqués en première instance

La BNP Paribas a déjà communiqué la plupart des relevés de compte, à l’exception de quelques-uns. Cependant, ces relevés n’ont révélé aucune anomalie et les soldes ont augmenté sur la période concernée. La demande de communication des relevés manquants est donc rejetée.

Sur la demande de communication du document selon lequel Mme [P] [B] aurait désigné Mme [W] [P] comme représentante de l’indivision

La BNP Paribas affirme ne pas disposer d’un tel document, et aucune instruction de mouvement n’a été donnée par Mme [W] [P]. La demande de communication de ce document est rejetée, mais la demande de Mme [P] [B] de recevoir les relevés de compte de l’indivision est acceptée.

Sur la demande de communication de l’ensemble des informations détenues par la BNP Paribas sur Mme [P] [B]

Mme [P] [B] demande la communication de toutes les informations que la BNP Paribas détient sur elle, invoquant le règlement sur la protection des données personnelles. La demande est acceptée, et la banque devra lui fournir ces informations, y compris les enregistrements d’appels téléphoniques.

Sur la demande d’astreinte

L’astreinte n’est pas jugée nécessaire, car la BNP Paribas a déjà produit les relevés de compte demandés. Par conséquent, aucune astreinte n’est prononcée.

Sur les frais et dépens

Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, car la BNP Paribas n’est pas considérée comme une partie perdante. Aucune condamnation aux dépens n’est prononcée, mais chaque partie supportera ses propres frais exposés.

– La société BNP Paribas doit communiquer à Mme [P] [B] :
– l’ensemble des données personnelles de Mme [P] [B] au 30 mars 2022
– l’ensemble des données personnelles de Mme [P] [B] à ce jour
– les enregistrements audio des appels passés à la société BNP Paribas par Mme [P] [B], y compris ceux du 30 mars 2022, avec le numéro appelant
– La société BNP Paribas doit envoyer à Mme [P] [B] deux fois par an, en juin et décembre, les relevés des comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres
– Chaque partie supporte ses propres dépens d’appel
– Les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées


Réglementation applicable

– Code de procédure civile, article 145
– Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, articles 12 et 15

Article 145 du code de procédure civile:
« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Article 12 du règlement (UE) 2016/679:
« 1. Le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour fournir toute information visée aux articles 13 et 14 ainsi que pour procéder à toute communication au titre des articles 15 à 22 et de l’article 34 en ce qui concerne le traitement à la personne concernée d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples, en particulier pour toute information destinée spécifiquement à un enfant. Les informations sont fournies par écrit ou par d’autres moyens y compris, lorsque c’est approprié, par voie électronique. Lorsque la personne concernée en fait la demande, les informations peuvent être fournies oralement, à condition que l’identité de la personne concernée soit démontrée par d’autres moyens. »

Article 15 du règlement (UE) 2016/679:
« 1. La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu’elles le sont, l’accès auxdites données à caractère personnel ainsi que les informations suivantes :
a) les finalités du traitement ;
b) les catégories de données à caractère personnel concernées ;
c) les destinataires ou catégories de destinataires auxquels les données à caractère personnel ont été ou seront communiquées, en particulier les destinataires qui sont établis dans des pays tiers ou les organisations internationales ;
d) lorsque cela est possible, la durée de conservation des données à caractère personnel envisagée ou, lorsque ce n’est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ;
e) l’existence du droit de demander au responsable du traitement la rectification ou l’effacement de données à caractère personnel, ou une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à la personne concernée, ou du droit de s’opposer à ce traitement ;
f) le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle ;
g) lorsque les données à caractère personnel ne sont pas collectées auprès de la personne concernée, toute information disponible quant à leur source ;
h) l’existence d’une prise de décision automatisée, y compris un profilage, visée à l’article 22, paragraphes 1 et 4, et, au moins en pareils cas, des informations utiles concernant la logique sous-jacente, ainsi que l’importance et les conséquences prévues de ce traitement pour la personne concernée. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS
– Me Pauline BIGOT, avocat au barreau de PARIS
– Me Dominique PENIN, avocat au barreau de PARIS
– Me Pierre NICOLET, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés

