Le salarié n’est pas en droit d’obtenir, sur le fondement de l’article 15 du RGDP, l’ensemble des données personnelles traitées par son employeur, lorsque cette demande présente un caractère disproportionné.
Une demande inopportune
Il a été jugé que la production de « l’intégralité des courriels émis et reçus sur l’adresse professionnelle [Courriel 5] pour la période du 29 septembre 2015 au 21 décembre 2018 et différents documents, notes, rapports, note de procédure par lui rédigés et contenues dans ordinateur professionnel et son espace professionnel de travail ainsi que ceux diffusés sur le réseau intranet de l’organisme ou communiqué au comité d’entreprise ou au Conseil économique et Social pour la même période » comme sollicitée, ne permettait pas au salarié de démontrer que le poste antérieurement occupé à son départ en congé n’a pas été supprimé puisque la réorganisation, si elle est effective et démontrée, a nécessairement été réalisée postérieurement à son départ en congé.
Demande alternative à l’URSSAF
Au surplus, le salarié avait d’ores et déjà réclamé les mêmes documents à l’URSSAF PACA par courrier du 27 décembre 2021 mais pour un autre motif, à savoir « la preuve de la réalité des fonctions qu’il avait exercées au sein de l’URSSAF PACA dans le cadre de la validation des acquis et de l’expérience », contredisant ainsi le moyen selon lequel ces documents seraient indispensables et destinés uniquement à fonder des prétentions dans le cadre d’un litige à venir, et qu’il disposerait dès lors d’un motif légitime d’obtenir cette communication.
Enfin les documents sollicités sont en réalité constitués de l’intégralité des documents informatiques issus de la relation contractuelle sans sélection quant à leur objet ni leur date, et par conséquent cette mesure d’instruction non circonscrite dans son objet et dans le temps n’est pas proportionnée aux droits respectifs des parties.
L’article 15 du RGDP
Il ressort du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données dit RGPD) que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu; il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité.
En l’espèce, le salarié ne sollicite pas la communication d’une copie des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement comme visées à l’article 15 du RGPD, mais la communication de l’intégralité de ses documents et courriels professionnels sans distinction d’objet et de temps, ne démontrant pas que ces données lui soient nécessaires pour la constatation, l’exercice ou la défense de droits en justice, comme la cour l’a affirmé ci-dessus, ce conformément aux dispositions de l’article 18 du RGPD.
La juridiction a rejeté la demande du salarié de production de pièces au visa de l’article 145 du code de procédure civile et du RGPD par confirmation de l’ordonnance déférée.
N° RG 22/03064
N° Portalis DBVM-V-B7G-LPQS
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELAS ABAD & VILLEMAGNE – AVOCATS ASSOCIÉS
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 09 MAI 2023
Appel d’une décision (N° RG 22/00013)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE
en date du 27 juillet 2022
suivant déclaration d’appel du 05 août 2022
APPELANT :
Monsieur [K] [J]
né le 21 avril 1988 à PARIS
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Johanna ABAD de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE – AVOCATS ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Benoit GRANJARD, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
INTIMEE :
L’URSSAF PACA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE substitué par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE,
et par Me Velen SOOBEN de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 mars 2023,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 09 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 09 mai 2023.
Exposé du litige :
M. [J] a été engagé à compter du 29 septembre 2015 en contrat à durée indéterminée en qualité de « Manager d’activités stratégiques niveau 8 de qualification 400 par l’URSSAF PACA.
Le contrat de travail de M. [J] a été suspendu à sa demande afin qu’il puisse mener un projet de recherches universitaires pendant 11 mois du 21 décembre 2018 au 20 novembre 2019.
Le 20 août 2019, M. [J] a sollicité une nouvelle suspension de son contrat de travail pour un congé de création d’entreprise (travail de recherche au sein de la faculté de droit d'[Localité 4] et exercer une activité de conseil juridique) à compter du 21 novembre 2021 pour une durée de douze mois qui était accordé par l’URSSAF PACA.
