Aux termes des articles L 1222-1 du code du travail et 9 du code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et chacun a droit au respect de sa vie privée. Si toute atteinte à la vie privée n’est pas interdite et peut être justifiée par l’exigence de la protection d’autres intérêts dont celle des droits de la défense, elle doit rester proportionnée au regard des intérêts antinomiques en présence. Le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. En l’espèce, la société Adrexo a déposé une requête devant le tribunal d’instance d’Aix en Provence aux fins d’annulation d’une liste provisoire de 19 candidats du syndicat CGT- FILPAC. Étaient notamment joints à cette requête les bulletins de paye des salariés figurant sur la liste litigieuse. Or, aucune indication du bulletin de paye du salarié n’était cancellée ; apparaissaient ainsi, outre tous les éléments de son salaire, son adresse personnelle, son numéro de sécurité sociale, le numéro entier du compte bancaire recevant le virement de sa rémunération, l’indication d’un congé de maladie qui représentent des éléments touchant sa vie privée. La société qui dit avoir voulu prouver que ces salariés étaient bien dans l’entreprise aurait pu produire une attestation d’emploi ou des extraits du registre du personnel. En tout état de cause, le litige ne portait pas sur l’appartenance des salariés à l’entreprise. Le droit de la société d’exercer son droit à la défense ne nécessitait pas de produire devant le tribunal saisi, et à la connaissance des salariés concernés, cette pièce qui portait atteinte à la vie privée du salarié. Cette production non cancellée des mentions sus visées, n’était ni indispensable ni proportionnée au but poursuivi. La société a failli à son obligation de respecter la vie privée du salarié dont le préjudice – constitué de la divulgation de données personnelles devant rester inconnues des autres salariés, fussent ils candidats d’un même syndicat- a été réparé à hauteur de 100 euros. ________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE BORDEAUX CHAMBRE SOCIALE – SECTION A ARRÊT DU : 08 SEPTEMBRE 2021 (Rédacteur : Madame B C-D, présidente) PRUD’HOMMES N° RG 18/01901 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KLUZ Monsieur Y X c/ Société ADREXO Nature de la décision : AU FOND Grosse délivrée le : à : Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 mars 2018 (R.G. n°F16/00432) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 03 avril 2018, APPELANT : Monsieur Y X né le […] à […], demeurant […] représenté et assisté de Me Pierre BURUCOA, avocat au barreau de BORDEAUX INTIMÉE : SASU Adrexo, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social 1330, […] N° SIRET : 315 549 352 représentée et assistée de Me Stéphanie BERTRAND de la SELARL STEPHANIE BERTRAND AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 03 mai 2021 en audience publique, devant la cour composée de : Madame Nathalie Pignon, présidente Madame B C-D, présidente Madame Annie Cautres, conseillère qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-A, ARRÊT : — contradictoire — prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. *** EXPOSE DU LITIGE Monsieur X a été embauché en qualité de distributeur par la société Adrexo suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé à effet du 17 novembre 2003. La société est soumise à la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004. Un accord collectif d’entreprise sur la modulation a été signé le 11 mai 2005. Le 20 mai 2005, a été conclu avec M. X un contrat à temps partiel modulé avec pré-quantification de la durée du travail. Des avenants ont suivi. En dernier lieu, M. X exerçait ses fonctions au sein de l’établissement de Gradignan. M. X exerce depuis le 9 novembre 2016 un mandat de délégué syndical central CGT. Conformément aux accords d’entreprise, une convention de mise à disposition à temps complet a été conclue à compter de décembre 2016. Le 19 février 2016, M. X a saisi le conseil des prud’hommes de Bordeaux, d’une demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet et en paiement de diverses sommes au titre de rappel de salaire, de la violation de la vie privée, de l’occupation professionnelle du domicile et pour défaut de suivi médical. Par jugement du 13 mars 2018, le conseil des prud’hommes a : — débouté M. X de l’ensemble de ses demandes — débouté la SAS ADREXO de ses demandes reconventionnelles ; — condamné M. X aux entiers dépens. Par déclaration au greffe en date du 3 avril 2018, M. X a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées. Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 8 avril 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, M. X demande à la cour de : — déclarer la Société Adrexo recevable mais mal fondée en son appel incident ; — infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté purement et simplement de l’ensemble de ses demandes et de : — ordonner la requalification de son contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet ; — fixer son salaire mensuel de référence à hauteur de 1 667,69 euros bruts ; — condamner la Société Adrexo à lui verser les sommes suivantes : ‘ 300 euros à titre de dommages-intérêts pour dommages-intérêts pour violation de la vie privée ; ‘ 42 680,40 euros bruts à titre de rappels de salaire du 1 er février 2011 au 31 octobre 2020, ‘ 16 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, ‘ 6 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour occupation professionnelle du domicile privé ; ‘ 1 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de suivi médical adapté — débouter la Société Adrexo de l’ensemble de ses demandes ; Et sur les demandes accessoires : — ordonner à la Société Adrexo de lui communiquer les bulletins de salaire corrigés des mois de février 2011 à octobre 2020, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, que la cour se réservera le droit de liquider — dire que les condamnations de nature salariale porteront intérêts moratoires à compter du 19 février 2016, date de la saisine du conseil valant mise en demeure de la société Adrexo; — dire que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts moratoires à compter de l’arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts ; — condamner la Société Adrexo à lui verser la somme de 4 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, et aux entiers dépens. Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 7 avril 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la SASU Adrexo demande à la cour de — confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; — constater l’absence d’argument fondé pour requalifier le contrat à temps partiel modulé en temps plein ; — constater l’absence d’élément probant quant à la réalisation de prétendues heures supplémentaires ; — juger que la demande de rappel de salaire de Monsieur X est prescrite pour partie en application des dispositions de l’article L 3245-1 du Code du travail ; — constater l’absence d’élément justificatif permettant de démontrer l’existence d’un préjudice moral, d’un préjudice au titre d’une occupation professionnelle du domicile privée, d’un préjudice au titre d’une violation de la vie privée, et d’un préjudice pour défaut de suivi médical régulier En conséquence, de : — débouter M. X de l’intégralité de ses prétentions tant en matière salariale qu’indemnitaire ; — condamner M. X au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance. L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2021 et le dossier a été fixé à l’audience du 3 mai 2021. Pour plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées. MOTIFS L’atteinte à la vie privée M. X reproche à la société d’avoir produit son bulletin de paie du mois de juin 2015 dans le cadre d’une procédure judiciaire en contestation d’une liste électorale présentée par le syndicat FILPAC-CGT. Au visa des articles L 1221-1 du code du travail et 9 du code civil, M. X fait valoir que le bulletin de paye produit n’était pas du tout cancellé et que des mentions relatives à sa vie privée apparaissaient (état civil, numéro de sécurité sociale, adresse personnelle). Selon M. X, cette production n’était ni nécessaire ni proportionnée. La société répond qu’elle a produit les bulletins de paye des salariés en cause pour établir qu’ils étaient bien salariés de la société Adrexo à cette date, qu’aucun autre salarié ne s’en était plaint, que cette communication d’un seul bulletin de paie était proportionnée et relevait de l’exercice de son droit de défense, que les bulletins de paye des salariés de ce syndicat n’ont pas été transmis à l’organisation syndicale concurrente. Aux termes des articles L 1222-1 du code du travail et 9 du code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et chacun a droit au respect de sa vie privée. Si toute atteinte à la vie privée n’est pas interdite et peut être justifiée par l’exigence de la protection d’autres intérêts dont celle des droits de la défense, elle doit rester proportionnée au regard des intérêts antinomiques en présence. Le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Le 8 juillet 2015, la société Adrexo a déposé une requête