– Cour
– Code de procédure civile
– Mesures d’instruction
– Référé
– Communication de pièces
– Documentation contractuelle
– Relevés de compte
– Indivision successorale
– Données à caractère personnel
– RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données)

– Cour: juridiction chargée de rendre des décisions judiciaires
– Code de procédure civile: ensemble des règles régissant le déroulement des procédures civiles devant les tribunaux
– Mesures d’instruction: actions entreprises pour recueillir des éléments de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Référé: procédure judiciaire d’urgence permettant d’obtenir rapidement une décision provisoire
– Communication de pièces: échange de documents entre les parties à un litige
– Documentation contractuelle: ensemble des documents écrits régissant les relations contractuelles entre les parties
– Relevés de compte: documents récapitulant les opérations effectuées sur un compte bancaire
– Indivision successorale: situation dans laquelle plusieurs personnes héritent ensemble d’un bien
– Données à caractère personnel: informations permettant d’identifier une personne physique
– RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données): réglementation européenne visant à protéger les données à caractère personnel des individus

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRÊT DU 01 MARS 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/13555 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIC5R

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 26 Mai 2023 -Président du TJ de PARIS 17 – RG n° 23/51882

APPELANTE

Mme [J] [P] [B]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée à l’audience par Me Pauline BIGOT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Dominique PENIN, substitué à l’audience par Me Pierre NICOLET, du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : J008

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er février 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Florence LAGEMI, Présidente de chambre

Rachel LE COTTY, Conseillère

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

[G] [P] est décédé le [Date naissance 3] 1998, laissant pour lui succéder Mme [Z] [P], son épouse, Mmes [P] [B] et [R], ses filles, et M. [L] [P] et Mme [W] [P], ses petits-enfants venant par représentation de leur père, [E] [P], prédécédé.

Par ordonnance de référé du 5 novembre 1999, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a accueilli la demande de Mme [Z] [P] de transfert des 5/8èmes des fonds et valeurs détenus par la société BNP Paribas au nom de [G] [P], moins 24.326 francs, sur un compte spécialement ouvert à son nom.

Par ordonnance de référé du 20 juillet 2000, la même juridiction a rendu cette ordonnance opposable à la société BNP Paribas.

Par acte du 20 février 2023, Mme [P] [B] a assigné la société BNP Paribas devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris afin qu’il lui soit ordonné de lui communiquer sous astreinte l’ensemble de la documentation contractuelle relative aux comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres, l’ensemble des relevés de compte mensuels de ces comptes depuis le mois de janvier 2015, l’ensemble des informations qu’elle détient au 30 mars 2022 sur elle-même dans le cadre de la gestion des comptes de l’indivision en précisant leur origine et leur date de communication, le document selon lequel elle aurait désigné Mme [W] [P] en qualité de représentante de l’indivision et la liste des appels téléphoniques qu’elle aurait émis vers la BNP Paribas, le numéro appelant ainsi que les enregistrements audios, notamment celui du 30 mars 2022.

Par ordonnance contradictoire du 26 mai 2023, le juge des référés a :

dit n’y avoir lieu à référé ;

dit que Mme [P] [B] conserve la charge des dépens ;

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 27 juillet 2023, Mme [P] [B] a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 10 janvier 2024, elle demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

statuant à nouveau,

condamner la société BNP Paribas à lui communiquer, sous forme papier :

l’ensemble de la documentation contractuelle relative aux comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres ;

l’ensemble des relevés de compte non communiqués en première instance, à savoir : les relevés de portefeuille trimestriels de mars, juin, septembre de 2015 à 2017 et l’ensemble des relevés mensuels du compte à terme depuis janvier 2015 ;

l’ensemble des relevés des trois comptes de l’indivision depuis janvier 2023 (ceux du compte chèques depuis novembre 2023) ;