Le 23 juillet 2020, M. [J] a demandé le renouvellement de son congé création d’entreprise et de la suspension de son contrat de travail jusqu’au 22 novembre 2021 par deux courriers. Il expliquait qu’il souhaitait occuper un poste d’attaché temporaire d’éducation dans l’attente de l’obtention de son doctorat et de la procédure administrative de qualification en tant que maître de conférence et recrutement définitif par l’Université. L’URSSAF PACA a accédé à sa demande pour une année.
Le 10 août 2021, l’URSSAF PACA a refusé la demande de prolongation de son congé de M. [J] pour deux années supplémentaires.
Par courrier du 21août 2021, M. [J] a informé son employeur qu’il reprenait ses fonctions à l’issue de la suspension du contrat de travail et qu’il souhaitait reprendre son ancien poste pour assurer les fonctions de « Responsable régional contentieux ».
Par courrier en réponse du 1er octobre 2021, l’URSSAF PACA a informé M. [J] que son ancien poste de « Manager d’activités stratégiques » n’existait plus suite à des modificatins intervenues dans l’organisation au cours des trois dernières années, et lui a proposé l’emploi de « Responsable du Département des affaires juridiques et contrôle de l’assiette C3S » assorti d’une rémunération équivalente.
M. [J] a refusé le poste proposé au motif que son ancien poste existait encore et était occupé par M. [X], qu’il avait été promu Manager de branche Niveau 9 depuis son embauche et était en mesure de prétendre à cette qualification ainsi qu’à la rémunération, et que le poste proposé était situé à [Localité 7], habitant [Localité 6], sa situation familiale l’empêchant de déménager.
Par courrier du 20 octobre 2021, l’URSSAF PACA a confirmé à M. [J] que sa reprise d’activité s’opérerait sur un positionnement conventionnel inchangé soit sur un niveau 9, comme la rémunération, confirmait la disparition de son poste antérieur et la structuration différente opérée en son absence, et indiqué que le poste proposé répondait à son niveau de qualification, ses compétences et aspirations professionnelles en termes de technicité juridique et de management.
M. [J] a sollicité par courrier du 21 octobre 2021, les éléments juridiques officialisant la modification de l’organigramme de l’URSSAF et a confirmé son refus du poste proposé pour les raisons déjà invoquées.
L’URSSAF PACA répondait le 3 novembre 2021, avoir déjà exposé à plusieurs reprises la réalité de l’organisation modifiée au cours de ses trois années d’absence et loyalement recherché un poste similaire à celui précédemment occupé.
M. [J] a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 10 décembre 2021.
M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille en sa formation de référé le 28 janvier 2022 et le dossier a été dépaysé au conseil de prud’hommes de Valence en date du 1er avril 2022.
M. [J] sollicite la condamnation de l’URSSAF PACA sous astreinte à lui transmettre des éléments et documents, courriels, notes, rapports rédigés par lui et contenus sur son ordinateur professionnel et son espace professionnel de travail ainsi que ceux diffusés sur le réseau intranet de l’organisme au communiqués au C.E. ou au CSE pour la période du 29 septembre 2015 au 21 décembre 2018, ordonner la mise sous séquestre de l’ordinateur professionnel qu’il a conservé dans l’attente d’une décision judiciaire, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 27 juillet 2022 le conseil des prud’hommes de Valence, en sa formation de référé, a :
– Débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes
– Ordonné à M. [J] la remise à l’URSSAF PACA de l’ordinateur portable, du chargeur ainsi que la sacoche, la carte sésame, les clés et tous autres objet en sa possession sous astreinte de 50 € par jour de retard sous huitaine à compter de la notification de l’ordonnance
– S’est réservé le droit de liquider l’astreinte
– Débouté l’URSSAF PACA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamné M. [J] aux entiers dépens de l’instance.
La décision a été notifiée aux parties et M. [J] en a interjeté appel le 5 août 2022 par le Réseau Privé Virtuel des Avocats.
