Ciblage publicitaire : Apple impose le consentement préalable

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Selon l’enquête préliminaire de l’Autorité de la concurrence, en imposant le respect du dispositif ATT aux applications sous iOS, Apple n’a pas commis d’abus de position dominante.

Consentement préalable des utilisateurs

L’Interactive Advertising Bureau, le Mobile Marketing Association, l’Union des entreprises de conseil et achat media et le  Syndicat des Régies Internet (« SRI ») ont saisi l’Autorité d’une demande de mesures conservatoires en faisant valoir que d’une part, que la sollicitation ATT est redondante et superflue, car l’obligation de recueil du consentement pèse déjà sur les développeurs d’application en vertu des dispositions du RGPD (UE) 2016/679 et de la directive e-Privacy et d’autre part, qu’elle est constitutive d’un abus de position dominante.

La sollicitation ATT

Lors de la conférence du 22 juin 2020 destinée aux développeurs d’applications, Apple a annoncé que, dans le cadre de sa politique de renforcement de la protection de la vie privée de ses clients, elle allait mettre en place, en septembre 20201, un dispositif dénommé ATT pour App Tracking Transparency. Ce dispositif consiste, lorsque le détenteur d’un iPhone consulte une application téléchargée via l’App Store, à faire apparaître une fenêtre (« pop-up ») qui demande alors son consentement explicite  pour autoriser le partage de ses données personnelles à des tiers à des fins publicitaires. En cas de consentement, les tiers peuvent accéder à l’Identifier for Advertisers (« IDFA »), qui identifie chaque appareil Apple et permet le suivi publicitaire du détenteur notamment sur les sites tiers

Le suivi d’activité, reposant notamment sur l’IDFA, identifiant propre à Apple, permet de réaliser de la publicité ciblée, laquelle constitue la source de financement d’un grand nombre d’applications ou sites.

La sollicitation ATT s’inscrit dans la stratégie mise en œuvre par Apple en matière de protection de la vie privée et n’apparaît pas comme dépourvue de nécessité, d’objectivité et de proportionnalité. L’Autorité a noté qu’une telle initiative s’inscrivait dans le cadre de la marge d’appréciation dont dispose toute entreprise pour déterminer sa stratégie technique ou commerciale, vis-à-vis de ses partenaires commerciaux, ou fixer des règles d’usage, y compris si cette entreprise dispose d’une position dominante ou peut être regardée comme une plateforme structurante.

Aménagements possibles

Au cas d’espèce, la mise en place d’un cadre formalisé obligatoire, selon le format et le libellé définis par Apple, peut contribuer à la bonne information des utilisateurs. L’Autorité a noté à cet égard que l’obligation de recueillir la sollicitation ATT n’a pas été mise en place immédiatement par Apple (sa date d’effet ayant été reportée à mars-avril 2021) et qu’elle ménage certaines possibilités d’adaptation pour les développeurs d’applications. Ceux-ci ont notamment la main sur la phrase définissant, dans la fenêtre ATT, l’objet du suivi de données personnelles réalisées sur les sites tiers ; ils ont la possibilité de différer le déclenchement de la sollicitation ATT, en s’abstenant pendant cette période d’utiliser l’IDFA, pour réaliser un suivi d’activité sur sites tiers ; ils ont, enfin, la possibilité d’adresser deux fenêtres à l’utilisateur, avant et après l’apparition de la sollicitation ATT, afin d’expliquer la nécessité pour eux de pouvoir réaliser ce suivi d’activité (par exemple pour pouvoir financer l’application ou le service offert), et de convaincre l’utilisateur de revenir sur un refus de suivi par exemple.

Pratique anti-concurrentielle écartée

Une entreprise, même si elle est en situation de position dominante ou peut être regardée comme une plateforme structurante, dispose d’une liberté de principe pour fixer des règles d’accès à ses services, sous réserve de ne pas méconnaître les lois et règlements applicables et que ces règles ne soient pas anticoncurrentielles ;

La réglementation applicable (RGPD et ePrivacy) ne s’oppose pas à la mise en place d’une telle obligation, alors que la formulation retenue n’apparaît pas comme induisant un biais défavorable aux procédés de suivi sur sites tiers, comme imposant une obligation dépourvue de nécessité ou de proportionnalité, et qu’une telle mesure peut faciliter, pour l’utilisateur, la maîtrise de l’utilisation qui est faite de ses données personnelles.

Question du self preferencing en suspend

S’agissant plus particulièrement du traitement différencié entre le recueil du consentement de l’utilisateur pour les services publicitaires d’Apple et celui des services publicitaires tiers relevé par les saisissantes, l’Autorité a estimé, qu’il ne résultait pas, à ce stade, qu’Apple appliquerait, en imposant la sollicitation ATT aux acteurs souhaitant accéder à l’IDFA, un traitement plus rigoureux que celui qu’elle s’appliquerait à elle-même pour des traitements similaires.

L’existence d’un traitement différencié (« self preferencing”) devra toutefois être examinée plus avant dans le cadre du dossier au fond.

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