devant le tribunal d’instance d’Aix en Provence aux fins d’annulation d’une liste provisoire de 19 candidats du syndicat CGT- FILPAC déposée le 23 juin précédent. Le litige portait sur la constitution et la communication de cette liste avant l’accord préélectoral, le caractère provisoire de cette liste et le défaut de signature de toutes les parties. Étaient notamment joints à cette requête les bulletins de paye du mois de juin 2015 des salariés figurant sur la liste litigieuse dont M. X À titre liminaire, un seul jugement du conseil des prud’hommes de Bordeaux versé en pièce 49 mentionne la contestation par un autre salarié de la production de son bulletin de paye mais l’absence d’action d’autres salariés ne prive pas M. X de rechercher la condamnation de l’employeur de ce chef. Aucune indication du bulletin de paye de M. X n’est cancellée ; apparaissent ainsi, outre tous les éléments de son salaire, son adresse personnelle, son numéro de sécurité sociale, le numéro entier du compte bancaire recevant le virement de sa rémunération, l’indication d’un congé de maladie qui représentent des éléments touchant sa vie privée. La société qui dit avoir voulu prouver que ces salariés étaient bien dans l’entreprise aurait pu, ainsi que justement relevé par M. X, produire une attestation d’emploi ou des extraits du registre du personnel. En tout état de cause, le litige ne portait pas sur l’appartenance des salariés à l’entreprise. Le droit de la société d’exercer son droit à la défense ne nécessitait pas de produire devant le tribunal saisi, et à la connaissance des salariés concernés, cette pièce qui portait atteinte à la vie privée de M. X. Cette production non cancellée des mentions sus visées, n’était ni indispensable ni proportionnée au but poursuivi. La société a failli à son obligation de respecter la vie privée de M. X dont le préjudice – constitué de la divulgation de données personnelles devant rester inconnues des autres salariés, fussent ils candidats d’un même syndicat- sera réparé à hauteur de 100 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef. L’occupation professionnelle du domicile M. X fait valoir que la préparation des poignées de publicités à distribuer exige une grande surface de travail alors que le dépôt de Gradignan ne permet pas aux distributeurs de la faire dans des conditions satisfaisantes pour tous. Il précise que le poids total des prospectus par tournée figure sur les feuilles de route produites par l’employeur soit entre 100 et 800 kgs (600 Kgs représentant 240 ramettes de papier de 2,5 kgs chacune). M. X estime qu’il revient à la société – dont l’obligation est prévue par la convention collective- de rapporter la preuve de la possibilité de le faire au dépôt ou du choix du salarié de le faire à domicile. La société répond qu’il n’est nullement fait obligation aux distributeurs de procéder à la préparation des poignées à leur domicile et que M. X l’ a choisi alors qu’il n’est pas prouvé que l’entreposage des documents lui était imposé par la société qui met à sa disposition un local pour préparer ses poignées. Aux termes de l’article 2.3.1 de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 relatif à l’organisation de la préparation des tournées, les distributeurs assurent, en tant que de besoin, la préparation du travail de distribution (cas de couplage et encartage de plusieurs documents distribués simultanément). Dans la mesure où la configuration des centres de dépôt le permet sans risque pour la circulation des hommes et des documents, les entreprises de distribution directe doivent s’efforcer de faire exécuter ce travail dans les locaux, en mettant à la disposition des distributeurs une surface et un matériel adaptés. Il revient donc à la société de prouver qu’elle respecte son obligation en mettant à disposition de M. X – dépendant du dépôt de Gradignan- la surface et le matériel requis ou que M. X a choisi, en dépit de l’existence de ces conditions, de préparer sa tournée à son domicile. Aucun de ces deux éléments n’est établi. La société doit donc indemniser le salarié. Les bulletins de paye de juin 2018 à octobre 2020 (cote 10 bis) mentionnent une indemnité mensuelle dérisoire pour l’ utilisation du domicile ( différente chaque mois et d’un montant compris entre 0,63 euros et 3,06 euros) alors que le poids des feuilles à préparer à son domicile nécessite l’occupation d’un espace dont la superficie n’est pas indemnisée par les sommes versées. La société devra verser à M. X la somme de 200 euros et le jugement sera infirmé de ce chef. Le suivi médical M. X reproche à l’ employeur de n’avoir pas organisé de visite médicale entre 2008 et 2012 alors qu’il a subi une greffe de rein ayant nécessité un arrêt de travail de 13 mois. Il fait état d’un préjudice résultant de la perte d’une chance de se voir conforté dans son aptitude ou diagnostiqué un problème de santé et de la vexation de se voir privé de ses droits malgré l’ancienneté de sa demande. La société répond que M. X a bénéficié de visites médicales les 10 juin 2008, 4 avril 2012 et 29 janvier 2014 suite à l’arrêt maladie et qu’il ne prouve pas la réalité de son préjudice. Aux termes de l’ article L 4624-16 du code du travail applicable sur la période de 2008 à 2012, le salarié bénéficie d’examens médicaux périodiques au moins tous les 24 mois par le médecin du travail en vue de s’assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé. La société ne conteste pas l’absence de visite médicale en 2010. Il sera noté qu’au regard des feuilles de route, le travail de distribution de M. X était physiquement très exigeant. Ces feuilles établies par l’ employeur mentionnent des paquets en nombre et leur poids (par exemple 60 paquets de 50 à 300 plis pour le 6 juillet 2015 pour un poids total de 389 kgs). Cette situation aurait dû engager la société à assurer le suivi médical régulier de M. X qui n’a pu faire contrôler son aptitude à effectuer les tâches exigeantes qui lui étaient dévolues. Dans ces conditions, le préjudice de M. X sera indemnisé à hauteur de la somme de 200 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef. La requalification du contrat de travail M. X demande à la cour de requalifier son contrat de travail à temps partiel modulé avec quantification préalable en contrat de travail à temps plein et de condamner l’ employeur au paiement des rappels de salaire afférents sur la période du 1er février 2011 au 31 octobre 2020. M. X critique le régime de la quantification préalable du temps de travail puis la licéité de la convention collective et du contrat à temps partiel modulé. 1 ) sur le régime de la quantification préalable : M. X fait valoir que : — deux décrets parus en 2007 et 2010 relatifs à cette quantification préalable ont été annulés par le Conseil d’Etat, — en conséquence, ce système de pré quantification est inopposable au salarié, d’autant plus que la convention collective ne peut prévoir des dispositions moins protectrices que celles du code du travail en termes de décompte et du contrôle du temps de travail ; la Cour de cassation l’a rappelé par un arrêt du 15 juin 2016 ; la convention collective et l’accord d’entreprise sont illicites. La société répond que : — le système de quantification préalable du temps de travail a été mis en oeuvre par la convention collective de la distribution directe, étendue par arrêté ministériel, et repris par accord d’entreprise signé le 15 mai 2005 ; — l’annulation des deux décrets ne remet pas en cause la licéité ou l’opposabilité de ce système ou celle de la convention collective ; les juges administratif et judiciaire ont précisé l’apport des décisions d’annulation prises par le Conseil d’Etat. A titre liminaire, il sera précisé que la loi du 20 août 2008 a expressément précisé que les accords déjà conclus et existants restaient valables sans limitation de durée. La convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 étendue par arrêté ministériel du 16 juillet 2004 régit le statut du distributeur, notamment au regard du temps de travail et de la rémunération. Ainsi, la convention collective prévoit elle un contrat de travail à temps partiel modulé sur l’année et une pré-quantification de la durée du travail récapitulée grâce à des feuilles de route remises au salarié avant sa tournée de distribution. Les décisions du Conseil d’Etat d’annuler les décrets des 4 janvier 2007 et 8 juillet 2010 qui instituaient une dérogation aux contrôles quotidiens et hebdomadaires de la durée du travail, ne remettent pas en cause la validité de la convention collective et de cette méthode de pré-quantification ; de ces décisions, il résulte « seulement » que cette dernière ne peut, à elle seule, satisfaire aux exigence posées par l’article L 3171-4 du code du travail. La jurisprudence versée par M. X ne dit pas autre chose. Le système conventionnel de pré-quantification est opposable au salarié. 