Par conclusions N°4 du 20 février 2023, M. [J] demande à la cour d’appel de :
Déclarer son appel de l’ordonnance du 27 juillet 2022, recevable
Débouter l’URSSAF PACA de ses demandes d’irrecevabilité de l’appel interjeté et des demandes par lui formulées
Infirmer en toutes ses dispositions, l’ordonnance du 27 juillet 2022 rendue par le président du conseil des prud’hommes de Valence
En conséquence,
Condamner à l’URSSAF PACA à lui transmettre sous format électronique d’usage, les éléments et documents suivants sous astreinte de 50 € par jour à compter d’un délai de 15 jours francs pour en dès le prononcé de la décision à intervenir, en ayant au besoin recours à l’anonymisation :
L’intégralité des courriels émis et reçus sur l’adresse professionnelle [Courriel 5] pour la période du 29 septembre 2015 au 21 décembre 2018
Les différents documents, notes, rapports, note de procédure, rédigés par M. [J] et contenus sur son ordinateur professionnel et « son espace professionnel de travail » ainsi que ceux diffusés sur le réseau intranet de l’organisme ou communiqué au comité d’entreprise au comité social et économique pour la période du 29 septembre 2015 au 21 décembre 2018
Débouter à l’URSSAF PACA de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Condamner l’URSSAF PACA à lui payer la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives N° 2, l’URSSAF PACA demande à la cour d’appel de :
A titre principal,
Juger recevable les présentes écritures et les dires bien-fondées
Juger irrecevable l’appel de M. [J]
Juger irrecevables les demandes formulées par M. [J]
A titre subsidiaire, si la cour d’appel de Grenoble déclarait recevable l’appel de M. [J] ainsique les demandes formulées par M. [J]
Confirmer l’ordonnance de référé du conseil des prud’hommes de Valence en date du 27 juillet 2022 en ce qu’elle a :
Débouté M. [J] l’ensemble de ses demandes
Ordonné à M. [J] la remise à l’URSSAF PACA de l’ordinateur portable, du chargeur ainsi que la sacoche, la carte sésame, les clés et tout autre objet en sa possession, sous astreinte de 50 € par jour de retard sur huitaine à compter de la notification de l’ordonnance
S’est réservé le droit de liquider l’astreinte
Condamné M. [J] aux entiers dépens de l’instance.
Au surplus,
Débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions
le Condamner au paiement de la somme de 5000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur la recevabilité de l’appel de M. [J] :
Moyens des parties :
L’URSSAF PACA soulève l’irrecevabilité de l’appel de M. [J]. Elle fait valoir que le conseil de prud’hommes a statué en dernier ressort et que les demandes formulées par M. [J] ne dépassent pas le taux de compétence du conseil des prud’hommes en dernier ressort puisqu’elles consistent sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, à la communication de différents documents dont l’URSSAF PACA est en possession. Or, constitue une exception au principe de l’article 40 du code de procédure civile, les dispositions de l’article R. 1462 -1 du code du travail en ce que le conseil de prud’hommes statue en dernier ressort lorsque la demande est indéterminée dans cette situation.
M. [J] soutient pour sa part, que c’est à tort que la formation de référé du conseil de prud’hommes de Valence a statué en dernier ressort, la demande de remise de documents formulée au titre du référé probatoire n’étant pas celles prévues par l’article R. 1462 ‘ 1 du code du travail. Dès lors, cette demande ayant une nature indéterminée, elle est fondée sur une mesure d’instruction in futurum et l’ordonnance dont appel aurait dû être rendue en premier ressort. L’appel est donc immédiatement recevable. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une erreur commise par le conseil des prud’hommes s’agissant de l’exercice légitime d’une voie de droit.
Sur ce,
En application des dispositions des articles R. 1462-1 et D. 1462-3 du code du travail, le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud’hommes est de 5 000 euros en application du décret no2020-1066 du 17 août 2020 à compter du 1/09/2020 et le conseil de prud’hommes statue en dernier ressort :
1° Lorsque la valeur totale des prétentions d’aucune des parties ne dépasse le taux de compétence fixé par décret ;
2° Lorsque la demande tend à la remise, même sous astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer, à moins que le jugement ne soit en premier ressort en raison du montant des autres demandes. .
L’article 40 du code de procédure civile dispose que lorsque la demande est indéterminée, le jugement est en principe susceptible d’appel.