l’ensemble des informations que la société BNP Paribas détenait au 30 mars 2022 sur elle dans le cadre de la gestion des comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres, en précisant leur origine et leur date de communication ;

l’ensemble des informations que la société BNP Paribas détient à ce jour sur elle dans le cadre de la gestion des comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres, en précisant leur origine et leur date de communication ;

le document selon lequel elle aurait désigné Mme [W] [P] comme représentante de l’indivision ;

la liste des appels téléphoniques qu’elle aurait passés à la société BNP Paribas, le numéro appelant, les enregistrements audio de ces appels, en particulier ceux du 30 mars 2022 ;

condamner la société BNP Paribas à lui envoyer régulièrement chaque mois, sous forme papier, les courriers et les relevés mensuels des comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres, à compter de la décision à intervenir ;

assortir chacune de ces condamnations d’une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

condamner la société BNP Paribas à lui payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3.600 euros en cause d’appel et la somme de 2.400 euros pour la procédure de première instance de référé ;

condamner la société BNP Paribas aux entiers dépens de la présente instance d’appel et de la première instance de référé, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

rejeter la demande de la société BNP Paribas tendant à la voir condamner à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeter la demande de la société BNP Paribas relative aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 janvier 2024, la société BNP Paribas demande à la cour de :

dire et juger Mme [P] [B] mal fondée en son appel ;

confirmer l’ordonnance de référé entreprise ;

condamner Mme [P] [B] à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [P] [B] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il entre dans les pouvoirs du juge des référés d’ordonner, sur le fondement de ce texte, une communication de pièces, sous réserve pour le demandeur de justifier d’un motif légitime, à savoir, l’existence d’un procès « en germe » entre les parties, possible et non manifestement voué à l’échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée.

Mme [P] [B] expose qu’elle est co-titulaire des comptes de l’indivision successorale [G] [P] à la BNP Paribas (agence de [Localité 7]) et que, malgré ses demandes, la banque ne lui a adressé aucune information relative aux comptes de l’indivision depuis 2015, ce qui l’a contrainte à saisir le juge des référés. Elle précise que, si la BNP Paribas lui a communiqué certains relevés de comptes en première instance, tous n’ont pas été fournis et aucune communication n’a eu lieu depuis janvier 2023.

Sur la demande de communication de l’ensemble de la documentation contractuelle

Mme [P] [B] demande la communication de l’ensemble de la documentation contractuelle des comptes de l’indivision successorale, soutenant qu’il existe un litige potentiel avec la banque s’agissant des frais prélevés et non justifiés ainsi que des règles de fonctionnement des comptes, Mme [W] [P], sa nièce, ayant été désignée seule représentante de l’indivision sans explication.

Mais, ainsi que l’expose la BNP Paribas, il n’y a pas eu de convention d’ouverture des comptes signée entre elle et les co-indivisaires puisque les comptes ont été ouverts en exécution de l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Nanterre du 5 novembre 1999, qui a autorisé Mme [Z] [P], veuve de [G] [P], à appréhender sa part dans les livres de la banque au titre des liquidités et valeurs mobilières et a prévu que le solde des valeurs serait placé sur un compte intitulé « indivision successorale [G] [P] ».

Pour le surplus, les conditions tarifaires de la société BNP Paribas sont mises à la disposition de ses clients, ainsi que les mentions sur les relevés de compte produits par Mme [P] [B] elle-même en attestent, et celle-ci a connaissance des frais prélevés puisque l’ensemble des relevés de compte lui ont été communiqués en première instance. Elle dispose donc des informations lui permettant, en cas de frais excessifs ou anormaux, d’agir contre la banque.

Il n’existe par ailleurs aucun litige « en germe » entre les parties s’agissant de la désignation de Mme [W] [P] comme représentante de l’indivision sur les relevés de comptes, cette désignation étant sans conséquence juridique et n’autorisant pas l’intéressée à se prévaloir de droits que n’aurait pas Mme [P] [B], ni à disposer des fonds qui sont en indivision.