2) La convention collective de la distribution directe M. X recherche la nullité de la convention collective du 11 mai 2004 motifs pris de ce que l’accord collectif doit remplir des conditions impératives ; qu’en vertu de l’article L 3123-25 2° du code du travail applicable au litige, l’accord doit prévoir les modalités selon lesquelles le temps de travail est décompté ; que le système de pré quantification étant illicite suite à l’annulation des décrets sus visés, aucune autre modalité de décompte réel n’est prévu, qu’au surplus, l’ article sus visé dans ses 3° et 4° impose la fixation d’une durée minimale de travail journalière, hebdomadaire ou mensuelle qui n’apparaît pas. La société répond que la convention collective prévoit toutes les mentions exigées par le code du travail en son article L 3123-25-2° et que l’accord d’entreprise du 11 mai 2005 confirme que le distributeur bénéficie d’une garantie minimale par jour, semaine et mois, conforme à celle prévue par la convention collective soit au moins 2 heures par jour, 6 heures par semaine et 26 heures par mois. La modulation annuelle du travail à temps partiel était régie par les anciens articles L 3123-25 et suivants du code du travail qui ont été abrogés par la loi de 2008 qui prévoit cependant que les accords collectifs conclus sur la base des dispositions légales antérieures restent en vigueur. L’ article L 3123-25 disposait que : « une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n’excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail. Cette convention ou cet accord prévoit : *la catégorie des salariés concernés ; *les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée, *la durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ; * la durée minimale du travail pendant les jours travaillés. Une convention de branche ou un accord professionnel étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à 2 heures, *les limites à l’intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l’écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au code du travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ; * les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiquée par écrit au salarié, *les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, *les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de 7 jours après la date à laquelle le salarié en a été informé ; ce délai peut être ramené à 3 jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d’ entreprise ou d’établissement ». La convention collective des entreprises de la distribution directe du 16 juillet 2004 étendue prévoit au chapitre IV – statuts particuliers – article 1.2 : « dispositions relatives au temps partiel modulé : les entreprises de distribution peuvent avoir recours au travail à temps partiel modulé pour les salariés de la filière logistique. Aucun contrat de travail ne peut avoir une durée de travail inférieure à 2 heures quotidiennes, 6 heures hebdomadaires et 26 heures mensuelles ( hors modulation) ; Compte tenu de la spécificité des entreprises, la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle des salariés à temps partiel peut être modulée sur l’année. Ainsi, la durée du travail pour les salariés à temps partiel peut varier au delà ou en deçà de la durée stipulée au contrat à condition que sur un an la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat n’excède pas en moyenne cette durée contractuelle. La durée hebdomadaire ou mensuelle de travail peut varier au dessous ou en dessus de la durée hebdomadaire prévue au contrat dans la limite du 1/3 de cette durée. La durée hebdomadaire du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à un temps plein à l’issue de la période de modulation. Un récapitulatif mensuel des heures travaillées est annexé au bulletin de paie. Le programme indicatif de répartition de la durée du travail et les horaires de travail sont communiqués par écrit aux salariés concernés au début de chaque période de modulation selon les modalités définies dans chaque entreprise. Sous réserve d’un délai de prévenance de 7 jours ouvrés, délai pouvant être exceptionnellement réduit à 3 jours ouvrés en cas d’accord d’entreprise prévoyant une contrepartie pour les salariés, les entreprises ou les établissements peuvent modifier la durée de l’horaire de travail ainsi que ses modalités de répartition initiales ». L’article 2 du même chapitre précise en ses dispositions relatives au temps partiel modulé ( cas particulier des distributeurs) « Le décompte du temps de travail effectué par chaque salarié est récapitulé grâce à des feuilles de route ou bons de travail en application des dispositions de la grille de correspondance de la présente convention ( annexe III). Les entreprises doivent mettre en place au moins une fois par an une procédure de révision du niveau des volumes de distribution évalués en