L’article 145 du code de procédure civile prévoit que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
En l’espèce, M. [J] a demandé au juge des référés de première instance d’ordonner la production par l’URSSAF PACA, non de pièces que l’employeur est tenu de délivrer en application des dispositions susvisées de l’article R. 1462-1 du code du travail, mais d’autres pièces (courriels émis et reçus, notes, rapports, notes de procédure contenus sur son ordinateur professionnel’) issues de la relation de travail.
Cette demande présentant par conséquent un caractère indéterminé, le jugement déféré est susceptible d’appel et c’est par erreur que le conseil de prud’hommes de Valence a statué en dernier ressort.
Il convient par conséquent de rejeter l’exception soulevée à ce titre par l’URSSAF PACA, d’ordonner la requalification de l’ordonnance déférée en premier ressort et de juger l’appel de M. [J] recevable.
Sur l’irrecevabilité des demandes en raison de la saisine du juge au fond :
Moyens des parties :
L’URSSAF PACA soutient que la condition de l’article 145 du code de procédure civile tenant à l’absence de procès au fond fait défaut, M. [J] ayant saisi la juridiction prud’homale au fond par requête du 18 novembre 2022. De plus la prescription invoquée par M. [J] comme nécessitant d’introduire l’action au fond dans un délai contraint, est inopérante, l’article 2241 du code civil reconnaissant un effet interruptif de prescription à toutes demandes en justice même en référé, la juridiction prud’homale n’ayant pas indiqué qu’il n’y avait lieu à référé mais qu’elle rejetait les demandes de M. [J]. En outre, M. [J] ne justifie pas avoir sollicité à titre provisionnel la communication des mêmes documents sur le fondement de l’article R.1454-14 du code du travail devant le Bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes.
M. [J] soutient pour sa part qu’il est de principe qu’il faut se placer au moment de la saisine du juge pour apprécier l’existence d’une instance en cours et d’un procès au fond, soit au moment de l’introduction de l’instance en référé et non pas au jour où le juge statue.
Sur ce,
L’absence d’instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, doit s’apprécier à la date de la saisine du juge, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Dès lors que le conseil de prud’hommes de Marseille n’était pas saisi au fond (18 novembre 2022) lorsque le conseil de prud’hommes de Valence en sa formation de référé a été lui-même saisi (1er avril 2022), ce dernier doit vider sa saisine. Il convient par conséquent de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’URSSAF PACA à ce titre.
Sur la demande de communication de pièces sous astreinte :
Moyens des parties :
M. [J] se fonde sur l’article 145 du code de procédure civile et l’article 15 du RGPD pour solliciter la communication par son employeur de documents.
Il fait valoir que l’employeur a violé les dispositions de l’article L. 3142-108 du code du travail à son retour de congé pour création d’entreprise en ce qu’il n’a pu retrouver son précédent emploi ou un poste similaire s’il n’existait plus. M. [J] soutient que les parties s’opposent sur l’existence de son poste initial au moment de la fin de la suspension de son contrat de travail le 23 novembre 2021 et sur le caractère de similarité du poste de responsable de la direction juridique proposé en termes de missions et de responsabilités. Cette opposition justifiant selon lui la mesure in futurum sollicitée.
Il fait valoir qu’il remplit les conditions de l’article 145 du code de procédure civile :
Aucune action n’était en cours au moment de son licenciement en raison de son refus d’accepter le poste proposé par l’employeur,
Il existe un litige opposant les parties à la suite de son licenciement sur l’existence de son poste initial et les seuls éléments de preuve pouvant permettre de qualifier les fonctions exercées sont, les courriels échangés, les différents documents, notes, rapports, note de procédure rédigés par le salarié et communiqués par mail ou par le réseau intranet de l’organisme et qui sont en possession de l’employeur, sauvegardés dans son ordinateur professionnel verrouillé par l’employeur qui lui a été remis en exécution de la décision déférée. Il ne dispose d’aucun autre moyen pour apporter la preuve de la nature exacte de ses fonctions, tâches et responsabilités pour contester don licenciement.
M. [J] soutient que le futur contentieux porte principalement sur l’existence ou l’inexistence de son ancien poste et que le juge du fond, pour apprécier la régularité du licenciement, doit d’abord statuer sur l’existence du poste initial puis, s’il constate sa suppression sur le caractère équivalent du poste proposé, la charge probatoire reposant sur le salarié.