La BNP Paribas produit l’ensemble des relevés de compte, dont il ressort qu’aucun versement n’a été fait à l’un ou l’autre des co-indivisaires et qu’il n’existe aucune opération anormale, comme l’a justement relevé le premier juge, les soldes n’ayant fait que croître sur la période de 2014 à 2023.

La désignation, injustifiée d’après l’appelante, de Mme [W] [P] en qualité de « représentante » de l’indivision est donc sans conséquence et insusceptible de fonder un procès futur à l’encontre de la banque, ni même des co-indivisaires, puisqu’elle n’a donné lieu à aucune décision particulière.

La seule conséquence est que les relevés de compte lui sont adressés mais la BNP Paribas a désormais également remis à l’appelante l’ensemble des relevés dont elle disposait.

La demande de communication de la documentation contractuelle, qui ne repose sur aucun procès en germe entre les parties, sera donc rejetée, l’ordonnance entreprise étant confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé de ce chef.

Sur la demande de communication de l’ensemble des relevés de compte non communiqués en première instance

Les relevés de compte ont été communiqués en première instance puis en appel par l’intimée, à l’exception de quelques uns d’entre eux, ce qui est sans incidence au regard de l’évolution globale des fonds et de l’absence d’anomalie.

S’agissant du compte chèque numéroté 16864906, l’intimée a produit en première instance la totalité des relevés sur la période du 26 décembre 2014 au 26 janvier 2023 et, en appel, les relevés jusqu’au 26 octobre 2023. Il en résulte que le solde du compte est passé de 22.581,87 euros au 26 décembre 2014 à 35.260,73 euros au 26 octobre 2023.

S’agissant du compte d’instruments financiers, l’intimée a produit en première instance la totalité des relevés à l’exception des relevés trimestriels de mars, juin et septembre, de 2015 à 2017, qui n’avaient pas été édités. Elle soutient qu’elle ne peut produire des documents qui n’existent pas et ne saurait donc être condamnée à produire les relevés manquants, comme demandé par l’appelante.

En tout état de cause, les relevés qu’elle verse aux débats démontrent que ce compte n’a connu aucune activité et que les valeurs mobilières inscrites sont toujours les mêmes et dans les mêmes quantités d’année en année. Le relevé au 2 janvier 2024 démontre en outre que la valorisation totale du portefeuille de titres est passée de 63.893 euros au 31 décembre 2014 à 92.760,93 euros au 2 janvier 2014.

La demande de Mme [P] [B] de production des relevés du portefeuille de titres de mars, juin, septembre de 2015 à 2017, qui ne présente donc aucune utilité, sera rejetée.

Enfin, s’agissant du compte à terme numéroté [XXXXXXXXXX01], le placement de 25.500 euros n’a pas varié depuis l’ordonnance de référé du 5 novembre 1999, de sorte que la communication des relevés mensuels de ce compte depuis janvier 2015, sollicitée par Mme [P] [B], est inutile.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur ces demandes de communication.

En revanche, il doit être relevé que Mme [P] [B] a été contrainte de saisir le juge des référés pour obtenir la communication des relevés des comptes dont elle est co-indivisaire, ses réclamations préalables étant demeurées vaines, alors qu’elle dispose d’un droit à l’information et que, n’ayant pas internet, elle a toujours sollicité la remise de documents papier.

Aussi, afin qu’elle ne soit pas contrainte de solliciter constamment la BNP Paribas pour obtenir des informations sur l’état des comptes dont elle est co-indivisaire, il y a lieu d’enjoindre à celle-ci de lui communiquer à l’avenir deux fois par an, sous format papier, les relevés des trois comptes litigieux.

Sur la demande de communication du document selon lequel Mme [P] [B] aurait désigné Mme [W] [P] comme représentante de l’indivision

Mme [P] [B] dénonce un faux et usage de faux car la banque serait en possession d’une procuration de sa main donnant mandat à sa nièce, Mme [W] [P], pour représenter l’indivision, procuration qu’elle refuse de lui montrer, alors qu’elle n’a jamais donné une telle procuration.