référencements horaires et qui correspondent aux rémunérations contractuellement garanties à chaque distributeur employé dans le cadre d’un contrat à temps partiel modulé. Cette procédure doit s’appliquer à tous les salariés travaillant à temps partiel modulé présents durant les 12 mois écoulés précédant la date de révision. Lors de cette révision, l’activité de chaque distributeur est analysée en fonction de la charge de travail moyenne hebdomadaire accomplie durant l’année écoulée dans le cadre de la modulation ( hors prestations additionnelles qui reposent sur les strict volontariat et qui font l’objet d’une prise en compte particulière). Il sera alors proposé au distributeur : °soit de redéfinir cette durée en prenant en compte la durée moyenne découlant des distributions effectuées au cours de la période de modulation (hors prestations additionnelles qui repose sur le strict volontariat ) °soit de maintenir la durée prévue au contrat Dans ces deux cas, le distributeur dispose d’un délai de réflexion de 15 jours pour donner réponse. En cas de refus, le distributeur conserve, pour l’année à venir, la durée contractuelle prévue à son contrat de travail à temps partiel modulé ». L’annexe III de la convention collective détermine les cadencements horaires de distribution au regard du nombre de boites aux lettres à distribuer par heure déterminé à partir de critères tenant compte de différents paramètres tels que le poids des documents à distribuer (« poids de la poignée ») et la typologie du secteur de distribution ( rural, urbain…). Les dispositions conventionnelles prévoient également la rémunération des temps de préparation des poignées, du temps d’attente et de déchargement, du temps de déplacement entre le dépôt au secteur de distribution. L’accord d’entreprise du 11 mai 2005 prévoit que « la durée de travail de référence prévue mensuellement ne peut varier chaque mois qu’entre une fourchette haute et une fourchette basse d’un 1/3 de la durée moyenne mensuelle de travail calculée sur la période de modulation. » Cet accord ajoute que le distributeur bénéficie d’une garantie de travail minimale par jour, semaine et mois travaillé conforme à celle prévue par la convention collective de branche soit au moins 2 heures par jour, 6 heures par semaine et 24 heures par mois. Il a été dit que le système de pré quantification du temps de travail était opposable au salarié après l’annulation des décrets sus visés. La lecture conjuguée des dispositions légales alors applicables et des dispositions conventionnelles permet de relever que ces dernières obéissent aux exigences légales. La demande de M. X de voir dire illicites les dispositions conventionnelles sera rejetée. 3) le contrat de travail à temps partiel modulé M. X reproche au contrat de travail à temps partiel modulé de ne pas prévoir – la pré quantification ne pouvant valoir- de modalité de décompte du temps de travail réel qu’en tout cas, s’il précise une durée indicative de travail hebdomadaire et mensuelle il ne prévoit aucune durée minimale. Il ajoute que les limites haute et basse de modulation ne sont pas calculées sur la durée indicative mensuelle de travail inscrite au contrat de travail comme le prévoit la loi mais sur « le nombre de semaines incluses dans la période mensuelle de paye inscrite au planning » et qu’ il est impossible pour le lui de les connaître et d’en assurer le respect, que l’employeur se réserve le droit discrétionnaire d’inclure une durée « complémentaire de travail de 10% en sus du 1/3 précité » si cela s’avère nécessaire pour réaliser la distribution », qu’aucun horaire de travail n’est prévu, que le contrat de travail prévoit que le nombre, la typologie et la composition des secteurs peuvent être modifiés à la discrétion de l’employeur sans que cela ne constitue une modification contractuelle et ce sur un périmètre de 20 kms et ce temps de trajet supplémentaire n’est pas décompté comme temps de travail mais fait l’objet d’une indemnisation a minima. La société répond que le contrat de travail à temps partiel modulé doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle de référence sans précision – contrairement au contrat de travail à temps partiel« classique » – de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; que le plancher horaire de 24 heures n’est demandé que pour les contrats de travail à temps partiel conclus à compter du 1er juillet 2014, que l’ article 4.2 du contrat de travail prévoit l’éventualité d’une augmentation ou diminution de la durée du travail d’un tiers de la durée stipulée au contrat et que le