Il allègue que les courriels professionnels émis et reçus par lui comportent des informations dont il a par principe déjà eu connaissance et que les éléments sollicités ne mettent en péril ni le droit des tiers ni un quelconque secret, étant des documents administratifs au sens du code des relations du public avec l’administration et des archives communicables.
Il conclut que la mesure est circonscrite dans le temps et dans son objet car limitée aux courriels émis et reçus sur son adresse professionnelle. Il ajoute qu’il n’existe aucune réglementation de confidentialité d’aucune sorte à l’ URSSAF PACA. Les documents sont librement accessibles par tous les salariés sur la « gestion électronique des documents », logiciel de gestion documentaire. De plus les correspondances échangées avec les avocats de l’employeur, ne sont par nature pas couvertes par le secret professionnel en ce qui le concerne dès lors qu’il était directement acteur de cette correspondance.
À titre subsidiaire, il sollicite l’application de l’article 15 et 18 du RGPD et fait valoir que la CNIL rappelle que le salarié peut obtenir la communication de ces courriels professionnels en vertu de l’article 15 du règlement général sur la protection des données et que si le salarié en est l’émetteur ou le destinataire, il n’y a aucun risque pour les droits des tiers, l’employeur ayant la possibilité d’analyser les informations relatives aux tiers.
L’URSSAF PACA estime pour sa part que les conditions cumulatives d’application de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas réunies. Si la condition d’absence de tout procès est remplie, les deux autres conditions ne sont pas remplies et l’utilisation que souhaite faire M. [J] des éléments dont la production est demandée, ne respecte pas l’esprit des dispositions égales et constitue une atteinte disproportionnée aux droits de l’URSSAF PACA.
L’URSSAF PACA affirme que c’est pour la première fois en appel que M. [J] prétend que ces éléments dont il sollicite la communication lui permettraient d’établir que son précédent poste n’a pas été supprimé et la violation des dispositions de l’article L. 3142 -108 du code du travail, ce qui n’est pas le cas. Le seul débat judiciaire qui existera dans le cadre d’un éventuel contentieux prud’homal futur consistera à déterminer si l’employeur a bien respecté les dispositions du code du travail en proposant un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente car il est en droit proposer un autre poste de réintégration dès lors que ce dernier est bien similaire au précédent.
Enfin les éléments demandés seraient insuffisants pour prouver que les deux emplois ne sont pas similaires, puisque n’apportant pas suffisamment d’information sur les deux postes. Le salarié ne dispose d’aucun élément sur le nouveau poste proposé puisqu’il n’a jamais voulu être renseigné sur ce poste et n’a jamais demandé de précision sur les missions et les tâches qui lui seraient confiées ainsi que le niveau de responsabilité. Le salarié ne dispose d’aucun motif légitime de conserver une établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige éventuel futur.
M. [J] conteste pour la première fois le caractère similaire du poste proposé avec son ancien emploi et l’URSSAF PACA indique démontrer le contraire, M. [J] ne lui ayant jamais indiqué que la justification de son refus tenait dans l’absence de similarité entre son précédent et le nouvel emploi proposé mais pour d’autres raisons (poste trop éloigné de son domicile et situation familiale empêchant de déménager’) et M. [J] n’indiquant pas dans ses écritures en première instance en quoi le poste proposé ne serait pas similaire à celui qu’il occupait avant son congé pour création d’entreprise.
En réalité, l’URSSAF PACA soutient que le salarié lui sollicitait déjà en décembre 2021, la communication des mêmes éléments aux fins « d’apporter la preuve de la réalité de ses fonctions exercées au sein de l’URSSAF PACA et notamment dans le cadre d’une validation des acquis et de l’expérience » alors qu’il est avocat au barreau de Marseille et poursuit une carrière universitaire de sorte qu’il dispose de tous les diplômes utiles et nécessaires ne rendant pas utile la communication de ces documents professionnels, mais manifestement utiles à l’exercice de ses activités professionnelles d’avocats universitaires.
De plus dans le cadre d’une éventuelle procédure de contestation du licenciement, il appartiendra à l’employeur de justifier que le poste proposé était similaire au poste précédemment occupé et les éléments réclamés par le salarié ne lui seront pas utiles comptes tenus de la charge de la preuve.