La BNP Paribas expose ne pas disposer d’un document de cette nature puisqu’elle a comme interlocuteurs l’ensemble des co-indivisaires de l’indivision successorale [G] [P].

Ainsi qu’il a été précédemment constaté, aucune instruction de mouvement sur l’un des trois comptes n’ayant été donnée par l’un des indivisaires, et notamment Mme [W] [P], et aucune faute de gestion ne pouvant être reprochée à la banque, le procès futur éventuel est, de ce chef, inexistant ou voué à l’échec, de sorte que la demande de communication de ce document, dont l’existence est de surcroît incertaine, sera rejetée.

Néanmoins, et comme jugé précédemment, Mme [W] [P] ne disposant d’aucun droit particulier qui primerait ceux de Mme [P] [B], l’intimée n’explique pas pour quelle raison les relevés de compte sont adressés à la première et non à l’appelante. La demande de cette dernière de se voir adresser les relevés de compte de l’indivision est donc légitime et sera accueillie, comme il a été précédemment jugé, ce qui lui permettra de vérifier l’absence de toute anomalie à l’avenir.

Sur la demande de communication de l’ensemble des informations détenues par la BNP Paribas sur Mme [P] [B]

Mme [P] [B] demande la communication de l’ensemble des informations que la société BNP Paribas détenait au 30 mars 2022 sur elle dans le cadre de la gestion des comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres, en précisant leur origine et leur date de communication, ainsi que l’ensemble des informations que la société BNP Paribas détient à ce jour sur elle.

Elle expose qu’elle souhaite vérifier les informations que la banque détenait sur elle au 30 mars 2022 et celles qu’elle détient aujourd’hui car elle pense que ces informations ont été modifiées frauduleusement par un tiers, une personne ayant piraté son téléphone et usurpé son identité en se faisant passer pour elle. Elle précise avoir constaté que de fausses données personnelles ont été inscrites à son nom à des fins frauduleuses, l’adresse courriel de sa soeur et un numéro de téléphone différent de celui qu’elle a donné figurant sur sa fiche de renseignements.

Elle fonde sa demande sur les articles 12 et 15 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit RGPD), et soutient qu’en application de ces dispositions, elle a un droit d’accès aux informations détenues par la banque la concernant.

Cette demande ne repose donc pas sur l’article 145 du code de procédure civile comme les demandes précédentes, étant précisé que Mme [P] [B] n’explique nullement quel procès futur au fond elle envisagerait d’engager à l’égard de la banque ou des co-indivisaires pour détention de son numéro de téléphone et pour la mention erronée de l’adresse courriel de sa soeur dans les fichiers de la BNP Paribas.

L’article 12 du règlement, intitulé « Transparence des informations et des communications et modalités de l’exercice des droits de la personne concernée », dispose que :

« 1. Le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour fournir toute information visée aux articles 13 et 14 ainsi que pour procéder à toute communication au titre des articles 15 à 22 et de l’article 34 en ce qui concerne le traitement à la personne concernée d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, en des termes clairs et simples, en particulier pour toute information destinée spécifiquement à un enfant. Les informations sont fournies par écrit ou par d’autres moyens y compris, lorsque c’est approprié, par voie électronique. Lorsque la personne concernée en fait la demande, les informations peuvent être fournies oralement, à condition que l’identité de la personne concernée soit démontrée par d’autres moyens.

2. Le responsable du traitement facilite l’exercice des droits conférés à la personne concernée au titre des articles 15 à 22. Dans les cas visés à l’article 11, paragraphe 2, le responsable du traitement ne refuse pas de donner suite à la demande de la personne concernée d’exercer les droits que lui confèrent les articles 15 à 22, à moins que le responsable du traitement ne démontre qu’il n’est pas en mesure d’identifier la personne concernée.