dépassement de cette limite du tiers n’emporte pas la requalification du temps partiel en temps complet et peut tout au plus fonder une demande en paiement de dommages et intérêts. Il a été dit que le système de pré-quantification du temps de travail est opposable au salarié. Le temps de travail est décompté selon des feuilles de route signées par le salarié avant sa tournée et établies en fonction d’une grille de cadence prévue à l’annexe III de la convention collective. Le salarié peut, une fois la distribution faite, renseigner une feuille d’observations dont il n’est pas établi qu’elle emporterait des conséquences disciplinaires. Par ailleurs et au visa de l’article L 3123-6 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel modulé n’est pas soumis à l’exigence de répartir les horaires de travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois. Ensuite, la mention d’un plancher horaire n’est impérative que pour les contrats de travail à temps partiel modulés conclus à compter du 1er juillet 2014. Aux termes de l’ article 3 de son contrat de travail, M. X a accepté qu’il puisse être appelé à exercer son activité sur des secteurs relevant d’un établissement voisin de celui auquel il est rattaché pour autant qu’il n’existe pas une distance supplémentaire supérieure à 20 kms entre son lieu de résidence et l’établissement voisin ou les secteurs rattachés à cet établissement qu’il lui sera demandé de servir sauf accord des parties. M. X ne démontre pas que cette extension limitée qui fait l’objet d’une indemnisation serait contraire aux règles posées pour les contrats à temps partiel modulé. Si le contrat de travail prévoit que la durée mensuelle moyenne de travail peut varier suivant le nombre de semaines incluses dans la période mensuelle de paye inscrite au planning, il précise que cette durée est ensuite modulée selon les prévisions du planning annuel avec une variation maximale du tiers, de telle manière que le salarié connaît les limites haute et basse de modulation et peut en assurer le respect. Si les dispositions du contrat de travail permettent à l’ employeur d’inclure une durée complémentaire de travail de 10% en sus du tiers précité si cela s’avère nécessaire, cette opération est soumise à l’information préalable du salarié dans un délai excluant qu’il reste à la disposition constante de l’employeur. La durée d’une tournée de distribution est calculée sur les feuilles de route en fonction du nombre et du poids des publicités. S’agissant des horaires de travail, le contrat de travail mentionne que les distributions sont réalisées à des jours fixés par le responsable du dépôt en accord avec le salarié parmi ses jours de disponibilité que le salarié communiquera à sa discrétion à son embauche. Une modification des jours de disponibilité peut advenir avec l’accord des partie et le salarié reconnaît que l’employeur ne lui impose pas d’horaires de travail et déclare vouloir exécuter son travail dans une complète autonomie d’organisation sous réserve de respecter la durée maximale qui lui serait allouée pour réaliser la distribution Le contrat de travail de M. X, en mentionnant notamment la durée annuelle contractuelle de référence, la durée indicative mensuelle moyenne de travail, la qualification du salarié, les éléments de salaire et les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaire de travail répond aux exigences légales et conventionnelles spécifiques en matière de contrat de travail à temps partiel modulé, distinctes du droit commun du contrat de travail à temps partiel. Ce contrat prévoit en outre que la durée du travail varie dans des conditions et selon les modalités définies par la convention collective et en fonction d’un planning annuel indicatif individuel fixé par l’employeur et porté à la connaissance du salarié 7 jours avant sa première mise en oeuvre sauf délai plus court avec l’accord du salarié, que le planning sera révisable par l’employeur moyennant communication donnée au salarié au moins 3 jours à l’avance ou moins avec l’accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route. Ce contrat de travail est régulier. Le défaut de signature des avenants depuis 2009, allégué par le salarié, n’établit pas que l’accord du salarié aurait été rendu nécessaire suite à de nouvelles dispositions réglementaires ou conventionnelles. Il ne peut être tiré du défaut de signature de ces avenants que le contrat de travail est un contrat à temps plein. M. X n’établit pas que ses jours « libres » auraient été consacrés à la préparation de ses tournées. M. X fait valoir qu’alors que la