De plus les mesures d’instruction sollicitées ne sont circonscrites ni dans le temps et dans leur objet et sont disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi (atteinte au caractère professionnel de tous les documents informatiques de l’entreprise et le droit de propriété de l’entreprise). Les fichiers informatiques créés par un salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur pour l’exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel sauf s’il les a identifiés comme personnels, et le principe de la confidentialité prévue dans le cadre de la relation contractuelle (règlement intérieur et contrat de travail). De plus il était amené à travailler avec les cabinets d’avocats de l’employeur et les correspondances échangées avec ces derniers sont soumises à la confidentialité des correspondances (règlement intérieur national des avocats).
Si M. [J] se fonde désormais sur l’application des dispositions du RGPD pour obtenir la communication des différents documents sollicités, les conditions cumulatives classiques d’une procédure de référé doivent être réunies. Or il n’existe ni urgence ni trouble manifestement illicite mais bien une contestation sérieuse.
De plus les éléments sollicités par le salarié ne constituent aucunement des données personnelles auxquelles il aurait un prétendu droit d’accès. Il tente de détourner l’objet des dispositionsdu RGPD pour obtenir la communication de l’intégralité des e-mails émis et reçus sur sa messagerie professionnelle alors que le droit d’accès ne porte que sur des données personnelles. Le contenu d’un mail à la différence de l’adresse e-mail, ne constitue pas une donnée personnelle au sens du RGPD de sorte que le salarié ne peut revendiquer un quelconque droit d’accès au contenu de l’ensemble de ces mails professionnels.
Sur ce,
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il résulte en outre des dispositions des articles 145 et 146 du code de procédure civile que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé et qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
En l’espèce, d’une part, M. [J] qui prétend que les documents sollicités (échanges de mails, notes’) sont indispensables pour déterminer dans un litige futur si son ancien poste a effectivement été supprimé et que le poste proposé à son retour de congé n’était pas identique en termes de missions et de responsabilités, ne justifie pas avoir sollicité son employeur, après la proposition du poste, des détails s’agissant des missions et responsabilités qu’il était susceptible d’occuper, ces éléments ayant pu lui permettre de disposer des éléments de preuve suffisants pour attraire son employeur devant la juridiction prud’homale.
Il apparaît en fait, à la lecture du courrier de refus par M. [J] du poste proposé de « Responsable du Département des affaires juridiques et contrôle de l’assiette C3 » en date du 13 octobre 2021 que ce refus était en réalité fondé sur :
L’absence de prise en compte du niveau 9 atteint avant son départ en congé et de la rémunération associée
La localisation géographique ([Localité 7]) du poste proposé, M. [J] souhaitant conserver son ancien poste, la localisation étant plus proche de son lieu de résidence, et non sur l’absence de similarité avec le poste précédemment occupé qui n’a pas été évoquée.
L’employeur a répondu au salarié par courrier du 20 octobre 2021 en l’assurant de de la reprise de son niveau (9) et de sa rémunération à l’identique.
Aucune interrogation de M. [J] n’étant soulevée s’agissant de l’absence de similarité des missions et des responsabilités du poste proposé par rapport à son poste initial et de la non application des dispositions de l’article L. 3142-108 du code du travail à ce titre, la description du poste par l’employeur étant au surplus particulièrement claire et détaillée.
M. [J] n’apporte ainsi aucun élément pouvant laisser à penser qu’il refusait le poste proposé parce qu’il n’était pas similaire à celui précédemment occupé, sauf s’agissant de sa localisation géographique.
D’autre part, M. [J] ne donne aucun élément permettant à la cour de se convaincre de la pertinence de la demande de production forcée de pièces et de son caractère indispensable pour la sauvegarde d’un droit légalement reconnu.
En effet, si un litige devait naitre au fond sur le respect par l’employeur des dispositions de l’article L.3142-108 du code du travail, il appartiendrait à ce dernier, à qui la charge de la preuve incombe, de justifier que le précédent emploi occupé par M. [J] a effectivement disparu et qu’il a respecté la condition de similarité du nouveau poste proposé comme imposé par la loi, et donc de fournir les éléments indispensables pour démontrer le respect de ses obligations.