3. Le responsable du traitement fournit à la personne concernée des informations sur les mesures prises à la suite d’une demande formulée en application des articles 15 à 22, dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Au besoin, ce délai peut être prolongé de deux mois, compte tenu de la complexité et du nombre de demandes. Le responsable du traitement informe la personne concernée de cette prolongation et des motifs du report dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Lorsque la personne concernée présente sa demande sous une forme électronique, les informations sont fournies par voie électronique lorsque cela est possible, à moins que la personne concernée ne demande qu’il en soit autrement.

4. Si le responsable du traitement ne donne pas suite à la demande formulée par la personne concernée, il informe celle-ci sans tarder et au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande des motifs de son inaction et de la possibilité d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle et de former un recours juridictionnel.

5. Aucun paiement n’est exigé pour fournir les informations au titre des articles 13 et 14 et pour procéder à toute communication et prendre toute mesure au titre des articles 15 à 22 et de l’article 34. Lorsque les demandes d’une personne concernée sont manifestement infondées ou excessives, notamment en raison de leur caractère répétitif, le responsable du traitement peut :

a) exiger le paiement de frais raisonnables qui tiennent compte des coûts administratifs supportés pour fournir les informations, procéder aux communications ou prendre les mesures demandées; ou

b) refuser de donner suite à ces demandes.

Il incombe au responsable du traitement de démontrer le caractère manifestement infondé ou excessif de la demande.

6. Sans préjudice de l’article 11, lorsque le responsable du traitement a des doutes raisonnables quant à l’identité de la personne physique présentant la demande visée aux articles 15 à 21, il peut demander que lui soient fournies des informations supplémentaires nécessaires pour confirmer l’identité de la personne concernée.

7. Les informations à communiquer aux personnes concernées en application des articles 13 et 14 peuvent être fournies accompagnées d’icônes normalisées afin d’offrir une bonne vue d’ensemble, facilement visible, compréhensible et clairement lisible, du traitement prévu. Lorsque les icônes sont présentées par voie électronique, elles sont lisibles par machine.

8. La Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 92, aux fins de déterminer les informations à présenter sous la forme d’icônes ainsi que les procédures régissant la fourniture d’icônes normalisées ».

Aux termes de l’article 15 du règlement, intitulé « Droit d’accès de la personne concernée » :

« 1. La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu’elles le sont, l’accès auxdites données à caractère personnel ainsi que les informations suivantes :

a) les finalités du traitement ;

b) les catégories de données à caractère personnel concernées ;

c) les destinataires ou catégories de destinataires auxquels les données à caractère personnel ont été ou seront communiquées, en particulier les destinataires qui sont établis dans des pays tiers ou les organisations internationales ;

d) lorsque cela est possible, la durée de conservation des données à caractère personnel envisagée ou, lorsque ce n’est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ;

e) l’existence du droit de demander au responsable du traitement la rectification ou l’effacement de données à caractère personnel, ou une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à la personne concernée, ou du droit de s’opposer à ce traitement ;

f) le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle ;

g) lorsque les données à caractère personnel ne sont pas collectées auprès de la personne concernée, toute information disponible quant à leur source ;

h) l’existence d’une prise de décision automatisée, y compris un profilage, visée à l’article 22, paragraphes 1 et 4, et, au moins en pareils cas, des informations utiles concernant la logique sous-jacente, ainsi que l’importance et les conséquences prévues de ce traitement pour la personne concernée.

2. Lorsque les données à caractère personnel sont transférées vers un pays tiers ou à une organisation internationale, la personne concernée a le droit d’être informée des garanties appropriées, en vertu de l’article 46, en ce qui concerne ce transfert.

3. Le responsable du traitement fournit une copie des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement. Le responsable du traitement peut exiger le paiement de frais raisonnables basés sur les coûts administratifs pour toute copie supplémentaire demandée par la personne concernée. Lorsque la personne concernée présente sa demande par voie électronique, les informations sont fournies sous une forme électronique d’usage courant, à moins que la personne concernée ne demande qu’il en soit autrement.