durée du travail ne peut jamais être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale, il a travaillé – dès le mois d’ août 2012- à hauteur mensuelle de 151,67 heures, que les avenants successifs établis par l’ employeur le confirment en ce qu’ils indiquent 1 839 heures sur l’année 2011-2012 et 1928,18 heures sur l’année suivante. Dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel modulé, la durée hebdomadaire du travail ne peut atteindre la durée légale de travail.. Les avenants récapitulatifs de la modulation et révision du niveau des volumes de distributions versés en pièces 7 (période de modulation écoulée 15 août 2011-12 août 2012) et 8 ( 13 août 2012-11 août 2013) indiquent que M. X a travaillé, au cours de la période de modulation écoulée 1839 heures puis 1 928,18 heures. La durée hebdomadaire de travail a nécessairement dépassé la durée légale voire conventionnelle de travail. Ce dépassement emporte la requalification du contrat de travail de M. X en contrat de travail à temps plein à compter du mois d’ août 2012 ( le bulletin de salaire du mois de mai 2012 ne permet pas à lui seul de fixer la requalification à compter de cette date). Problème de prescription des salaires Les règles applicables en matière de prescription notamment au regard des dispositions transitoires permettent d’accueillir la demande de M. X en paiement des salaires sur la base d’un contrat à temps plein à compter du mois d’ août 2012. La société sera condamnée à lui verser un rappel de salaire sur la base d’une rémunération à temps plein soit 41 872,21 euros qui porteront intérêts à compter du 3 mai 2016. Le salaire mensuel sera fixé à hauteur de 1 667,69 euros. L’ exécution déloyale du contrat de travail M. X demande paiement d’une somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pur exécution déloyale du contrat de travail motif pris que l’employeur a commis des manquements exclusifs de la bonne foi contractuelle. La société oppose l’absence de faute, les contrats de travail étant conformes aux dispositions légales et conventionnelles. La société a commis un manquement fautif relativement au suivi médical dont il connaissait les exigences. Mais il n’est pas établi que le bien fondé des autres demandes accueillies résulte de la faute de l’ employeur. M. X a aussi été indemnisé au titre de ces demandes sans établir qu’il aurait subi un préjudice distinct de la régularisation des salaires. M. X sera débouté de ce chef. La société devra délivrer à M. X les bulletins de paye corrigés sur la période d’août 2012 à octobre 2020 dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt sans que le prononcé d’une astreinte ne soit fondé au regard des circonstances de la cause. Vu l’équité, la société sera condamnée à payer à M. X la somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel. Succombant, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d’appel. PAR CES MOTIFS la cour, Infirme le jugement en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes de : * paiement de dommages et intérêts pour violation de la vie privée * paiement de dommages et intérêts pour non suivi médical * paiement de dommages et intérêts pour occupation professionnelle du domicile * requalification de son contrat de travail à temps partiel modulé en code du travail à temps plein et en paiement de rappel de salaire, et statuant à nouveau de ces chefs : Condamne la société Adrexo à payer à M. X les sommes suivantes : * 100 euros au titre de la violation de la vie privée * 200 euros au titre de l’occupation professionnelle du domicile privé * 200 euros au titre du défaut de suivi médical avec intérêts capitalisables à compter de la notification de l’arrêt ; Ordonne la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps plein à compter du mois d’ août 2012 ; Condamne la société Adrexo à payer à M. X la somme de 41 872,21 euros avec intérêts au taux légal capitalisables à compter du 3 mai 2016 ; Fixe le salaire mensuel moyen à la somme de 1 667,69 euros ; Ordonne à la société Adrexo de délivrer à M. X les bulletins de paye rectifiés sur la période d’août 2012 à octobre 2020 ; Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande relative à l’exécution de bonne foi du contrat de travail ; Condamne la société Adrexo à payer à M. X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Adrexo aux dépens des procédures de première instance et d’appel. Signé par Madame B C-D, présidente et par A.-Marie Lacour-A, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. A.-Marie Lacour-A B C-D |
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