De plus la production de « l’intégralité des courriels émis et reçus sur l’adresse professionnelle [Courriel 5] pour la période du 29 septembre 2015 au 21 décembre 2018 et différents documents, notes, rapports, note de procédure par lui rédigés et contenues dans ordinateur professionnel et son espace professionnel de travail ainsi que ceux diffusés sur le réseau intranet de l’organisme ou communiqué au comité d’entreprise ou au Conseil économique et Social pour la même période » comme sollicitée, ne permettra pas à M. [J] de démontrer que le poste antérieurement occupé à son départ en congé n’a pas été supprimé puisque la réorganisation, si elle est effective et démontrée, a nécessairement été réalisée postérieurement à son départ en congé.
Au surplus, il doit être noté que M. [J] avait d’ores et déjà réclamé les mêmes documents à l’URSSAF PACA par courrier du 27 décembre 2021 mais pour un autre motif, à savoir « la preuve de la réalité des fonctions qu’il avait exercées au sein de l’URSSAF PACA dans le cadre de la validation des acquis et de l’expérience », contredisant ainsi le moyen selon lequel ces documents seraient indispensables et destinés uniquement à fonder des prétentions dans le cadre d’un litige à venir, et qu’il disposerait dès lors d’un motif légitime d’obtenir cette communication.
Enfin les documents sollicités sont en réalité constitués de l’intégralité des documents informatiques issus de la relation contractuelle sans sélection quant à leur objet ni leur date, et par conséquent cette mesure d’instruction non circonscrite dans son objet et dans le temps n’est pas proportionnée aux droits respectifs des parties.
Il ressort du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données dit RGPD) que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu; il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité.
En l’espèce, M. [J] ne sollicite pas la communication d’une copie des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement comme visées à l’article 15 du RGPD, mais la communication de l’intégralité de ses documents et courriels professionnels sans distinction d’objet et de temps, ne démontrant pas que ces données lui soient nécessaires pour la constatation, l’exercice ou la défense de droits en justice, comme la cour l’a affirmé ci-dessus, ce conformément aux dispositions de l’article 18 du RGPD.
Il convient dès lors de rejeter la demande de M. [J] de production de pièces au visa de l’article 145 du code de procédure civile et du RGPD par confirmation de l’ordonnance déférée.
Sur la demande de restitution du matériel de l’URSSAF PACA :
Moyens des parties :
L’URSSAF PACA soutient que M. [J] a mené une rétention volontaire du matériel professionnel à l’issue de la rupture de son contrat de travail, qu’il a été condamné à le restituer en première instance et s’est exécuté. Elle sollicite la confirmation de l’ordonnance à ce titre.
M. [J] soutient pour sa part que compte tenu de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé, il a, en toute bonne foi, immédiatement remis les éléments en sa possession (ordinateur portable, chargeur, carte sésame, téléphone portable et chargeur) et qu’il ne dispose pas de clés ni d’un quelconque autre objet. Il sollicite l’infirmation de l’ordonnance s’agissant de la restitution des copies des documents qu’il aurait ou pourrait obtenir émanant de son employeur et qui seraient utiles à sa défense.
Sur ce,
Il convient de confirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a ordonné la restitution par M. [J] se son ordinateur professionnel et du chargeur et de la sacoche associés, de la carte sésame, des clés et de tout autre objet en sa possession appartenant à l’employeur.
Sur les demandes accessoires :
M. [J] succombant à l’instance, l’ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance et M. [J] sera également tenu des dépens d’appel.
M. [J], partie perdante qui est condamnée aux dépens et débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à l’URSSAF PACA la somme de 2 500 € au titre de ses frais irrépétibles en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
REJETE les exceptions d’irrecevabilité de l’appel soulevées par l’URSSAF PACA,
ORDONNE la requalification de l’ordonnance déférée en premier ressort,
DECLARE M. [J] recevable en son appel,
CONFIRME l’ordonnance déférée excepté en ce qu’elle a débouté l’URSSAF PACA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [J] aux dépens d’appel,
CONDAMNE M. [J] à payer la somme de 2 500 € à l’URSSAF PACA sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,