4. Le droit d’obtenir une copie visé au paragraphe 3 ne porte pas atteinte aux droits et libertés d’autrui ».

Il résulte de ce texte que toute personne physique peut accéder aux données qui la concernent.

Elle peut ainsi s’adresser à tout organisme pour savoir si des données à caractère personnel la concernant font l’objet d’un traitement et, le cas échéant, obtenir la communication de ces données. Le responsable du traitement doit lui répondre dans le délai d’un mois, sauf complexité particulière de la demande.

En application de l’article 79 du règlement, la personne qui n’a pu obtenir de l’organisme concerné la communication des informations la concernant peut saisir l’autorité nationale de contrôle (en France, la Commission nationale de l’informatique et libertés – la CNIL -) mais dispose également d’un droit à un recours juridictionnel effectif :

« Sans préjudice de tout recours administratif ou extrajudiciaire qui lui est ouvert, y compris le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle au titre de l’article 77, chaque personne concernée a droit à un recours juridictionnel effectif si elle considère que les droits que lui confère le présent règlement ont été violés du fait d’un traitement de ses données à caractère personnel effectué en violation du présent règlement.

Toute action contre un responsable du traitement ou un sous-traitant est intentée devant les juridictions de l’État membre dans lequel le responsable du traitement ou le sous-traitant dispose d’un établissement. Une telle action peut aussi être intentée devant les juridictions de l’État membre dans lequel la personne concernée a sa résidence habituelle, sauf si le responsable du traitement ou le sous-traitant est une autorité publique d’un État membre agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique ».

Au cas présent, la société BNP Paribas dispose à l’évidence de données personnelles concernant Mme [P] [B], telles que, a minima, son adresse et son numéro de téléphone (puisqu’elle l’a déjà contactée par téléphone).

Elle est donc tenue de lui communiquer les informations qu’elle détient, aussi limitées soient-elles.

Son obligation n’étant pas sérieusement contestable en application des textes précités, la demande de l’appelante sera accueillie, dans les conditions précisées au dispositif, l’ordonnance entreprise étant infirmée de ce chef.

Les enregistrements audios des appels téléphoniques émis par Mme [P] [B] vers la BNP Paribas, qui sont également des données personnelles, devront également lui être adressés le cas échéant.

La banque soutient qu’elle n’est tenue à aucune obligation d’enregistrement mais il résulte de sa notice d’information sur la protection des données personnelles que les enregistrements téléphoniques sont conservés pendant un à sept ans selon la nature des échanges.

Elle sera donc tenue de communiquer les enregistrements qu’elle détient, si elle a procédé à des enregistrements d’appels de Mme [P] [B].

Sur la demande d’astreinte

La résistance de l’intimée n’est pas avérée puisqu’elle a produit les relevés de compte dont elle disposait à l’occasion de la présente instance. Le prononcé d’une astreinte n’apparaît donc pas nécessaire à ce stade.

Sur les frais et dépens

Les mesures d’instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d’un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier, de sorte que la partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34).

La BNP Paribas, qui n’est pas partie perdante, ne peut donc être condamnée aux dépens. Cependant, l’appel de Mme [P] [B] était en partie fondé, de sorte que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148) et, par suite, des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de communication des données personnelles de Mme [P] [B] détenues par la société BNP Paribas ;

Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant,

Enjoint à la société BNP Paribas de communiquer à Mme [P] [B], en format papier :

l’ensemble des données personnelles de Mme [P] [B] détenues par la banque au 30 mars 2022 ;

l’ensemble des données personnelles de Mme [P] [B] détenues par la banque à ce jour ;

les enregistrements audio des appels passés à la société BNP Paribas par Mme [P] [B] si la banque en détient, dont ceux du 30 mars 2022, avec le numéro appelant ;

Enjoint à la société BNP Paribas d’adresser à Mme [P] [B] deux fois par an, en juin et décembre, en format papier, les relevés des comptes de l’indivision successorale [G] [P] ouverts dans ses livres ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens d’appel par elle exposés ;

Rejette les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

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