L’engagement unilatéral de non-sollicitation
Dans le cadre d’un contrat de sous-traitance et en matière de présentation de candidats informaticiens (et pour tout autre emploi), nul besoin de signer un contrat de non-sollicitation, une simple attestation unilatérale suffit dès lors qu’elle est bien rédigée et qu’elle ne créée par de déséquilibre significatif entre les Parties. Dans l’affaire soumise, loin d’être une simple déclaration d’intention ou préparatoire dépourvue de tout effet obligatoire, le document signé était pleinement opposable.
Modèle de clause de non sollicitation
A toutes fins utiles, la clause suivante a été validée : « Je soussigné, ……, en ma qualité de Représentant légal de la société X m’engage en toute circonstances à ne jamais recruter ou à faire travailler directement ou par personne morale ou physique interposée, les personnes présentées par la société Y, même si la sollicitation initiale est formulée par le candidat. Cette renonciation est valable pendant la durée des prestations et les douze mois suivant la fin de la prestation des collaborateurs concernés. Dans le cas où la société X ne respecterait pas cet engagement, sans accord écrit de la part de la société Y, elle s’oblige à dédommager cette dernière en lui versant une indemnité égale à 12 mois de rémunération brute du collaborateur recruté en violation du présent engagement de non sollicitation ».
Cette attestation souscrite en termes non équivoques met en place une obligation de ne pas faire, à savoir « ne jamais recruter ou à faire travailler directement ou par personne morale ou physique interposée, les personnes présentées par la société Y » ; cette obligation est assortie d’une pénalité au cas où elle ne serait pas respectée.
Cause existante
Il s’agit là d’un engagement contractuel unilatéral valide y compris sur le volet de la cause. Selon l’article 1131 [ancien] du code civil « L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.». La convention n’est pas moins valable, quoique la cause n’en soit pas exprimée. L’existence de la cause d’une obligation s’apprécie à la date à laquelle elle a été souscrite. L’engagement contractuel unilatéral trouve sa cause dans l’intérêt de la société à la poursuite de ses relations commerciales. L’engagement n’est donc pas dépourvu de cause.
Attention à l’engagement disproportionné
La clause de non sollicitation de personnel peut caractériser une clause abusive entre professionnels, au sens de l’article L.442-6 du code de commerce, si elle créée un déséquilibre significatif. En effet, l’article L.442-6 du code de commerce dispose « qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers … d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat ... ».
En l’espèce, la renonciation de la société à recruter les personnes présentées par le prestataire s’étendait sur une période de douze mois suivant la date de première présentation du candidat et la sanction prévue en cas de non-respect de cet engagement était le versement d’une indemnité égale à 12 mois de rémunération brute du collaborateur concerné ; cet engagement est dépourvu de toute contrepartie. En conséquence, le tribunal a jugé que l’engagement dès lors qu’il concerne aussi les personnes présentées sans que cette présentation ait été suivie d’une prestation, est nul en ce qu’il est disproportionné par rapport à la protection des intérêts du prestataire et crée bien un déséquilibre significatif au sens de l’article L.442-6 I 2° du code de commerce.
La question de la clause pénale
Un collaborateur ayant été recruté à la suite d’une mission, la clause de l’engagement de non sollicitation de personnel, a été appliquée (une indemnité égale à 12 mois de rémunération brute du collaborateur), soit la somme de 27 708 euros.
La clause pénale est soumise au pouvoir de modération du juge en application de l’article 1152 [ancien] du code civil si elle est manifestement excessive ; « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. ».
La pénalité appliquée n’a été jugée ni excessive ni disproportionnée ; elle n’avait pas simplement pour objet l’évaluation et la réparation du préjudice subi par le prestataire mais visait aussi, par son caractère comminatoire, à assurer l’exécution même de l’engagement unilatéral de non sollicitation de personnel.
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